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Chapitre 2 – Les différents modes de fonctionnement de l’AFM et leurs applications en

B. Utilisation du mode contact intermittent en milieu liquide

Figure II-4 : Schéma de la cellule liquide de l’AFM Multimode.

En milieu liquide, notre support du microlevier (cellule liquide, figure II-4) ne peut exciter l’oscillation en mode acoustique qu’à des fréquences basses, typiquement jusqu’à ~30 kHz. Il faut donc des microleviers dont la fréquence de résonance en liquide soit suffisamment basse. Comme il n’y a plus de force de capillarité entre la pointe et la surface, il est de plus possible d’utiliser des microleviers beaucoup plus souples (typiquement avec une constante de raideur ~0,05 nN/nm) que ceux utilisés en mode contact intermittent à l’air. Les

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microleviers habituellement utilisés pour l’imagerie en mode contact (type Veeco DNP ou Olympus OTR4, figure II-5) satisfont ces critères.

Figure II-5 : Microleviers OTR4. Les deux microleviers sont respectivement longs de 100 et 200 µm et larges de 15 et 30 µm (valeurs nominales).

1. Modes d’excitation de l’oscillation.

En milieu liquide, avec le mode d’excitation acoustique, des résonances annexes viennent parasiter la réponse du microlevier et rendent difficile l’identification du vrai pic de résonance. La possibilité d’obtenir des images n’est pas un critère suffisant puisqu’il est souvent possible d’obtenir des images satisfaisantes en fixant la fréquence d’excitation au niveau de différents pics. Deux autres modes d’excitation ont été proposés pour obtenir une résonance bien identifiée en milieu liquide : un mode électrostatique (12) et un mode magnétique (13).

Le mode électrostatique permet d’exciter l’oscillation d’un microlevier standard par application d’une différence de potentiel alternative entre deux plaques métalliques situées de part et d’autre du microlevier (figure II-6). Le champ électrique est plus intense au niveau de la pointe et c’est donc essentiellement à ce niveau que la force électrique agit. Ce mode fonctionne bien à l’air et a été validé en milieu liquide dans l’eau et dans le KCl jusqu’à une concentration de 100 mM (12). Cependant il est nécessaire d’appliquer une différence de potentiel très importante pour arriver à asservir, probablement à cause d’effets d’écrantage électrostatique, et les amplitudes d’oscillation obtenues sont faibles (de l’ordre du nm), ce qui rend l’approche pointe-surface particulièrement délicate. Comme ce mode reste difficile à mettre en œuvre en milieu liquide nous ne l’avons pas utilisé.

Electronique de contrôle

Figure II-6 : Mode d’excitation électrostatique. L’oscillation du microlevier est excitée par l’application d’une différence de potentiel alternative entre deux plaques métalliques.

Le mode magnétique permet d’exciter l’oscillation d’un microlevier magnétique par application d’une force magnétique sur la pointe (figure II-7). Il est plus facile à mettre en œuvre en milieu liquide que le mode électrostatique mais il utilise des microleviers particuliers, partiellement revêtus d’une couche métallique magnétique (cobalt et/ou fer). Les microleviers magnétiques commerciaux ont ce dépôt sur toute leur longueur, la force magnétique d’excitation agit donc sur toute la longueur du microlevier. Pour obtenir une excitation plus fine il faut réaliser le dépôt seulement à l’extrémité du microlevier, au-dessus de la pointe ; cela nécessite l’utilisation d’un masque et les microleviers obtenus ont des propriétés magnétiques assez hétérogènes.

Une comparaison du fonctionnement en mode d’excitation acoustique et en mode d’excitation magnétique du même microlevier en milieu liquide est faite dans (14). Le pic de résonance en mode magnétique est facile à identifier et de forme proche d’un pic d’oscillateur harmonique, tandis qu’une forêt de pics sont présents sur le spectre de résonance en mode acoustique. Cependant les mesures de largeur et/ou hauteur effectuées sur de l’ADN et sur des bicouches phospholipidiques avec les deux modes donnent des résultats équivalents (14).

Figure II-7 : Mode d’excitation magnétique. L’oscillation du microlevier est excitée par l’application d’un champ magnétique oscillant à l’aide d’une bobine.

A la différence du mode électrostatique, le mode magnétique est implémenté sur certains appareils commerciaux. Mais à ma connaissance il n’améliore pas sensiblement les images et il est peu utilisé ; le mode acoustique reste privilégié, grâce à sa simplicité de mise en œuvre. Par conséquent j’ai travaillé exclusivement avec le mode d’excitation acoustique.

