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INTRODUCTION DU CHAPITRE 2

2.1 Différentes définitions

Nous abordons l’ancrage tel que défini par la littérature économique et géographique, ce qui nous conduira à émettre quelques remarques sur l’approche adoptée par Zimmermann. Nous présentons également le contenu accordé à ce concept dans une approche sociologique ou politique.

2.1.1 Approche économique et géographique de l’ancrage

Plus que par des approches antithétiques, les différentes définitions de l’ancrage se démarquent surtout par une acception plus ou moins restrictive du terme.

Dans une acception large du mot, Raulet-Crozet (2008) assimile à un ancrage toute situation de gestion inscrite localement et affectant un collectif d’acteurs. Il peut s’agir d’une action visant la constitution de ressources collectives ou la préservation d’une ressource naturelle commune telle qu’une source d’eau.

Bertrand (1996 p.231) définit l’ancrage territorial comme un « aspect des modes

d’insertion de l’entreprise (qui) met en œuvre des relations sociales territorialisées ». Un lien

socialisé au territoire n’implique pas nécessairement une collaboration et la production de ressources collectives. Il peut être limité à l’existence de coordinations hors marché, à un lien de confiance étroit entre partenaires locaux liés à une longue histoire commune, des échanges en face-à-face, un lien de confiance. Ainsi, une entreprise artisanale entretenant à la fois des relations marchandes et socialisées, essentiellement circonscrites dans un territoire donné est considérée par Bertrand comme ancrée. Cette vision est compatible avec celle de Camagni, dont la citation est fournie par Carluer (2006, p.197), et qui insiste sur le rôle des partenariats mais aussi sur la finalité qui est de réduire l’incertitude26 : « Un ensemble déterminé de liens

choisis et explicites, établis avec des partenaires privilégiés qui apportent à l’entreprise des ressources et relations commerciales complémentaires ; partenaires ayant comme objectif principal la réduction de l’incertitude (…) ».

Méchin (2001) définit pour sa part l’ancrage comme un lien de dépendance entre un territoire et une entreprise. Ce lien, analysé par la théorie des ressources et compétences, peut être assimilé à l’utilisation d’actifs spécifiques. La non-substituabilité de ces actifs donne la mesure de l’irréversibilité de l’ancrage. Le territoire, en tant que collectif social, est à la base

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Traduit par nous. Texte original est : « A closed set of selected and explicit linkages with preferential partners

in a firm’s space of complementarity assets and market relationships, having as a major goal the reduction of (…) uncertainty ».

de la mise en valeur ou de la constitution de ressources à partir desquelles l’entreprise construit ses actifs spécifiques. L’accent n’est pas spécifiquement porté sur la nature des ressources mobilisées. Celles-ci peuvent par exemple être naturelles. De ce point de vue, l’acception de l’ancrage par Méchin demeure également large. Elle recouvre aussi bien la réalité d’une entreprise ayant engagé une collaboration locale active faisant naître des compétences spécifiques que celle d’une entreprise dépendante, sur un territoire géographique donné, d’une ressource naturelle non délocalisable. La gouvernance territoriale visant à un ancrage des entreprises peut porter sur la mise en place d’actions collectives aussi bien que sur le simple fait de rendre accessible une ressource naturelle.

Par rapport à ces deux visions de l’ancrage territorial, l’approche du groupe Dynamique de proximité, et tout particulièrement les travaux de Zimmermann, apportent une définition plus restrictive. Une approche globale, prenant en compte le couple entreprise-territoire, se substitue aux approches prenant comme entrée soit le entreprise-territoire, soit l’entreprise. Dans la vision de Zimmermann, l’ancrage apparaît comme un choix stratégique commun au croisement des trajectoires d’une entreprise et des acteurs d’un territoire. Ce croisement constitue une « rencontre productive »27que Zimmermann (2008, p.116) définit comme la

« capacité à apporter des solutions à certains problèmes productifs, voire à susciter, formuler et résoudre un ou des problèmes productifs inédits, et ceci dans un cadre principalement territorial ». On comprend que cette définition de l’ancrage implique une création collective

de ressources. L’ancrage n’est pas la solution individuelle qu’un acteur trouve localement pour résoudre un problème de gestion mais le fruit de complémentarités pensées pour amener une solution originale, collective, à des problèmes individuels. « Ce qui peut fonder l’ancrage

territorial de la firme, c'est-à-dire une communauté de destin d’une firme avec un territoire, c’est l’idée d’une construction commune, l’idée d’un apprentissage collectif fondé sur la coproduction de ressources. » (Zimmermann, 2005, p.22).

