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AIF-mediated caspase-independent necroptosis requires ATM and DNA-PK-induced histone H2AX

5. Fonctions d’AIF dans la condensation de l’ADN et la fragmentation

Je me suis aussi intéressée aux fonctions d’AIF dans le noyau par l’étude des kinases responsables de la phosphorylation d’H2AX et l’effet qu’elles ont sur la fragmentation de l’ADN par AIF. En collaboration avec Mathieu Baritaud, j’ai ainsi contribué à identifier les kinases de réparation de l’ADN, ATM et les DNA-PK, comme responsables de l’installation et le maintien de la phosphorylation d’H2AX dans la nécroptose intrinsèque. Cette phosphorylation est primordiale pour la capacité d’AIF à recruter la cyclophyline A au niveau de γH2AX pour initier la fragmentation de l’ADN via la formation d’un dégradasome. C’est la conformation de γH2AX et non sa phosphorylation per se qui permet l’interaction avec AIF. Nos études suggèrent qu’H2AX pourrait constituer une plateforme d’ancrage pour AIF dans le

noyau où d’autres protéines seraient alors requises. La première identifiée est la cyclophyline A mais il est très probable que d’autres acteurs de ce dégradosome y soient aussi recrutés. Des expériences d’immunoprécipitation à partir de lysats nucléaires suivies de spectrométrie de masse permettraient de compléter l’identification des partenaires d’AIF dans le noyau, en conditions normales et en conditions de mort cellulaire. Il serait intéressant de mettre également au point des systèmes in vitro pour accéder plus facilement à ces informations. Plus que le recours à l’ADN plasmidique comme précédemment dans d’autres études, il serait judicieux de travailler sur la chromatine pour tenir compte des protéines telles qu’H2AX qui la constituent. Des systèmes cellulaires fluorescents au niveau de composants de la chromatine pourraient aussi faciliter l’étude de ces phénomènes.

En parallèle de sa participation à la constitution d’un complexe multi-protéique contenant AIF, γH2AX pourrait simplement aider AIF à accéder à l’ADN. Le variant d’histone γH2AX augmente déjà l’accès à la molécule d’ADN par des complexes de réparation, il est plausible qu’il favorise similairement les complexes de dégradation ou de condensation lors de la mort cellulaire. La phosphorylation d’H2AX sur la sérine 139 se trouve en effet au niveau du site de point d’entrée de l’ADN dans le nucléosome. La conformation acquise par la forme phosphorylée pourrait être associée à une décondensation de la chromatine. AIF aurait de cette manière une probabilité plus grande d’accéder à l’ADN nu. Plusieurs études ont démontré la capacité d’AIF à se fixer à l’ADN, et même à l’ARN d’ailleurs. Une étude par Vahsen et collaborateurs en 2006 a aussi montré une préférence de liaison à l’ADN simple brin, qui pourrait être générée dans le cas d’un complexe de réparation associé à H2AX et détourné par AIF (106). Cette fixation à l’ADN ne se fait pas au niveau de séquences répétées reconnues par AIF, comme un facteur de transcription pourrait le faire. Cette interaction serait dirigée par la polarité de la protéine AIF envers la molécule d’ADN chargée négativement. Dans l’AIF humain, des résidus précis ont été identifiés comme primordiaux pour la liaison à l’ADN par des expériences de mutagenèse : le variant K510A/K518A et le variant K255A/R265A sont effectivement très peu efficaces pour lier l’ADN in vitro et présentent une incapacité à induire la mort cellulaire dans des cellules (58). La découverte d’un site d’ubiquitination sur le résidu 255 conduit à envisager une double fonction pour cette région d’AIF, à la fois dans l’élimination de la protéine ou sa séquestration et dans l’interaction avec l’ADN. Il est possible que la liaison d’AIF avec l’ADN prévienne alors la dégradation et vice versa.

