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La mitochondrie, gardienne d’effecteurs de mort sous contrôle permanent

1.1. Réseau mitochondrial

1.1.1. Biogenèse

En accord avec la théorie de leur origine endosymbiotique, les mitochondries sont délimitées par deux bicouches lipidiques, la membrane interne (mitochondrial inner membrane MIM) et la membrane externe (mitochondrial outer membrane MOM) (Figure 1a). Cette structure détermine trois espaces distincts : l’espace inter membranaire, l’espace entre les crêtes et la matrice contenant l’ADN mitochondrial (ADNmt). Ce dernier est un génome circulaire de 16 kb, extrêmement réduit au cours de l’évolution par transfert de gènes au noyau (1). Ce génome est organisé en nucléoïdes contenant 2 à 8 copies d’ADNmt assemblés avec la protéine de liaison à l’ADN mitochondrial simple brin et le facteur de transcription mitochondrial A (TFAM). L’emballage de l’ADNmt par TFAM constituerait un niveau de régulation similaire aux histones pour l’ADN nucléaire (1). La transcription de l’ADNmt produit 13 ARNm, sous-unités essentielles de la chaine respiratoire, ainsi que 2 ARNr et 22 ARNt nécessaires à la traduction des ARNm mitochondriaux (Figure 1b). Chaque mitochondrie contenant environ 1500 protéines (dont 13 seulement proviennent de l’ADNmt), la biogenèse mitochondriale est un procédé complexe qui repose sur l’action conjointe et cordonnée de plusieurs processus : la réplication de l’ADN mitochondrial, la synthèse des protéines codées par l’ADN mitochondrial, la synthèse et l’import des protéines codées par le noyau et l’assemblage de ces protéines à double origine.

Figure 1 : Structure et Biogenèse mitochondriale

a. les mitochondries sont des organes à

double membrane, une externe et une interne, délimitant plusieurs espaces : l’espace intermembranaire, la matrice et les crêtes. La membrane interne a la particularité de se replier pour former des invaginations appelées crêtes ou cristae. Schéma inspiré d’images obtenues en microscopie à transmission électronique de sections de fibroblastes humains.

b. les mitochondries sont marquées dans

des cellules humaines d’osteosarcomes U2OS à l’aide d’anticorps fluorescents contre la protéine TOM20 de la membrane mitochondriale externe. Les noyaux ont été colorés par le DAPI et les cellules analysées par microscopie confocale.

c. génome mitochondrial et organisation

de la biogenèse.

D’après Benedikt Westermann,

Nature Reviews Molecular Cell Biology 11, 872-884, 2010 et Douglas C. Wallace, Nature Reviews Cancer 12, 685-698, 2012

La régulation de la biogenèse mitochondriale est contrôlée par des facteurs de transcription nucléaires tels que le récepteur lié à l’œstrogène α (ERRα) et les facteurs respiratoires nucléaires 1 et 2 (NRF1 er NRF2). Ces derniers régulent notamment l’expression de nombreuses sous-unités de la chaine respiratoire, des protéines de la machinerie d’import mitochondrial et de facteurs de traduction mitochondriaux. ERRα, NRF1 et NRF2 agissent de concert avec les co-activateurs transcriptionnels de la famille de récepteurs activés par les proliférateurs de peroxysomes γ (PGC-1): PGC-1α, PGC-1β et PRC (PGC-1 related coactivator) (2). Leur fonction est de relier les stimuli environnementaux intra- et extra-cellulaires à la biogenèse mitochondriale. Leur expression et leur activité sont contrôlées par la température, le manque d’énergie dans la cellule ou la disponibilité en facteurs de croissance et en nutriments. Ils régulent de nombreuses voies métaboliques comme la respiration cellulaire, le métabolisme du glucose ou la thermogenèse. Le membre le plus connu et étudié de cette famille est le PGC1α, et comme les deux autres membres de la famille, il est à la fois régulé au niveau transcriptionnel et post-traductionnel. La régulation de son expression génique est, entre autres, assurée par les récepteurs activés par les proliférateurs de peroxysomes PPAR, la protéine se fixant au CRE

29 CREB, le facteur YingYang1 et mTOR. La régulation post-traductionnelle implique notamment l’AMPK, protéine senseur du ratio AMP/ADP, Akt, SIRT1 ou la MAPK p38 (2). De nombreux stress cellulaires peuvent ainsi agir sur la biogenèse mitochondriale avec en général pour but principal d’ajuster les voies métaboliques à l’environnement de la cellule.

La biogenèse mitochondriale atténue le stress oxydant en augmentant la capacité mitochondriale à métaboliser des équivalents réducteurs. Les cellules à biogenèse mitochondriale augmentée consomment moins d’oxygène et produisent moins d’espèces réactives de l’oxygène (ROS), ce qui contribue à diminuer les dommages cellulaires et augmenter la survie (3).

