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AIF-mediated caspase-independent necroptosis requires ATM and DNA-PK-induced histone H2AX

3. Utilisations et considérations cliniques de ces découvertes

Nos travaux s’inscrivent dans la lignée de ceux ayant contribué à faire changer l’image de la nécrose dans la physiologie et la physiopathologie. Bien qu’initialement décrite avant l’apoptose, la nécrose a depuis plusieurs années été considérée comme accidentelle et donc hors de portée thérapeutique. Pourtant, de nombreuses études ont aujourd’hui prouvé qu’à défaut d’être programmée, la nécrose peut au moins être régulée et comprend des voies de signalisation avec des effecteurs clés. Cette découverte signifie que l’inhibition de la nécrose ou son activation est une réelle option thérapeutique. C’est une très bonne nouvelle considérant le nombre de pathologies dans lesquelles la nécroptose a été récemment démontrée comme impliquée : l’infarctus du myocarde, l’accident vasculaire cérébral, l’athérosclérose, la pancréatite, l’ischémie-reperfusion, la maladie de Crohn, … Et la nécroptose constitue seulement un des sous-types de nécrose régulée (87).

D’autres voies de nécrose régulée existent, notamment celle impliquant la cyclophyline D et la transition de perméabilité mitochondriale. Celle-ci est notamment importante en plus de la nécroptose dans l’ischémie-reperfusion et constitue un axe de recherche majeur à forts enjeux médicaux.

115 L’inhibition par invalidation génique de ces deux voies de signalisation en combinaison a d’ailleurs donné des résultats prometteurs sur des modèles murins d’ischémie-reperfusion (90). Il pourrait être trop tard (à cause des dommages déjà générés) de traiter des patients avec des inhibiteurs de nécrose régulée lorsqu’ils arrivent pour un infarctus ou un AVC. Néanmoins, il est au moins possible d’envisager limiter les dégâts induits sur un organe lors d’une transplantation. En effet, la perfusion des organes du donneur par des inhibiteurs de nécrose régulée pourrait prévenir le rejet de ces derniers par le receveur en aidant à limiter la production de signaux de danger pro-inflammatoires. En accord avec cette hypothèse, la greffe de reins déficients pour RIP3 a permis dans un modèle d’allotransplantation de souris d’augmenter considérablement leur survie (90). L’inhibition par la nécrostatine ou la nécrosulfamide reste à tester en clinique mais la cyclosporine est par exemple déjà largement utilisée dans ce contexte. Ces propriétés immunosuppressives viennent d’ailleurs potentiellement du blocage de la nécrose régulée et donc de l’inflammation dans ce contexte de greffe. Dans ce contexte clinique, il est important de garder à l’esprit que les différentes voies de nécrose régulée peuvent partager des effecteurs communs, notamment en aval de la signalisation, qui sont par conséquent des cibles particulièrement pertinentes. Pour l’instant aucune étude clinique n’a été entreprise avec la nécrostatine ou la nécrosulfamide. Il est vrai que les controverses liées à leur spécificité et mode d’action ont probablement ralenti leur passage en clinique. L’accumulation ces dernières années de preuves de concept en pré-clinique pourrait sans doute faire pencher la balance vers des développements sur l’homme.

D’autres molécules régulant la mort cellulaire sont quant à elles passées au stade clinique, c’est le cas des BH3-mimétiques. On distingue parmi elle les authentiques et les supposées. Les premières interagissent uniquement avec les membres de la famille BCL-2 tandis que les secondes peuvent avoir des cibles additionnelles qualifiées d’off-targets. Quelques uns ont atteint les phases cliniques avec succès (ABT-263/Navitoclax, Obatoclax, dérivés du Gossypol), souvent en combinaison avec d’autres agents thérapeutiques de type inducteurs de dommages à l’ADN, anti-métabolites ou immunothérapies (27). De nouvelles molécules sont actuellement développées selon des stratégies variées d’augmentation de liaison à une cible (type MCL-1) ou de diminution à une autre « off-target ». Le but de ces molécules est de venir perturber l’équilibre entre pro et anti-apoptotiques de la famille BCL-2, dans un contexte de cellule tumorale amorcée pour mourir. L’issue visée est normalement l’induction de l’apoptose. Nos travaux et beaucoup d’autres démontrent que la perturbation des interactions entres les membres de la famille BCL-2 ne va pas nécessairement induire uniquement l’apoptose. Il a justement été démontré qu’un mimétique activateur de NOXA entrainait une augmentation de l’autophagie via son effet sur la séquestration de Beclin-1 par BCL-2. L’obatoclax a aussi démontré un effet sur la voie AMPK/mTOR sans que les causes aient été clairement identifiées (27). D’autres perturbations de dynamique

