• Aucun résultat trouvé

L’utilisation d’un outil de collecte et d’analyse des données fondé sur la théorie des conventions : le modèle GRP

INTRODUCTION DU CHAPITRE 4

4.2 L’utilisation d’un outil de collecte et d’analyse des données fondé sur la théorie des conventions : le modèle GRP

Nous préciserons les origines et les grands traits du concept de business model (BM) (4.2.1). Nous exposerons ensuite une modélisation particulière du BM qui est compatible avec notre cadre théorique fondé sur la théorie des conventions : le modèle Génération Rémunération Partage (GRP). Nous montrerons que cette modélisation nous fournit un outil de collecte et d’analyse adapté à notre recherche (4.2.2).

4.2.1 L’instrumentation de la collecte et de l’organisation des informations : le recours au business model (BM)

4.2.1.1 Définitions et composantes du BM

Le terme de business model est jeune, à la mode, encore mal stabilisé, parfois critiqué. Georges et Bock (2011) relevaient qu’au 1er décembre 2008, la base de données EBSCO proposait 929 articles contenant le terme « business model » dans le titre. Exactement 5 ans plus tard, le nombre d’occurrences pour le même comptage était de 3226.

De nombreux auteurs centrent leurs travaux sur le manque de clarté du concept de BM, lié à l’abondance des définitions hétérogènes qui en sont données (George et Bock, 2011 ; Zott, et al., 2011). Le terme de modèle, dans l’expression business model ou modèle

d’affaires peut être pris dans des acceptions multiples, et ce de façon simultanée

(Baden-Fuller et Morgan, 2010). Il peut être considéré comme un phénotype caractérisant un type d’entreprises et permettant d’établir des classifications sur la base d’analyses théoriques et d’observations de terrain. Il peut également être considéré comme une porte d’entrée pour conduire des observations sur une entreprise en tant que cas d’étude. Il permet alors d’analyser les rapports qu’entretiennent certaines variables, d’identifier les composants clés de la création de valeur. Enfin, il peut s’agir d’un modèle à imiter, décrivant les « recettes » qui ont permis le succès d’autres entreprises et qu’il convient d’imiter. Pour tenter de figer quelque peu le concept, la formulation reprise de Baden-Fuller, MacMillan, Demil et Lecocq, et adoptée par Casadesus-Masanell et Ricart (2010, p.197) apparaît comme relativement consensuelle. Elle définit le BM comme étant tout à la fois : « la logique de la firme, la façon

dont elle opère et comment elle crée de la valeur pour ses parties-prenantes ».60

60

Traduit par nous. Le texte original est : « The logic of the firm, the way it operates and how it creates value for

Ajoutons que le BM peut aussi être abordé comme un objet physique. Il s’agit d’un document écrit, qui donne à voir comment l’entrepreneur envisage de construire son projet. Il y indique quels seront ses partenaires, quelles ressources ceux-ci apporteront à l’entreprise et pourquoi ils adhèreront au projet. Le BM est alors un document aussi simple et explicite que possible, pour transmettre une description d’une organisation complexe en direction des financeurs, par exemple, mais aussi de l’entrepreneur lui-même. Ce document indique quel est le sens du projet. Le mot sens doit être compris à la fois en temps que signification et en tant que direction à suivre (Verstraete et al., 2012b). Le terme de modèle doit alors être compris comme le résultat de ce qui a été modélisé, c'est-à-dire un objet complexe traduit dans une forme simple : un business model est une façon de modéliser (rendre simple et communicable) une affaire. Dans cette idée, on peut consulter, par exemple, le travail de

modélisation que permet le site grp-lab.com.

