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La mitochondrie, gardienne d’effecteurs de mort sous contrôle permanent

1.2. Perméabilité mitochondriale

1.2.1. Perméabilisation de la membrane externe mitochondriale (MOMP)

Les protéines exécutrices de l’apoptose, ou comme elles sont parfois appelées les « bourreaux de l’apoptose », sont les caspases. Ces protéases à cystéine sont activées en une cascade qui aboutit à la dégradation par clivage d’un millier de substrats différents aussi variés que des protéines à activité kinase, des enzymes de la réparation de l’ADN, des protéines de la réplication ou de la traduction, ou encore des protéines structurales. Les caspases sont synthétisées sous forme de précurseurs zymogènes qui deviennent activés après une protéolyse régulée. On distingue les caspases initiatrices des caspases exécutrices que sont les caspases 3 et 7 (6). L’activation de ces dernières peut être commandée par des signaux externes (voie extrinsèque) ou des signaux internes à la cellule (voie intrinsèque).

Dans la première voie, c’est la liaison de ligands tels que le FasL ou le TNFα à des récepteurs membranaires de mort, les plus courants étant Fas/CD95, TNFα receptor 1 (TNFR1) et TRAIL receptor 1-2 (TRAILR1-1-2), qui déclenche l’activation des caspases initiatrices 8 ou 10. Ces dernières propagent le signal apoptotique en clivant les caspases 3 et 7 (6). La voie intrinsèque repose sur la perte d’intégrité membranaire des mitochondries. Ces organites renferment des protéines capables d’induire la mort de la cellule. Les membres de la famille BCL-2 contrôlent la perméabilité mitochondriale, et leur expression et leur activité sont régulées par les divers stress cellulaires tels que les dommages à l’ADN, le stress métabolique, etc. L’activation et/ou translocation des protéines de la famille BCL-2 à la membrane mitochondriale externe conduit à sa perméabilisation, phénomène appelé MOMP. Les deux voies ne sont pas complètement indépendantes puisque la caspase 8 peut cliver la protéine de la famille BCL-2 de type BH3-only (pour BCL-2 Homology domain 3) BID et ainsi activer la voie intrinsèque en renforcement de la voie extrinsèque (7).

Deux grandes sous-familles de protéines sont distinguables parmi les protéines de la famille BCL-2 : les protéines anti-apoptotiques telles que BCL2, BCL-xL ou MCL-1 et les protéines pro-apoptotiques telles que BAX, BAK ou BIM. Dans cette dernière catégorie, nous pouvons classer les protéines selon leurs domaines BH: celles possédant les domaines BH1, BH2 et BH3 (BAX, BAK) et celles ne possédant qu’un domaine BH3 (BIK, BAD, HRK, BIM, PUMA, NOXA, BMF et BID) (8). Les premières sont capables de s’homo-oligomériser et s’insèrent dans la membrane mitochondriale externe pour y former des pores, bases moléculaires de la MOMP. Les secondes agissent soit comme des molécules sensibilisatrices soit comme des molécules activatrices. Le phénomène de sensibilisation fait référence au fait qu’elles inhibent les protéines anti-apoptotiques en s’y liant. L’activation fait quant à elle référence au fait que ces protéines participent à l’induction de l’oligomérisation et l’insertion de BAX et BAK dans la membrane. Seules les protéines BIM, BID et PUMA auraient cette propriété (Figure 3) (9).

33 La MOMP repose sur la formation de pores membranaires constitués des protéines pro-apoptotiques BAX and BAK. Ces protéines sont absolument indispensables à l’induction de MOMP car des cellules mutées pour BAX et BAK y sont complètement insensibles. Pour que l’activation et l’oligomérisation de ces protéines aient lieu, de nombreuses interactions sont nécessaires entre les différents membres de la famille BCL-2 notamment. Ces interactions ont été largement étudiées ces dernières années permettant ainsi de proposer aujourd’hui un modèle unifié qui sera explicité plus précisément dans le chapitre sur la famille BCL-2. BAX comme BAK subissent des réarrangements structuraux qui permettent la relocalisation de BAX du cytosol vers la membrane externe mitochondriale et l’homo-oligomérisation de BAX comme BAK (Figure 3). Deux modèles d’oligomérisation sont proposés (10). Le premier est dit asymétrique (Figure 4b) car il conduit à l’assemblage enfilé des molécules. Ce modèle repose sur l’interaction du domaine BH3 only (d’une protéine BH3-only ou d’une molécule BAX ou BAK exposant cette hélice BH3) avec la poche arrière d’une autre molécule BAX ou BAK. L’autre modèle dit symétrique (Figure 4a) conduit à l’assemblage en miroir des monomères via une interaction du domaine

Figure 3 : Perméabilisation mitochondriale

La perméabilisation des mitochondries peut venir de deux mécanismes distincts mais partageant des points communs. Elle aboutit dans les deux cas à la libération de protéines contenues dans l’espace intermembranaire mitochondrial a. Des canaux formés des protéines pro-apoptotiques de la famille BCL-2 BAX ou BAK induisent la MOMP au niveau de la membrane mitochondriale externe. b. Une surcharge en Ca2+ ou un stress oxydant peut induire la MPT au niveau de la membrane interne mitochondriale et conduire à l’ouverture du mPTP.

BH3-only avec le sillon hydrophobique formé par la région BH1 à BH3. Les deux modèles pourraient exister et participer à l’assemblage supramoléculaire des ces protéines en très peu de temps.

Quelles sont les caractéristiques biophysiques de la MOMP ? Des expériences réalisées avec des dextranes fluorescents de différentes tailles encapsulés dans des liposomes ont démontré que les pores formés par BAX permettaient la sortie de molécules allant de 10 kDa à 2mDa, ce qui est cohérent avec la sortie des facteurs de mort de l’espace intermembranaire tels que le cytochrome c, SMAC/Diablo ou AIF (6). La perméabilisation passe d’un stade d’initiation en quelques points de la cellule à la propagation à tout le réseau mitochondrial en l’espace de 5 minutes. Les pores formés par BAX et BAK pourraient être de nature protéiques ou lipidiques. Les protéines BAX et BAK partagent des similarités structurelles avec des toxines bactériennes capables de former des pores. Des mesures de patch-clamp ont été réalisées à partir de mitochondries activées pour initier la MOMP et ont conduit à identifier le canal mitochondrial MAC (pour Mitochondrial Apoptosis-induced Channel) (11). Ce canal augmente en conductance au cours du temps de manière cohérente avec le modèle de recrutement d’homodimères de BAX ou BAK dans un pore oligomérique. Un modèle alternatif suggère que c’est l’interaction des homodimères avec la membrane lipidique qui conduit à la formation de pores. BAX et BAK agiraient alors comme la toxine bactérienne mellitine qui induit la formation dans les membranes de structures micellaires inversées conduisant à des pores lipidiques (10). L’analyse par microscopie cryo-électronique de pores induits par BAX est en faveur de ce modèle lipidique. Ces structures restent à être observées sur des cellules en cours de MOMP.

Figure 4 : Modèles de formation des dimères de BAX et BAK

a. les dimères symétriques : les monomères actifs dont l’hélice est dans la membrane mitochondriale exposent

leurs régions BH3 qui peuvent se lier au sillon d’un monomère adjacent. Cette liaison change la conformation de la poche arrière et permet la formation de tétramères pour propager l’oligomérisation. b. les dimères asymétriques : les monomères actifs exposent leur BH3 qui interagit directement avec les poches arrières de monomères voisins pour former des oligomères uniquement via ce type d’interaction.

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