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Les critères d’inclusion des sujets dans les études cliniques sur la MA

Partie 2 : les immunothérapies en développement clinique dans la MA

B. Les limites liées à la conception des essais précliniques et cliniques

2. Les critères d’inclusion des sujets dans les études cliniques sur la MA

Dans un monde idéal, la détection des biomarqueurs de la maladie devrait permettre de diagnostiquer avec certitude la MA afin de n’inclure que des sujets réellement touchés par la maladie. Le diagnotic formel de la MA ne peut pour l’instant être obtenu que par autopsie du cerveau post-mortem, en observant les lésions cérébrales de la maladie (plaques amyloïdes et dégénérescences neurofibrillaires) dans des régions particulières du cerveau. Le recours à une biopsie cérébrale sur personne vivante pour diagnostiquer la MA serait contraire à l’éthique médicale : l’examen n’est pas sans risque et il s’avère peu utile car la biopsie peut passer à côté des lésions cérébrales.

Cependant, les moyens mis à disposition actuellement permettent d’établir un diagnostic non équivoque du vivant du patient. L’inclusion des sujets repose principalement sur des tests neuropsychologiques comme les scores MMSE ou CDR, sur les critères diagnostiques du

NINCDS/ADRDA, du DSM-IV ou du NIA-AA, et sur un diagnostic différentiel avec une démence vasculaire (Rosen Modified Hachinski Ischemic score ≤ 4). De plus en plus d’études demandent aux patients de présenter une IRM cérébrale évocatrice d’un diagnostic de MA (par exemple, un volume hippocampique atrophié).

En revanche, jusqu’à récemment, la plupart des sujets étaient inclus sans preuve connexe de la présence de dépôts Aβ dans le cerveau au moment de l’inclusion. Ainsi, les investigateurs n’avaient pas la certitude absolue que tous les participants souffraient véritablement d’une MA. Les études des images amyloïdes des patients recrutés dans les essais cliniques ont montré que 50% des patients avec des troubles cognitifs légers et 25% des patients avec une démence légère se sont révélés Aβ-négatifs, c’est-à-dire qu’aucun fardeau amyloïde n’a été détecté et les biomarqueurs de la MA n’ont pas été retrouvés. Peu d’effet des immunothérapies (voire aucun) ont été observés chez ces sujets non atteints de MA [398]. Ainsi, si ces sujets sont inclus dans les essais, il devient plus difficile d’établir une différence entre la molécule étudiée et le placebo. Une inclusion trop laxiste des sujets pourrait être une piste pour expliquer les échecs des immunothérapies en clinique.

b. Pistes pour améliorer les critères d’inclusion des sujets

Le diagnostic clinique de la MA est donc insuffisant pour inclure les sujets dans les essais. Il serait nécessaire que les patients fournissent systématiquement un PET-scan ou une analyse des concentrations en protéines amyloïdes et tau ou phospho-tau dans le LCS pour être inclus dans une étude de ce type [399], particulièrement pour les études longitudinales de cohortes et les essais randomisés contrôlés, comme le suggère le groupe de travail NIA-AA [52]. La plupart des essais cliniques récents testant des immunothérapies dans la MA ont inséré ces critères d’inclusion dans leur protocole. C’est par exemple le cas d’ENGAGE et EMERGE, les deux phases III testant l’aducanumab au stade précoce de la MA, ou encore de BLAZE, la phase II qui teste le crenezumab.

Cependant, bien que le NIA-AA encourage l’inclusion de ces biomarqueurs, il précise qu’il ne s’agit pas d’une recommandation officielle car l’accès aux biomarqueurs (selon la zone géographique) ainsi que la standardisation dans leur utilisation restent encore limités. Il est donc nécessaire de développer des méthodes de diagnostic plus accessibles, plus standardisées et plus fiables afin de pouvoir identifier correctement les sujets atteints de la MA.

Plus récemment, des nouveaux biomarqueurs ont été utilisés dans les essais cliniques, comme la neurogranine et les NF-L, dont la concentration augmente dans le LCS des patients atteints de MA. Ces biomarqueurs sont respectivement les témoins de pertes synaptiques et d’une atteinte axonale [400] - [401]. C’est notamment le cas dans l’essai de phase II du BAN2401 et l’essai de phase III du gantenerumab.

D’autres biomarqueurs sont actuellement en cours d’étude pour être validés avant utilisation :

- la PKR et la JNK3 (deux kinases pro-apoptotiques qui s’accumulent dans les neurones en dégénérescence au cours de la MA) [402] - [403].

- la synaptotagmine, une protéine synaptique dont les concentrations augmentent dans le LCS des patients atteints de MA. Dans le futur, l’utilisation des dosages dans le LCS de protéines synaptiques permettra de prédire de façon plus précoce les patients susceptibles d’avoir un déclin cognitif rapide et de moduler l’incorporation et le suivi de patients qui ont seulement des troubles cognitifs légers dans des essais cliniques et non une MA [404].

- YKL-40, qui est un marqueur de neuroinflammation et VILIP-1, qui est un reflet de la mort neuronale. Ces deux biomarqueurs ont des concentrations augmentées chez les patients atteints de MA et TCL par rapport aux sujets témoins [405].

Malgré le fait que ces biomarqueurs soient positifs chez des sujets cognitivement normaux 10 à 20 ans avant les premiers signes cliniques, la difficulté de réaliser des ponctions lombaires dans de larges populations et l’absence de traitements actuels pour freiner l’évolution des lésions incitent davantage à envisager des recherches sur les biomarqueurs sanguins. A l’heure actuelle, aucun marqueur sanguin n’est validé mais des études sont en cours. Une augmentation plasmatique en BACE-1 ou en protéines amyloïdes pourrait par exemple être des biomarqueurs potentiels, mais il est nécessaire de les valider [406]. Une combinaison de biomarqueurs pourrait être utilisée pour améliorer la fiabilité des tests. Ainsi, une étude sur un test combinant le dosage du ratio Aβ42/Aβ40 dans le sang, associé à la

détection de facteurs de risque comme l’âge et le gène APOE4, a été publiée en août 2019 [407]. Ce test a été capable de détecter la MA avec une fiabilité de 94%, et ce, 20 ans avant l’apparition des premiers symptômes.

Enfin, des études seraient également en cours sur un dépistage de la MA grâce à un examen de la rétine. En effet, une petite zone sans vaisseaux sanguins est présente au centre de la rétine de tous les êtres humains (c’est l’endroit qui est responsable de la vue la plus

précise), mais chez les patients atteints de MA préclinique, cette zone est plus large. Des précédentes études avaient déjà montré, en examinant les yeux de personnes décédées atteintes de la MA, des signes d'amincissement de la rétine et de dégradation du nerf optique, corrélés à l'accumulation de plaques amyloïdes dans le cerveau. Ces dernières pourraient être la cause de la baisse de vascularisation au centre de la rétine. La détection de cette zone serait réalisée via l’angio-OCT (ou OCTA, pour Optical coherence tomogarphic

angiography) [408].