2. Facteur de qualité de la résonance.

Le facteur de qualité de la résonance en milieu liquide est de l’ordre de quelques unités, bien inférieur (environ deux ordres de grandeur) au facteur de qualité à l’air. L’ordre de grandeur de la force appliquée à l’échantillon peut être estimé à partir de la force F nécessaire pour exciter à sa fréquence de résonance un microlevier de raideur k et d’amplitude d’oscillation libre A (15): Equation 3 : Q kA F = Electronique de contrôle

Avec des ordres de grandeur typiques (Q~ 2 en milieu liquide, k~0,05 nN/nm, A~ 4 nm), cette force est de l’ordre de 0,1 nN.

Il est possible de diminuer cette force en augmentant le facteur de qualité apparent du système, à l’aide d’un circuit électronique supplémentaire qui exerce une rétroaction positive (système appelé Q control). Le Q control permet aussi de faire mieux ressortir le pic de résonance, même avec le mode d’excitation acoustique ; une comparaison des spectres de résonance en mode d’excitation acoustique ou magnétique avec ou sans Q control est faite par exemple par Tamayo & al (15) (figure II-8). Notre Multimode/Nanoscope III n’est pas équipé de ce système mais il est implémenté sur les nouveaux AFMs commerciaux (par exemple le contrôleur Nanoscope IV de Veeco Instruments). A notre connaissance, le Q

control reste cependant peu utilisé.

Figure II-8 : Effet du Q control sur les spectres de résonance en milieu liquide. a : excitation acoustique ; b : excitation acoustique et Q control.

c : excitation magnétique ; d : excitation magnétique et Q control. Adapté de (15).

Remarquons que le temps caractéristique de réaction τ de l’oscillateur est donné par : Equation 4 : res f Q ≈ τ

Or l’oscillation doit avoir le temps d’atteindre un régime permanent au niveau de chaque pixel de l’image pour être en mode contact intermittent vrai. Avec une fréquence de résonance de l’ordre de 10 kHz en liquide et un taux d’échantillonnage de 512 pixels/ligne cela impose une limite supérieure de fréquence de balayage des lignes d’environ 10 Hz en milieu liquide. Si la fréquence de balayage est supérieure, le régime permanent n’est pas atteint. Or la force appliquée est plus importante en régime transitoire. Pour limiter la durée du régime transitoire, il ne faut donc pas trop augmenter Q.

3. Modélisation de l’interaction pointe-surface.

Il faut analyser le comportement oscillant d’un microlevier au voisinage d’une surface, en milieu liquide. Une difficulté majeure est de comprendre et bien modéliser l’influence du mouvement du liquide « coincé » entre la pointe et la surface (16-18). Pour osciller le microlevier doit déplacer ce liquide, mais la viscosité du liquide s’y oppose. Comme le microlevier est incliné par rapport à la surface, cet effet n’est pas réparti de manière

a

d

b

homogène le long du microlevier ; il est plus intense au niveau de la pointe, et se fait d’autant plus sentir que la distance à la surface est petite. Dans le cas d’un microlevier rectangulaire et pour des distances pointe-surface dans la gamme des µm, un modèle mathématique a été établi pour décrire cet effet hydrodynamique. Il est en bon accord avec les données expérimentales obtenues en NaCl 150 mM NaH2PO4 5 mM pH 7,5 (16).

La force d’interaction entre la pointe et la surface aux courtes distances, dans la gamme des nanomètres, met également en jeu des interactions de Van der Waals et des interactions électrostatiques, qui peuvent être décrites en utilisant la théorie DLVO (19). Müller et al ont proposé un modèle prenant à la fois en compte l’interaction de la pointe avec la surface et l’interaction d’une petite protrusion sur la pointe avec une molécule biologique, dans le cas du mode contact (20). D’après ce modèle, le terme de Van der Waals se fait surtout sentir aux très courtes distances et dépend seulement de la forme et de la nature de la pointe et de la surface. Le terme électrostatique est en général à plus longue portée et dépend des densités de charge de la pointe et de la surface mais également de la concentration des ions en solution et du pH, qui affectent l’écrantage de cette composante. Bien que ce modèle ne décrive que la situation du mode contact, il nous donne aussi une indication des paramètres dont dépend l’interaction pointe-surface en mode contact intermittent.

La difficulté de modélisation de ces différents effets n’empêche cependant pas de travailler et de faire de l’imagerie en milieu liquide.