D’autres mécanismes réguleraient cette fonction cruciale d’AIF, c’est le cas de la dimérisation de la protéine. AIF dimérise apparemment lors de la réduction du NADH, ceci a pu être montré in vitro mais aussi sur des cellules (53). Cette dimérisation concernerait tant la protéine humaine que la protéine murine et impliquerait des réarrangements conformationnels des domaines impliqués dans

121 l’oxydoréduction comme dans la mort cellulaire. L’ADN étant double-brin, cela aiderait AIF à se positionner avec ses partenaires de part et d’autre de l’ADN. Mon travail avec l’équipe de Milagros Medina (Université de Zaragoza, Espagne) sur cette question m’a permis d’appréhender mieux comment cette dimérisation influencerait les fonctions d’AIF. Grâce à l’utilisation d’un triple mutant d’AIF humain incapable de dimériser, nous avons pu étudier l’impact de la dimérisation sur l’induction de la condensation et la fragmentation de l’ADN. Nous avons ainsi constaté avec ce mutant des défauts de dégradation des noyaux par des expériences dites de cell-free où des noyaux purifiés ont été incubés avec l’AIF recombinant sauvage ou muté. Ces expériences nécessitent d’être complétées dans des conditions cellulaires moins articificielles où le triple mutant pourra être étudié dans l’intégralité de ses fonctions. Il faudrait aussi caractériser ses capacités de liaison aux différents partenaires protéiques déjà connus d’AIF, et potentiellement ceux liés à la fragmentation tels que la cyclophyline A et H2AX. Un modèle possible est qu’AIF accèderait à la chromatine via des points de cassure pré-existants. Via son interaction avec H2AX et l’ADN il pourrait ensuite se propager le long de l’ADN pour condenser la chromatine. Cette propagation pourrait se faire conjointement à des complexes modificateurs de la chromatine ou/et des complexes de réparation. La forme dimérisée d’AIF pourrait être la forme principalement sollicitée lors de cette action. Nous pouvons d’ailleurs envisager qu’AIF participe en dehors de la mort cellulaire à ces phénomènes, d’autant plus qu’une portion d’AIF a souvent été retrouvée au noyau lors d’expériences de sous-fractionnement de cellules contrôles. AIF pourrait comme d’autres protéines cumuler des fonctions de réponse de dommage à l’ADN et d’effecteur de mort d’une façon similaire à celle observée récemment pour ATM et BID (107). Ces dernières naviguent entre le noyau et la mitochondrie pour réguler au mieux la mort cellulaire et la réponse aux dommages à l’ADN. Est-ce que le pool d’AIF décrit à la surface des mitochondries par l’équipe des Drs Dawson pourrait être cet AIF relocalisé au noyau sans signal de mort ? Il serait intéressant de l’étudier. AIF pourrait par ailleurs être un facilitateur de la condensation de la chromatine et de la dégradation de l’ADN dans d’autres sytèmes de mort que la nécroptose intrinsèque et la parthanatos. Dans le cas de l’apoptose, c’est l’endonucléase CAD qui fragmente l’ADN d’une façon oligonucléosomale, soit entre les nucléosomes. Or la majorité de la chromatine est bien plus empactée que le stade nucléosomal dans le noyau des cellules, par des phénomènes à la fois physiques et biologiques. AIF pourrait être un système préparant le terrain de la CAD par la condensation et la fragmentation initiale de haut poids moléculaire, comme pour découper la chromatine avant de la hacher menue ! Cette répartition en 50 kb est curieuse et n’a pas été expliquée jusqu’alors. Une littérature assez ancienne s’était intéressée aux structures de la chromatine et avait mis en évidence l’existence de boucles dans la chromatine, tous les