mitochondriale, d’homéostasie du calcium, de phosphorylation oxydative pourraient survenir dans ce même contexte. De plus, il est fort possible que la nécroptose, ou plus largement la nécrose régulée, soit enclenchée par ces molécules de type BH3-mimétiques. Ces considérations ne sont pas de l’ordre du détail car elles peuvent conditionner l’immunogénicité associée à la thérapie utilisée. La nécrose est une mort bien plus immunogène de par les signaux de danger type ATP, HMGB1 et acides nucléiques auxquels elle est associée (98). Ce n’est pas forcément néfaste à l’élimination de la tumeur comme des études ont pu le montrer. Il est justement plausible que les chimiothérapies conventionnellement utilisées en cancérologie soient associées à des morts nécrotiques plus qu’apoptotiques, surtout sachant le nombre de tumeurs déficientes pour les voies apoptotiques dépendantes des caspases.

Dans ce contexte, AIF pourrait s’avérer un partenaire approprié pour tuer les cellules cancéreuses. De par son rôle comme médiateur du dommage à l’ADN, son activation serait un outil prometteur dans le cadre de radiothérapies ou de chimiothérapies reposant sur l’induction de dommages à l’ADN (inhibiteurs de topo-isomérases par exemple). Le composé Bezielle de l’entreprise Bionovo exploite déjà cette piste pour le cancer du sein avancé. Issu de l’herbe Scutellaria barbata utilisée dans la médecine chinoise, Bezielle tuerait spécifiquement les cellules cancéreuses via une voie de mort cellulaire programmée passant par AIF d’après un communiqué scientifique officiel de l’entreprise. Des études in vitro ont aussi démontré l’induction d’une voie caspase-dépendante en parallèle mais AIF serait un effecteur majeur de la mort médiée par Bezielle. Ce composé a fait l’objet de deux études cliniques de phase I dans le cancer du sein et est actuellement en essai de phase II (99, 100). Une autre piste de ciblage thérapeutique via AIF réside dans la mise au point de peptides interagissant spécifiquement avec AIF. Grâce à la connaissance des sites d’interaction d’AIF avec l’ADN, avec la CypA et H2AX, il serait possible de concevoir des peptides mimant l’action d’AIF afin d’induire, dans le cas des cancers, ou d’inhiber, dans le cas de maladies neurogénératives, la mort cellulaire médiée par AIF. Dans une optique similaire, deux laboratoires ont déjà mis au point des anticorps chimériques AIF reconnaissant les cellules surexprimant le récepteur HER2 (fréquemment retrouvé dans des tumeurs solides) (69, 70). Leurs résultats démontrent la possibilité de tuer, sans combinaison, avec cette immunotoxine. Le développement de cette stratégie thérapeutique en combinaison avec d’autres traitements pourrait s’avérer efficace sur différentes tumeurs. Les inhibiteurs de PARP sont actuellement utilisées de cette façon : l’inhibition de la réparation de l’ADN bénéficie au patient dont les cellules tumorales deviennent plus sujettes à la mort induite par radiothérapie ou chimiothérapie. L’hyperactivation de PARP-1, et non son inhibition, est pourtant aussi une façon de tuer les cellules comme le montre notre modèle d’étude mais aussi celui de la parthanatos dont nous allons développer et commenter à présent les particularités.

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