Cette vision de l’ancrage est dynamique, ce qui rompt avec l’image d’immobilité qui peut parfois lui être associée. Zimmermann parle d’ailleurs à plusieurs reprises de l’ancrage comme pouvant favoriser une « dynamique de l’innovation ». Le phénomène d’innovation tient à ce que la proximité géographique découlant de l’ancrage permet la mise en place de processus d’apprentissage collectifs. De ce point de vue, la vision de l’ancrage développée par le groupe Dynamique de proximité se rapproche de la définition qui est donnée par la géographe Mérenne-Schoumaker (2002, pp.35-37) : « L’ancrage territorial d’une activité (…)

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L’expression de « rencontre productive », utilisée par Zimmermann, est reprise de Colletis et Pecqueur dans un article de la Revue d’Economie Régionale et Urbaine en 1993.

est le résultat d’un processus d’apprentissage collectif et d’accumulation en termes de compétences et de ressources fondé sur des coopérations, des complémentarités et des spécialisations à la fois à l’interne et à l’externe de la firme, c'est-à-dire au niveau du territoire ».

Cette approche de l’ancrage a plusieurs implications.

En premier lieu, le nomadisme ne s’oppose pas à la sédentarité sur la base de deux modèles d’entreprise qui seraient différents. L’opposition tient à ce qu’il y a ou pas rencontre

productive. Une entreprise nomade peut tout à fait devenir une entreprise ancrée, puis

retrouver son nomadisme, sans modifier pour autant sa vision du territoire. Simplement, ses besoins sont instables (Holl, 2004) et à un instant de sa trajectoire, elle aura engagé une création de ressources collectives avec des partenaires locaux, puis ces ressources s’avèreront moins adéquates à la construction d’un avantage concurrentiel. L’entreprise recherchera alors d’autres solutions pour se doter de ressources spécifiques. La période d’ancrage, qu’elle soit réversible ou immuable, ne doit pas assimiler l’entreprise à un agent statique. « Il s’agit

d’aller à l’encontre de l’idée que l’émergence d’indivisibilités de la firme au territoire serait nécessairement source de rigidités (…) » (Zimmermann, 2005, p.30). Un ancrage est une

étape dans un parcours de mobilités (Sergot et al., 2012). Il est une période de sédentarité dans une trajectoire dynamique.28

En second lieu, la proximité géographique, mais aussi la durée dans laquelle cette proximité s’installe, ne permet pas de préjuger de la nature des collaborations éventuelles entre une firme et son territoire et donc de l’existence ou non d’un ancrage. Telle est par exemple la démonstration que May (2008) effectue à partir du cas des assurances mutualistes de la région niortaise (MAIF, MAAF, MACIF). Malgré leur regroupement géographique et en dépit de l’ancienneté de leur implantation, ces assurances ne sont pas ancrées sur ce territoire. Leur implantation et leur regroupement sont liés à une succession de conjonctures mais n’ont pas donné lieu à des collaborations actives débouchant sur la création de ressources collectives. Un autre cas de figure dans lequel proximité géographique ne rime pas avec ancrage, est celui d’une configuration hiérarchique dans laquelle de l’information et de l’innovation s’effectuent de haut en bas, des grandes firmes vers un environnement de PME géographiquement proches. Ce cas de figure ne correspond pas à une situation d’ancrage car la proximité facilite la diffusion mais par la construction de ressources (Massard et al., 2004).

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Le terme véritablement opposé à ancrage est celui de « prédation », également utilisé par Zimmermann. L’entreprise prédatrice est celle qui puise dans les ressources territoriales préexistantes à sa venue.

2.1.2 Discussion concernant l’approche de l’ancrage par Zimmermann

Notre conception de l’ancrage territorial est très fortement inspirée de Zimmermann. Toutefois, cette approche nous semble pouvoir faire l’objet de différentes remarques.