50 kb, qui pouvaient s’assembler en rosettes hexamèriques (108, 109). La digestion de la chromatine par des nucléases in vitro avait permis l’obtention de ces fragments aussi retrouvés dans des cellules caractérisées à l’époque de pré-apoptotiques. L’incubation d’AIF avec de la chromatine « naturelle » comme nous suggérions plus haut aiderait à comprendre cette fragmentation. Il est important de mentionner que quelques études ont questionné la fonction d’AIF qui pourrait au moins être substituée par d’autres facteurs (110). Par contre, la condensation serait une marque incontestée de la relocalisation d’AIF dans le noyau. Il reste à déterminer comment et pourquoi cette condensation a lieu. Dans les deux phénomènes, condensation comme fragmention, nous pouvons nous demander si AIF n’agit pas dans tous les systèmes de mort associés à la perméabilité mitochondriale et donc à la sortie de ce facteur. L’inactivation génique d’AIF dans des cellules et des organismes est un moyen d’y répondre. Ces expériences ont été réalisées, parfois avec succès dans le cas de siRNA, mais ont surtout conduit les cellules, animaux et tissus complètement déficients en AIF à mourir plus qu’à résister à la mort cellulaire (53). En effet, le problème est qu’AIF agit à la fois comme inducteur de mort et gardien de la survie cellulaire. Comme l’ont montré les différents modèles, AIF participerait à la physiologie mitochondriale par son action sur la stabilité/maintien du complexe I de la chaîne respiratoire, son action sur la morphologie mitochondriale et/ou son effet sur la production des ROS (47). Nous verrons dans le détail l’ensemble des travaux portant sur l’étude de la fonction vitale d’AIF dans la deuxième partie de cette thèse mais son existence nous amène déjà à nous questionner sur laquelle de ces fonctions est la plus responsable de l’exécution de la mort : est-ce parce qu’AIF quitte la mitochondrie et cesse ses fonctions vitales que la cellule meure ? ou est-ce parce qu’AIF rejoint le noyau pour condenser la chromatine ? Des travaux menés par Cheung et ses collaborateurs en 2006 ont prouvé que la sortie d’AIF de la mitochondrie contribuait dans les temps précoces à l’induction de la mort cellulaire de neurones induite par dommage à l’ADN (111). Cette étude avait utilisé des neurones de télencéphale inactivés pour AIF et retransfectés avec des mutants d’AIF. La rétention d’AIF par une séquence d’insertion à la mitochondrie différente permettait ainsi de ralentir l’exécution de la mort, via un ralentissement de la perméabilité mitochondriale, de la chute de production d’ATP et de la consommation d’oxygène. Néanmoins, plus tardivement, la fonction pro-apoptotique d’AIF conduisait à la mort des neurones en question. Bien que le titre de cette étude soit « dissocier les fonctions doubles d’AIF dans la vie et la mort », leur travail démontre paradoxalement la difficulté de dissocier ces fonctions dans des conditions cellulaires normales. Pour pouvoir y parvenir, il faut déjà disposer de cellules viables invalidées pour AIF dans lesquelles la réintroduction de ces formes mutées d’AIF sera faisable.

123 C’est dans cette optique que la deuxième partie de ma thèse a été menée grâce à un modèle murin inédit de délétion d’AIF. Nous avons créé une souris floxée comprenant des séquences loxP de part et d’autre de l’exon 11 d’AIF. Cette lignée génétiquement modifiée a ensuite été croisée avec diverses souris exprimant la cre recombinasse : ubiquitaire PGK-cre, inductible par le tamoxifène ROSA-Cre-ERT2 ou spécifique du système hématopoïétique Vav1-Cre. Les résultats obtenus avec les deux premières Cre grâce au travail mené avec le Dr Laure Delavallée ont participé à la compréhension des altérations liées à la perte d’AIF dans les embryons et dans les cellules MEFs. La cre spécifique du système hématopoïétique a quant à elle permis d’appréhender le rôle d’AIF dans l’hématopoïèse essentiellement via ses fonctions vitales dans la mitochondrie. Comme vous le constaterez à la fin de la lecture de ce travail, ces autres approches technologiques ont à la fois permis de mieux comprendre AIF et d’envisager de futures études qui aideront à enfin percer les mystères de cette protéine. Cela permettra de revisiter le rôle d’AIF dans la mort cellulaire tout en ouvrant la voie pour des possibles applications thérapeutiques. Pour présenter et discuter les résultats obtenus dans cette partie focalisée sur l’AIF dans la physiologie mitochondriale, il me faut d’abord introduire les fonctions métaboliques de la mitochondrie ainsi que le rôle des mitochondries dans l’hématopoïèse et l’immunité.

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CHAPITRE 1: INTRODUCTION