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Les attentes et les espoirs suscités par les essais préventifs

Partie 2 : les immunothérapies en développement clinique dans la MA

C. Les limites liées à la pathologie : administration trop tardive des immunothérapies et essais

4. Les attentes et les espoirs suscités par les essais préventifs

Si un traitement précoce est efficace pour prévenir la MA ou réduire son incidence et/ou sa survenue, alors les vaccins sont la classe de thérapie idéale pour être utilisée de manière prophylactique.

L’utilisation prophylactique d’un vaccin contre la MA administré à des sujets âgés de plus de 50 ans faciliterait également l’induction d’une grande réponse en anticorps, puisque le système immunitaire serait plus fonctionnel chez ces sujets, plus jeunes que ceux atteints de la MA.

En plus d’évaluer le potentiel des traitements qui agissent sur l’évolution de la MA chez des personnes qui n’ont pas encore développé les symptômes, ces études cliniques vont permettre de mieux comprendre la pathogénèse de la maladie, notamment grâce à des tests plus poussés sur l’hypothèse amyloïde. Ces études vont également permettre de définir des meilleures pratiques des essais cliniques pour la MA car ils ont été conçus pour :

- Développer de nouveaux critères d’évaluation cognitifs,

- Evaluer la corrélation entre les biomarqueurs des effets et le bénéfice clinique, c’est- à-dire le caractère prédictif de ces marqueurs (= associés aux effets du traitement) et leur caractère « prognostique » (= s’ils sont capables de prédire la progression de la MA),

- Permettre d’établir la voie d’approbation réglementaire nécessaire pour les traitements de la MA préclinique,

- Etablir des recommandations pour une surveillance sécurisée du développement des ARIAs chez les patients traités par une thérapie anti-amyloïde,

- Déterminer le moment des interventions pour obtenir le bénéfice maximal de la prévention,

- Fournir les registres des essais de prévention comme ressources partagées,

- Etablir des données et des échantillons pour avancer dans le domaine de la recherche [426].

Conclusion

Les immunothérapies offrent de nombreux avantages en comparaison aux thérapies plus classiques. Elles sont bien tolérées par les patients et peuvent donc être utilisées sur le long terme, ce qui constitue un avantage non négligeable dans une pathologie chronique comme la MA.

Les immunothérapies actives sont capables de fournir une réponse immune naturelle et durable, nécessitant par conséquent peu d’injections, ce qui la rend moins coûteuse que d’autres traitements et facilite l’observance. Cependant, l’immunosénescence est un obstacle potentiel puisque la MA touche principalement les sujets âgés. De plus, il existe une variabilité inter-patients de la réponse immune et les vaccins thérapeutiques peuvent parfois déclencher des réactions auto-immunes.

L’immunothérapie passive, et notamment les anticorps monoclonaux, permettent de contourner ces inconvénients. L’administration directe des anticorps permet un contrôle plus direct sur l’étendue de la réponse immune déclenchée : en effet, de par leurs propriétés pharmacologiques, ils ont un profil pharmacocinétique et une demi-vie prévisibles. De plus, ils sont généralement dosés mensuellement, ce qui permet aux médecins d’adapter le régime d’administration à chaque individu. Les anticorps monoclonaux permettent également de cibler avec plus de précision les conformations ou les espèces choisies. Ils peuvent être dirigés contre un seul épitope ou plusieurs, ce qui permet de cibler plusieurs espèces pathologiques de la MA.

A l’heure actuelle, il est encore trop tôt pour savoir si les efforts investis dans le développement des immunothérapies dans la MA paieront et pour déterminer si cette stratégie constitue une alternative viable pour cette pathologie évolutive. Les immunothérapies qui ciblent le peptide Aβ sont les molécules les plus avancées dans le développement clinique pour le traitement de la MA. La plupart des candidats testés ont échoué en phase II ou III devant un manque d’efficacité évident. Ces échecs pourraient notamment être liés à un manque de spécificité pour l’espèce la plus toxique du peptide Aβ (l’oligomère). Parmi les anticorps monoclonaux anti-Aβ qui ont montré des résultats encourageants, le gantenerumab et le BAN2401 (qui ciblent respectivement les fibrilles et les protofibrilles Aβ) sont les seuls encore en développement dans le traitement de la MA (stade prodromal à léger). En effet, le BAN2401 a montré des premiers résultats encourageants en phase IIb (réduction des biomarqueurs de la MA associée à une amélioration cognitive significative d’après l’échelle ADAS-Cog). Cependant, bien que le gantenerumab ait montré une réduction significative des