2.1.2.1 Un territoire personnifié

Une première observation est émise par Frayssignes (2005) et porte sur la personnification excessive du territoire. Frayssignes souligne que les géographes montrent le territoire « au travers de sa cohérence, mais insistent dans le même temps sur la diversité, les

dynamiques hétérogènes, les contradictions et les conflits. Une construction géographique de l’ancrage doit selon nous éviter autant que possible toute personnification abusive du territoire » (p.93). Celui-ci ne peut être réduit à une entité cohérente et homogène bénéficiant

d’une gouvernance unique et rationnelle. De la même façon, dans l’approche proposée par Zimmermann, le territoire est une entité au sein de laquelle les conflits semblent avoir été résolus et les intentions des acteurs convergent. Cette hypothèse présente un réalisme insuffisant selon Frayssignes.

2.1.2.2 Une vision fonctionnaliste

Une deuxième remarque pouvant être faite concerne l’aspect très fonctionnaliste de l’ancrage tel qu’il est analysé par Zimmermann. Nous entendons par fonctionnalisme la recherche systématique d’une intention (ici de nature stratégique) derrière un comportement (ici l’ancrage). L’ancrage est vu comme un processus rationnel d’amélioration des performances. Il est un processus stratégique visant à la création d’actifs indivisibles. Cette conception de l’ancrage n’offre aucune clef de compréhension du lien souvent observé entre ancrage et volonté des entreprises d’assumer une responsabilité sociétale sur leur territoire. Sauf à considérer que la RSE est une stratégie managériale (auquel cas il conviendrait de parler explicitement de stratégie et non de responsabilité) la visée fonctionnaliste de l’ancrage ne permet aucune ouverture sur ce phénomène. Il semble pourtant qu’un lien puisse être tissé entre RSE et ancrage territorial. La définition politique de l’ancrage (comme nous le verrons un peu plus loin) se refuse même de plus en plus à dissocier les deux phénomènes. Le rôle de certaines variables agissant sur la décision d’ancrage reste à saisir. Pour prendre en compte cette insuffisance de la compréhension de l’ancrage, nous retenons dans notre définition

l’expression volontairement large d’interaction, qui ne nous enferme pas dans l’idée d’une intention rationnelle.

2.1.2.3 Une assimilation implicite des idées de « création collective » et de « mise en commun » des ressources

Tout d’abord, et cela constitue notre troisième remarque, la coopération entre l’entreprise et le territoire porte, de façon indifférenciée, sur la création de ressources et le partage de la valeur qui en découle. Cet aspect du processus est un simple point dans le temps, ne faisant l’objet d’aucune épaisseur et d’aucune négociation. Il nous semble au contraire qu’il faille différencier l’étape d’engagement d’une collaboration visant à l’émergence d’une ressource collective et l’étape de partage de cette ressource ou des fruits qui en découle. C’est notamment parce que la conjonction de ces deux étapes ne va pas de soi que certaines agglomérations d’entreprises s’avèrent instables. L’intention de coopérer peut exister et déboucher sur une action collective de création sans que l’entente perdure à l’heure de partager la valeur créée. Ainsi par exemple, les AOC (Appellations d’Origine Contrôlée) ne sont pas des organisations territorialisées stables. Certaines sont amenées à disparaitre, d’autres voient certains de leur membres les quitter. Leur phase d’engagement ne permet pas de présumer des conditions de partage de la ressource attendue, ni de pronostiquer que l’utilisation de cette ressource fera l’objet d’un consensus.

Le pôle de compétitivité « Parfums Arômes Senteurs Saveurs », décrit notamment par Mendez et Bardet (2009) illustre une situation dans laquelle des entreprises ont souhaité se réunir pour engager une collaboration mais où des mouvements de division sont apparus au moment de partager les bénéfices (utilisation des moyens techniques, orientation des financements, partage de l’information, …). Pour cette raison, nous différencions dans notre définition de l’ancrage territorial les termes de « collectif » et « commun ». Le premier terme renvoie à l’étape de création de la ressource. La ressource est collectivement créée. Le second renvoie à l’accès aux ressources. La ressource est mise en commun, chaque partie prenante estimant le partage suffisamment équitable pour que l’ancrage soit maintenu.

