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Immunothérapies en développement clinique contre la neuroinflammation dans la MA

Partie 2 : les immunothérapies en développement clinique dans la MA

C. Immunothérapies ciblant la neuroinflammation

2. Immunothérapies en développement clinique contre la neuroinflammation dans la MA

Plusieurs études cliniques ont été conduites sur des immunothérapies ciblant la neuroinflammation pour traiter la MA, comme des AINS ou des inhibiteurs de protéines du complément.

a. Inhibiteurs du TNF-α : l’etanercept et l’infliximab

Le premier acteur de la neuroinflammation à avoir été ciblé par une immunothérapie en clinique est le facteur de nécrose tumorale, le TNF-α, qui est une cytokine dominante dans le processus inflammatoire. Cette cible semble pertinente pour la MA car les TNF-α libérés lors de l’inflammation chronique peuvent communiquer depuis la périphérie du cerveau pour induire une réponse immune centrale, et notamment l’activation de la microglie. Chez les patients atteints de MA, des concentrations élevées de TNF-α dans le sérum ont été associées à un déclin plus rapide et plus sérieux des symptômes psychiatriques : ce facteur stimulerait la production de protéines amyloïdes et provoquerait un dysfonctionnemment des synapses [347] - [348].

Un premier cas clinique a été rapporté au début des années 2010 avec l’infliximab, un anticorps monoclonal (IgG1) qui se lie aux formes solubles et membranaires du TNF-α, inhibant ainsi son activité. Cette immunothérapie est déjà commercialisée dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde, de la maladie de Crohn, dans la rectocolite hémorragique, la spondylarthrite ankylosante, le rhumatisme psoriasique et le psoriasis. L’infliximab a été administré par voie intrathécale à un sujet de 57 ans qui présentait des troubles de la mémoire immédiate et une grande perte d’autonomie. Son score était de 4 sur l’échelle du MMSE et de 1 sur l’échelle de MoCA (Montreal Cognitive Assessment), signes de troubles cognitifs très sévères. Elle présentait une atrophie hippocampique à l’IRM et avait un diagnostic probable de MA d’après les critères du NINCDS-ADRDA. Une demi-heure après l’injection de

l’infliximab, son score était de 4 sur l’échelle de MoCA et deux heures plus tard, il était de 9. La patiente est parvenue à nommer les 3 animaux présentés alors qu’elle n’en reconnaissait qu’un auparavant et elle a réussi à se repérer dans le temps alors qu’elle n’arrivait pas à se souvenir de la date du jour lors de l’évaluation de référence. Le test ELISA a montré que l’administration de l’infliximab a augmenté la concentration du peptide Aβ42 et p-tau dans le

LCS et dans le plasma, signe d’engagement avec ces cibles. L’amélioration de son état a duré 30 jours, et six mois après l’administration de l’infliximab, sa cognition est retournée à son niveau initial avant injection. L’efficacité et la sécurité de l’infliximab doivent faire l’objet de recherche dans des essais cliniques sur de plus grands échantillons et contrôlés par un témoin [349].

Un autre agent anti-inflammatoire a fait l’objet d’une étude clinique : l’etanercept. Il s’agit d’un inhibiteur compétitif de la liaison du TNF-α à son récepteur, empêchant ainsi son action. Cette biothérapie a déjà une AMM, notamment dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde. Il ne s’agit pas d’un anticorps monoclonal, mais d’une protéine de fusion de type immunoadhésine qui associe la fraction P75 du récepteur soluble du TNF-α avec un fragment Fc d’une IgG1.

En 2015, une étude de phase II a été conduite avec cette immunothérapie passive sur 41 patients atteints de MA légère à modérée [350]. L’etanercept a été bien toléré chez ces patients. Les taux d’infections et de réactions au site d’injection étaient en adéquation avec les effets indésirables connus et potentiellement sérieux de l’etanercept. Aucun nouvel effet n’est apparu dans la population atteinte de la MA.

En termes d’efficacité, certains résultats étaient en faveur d’une efficacité de l’etanercept, bien qu’aucune différence statistiquement significative n’ait été observée entre le groupe placebo et celui traité par l’etanercept (ADAS-Cog, MMSE, NPI). Cependant, il faut noter que le déclin du score de l’ADAS-cog dans le groupe placebo était deux fois plus élevé que ce qui avait été anticipé, et les résultats de la randomisation ont indiqué qu’au moment des mesures de référence, les patients du groupe placebo souffraient de symptômes neuropsychiatriques légèrement plus marqués.