Une partie de la critique adressée au BM tient à la distinction ou superposition entre BM et stratégie. Plusieurs des articles retenus dans le numéro spécial de Long Range Planning de 2010 en témoignent. Porter (2001, p.13), dans une critique mainte fois citée, affirme que l’expression de BM ne correspond à aucun concept précis ou nouveau. « Au lieu de parler en

termes de stratégie et d’avantage concurrentiel, les dot-coms et autres acteurs de l'internet parlent de “business model”. (...) Au mieux, la définition d'un business model est floue. Le plus souvent, elle semble se référer à une conception lâche de la façon dont une entreprise fait des affaires et produit des revenus. »61. Seddon et Lewis (2003) répondent en soutenant

que le BM est une abstraction commune à plusieurs entreprises alors que la stratégie renvoie à une réalité de terrain propre à chacune d’entre elles. Magretta (2002) et Teece (2010) adoptent un discours similaire et analysent les liens entre BM et stratégie en partant de l’idée qu’un BM peut souvent être compris et imité par les concurrents. Un BM performant devient d’ailleurs généralement celui qui est adopté par l’ensemble des concurrents. Pour Teece (2010), le BM a une portée plus générale qu’une stratégie et c’est la stratégie qui permet que l’avantage concurrentiel soit durable. Mais cette distinction n’est pas nécessairement partagée. Casadesus-Masnelle et Ricart (2010) définissent la stratégie comme étant l’expression du choix d’un BM ; le BM étant pour sa part une « logique d’entreprise ». Les auteurs admettent que dans certains cas les deux concepts peuvent se superposer. Selon eux, la différenciation d’entreprises concurrentes ayant un BM identique s’effectue à un niveau tactique. Ces différentes analyses théoriques s’appuient notamment sur des études de cas. Pour notre part,

61

Traduit par nous. Le texte original est : « Instead of talking in terms of strategy and competitive advantage,

dot-coms and other internet players talk about "business model". (…) The definition of a business model is murky at best. Most often, it seems to refer to a loose conception of how a company does business and generate revenue. »

nous restons réservés quant à l’idée qu’une différenciation pertinente entre entreprises puisse ne s’exprimer que par la stratégie ou la tactique. Tous comme les BM, les stratégies sont imitables ou porteuses de différences fortes entre entreprises du même secteur. Sur le plan empirique, Saives et al. (2011) opèrent une différenciation des entreprises agro-alimentaires québécoises selon les BM retenus.

Les composants nécessaires à exprimer l’essence du BM et de sa structure, sont identifiés de façon généralement différente par les auteurs. Demil et Lecocq (2010) mettent par exemple en exergue trois blocs : ressources et capacités, structure organisationnelle,

proposition de valeur. Ces composants ne constituent pas une nomenclature standardisée de

ressources définies ex ante. De la même façon, Zott et Amit (2010) distinguent deux catégories générales de composants ; des éléments, (regroupant les activités, la structure et la

gouvernance), et des thèmes (nouveauté, capacité de fidéliser, complémentarité, efficacité).

McGrath (2010) en distingue deux : les unités d’affaires, qui regroupent ce que l’entreprise offre au client, et les avantages du processus de création de valeur, qui peuvent être exprimés avec des indicateurs clefs décrivant l’architecture du BM. Ces approches laissent une large liberté dans la description des BM. Osterwalder et Pigneur (2011), en revanche, adoptent une nomenclature plus précise et peut-être plus rigide, spécifiant des variables centrales communes à tout BM : partenaires, activités et ressources clefs, proposition de valeur,

relation clients, canaux, segmentation client, structure de coûts et revenus. Verstraete et

Jouison-Laffitte (2009) abordent le BM d’une façon intermédiaire en identifiant trois mécanismes de base commun à tous BM : la génération de la valeur, sa rémunération et son

partage ; chacun de ces composants étant ensuite éclaté en trois variables (voir ci-après pour

une présentation détaillée de ce modèle).

4.2.1.2 L’utilité du BM

A quoi servent les BM ? Teece (2010) souligne que la théorie économique ne laisse généralement aucune place à ce concept. Si un produit est proposé à un prix adapté à la demande, alors il trouve preneur. S’interroger sur le design de la création de valeur n’est alors pas nécessaire. Dans la pratique, le BM prend en compte le réalisme insuffisant de la théorie économique. Les marchés ne sont pas à l’équilibre, ils ne sont pas parfaits et plusieurs marchés peuvent coexister pour un même produit. De plus, les consommateurs sont parfois demandeurs de solutions agencées et non pas de produits. Les conditions de cet agencement supposent de s’interroger sur la façon dont des partenaires peuvent se coordonner pour

construire une solution pertinente. Enfin, la façon de créer la valeur se pose parfois avant même que le marché n’existe : il serait donc vain d’attendre du marché une information sur ce qu’il convient de délivrer et sur le prix à adopter.