2.1.2.4 Une assimilation des décisions de localisation aux décisions d’ancrage

Enfin, notre dernière remarque porte sur l’assimilation faite par Zimmermann entre

décision de localisation et décision d’ancrage. Le refus de distinguer ces deux aspects du

processus. La décision de localisation a souvent été abordée comme un évènement sans temporalité. Les géographes l’ont parfois réduite à une simple distribution spatiale stable. Mais de nombreux autres travaux se sont attachés à redonner de l’épaisseur à ce qu’il convient d’appeler une prise de décision plus qu’une décision, de façon à insister sur l’aspect délibératif plus que sur le seul résultat factuel de la délibération. Ainsi Sergot (2004) s’est attaché à décrire comment la décision est prise et pas seulement pourquoi elle est prise. Mérenne-Schoumaker (2002) différencie également les approches behavioristes de la localisation en insistant sur la dimension processuelle qui les démarque des autres approches. Par ailleurs, l’importance accordée au thème de la gouvernance territoriale se justifie par la prise en compte de la réversibilité des localisations. La localisation peut aussi être abordée dans une perspective dynamique et séquencée. Certaines PME effectuent une délibération approfondie avant de déterminer cette localisation (la stratégie territoriale est définie de façon préalable à la localisation), alors que d’autres sont localisées avant même la finalisation du projet de création (la stratégie territoriale est alors postérieure au choix de la localisation). Sauf à considérer que la localisation n’a pas d’influence sur l’ancrage territorial, il est légitime de penser que les ancrages sont influencés par le moment et les conditions du choix de la localisation. Nous avons illustré la différence d’ancrage de deux entreprises ayant procédé à leur localisation à des moments différents de leur existence (voir Encadré 0.4 dans l'Introduction Générale). Le créateur de l’entreprise Verrier avait décidé de l’ancrage de son organisation avant même que celle-ci n’existe alors que dans le cas de l’entreprise Sacadit l’ancrage s’est opéré a posteriori, au fur et à mesure de la découverte d’opportunités d’affaires. La nature de l’ancrage et le processus d’ancrage lui-même ont été influencés par le processus de localisation.

2.1.3 Approche sociologique de l’ancrage

2.1.3.1 Le rôle des facteurs individuels dans l’ancrage

Le rôle des facteurs individuels dans la construction de l’ancrage peut être abordé de deux façons.

Une première approche peut être fondée sur la prise en compte des interrelations issues de l’intégration de l’individu dans son environnement, notamment territorial. L’entrepreneur est encastré dans un environnement social (Granovetter, 1985) et dispose de réseaux personnels (associatifs, familiaux, …) qui sont des vecteurs d’opportunité d’affaires et de partenariat. Grossetti et Bès (2001) montrent ainsi que plus du tiers des collaborations

observées entre entreprises et laboratoires tiennent à l’existence de liens préalables entre les individus. Cette configuration renvoie aux proximités que nous abordons dans le chapitre suivant.

Une seconde approche peut porter intérêt à la construction de l’attitude de l’entrepreneur face à un territoire. Cette attitude, dans ses dimensions cognitive, affective et conative, se construit à la suite d’une succession d’expériences et d’affinités personnelles. Il s’agit là plus spécifiquement d’une approche psychosociologique de l’ancrage mettant en évidence les attentes personnelles de l’entrepreneur, quand bien même elles sont extra-professionnelles. Ainsi, Reix (2008) définit l’ancrage comme l’exploitation de ressources liées à des réseaux locaux professionnels ou privés. Contrairement à l’approche de Zimmermann, la notion de construction collective n’est pas retenue. En ce qui concerne le lien privé de l’entrepreneur au territoire, Reix souligne que c’est souvent l’attachement au territoire de naissance qui favorise l’ancrage territorial du projet. L’acte entrepreneurial n’est pas seulement un projet économique mais aussi un « projet de vie ». Le choix d’un ancrage territorial apparaît alors comme un « acte symbolique identitaire ». Les phénomènes d’encastrement et de découplage29 ne reposent plus exclusivement sur l’optimisation de ressources mais aussi sur deux désirs contradictoires ; d’une part la volonté de renforcer un

« attachement symbolique » et d’autre part un désir d’ « émancipation ».

