• Aucun résultat trouvé

Immunothérapie passive anti-tau en développement clinique dans la MA

Partie 2 : les immunothérapies en développement clinique dans la MA

A. Immunothérapie anti-tau

2) Immunothérapie passive anti-tau en développement clinique dans la MA

Tableau 11 : Structure des immunothérapies passives anti-tau en développement clinique dans la MA Acm anti-tau Compagnie Phase Sous-type d’IgG Région ciblée sur la protéine tau Conformations reconnues Toxicité en Efficacité/

clinique Références Anticorps ciblant le fragment N-terminal (inhibition de la propagation de cellule-à-cellule et réduction secondaire de l’hyperactivité neuronale et de la pathologie AB)

ABBV-8E12

(C2N-8E12) ABBVie / C2N Diagnostics

Phase I

(2015 – 2016) (PSP) Phase II

(2016 – 2021) (MA)

IgG4 N-terminal (aa NP) eTau NP West et coll., 2017 [281]

Gosuranemab (BIIB092, BMS-986168, IPN007) Biogen (Bristol- Meyers Squibb ; iPerian) Phase I (2014 – 2016) (Tauopathies et PSP) Phase II (2017 – 2021) (MA)

IgG4 N-terminal (aa 8-19) eTau

NP Qureshi et coll., 2018 [282] RG6100 (RO7105705) AC Immune SA – Genentech / F. Hoffman La Roche AG Phase I (dates NP) Phase II (2017 - 2020) IgG4 N-terminal (aa NP) eTau NP Doody et coll., 2017 [283] Anticorps ciblant le domaine de liaison aux microtubules (+ région N-terminale)

LY3303560 Eli Lilly Phase I (2016 – 2019) Phase II (2018 - 2021) NP

Domaine de liaison aux microtubules

(Tau 313-322)

+ N-terminal (Tau 7-9)

Agrégats tau solubles NP Alam et coll., 2017 [284]

Anticorps ciblant le domaine central (inhibition de l’internalisation des tauons par les neurones et interruption de leur activité d’implantation)

JNJ-63733657 Janssen Phase I (2017 – 2019) NP Probablement région centrale Tauons NP Sigurdsson et coll., 2018 [285] UCB0107 UCB Biopharma Phase I (2018 – 2019) NP Tau 235-246 Tauons NP Novak et coll., 2018 [260] Anticorps ciblant les phospho-épitopes de la région C-terminale

RG7345 /

RO6926496 F. Hoffman La Roche AG

Phase I (2014 - 2016) Développement arrêté en 2015

NP P-Ser422 Protéines tau hyperphosphrylées Résultats NP mais probable manque d’efficacité

Panza et coll., 2016 [286] Anticorps spécifique des modifications conformationnelles

BIIB076 Biogen Phase I (2017 – 2019) IgG1 Pan-tau Monomères et fibrilles préformés NP Czerkowicz et coll., 2017 [287] Acm dont le développement a été arrêté dans la MA

NM : paramètres non mesurés ; NP : résultats non publiés ;

a) Anticorps monoclonaux ciblant la forme sécrétée extracellulaire eTau (fragment N-terminal)

La première vague d’anticorps anti-tau développés dans l’immunisation passive sont des Ig4, qui n’activent que très faiblement les récepteurs FcγR de la microglie. Les chercheurs ont favorisé ce sous-type d’IgG car l’activation de la microglie pourrait aggraver l’inflammation dans le cerveau. Le risque de survenue d’ARIAs est également réduit avec ce sous-type d’immunoglobuline, puisqu’il stimule peu le récepteur FcγR et donc la dégradation de la matrice extracellulaire possiblement à l’origine de la survenue des ARIAs (voir partie 2, section II.E.2.b.1).

Ils ciblent la forme sécrétée extracellulaire eTau agrégée, composée majoritairement de séries de fragments N-terminaux de protéine tau. Ces fragments eTau sont sécrétés par les neurones et retrouvés au niveau extracellulaire dans le fluide interstitiel et le LCS.

Le choix s’est porté sur cette cible dans un premier temps car les anticorps ont une plus grande affinité pour la région N-terminale et s’y lient donc plus puissamment. Cette région a une très forte capacité à stabiliser les microtubules [288]. Les changements conformationnels survenant sur ce domaine, affectant la fonction de la protéine, surviennent très tôt dans la pathogénèse de la MA [289]. Ces changements entraînent des troubles de la fonction mitochondriale, de la plasticité synaptique et donc des dommages neuronaux [290] - [291].

La forme sécrétée de tau serait également impliquée dans la propagation de la tauopathie et causerait une hyperactivité neuronale, qui pourrait en retour augmenter la production d’AB par un mécanisme de feed-back, entretenant un cercle vicieux. Ainsi, cibler l’eTau avec des anticorps permettrait d’inhiber ces deux phénomènes [292].

Comme ces anticorps interagissent avec la forme extracellulaire de tau, leur action est indépendante de leur entrée dans la cellule, ce qui constitue un avantage majeur.