biomarqueurs de la MA, aucun bénéfice clinique significatif n’a encore été observé en phase II/III. Trois autres anticorps monoclonaux sont encore en développement dans la MA légère à modérée mais les résultats ne sont pas encore disponibles (SAR228810 et MEDI1814, en phase I ; et LY3002813, en phase II). Concernant l’immunothérapie active anti-Aβ, seuls quatre vaccins thérapeutiques sont encore en développement dans le traitement de la MA (stade léger à modéré) : l’ACI-24 et le Lu AF20513, en phase I ; et l’UB-411 et l’ABvac40 en phase II. Les résultats ne sont pas encore publiés.

Devant la déception suscitée par les immunothérapies anti-Aβ, les chercheurs ont commencé à explorer d’autres cibles. L’immunothérapie anti-tau est étudiée depuis une dizaine d’années mais aucune molécule n’a encore atteint la phase III. L’utilisation de plusieurs thérapies en combinaison pour viser simultanément plusieurs cibles de la MA est une stratégie qui commence également à être évoquée. Ainsi, une thérapie anti-amyloïde pourrait prochainement être combinée à une thérapie anti-tau.

D’autres cibles commencent à émerger en parallèle de ces deux marqueurs principaux de la MA. C’est notamment le cas de la neuroinflammation chronique, qui semble jouer un rôle central dans la physiopathologie de la pathologie, mais aucune donnée clinique n’est encore disponible. Les points de contrôle immunitaire et la réduction du débit sanguin cérébral font également partie des nouvelles cibles étudiées. Elles sont actuellement au stade pré-clinique.

Malgré l’échec des immunothérapies en clinique, les molécules permettant une élimination immune des protéines pathologiques restent celles qui reçoivent le plus d’attention de la part de la communauté scientifique et des compagnies pharmaceutiques. En effet, les nombreux essais cliniques conduits dans la MA ont malgré tout permis d’acquérir des connaissances sur le mécanisme de la maladie (et notamment les anomalies immunes qui surviennent dans la pathologie), et les molécules développées peuvent encore être améliorées. Il est par exemple nécessaire de continuer à améliorer la prévention de certains effets indésirables typiques des immunothérapies comme les ARIAs afin de pouvoir utiliser des doses optimales sans risque. Une amélioration de la pénétration de la BHE et de la spécificité des immunothérapies pour les cibles les plus pertinentes sont également nécessaires.

Certaines limites ne proviennent pas des molécules en développement directement, mais des protocoles et de la conception des études cliniques destinées à évaluer leurs effets. Les modèles précliniques permettant de valider le potentiel de la molécule avant la première administration à l’Homme doivent être améliorés pour permettre une meilleure prédiction de l’efficacité de la molécule. Une amélioration du diagnostic de la la MA est également

préconisé afin de n’inclure dans l’étude que des sujets réellement atteints de la pathologie, ce qui évitera de fausser les résultats des essais cliniques. De plus, il est nécessaire de trouver davantage de biomarqueurs pertinents afin d’évaluer avec précision et justesse les effets des candidats médicaments sur l’ensemble des composantes de cette pathologie neurodégénérative complexe. Enfin, le moment d’administration de l’immunothérapie pourrait avoir fortement contribué à l’échec des immunothérapies : une administration trop tardive dans l’avancée de la maladie pourrait ne plus être efficace. Des essais cliniques de prévention testant les immunothérapies au stade prodromal de la MA ou avant même le développement de la maladie (chez les personnes à risque de développer la MA) sont actuellement en cours et permettront de renforcer nos connaissances sur la pathologie.

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