Ainsi, même si les sciences économiques et parfois les Sciences de Gestion, n’ont pas encore défini la place qui doit revenir au BM, celui-ci trouve sa légitimité dans sa capacité instrumentale. Les modifications de l’environnement, le pouvoir de négociation croissant des consommateurs, contraignent les entrepreneurs à revoir les conditions et méthodes de création de valeur. Le développement des e-technologies conduit par exemple à s’interroger sur la réponse à apporter à des consommateurs qui veulent la gratuité des services qu’on leur offre. Le concept de BM s’est donc naturellement développé dans un contexte entrepreneurial marqué par des innovations technologiques fortes. Magretta (2002) précise qu’un BM sert à tester la cohérence d’un projet dont on fait la narration et de données chiffrées extrapolées. George et Bock (2011) admettent qu’un BM entraîne, lors de la création d’un projet, des changements organisationnels. Toutefois, ils lui contestent une nature dynamique et évolutive. Il est une configuration organisationnelle donnée, centrée sur un projet. Demil et Lecocq (2010), indiquent qu’un des premiers usages du BM est d’aider les managers à concevoir la façon dont leur entreprise peut créer de la valeur. L’analyse est alors statique. Elle permet d’établir des typologies et d’évaluer les performances liées à l’application du modèle. Mais pour eux, un second usage est dynamique. Le BM est alors un outil de transformation à la fois de l’entreprise et de lui-même. Cette dynamique est généralement expliquée par les phénomènes de routines et d’apprentissage. Les auteurs relèvent pour leur part le rôle des capacités opérationnelles et entrepreneuriales détenues par l’entreprise tout au long de son histoire et les effets de dépendance de sentier. Mais surtout, ils insistent sur l’interdépendance de tous les composants du BM. Lorsque l’un d’eux est affecté (par exemple le chiffre d’affaires ou les charges) tous les autres le sont également. Le BM est donc en permanence dans une situation de déséquilibre.

Dans cette perspective dynamique de l’utilité du BM, McGrath (2010) développe une approche pragmatique différente. Elle part du constat que les choix stratégiques les plus judicieux ne peuvent pas s’appuyer sur des anticipations de l’environnement. Dans le cas contraire, toutes les entreprises nourriraient les mêmes anticipations, et la perspective d’un avantage concurrentiel disparaitrait. Dans ce contexte, le BM permet de créer un agencement nouveau des ressources et compétences. L’incertitude inhérente à un environnement non prévisible doit être traitée en s’appuyant sur des expérimentations ; que celles-ci se déroulent

dans les entreprises ou sur le marché par l’observation d’autres entreprises testant de nouveaux BM. Chesbrough et Schwartz (2007) développent cette idée d’un BM ouvert sur l’environnement. Ils montrent qu’une entreprise peut avoir intérêt à concevoir son BM non pas en se focalisant sur ses seules capacités d’innovation mais en opérant un alignement de son BM sur celui de certains de ses partenaires. Un co-développement peut ainsi être engagé, découplant les possibilités de recherche et développement ou bien d’élargissement de marché pour ses innovations. La rencontre de BM conciliables entre partenaires de co-développement participe alors à une innovation ouverte (« open innovation »).

En termes sectoriels, notons que si la notion de BM s’est développée avec l'e-économie, elle est aujourd’hui appliquée à l’ensemble des secteurs d’activités. Verstraete et

al. (2012a) l’ont par exemple mise en œuvre comme outil d’analyse pour des entreprises d’un

secteur traditionnel tel que celui du bâtiment. Le BM est également sollicité dans des secteurs à la frontière des milieux économiques habituels. Thompson et MacMillan (2010) l’utilisent dans des contextes à très forte incertitude (notamment sur les marchés émergents). Dahan et

al. (2010) l’appliquent au secteur des organisations non gouvernementales. Boncler et al.,

(2012) montrent la pertinence du BM en tant qu’outil d’étude des organisations associatives. Jenkins (2009) montre que le développement des pratiques de RSE est une opportunité de développement économique et favorise la conception de nouveaux BM.