Cependant, cette cible pourrait avoir des limites : le segment N-terminal serait tronqué dans les agrégats de protéines tau, notamment sur les protéines tau pathogéniques qui vont s’implanter dans les régions cérébrales voisines (les tauons). Ainsi, les anticorps ciblant ce fragment n’inhiberaient pas totalement la propagation des protéines tau. Toutefois, Mercken et son équipe suggèrent qu’une proportion d’agrégats tau retient ce fragment, expliquant l’activité partielle des anticorps N-terminaux observée en non-clinique [293]. Buée et coll., ont également suggéré que certaines troncatures du segment N-terminal tau observées dans le cerveau des souris et des humains en post-mortem pouvaient survenir après le décès [293]. Si

c’est le cas, les anticorps N-terminaux pourraient finalement se révéler plus efficaces que dans les essais non-cliniques. Des données cliniques sont donc nécessaires pour déterminer l’intérêt de cette cible.

Trois anticorps monoclonaux humanisés ciblant la forme sécrétée extracellulaire de la protéine tau sont actuellement en cours de phase II : ABBV-8E12, BIIB092 et RG6100. Les deux premiers sont étudiés chez des sujets atteints d’un stade symptomatique précoce de la MA. Le dernier est à l’étude sur des patients atteints du stade prodromal à léger de la MA. Aucune donnée clinique n’a été publiée sur ces anticorps monoclonaux dans la MA.

b) Anticorps monoclonaux ciblant la région centrale de la protéine tau

Alors que les effets bénéfiques des anticorps ciblant le fragment N-terminal de la protéine tau sur la réduction de l’internalisation de tau et l’inhibition de l’activité de propagation sont encore en discussion, le développement des anticorps thérapeutiques anti-tau s’est en parallèle focalisé sur la région centrale de la protéine tau. Dans la zone centrale, plusieurs sites de phosphorylation ont été identifiés comme des marqueurs de la tauopathie intracellulaire et extracellulaire dans la MA et sont potentiellement impliqués dans l’apoptose neuronale [294].

Des études cellulaires et animales ont montré que les anticorps dirigés contre la région centrale inhiberaient plus puissamment l’implantation et la propagation des protéines tau anormales, en comparaison avec les anticorps ciblant le fragment N-terminal. Les anticorps ciblant la région centrale réduiraient l’internalisation des protéines tau anormales par les neurones, empêchant la contamination des neurones sains [295] - [297].

Deux anticorps monoclonaux ciblent le fragment central de la protéine tau (UCB0107 et JNJ-63733657) et sont actuellement en phase I sur des sujets sains et des sujets atteints de MA. Aucun résultat clinique n’est actuellement disponible.

c) Anticorps monoclonaux ciblant le domaine de liaison aux microtubules Comme le vaccin actif AADvac1, l’anticorps LY3303560 cible également le domaine de liaison aux microtubules (ici, le troisième segment répété). Le mécanisme d’action de LY3303560 et des anticorps induits par AADvac1 pourrait donc avoir des points communs : ils troubleraient tous deux l’agrégation de la protéine tau et la capture des tauons qui contiennent inévitablement ce domaine [284]. Il est à noter que cet anticorps cible également

une séquence au niveau du fragment N-terminal, ce qui signifie que cet anticorps manquera les espèces de tau tronquées au niveau N-terminal [298].

Après deux phases I sur des patients atteints de troubles cognitifs légers ou des stades léger à modéré de la MA, cet anticorps est actuellement en cours d’étude de phase II sur des patients atteints du stade symptomatique le plus précoce de la MA. Aucun résultat clinique n’a encore été publié.

d) Anticorps monoclonaux ciblant des phospho-épitopes de la région C- terminale

Comme l’ACI-35, l’anticorps RG7345 cible un phospho-épitope (pSer422) au niveau de la région C-terminal. Une étude de phase I sur patient sain a été menée jusqu’à son terme mais Roche l’a depuis retiré de son pipeline. Il a été suggéré que la forme toxique tau-pS422 pourrait demeurer intracellulaire, expliquant peut-être l’échec de l’anticorps RG7345. Il est nécessaire d’identifier les formes toxiques extracellulaires de la protéine tau pour sélectionner une cible optimale [293].

e) Anticorps monoclonaux ciblant des changements conformationnels

Les changements conformationnels et la formation d’oligomères de la protéine tau sont des événements qui surviennent tôt dans la pathogénèse des lésions tau de la MA. Des anticorps ciblant ces espèces uniques de tau font donc également l’objet de recherche. C’est par exemple le cas du BIIB076, une IgG1 qui reconnaît les monomères et les fibrilles préformés de tau sans être spécifique de la MA. Cet anticorps est actuellement en phase I d’étude clinique sur des sujets sains et des sujets atteints de troubles cognitifs légers liés à la MA ou d’un stade léger de MA.

c. Conclusion sur les immunothérapies anti-tau

Peu de données cliniques sont disponibles sur les immunothérapies anti-tau, et comme pour les immunothérapies anti-Aβ, des questions restent en suspens :

- Les anticorps anti-tau sont-ils capables d’agir directement à l’intérieur des neurones ? - Cibler et éliminer les tauons pour arrêter la propagation de neurones-à-neurones

permet-il d’arrêter la progression clinique de la MA ?

- L’arrêt de la propagation de la tauopathie détectée à l’aide des méthodes actuelles (PET-tau, IRM et dosage de la protéine tau dans le LCS) peut-elle être un biomarqueur in vivo d’efficacité ?

- Les instruments d’évaluation clinique sont-ils suffisamment sensibles pour détecter ces changements ? [285]