1.1.2. Fusion et fission

Les mitochondries forment un réseau extrêmement dynamique : leur taille, leur forme et leur nombre changent constamment afin de s’adapter à l’environnement cellulaire. Ce réseau est contrôlé par des GTPases de type dynamine qui orchestrent les phénomènes de fusion et de fission des mitochondries. Ces processus sont coordonnés, finement régulés et contribuent ainsi à former en conditions normales un réseau mitochondrial présentant à la fois des mitochondries petites/arrondies et des mitochondries longues/fines (4). Une perturbation de cet équilibre peut conduire soit à une fragmentation excessive du réseau soit à un réseau réticulaire de mitochondries fusionnées (Figure 2a, 2b).

La fusion consiste à fusionner les mitochondries entre elles, au niveau de la membrane interne mitochondriale et de la membrane externe en assurant le maintien de la compartimentalisation au cours du processus. L’intérêt premier de la fusion est de préserver une population mitochondriale homogène en favorisant l’échange des composants lipidiques et protéiques ainsi que de l’ADNmt. Ce peut être un phénomène transitoire ou complet, selon les stimuli et le but recherché. Les protéines clés impliquées dans la fusion sont les mitofusines MFN1 et MFN2, permettant la fusion de la membrane externe où elles résident, et la protéine GTPase Optic atrophy 1 OPA1, jouant un rôle dans la fusion de la membrane interne où elle est localisée (4).

La fission correspond quant à elle à la fragmentation de mitochondries reliées entre elles et sert principalement à la division mitochondriale. Les mitochondries ne peuvent en effet pas être synthétisées de novo, c’est pourquoi lors de la mitose le réseau est fragmenté afin de partager équitablement les mitochondries de la cellule mère. La fission sert aussi d’étape préliminaire à l’élimination des mitochondries par mitophagie afin de supprimer les organelles vieilles, usagées et potentiellement dangereuses. La protéine reliée à la dynamine 1 (DRP1) assume une fonction essentielle à la scission des mitochondries. Elle est majoritairement cytosolique et minoritairement située sur des points de fission à la surface de la membrane externe mitochondriale. Elle est capable de former des anneaux contractiles au niveau des mitochondries en s’assemblant en spirales. Dans les organismes mammifères, son recrutement à la mitochondrie reste non élucidé alors que dans les levures, il semble que la protéine

homologue de fission 1 hFIS1 soit apparemment responsable de cette relocalisation (5). Ce processus de fission est communément observé lors de l’apoptose. Nous discuterons plus loin des implications et fonctions de ce mécanisme.

Figure 2 : Fusion et Fission a. l’équilibre entre la fusion et la

fission régule la morphologie mitochondriale. La surexpression d’une protéine de fission Fis1 dans les cellules COS7 induit la fragmentation alors que la perte des protéines de fission MiD49 et MiD51 induit la fusion excessive du réseau. Ces cellules COS7 ont des mitochondries GFP pour les visualiser facilement. Echelle, 20 µm.

b. dynamique mitochondriale et

contrôle qualité. La fusion est régulée par les mitofusines MFN et OPA1. La fission est régulée par DRP1, MFF et FIS1. Si une mitochondrie fille est dépolarisée ou dysfonctionnelle, elle est éliminée grâce à l’accumulation de PINK1 à sa surface qui recrute Parkin. L’ubiquitination par Parkin permet le recrutement des autophagososmes qui fusionnent ensuite avec des lysosomes.

c. le cycle de vie mitochondrial

débute par la croissance et la disvision d’organelles préexistants et finit par la dégradation par mitophagie des organelles abîmés ou surnuméraires. Entre les deux, les mitochondries subissent de fréquents cycles de fusion et de fission pour générer de multiples mitochondries hétérogènes ou des réseaux interconnectés en fonction des conditions physiologiques.

D’après Catherine S. Palmer, Cellular Signalling, 23, 10, 1534 – 1545, 2011, Gao A W et al. EMBO Mol Med et Benedikt Westermann, Nature Reviews Molecular Cell Biology 11, 872-884, 2010

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1.1.3. Mitophagie

La mitophagie est une forme d’autophagie sélective qui permet d’éliminer et de recycler uniquement les mitochondries. C’est un mécanisme de contrôle qualité qui assure un réseau mitochondrial sain. Les mitochondries sont constamment exposées à une quantité relativement importante de ROS qui abîment leur ADNmt, les lipides et les protéines qui les constituent. Ainsi endommagées, les mitochondries sont moins performantes et peuvent même risquer de libérer des facteurs apoptotiques. La voie de signalisation qui permet la mitophagie comprend la protéine kinase PINK1 et la protéine Parkin (Figure 2b et 2c). Elle se produit lorsque PINK1 est stabilisé à la surface de la membrane externe mitochondriale et recrute alors Parkin (3). L’autophagosome, structure sphérique à double membrane, se forme autour de la mitochondrie à éliminer. Puis il fusionne avec un lysosome pour la dégrader. Poussée à son extrême, la mitophagie peut aboutir à la suppression de toutes les mitochondries d’une cellule et pourrait représenter en elle-même un type de mort cellulaire. Néanmoins, des études ont prouvé qu’en éliminant les mitochondries par mitophagie exacerbée, les cellules survivaient au moins quatre jours ce qui écarte la mitophagie d’une voie de mort cellulaire per se (6).