4.2.2 Les fondements théoriques d’une modélisation particulière : le GRP

Parmi les différentes modélisations à notre disposition nous retenons celle du modèle Génération Rémunération Partage (GRP). Le GRP est issu d’une théorisation particulière du business model effectué au sein de l’IRGO (Verstraete et Jouison-Laffitte, 2009, 2011, Verstraete et al., 2012a). Il présente la particularité de trouver ses racines dans la théorie des conventions, que nous sollicitons dans notre cadre théorique. A un moindre niveau, le GRP s’appuie également sur les apports de la théorie des Parties Prenantes (TPP) et de la Ressource Based View (RBV).

4.2.2.1 Une modélisation adaptée à notre cadre théorique

Le projet d’affaires peut déboucher sur la création d’une entreprise si les apporteurs de ressources adhèrent à ce projet de façon stable. Dans un premier temps, les rapports avec les parties prenantes font l’objet d’une négociation. Mais, celle-ci ne peut pas être indéfiniment

reproduite. Un accord tacite nait progressivement entre chaque partie prenante, qu’elle soit interne (l’entrepreneur, les salariés, …) ou externe (les founisseurs, les clients, …) pour maintenir cet accord. Des « règles du jeu » émergent. Des comportements sont tacitement attendus des uns et des autres. Chacun sait que l’autre sait ce qui est attendu de lui. Il ne s’agit pas d’un savoir partagé, comme dans un quelconque groupe de travail, mais d’un savoir commun qui porte sur les intentions de l’autre et peut être sollicité pour réduire l’incertitude. Des principes communs sont définis, en même temps que les sanctions de ceux qui ne les respecteront pas. Chacun connaît le degré de négociation possible (tout ne peut pas être remis en cause mais les principes définis ne peuvent pas non plus permettre d’anticiper tous les cas de figure (Gomez, 1994). Ainsi, comme l’indiquent Verstraete et Jouison-Laffitte (2009)

« Toute organisation naissante développe progressivement un registre conventionnel »

Si les choses se passent bien, le mimétisme permet d’inciter de nouveaux acteurs à décider du comportement à adopter en se référant à celui des autres parties prenantes. Le partage de la valeur, s’il satisfait les parties prenantes, les incite à renouveler les mêmes décisions. La convention est auto-renforçante. Cette convention d’affaires nouvelle, qui est un business model, ne règle pas à elle seule l’ensemble des rapports entre parties prenantes. Elle doit s’adapter (ou réfuter) d’autres conventions existantes dans le secteur, le milieu d’affaires, le territoire…

D’un point de vue méthodologique, une rédaction claire et synthètique de cette convention d’affaires nous permet de nous immerger dans le contexte de l’entreprise et de comprendre pourquoi les parties prenantes (notamment celles qui participent à l’ancrage) adhèrent à l’affaire. Du point de vue des entrepreneurs, la mise en évidence de l’énoncé de la convention peut également aider à construire une explication de leur décision d’ancrage. En effet, celle-ci n’est peut être pas pensée et formulée avant nos entretiens. Elle doit émerger de nos échanges. La mise à jour de la convention d’affaires aide à la fois le chercheur et l’entrepreneur à formuler la réalité que nous voulons observer. De ce point de vue, la modélisation GRP offre deux avantages. Son utilité comme grille de collecte et d’organisation des données dans le cadre d’études de cas a été démontrée (Servantie, 2010). La capacité des entrepreneurs à s’en saisir comme outil d’analyse réflexive a également été établie (Verstraete

et al., 2012a).

Une difficulté d’ordre méthodologique existe toutefois. Une convention est définie par l’ensemble des parties prenantes qui y adhérent. Pour des raisons matérielles, nous n’avons pas été en mesure d’interroger l’ensemble des parties prenantes. Certes, nous avons rencontré

certaines d'entre elles. Mais ces contacts visaient simplement à multianguler des données. Ils ne sont pas suffisants pour pouvoir valider le fait que la convention d’affaires décrite soit strictement conforme à la vision que les parties prenantes en ont. Nous ne pouvons pas affirmer que ce que nous présentons comme un business model soit véritablement la convention d’affaires recherchée et donc le business model de l’entreprise. Ce que nous présentons devra être considéré comme la vision que le dirigeant a de son business model.