Si l’ancrage est une rencontre productive entre la trajectoire d’une entreprise et celle d’un territoire, comme le montre Zimmermann, il est aussi une rencontre symbolique entre une trajectoire individuelle et une trajectoire professionnelle. L’illustration suivante (voir Encadré 2.1) est tirée de la thèse en économie de Bertrand (1996) mais elle illustre aussi l’analyse sociologique de Reix. L'auteur montre trois temps de la trajectoire d’une entreprise du Sud-Est de la France. Dans un premier temps, l’entreprise est localisée pour des raisons anecdotiques sur les terres originelles de son créateur. Quelques années plus tard, l’entreprise est dirigée par un entrepreneur ayant un attachement fort à son territoire (engagement au sein de la CCI, du Conseil Général). Enfin, un véritable ancrage s’opère afin de mobiliser des ressources et compétences nouvelles, collectivement crées. Les choix effectués sont orientés par l’attachement personnel de l’entrepreneur à son propre territoire. Ces trois temps sont indissociables. Une approche qui négligerait l’attachement personnel du dirigeant ne permettrait pas de saisir l’ensemble des choix ici à l’œuvre.

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Le découplage est un processus à l’inverse de celui de l’encastrement. Il traduit l’émergence d’une structure nouvelle et l’autonomisation d’un groupe d’agents. La notion de découplage est précisée au point 3.1.2.3.

Encadré 2.1

Illustration n°7 : un exemple de lien entre attachement individuel au territoire et ancrage d’entreprise (Bertrand, 1996)

« Après la seconde Guerre Mondiale, l’entrepreneur réalise des essais de production de biscottes à un stade artisanal, commercialisant sa production sur Nice par un agent commercial, ami de la famille. Le passage au stade industriel (investissements importants dans la mécanisation) est réalisé à la fin des années 1970 avec la venue du chef d’entreprise actuel.

(…)

L’entrepreneur est partie prenante dans différentes institutions : président de la Chambre de Commerce et d’Industrie par intérim, élu du Conseil Général.

(…)

L’entrepreneur, au moment de la mise en place d’une seconde chaine de fabrication, est face à une alternative : délocaliser l’entreprise (ce qui « économiquement » pour l’entreprise serait plus favorable) ou investir localement malgré un décalage entre les « habitudes » locales et les exigences de l’entreprise. Au regard du rôle social que l’entrepreneur attribue à l’entreprise (faire vivre 100 foyers), il fait le pari d’un développement local et d’un investissement sur le territoire. L’entreprise au-delà des « niches » qu’elle tente d’investir, amorce un partenariat. Il sera constitué de participations croisées au capital de chacune des entreprises. (…) Cela lui permettra à terme de formaliser des relations de connaissance et de réciprocité, pour des partages de marché (réponses communes à des appels d’offres), pour la mise à disposition de compétences complémentaires dans la recherche de nouveaux produits. Il en résulte une plus importante maîtrise de l’information, de la technique et de la commercialisation. »

2.1.3.2 Le rôle de la famille dans l’ancrage

La décision d’entreprendre peut apparaître comme une conciliation entre un objectif personnel et un projet familial (Soldressen et al., 2001). Grossetti et Filippi (2004), s’appuyant sur Cappechi, relèvent que différentes formes d’agglomérations peuvent être analysées en fonction du rôle plus ou moins important tenu par la famille. Les districts italiens et parfois français sont structurés autour d’une base sociale familiale. « Le modèle de base du

district industriel est constitué par un noyau familial qui s’élargit peu à peu en s’inscrivant dans un système de règles, vécu comme un processus collectif » (Perrat, 2001, p.646). A

l’inverse, dans les SPL du secteur des hautes technologies, le lien social entre des professionnels qualifiés venant de régions diverses est davantage créé par les organismes de formation et les organisations professionnelles. Dans les deux cas, les liens interpersonnels agissent sur les formes d’ancrage. Mais dans le premier cas, cet ancrage doit être compris comme un prolongement d’une sédentarité familiale (plusieurs personnes d’une même famille dans une même entreprise), dans le second, comme le croisement de trajectoires individuelles au sein de structures institutionnelles (plusieurs diplômés d’une même école au sein d’une