D’après les auteurs de l’étude, il serait nécessaire de conduire un essai sur un échantillon de patients plus grand et plus hétérogène.

b. Inhibiteur de la protéine C1q du complément : l’ANX005

L’ANX005, une IgG4 dirigée contre la protéine C1q est actuellement en cours de développement dans le traitement de pathologies neurodégénératives [351].

La protéine C1q est la protéine initiatrice de la cascade classique du complément. La protéine C1q régule notamment l’activité d’élagage synaptique réalisé par la microglie. Sa concentration devient plus élevée en cas de neuroinflammation chronique et elle s’accumule au niveau des synapses. Son accumulation entraîne des troubles synaptiques et empêche la transmission des messages nerveux [352].

Ainsi, un anticorps dirigé contre cette protéine permettrait d’inhiber la cascade du complément pour préserver les synapses, protéger les patients de la neuroinflammation et de la sur-activation de la microglie associée, qui conduit à une exacerbation de la MA. L’administration d’oligomères Aβ à une souris dépourvue du gène de la protéine C1q n’a par exemple révélé aucune perte synaptique, ce qui montre que la protéine C1q est un médiateur requis pour que le peptide Aβ induise une toxicité [353]. De plus, un anticorps anti-C1q a permis d’empêcher la survenue de la synaptotoxicité induite in vivo par le peptide Aβ [354].

La phase I de l’ANX005 sur 27 volontaires sains a été achevée en juin 2018, les résultats n’ont pas encore été publiés.

c. Modulateurs du TREM2 : AL002 et AL003

L’AL002 est un anticorps développé par Alector qui se lie au récepteur TREM2, un récepteur spécifiquement exprimé par la microglie dans le cerveau. L’AL002 active la voie de signalisation du TREM2 et augmente la phosphorylation de son effecteur, l’enzyme Syk (Spleen tyrosine kinase). Cette voie active l’inflammation, connue pour être protectrice lorsqu’elle est non chronique. La recherche suggère qu’activer la voie du TREM2 pourrait empêcher ou réduire la sévérité des troubles neurodégénératifs comme la MA, en favorisant une réponse plus performante de la microglie [355]. L’AL002 stimulerait ainsi la sécrétion de facteurs pro-inflammatoires et réparateurs exprimés par la microglie, tout en doublant l’immunoréactivité du CD11b, un marqueur de la microglie. La stimulation de la microglie permettrait ainsi de favoriser la phagocytose du fardeau amyloïde [356].

Chez les souris APP/PS1et 5XFAD, deux modèles animaux exprimant la pathologie amyloïde, la microglie a exprimé plus de gènes pro-inflammatoires et de gènes de la réparation 72 heures après l’injection. Le nombre de cellules microgliales entourant les plaques amyloïde a doublé, permettant de diviser la charge amyloïde par deux. Au niveau

cognitif, ces souris ont reconnu de nouveaux objets et ont réussi le test du labyrinthe avec les mêmes capacités que les souris saines.

Cet anticorps est entré en phase I en novembre 2018. Il est actuellement étudié sur 51 sujets sains, puis sera administré à 16 patients atteints de MA si la molécule est bien tolérée. L’étude devrait se terminer en décembre 2019.

La même société a développé un autre anticorps, l’AL003, qui empêche l’action du Siglec-3, un récepteur transmembranaire microglial qui interagit avec le TREM2. Le gène codant pour Siglec-3 est le CD33. A l’état normal, ce gène protègerait de la MA alors que des mutations augmenteraient le risque de développer la pathologie. Cet anticorps a l’effet contraire de l’AL002 : il inhibe plutôt qu’il n’active la microglie – et donc l’inflammation [356].

Une phase I a été lancée en mars 2019, sur 52 sujets sains puis sur 10 sujets atteints de MA. Cet essai devrait se terminer en juillet 2020.

D’autres facteurs de la neuroinflammation qui pourraient être ciblés par les immunothérapies sont en cours d’études précliniques, comme par exemple l’IL-2, une interleukine capable de contrôler l’inflammation dans les cellules du cerveau et qui est mise en cause dans les maladies neurodégénératives telles que la MA [357].