4.2.2.2 La théorie des parties prenantes (TPP)

Le terme de « stakeholders » apparait en 1967 par opposition à celui de « shareholders ». La TPP ne relève pas d’une définition unique car le concept de partie prenante est soit flou, soit contesté (Miles, 2012). Selon Freeman et al. (2004), la théorie est construite autour de la réponse qui peut être accordée à deux interrogations initiales. Premièrement : quel est l’objectif de l’entreprise ? Cette interrogation place au centre de la théorie la signification de la valeur créée. Deuxièmement : quelle est la responsabilité des managers vis-à-vis des parties prenantes de l’entreprise ? Management et éthique ne sont plus opposés (Jones et Wicks, 1999), ce qui vient en contradiction avec l’idée que l’objectif de l’entreprise puisse tenir tout entier dans la maximisation du profit des actionnaires (Sudaram et Inkpen, 2004).

La TPP se veut à la fois descriptive, instrumentale et normative (Donaldson et Preston, 1995) bien que certains contestent cette catégorisation trop formelle (Parmar et al., 2010). Elle est descriptive, car la réflexion est initiée à partir de pratiques managériales observées (Clarkson, 1995 ; Donaldson et Preston, 1995 ; Freeman et al., 2004). Elle est instrumentale car elle permet d’analyser un lien entre des pratiques managériales et les performances enregistrées par une organisation (Jones, 1995 ; Donaldson et Preston, 1995). Les parties prenantes sont des pourvoyeuses de ressources qui peuvent être mobilisées autour de l’entreprise non seulement par l’octroi d’une rémunération mais aussi par l’intérêt qui leur est témoigné par des « paroles et des actes » (Freeman et al., 2004, p.365). La TPP est normative (Parmar et al., 2010). Elle dresse des prescriptions concernant, par exemple, la prise en compte des attentes de chaque partie prenante, la mise en place de procédures de négociation, l’appui aux initiatives, l’adaptation de l’organisation aux revendications de l’environnement (Freeman et Reed, 1983). Mais les prescriptions de la théorie portent également sur l’identification des personnes qui ont qualité à être reconnues comme parties prenantes (Freeman et Reed, 1983 ; Clarkson 1995 ; Mitchell et al. 1997 ; Parmar et al., 2010).

4.2.2.3 La Resource-Based View (RBV)

Deux concepts sont au cœur de la RBV : celui d’avantage concurrentiel et celui lui de

ressources.

Barney (1991) définit l’avantage concurrentiel comme une valeur additionnelle résultant d’une stratégie qui n’est pas adoptée de façon simultanée par les concurrents. Cet avantage est durable lorsque les concurrents ne sont pas en mesure de l’imiter. Celui-ci tient à la valeur de la ressource mobilisée, à sa rareté, à la difficulté de l’imiter ou de lui en substituer une autre, et à la dimension organisationnelle propre à l’entreprise pour combiner ces ressources (Barney, 1991 et 1995 ; Barney et al., 2001). Pour Prahalad et Hamel (1990), l’avantage concurrentiel est fondé sur des compétences clefs, transversales, qui différencient le produit final et sont non imitables.

Les ressources que les entreprises détiennent au sein d’un même secteur ne sont pas identiques. Il en découle que les secteurs doivent être perçus comme des ensembles naturellement et durablement hétérogènes. Les firmes disposent d’actifs spécifiques. Par ailleurs, les ressources ayant une utilité stratégique ne sont pas mobiles et transférables (Barney, 1991). Cette impossibilité de négocier certaines ressources sur le marché tient d’une part à la complexité des processus de développement qui empêche une entreprise d’acquérir rapidement les compétences qu’elle souhaiterait. D’autre part, elle tient à l’absence de ces ressources sur le marché. Et quand bien même il est possible de les négocier, le marché anticipe la rente liée à l’exploitation de ces ressources négociables, ce qui restreint le bénéfice pouvant en être obtenu (Teece et al., 1997). La spécificité des ressources et leur non transférabilité expliquent que l’ancrage territorial puisse être abordé par l’approche RBV.

La définition des « ressources », a été rapidement arrêtée dans l’introduction générale de notre travail. C’est ici l’occasion de la préciser, au-delà de la seule question du fondement