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Une remise en cause du présupposé stratégique de l’ancrage

INTRODUCTION DU CHAPITRE 2

2.4 Une remise en cause du présupposé stratégique de l’ancrage

En considérant que la situation d’ancrage peut être une ambition managériale visant à résoudre des problèmes de coordination temporelle ou de durabilité d’un avantage concurrentiel, la littérature adopte une vision fonctionnaliste et présuppose que le bénéfice apporté par l’ancrage est le fruit d’une démarche délibérée. Le terme de « stratégie » vient se glisser dans le discours des chercheurs sans toujours être argumenté. Il est le résultat, le plus souvent, d'un point de vue externe. Un glissement est intervenu dans lequel les expressions de « processus d’ancrage » et « stratégie d’ancrage » sont souvent devenues substituables. Pourtant, il est légitime de se demander si l’ancrage est toujours le fruit d’une démarche stratégique, c'est-à-dire, s’il repose sur une anticipation de la performance à venir. N’y a-t-il pas des situations dans lesquelles l’ancrage est la résultante d’accidents de parcours, de processus non planifiés, d’une transformation de liens de dépendance, de préférences personnelles distinctes des objectifs de l’entreprise ?

Afin de fixer le terme de « stratégie » nous adoptons la définition de Barney, mainte fois citée, issue de son ouvrage de 1997 Gaining and sustaining competitive advantage : « La

stratégie est un schéma d’allocation de ressources qui permet à l’entreprise de maintenir ou d’améliorer ses performances »36. En nous appuyant sur cette définition, nous pouvons nous

demander si l’ancrage est systématiquement une recherche d’amélioration de performance. Nous allons aborder successivement les deux versants de cette discussion. Nous allons tout d’abord mettre en évidence les caractéristiques propres à la situation d’ancrage qui répondent particulièrement aux exigences d’une stratégie puis nous identifierons certaines des raisons qui interdisent de réduire l’ancrage à cette seule dimension stratégique.

2.4.1 La pertinence stratégique de l’ancrage

2.4.1.1 La non imitabilité des actifs issus de l’ancrage

Barney, dans le modèle VRIO, défend l’idée que l’avantage concurrentiel peut être durablement défendu grâce à la Valeur des ressources sélectionnées, à leur Rareté, à leur

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Traduit par nous. Le texte original est : “Strategy is a pattern of resource allocation that enables firms to

Inimitabilité et à l’Organisation permettant de les exploiter (Barney, 1995 ; Barney et al., 2001 ; Desreumaux et Warnier, 2007). Par rapport au modèle initial du VRIN37, l’idée de non-substituabilité a été fondue dans celle de non imitabilité.

La situation d’ancrage favorise la non imitabilité des ressources (Bréchet et Saives, 2001) en s’appuyant simultanément sur la dimension territoriale et la dimension collective. Celles-ci dépendent d’acteurs sédentaires, ou sont liées à des institutions locales, ou enfin relèvent de facteurs territoriaux par nature, ce qui rend les ressources créées non transférables (l’image d’un terroir par exemple). Dans ce contexte, le territoire ne constitue pas directement la ressource. Il est le résultat de processus interactifs et apparaît en même temps que ces ressources (Colletis, 2010). La dimension collective de la constitution des ressources est inhérente à la notion d’ancrage. Elle favorise la création d’actifs spécifiques grace à des coordinations reposant sur des proximités particulières (voir Chapitre 3). Le degré de spécificité de ces actifs tient à l’intensité du jeu collectif. Pour être engagée, cette action collective nécessite l’adoption d’une rationalité collective, d’une croyance commune et d’un

horizon commun.

La rationalité collective est notamment abordée dans la théorie des jeux. La théorie des jeux montre que le sujet maximisateur va, à espérances de gains identiques, agir en fonction de son aversion pour le risque et écarter la situation la plus risquée ou la plus ambiguë. L’ensemble des décisions individuelles d’individus rationnels va se traduire par une somme d’actes de défiance. Or, dans de nombreuses situations, la maximisation du profit individuel ne peut s’obtenir que par une situation de confiance et de collaboration. C’est ce que démontre le fameux théorème du prisonnier. Si la rationalité est la capacité de raisonner de façon à servir au mieux ses intérêts, alors il existe une rationalité collective, distincte de la rationalité individuelle et qui, en présence d’une incertitude concernant les décisions des autres agents, est plus efficiente.

Gomez (2009) montre que l’adhésion à un projet de création collective de ressources nécessite une croyance. Celle-ci est tout à la fois croyance en la volonté de chacun de coopérer, croyance en la capacité de cette coopération de faire naitre une ressource, croyance en ce qu’une coopération volontaire peut accroitre des X-efficiences, et croyance que, sans avoir de droit de propriété sur cette ressource, elle demeurera commune et qu’on pourra y accéder. Les résultats de cette croyance sont mesurables ex post mais la pertinence de cette croyance ne peut pas être démontrée ex ante. Elle s’oppose à des calculs rationnels et en la

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Le modèle VRIN repose sur la Valeur des ressources, sur leur Rareté, sur leur Inimitabilité et sur leur Non substituabilité.

vision d’agents économiques exclusivement opportunistes. La formulation d’une stratégie visant à justifier un ancrage à venir doit recourir à l’existence d’une croyance commune.

L’action collective nécessite un horizon commun, ce que Gomez (2009) appelle un

« point fixe ». Cela suppose que le territoire soit doté d’institutions au sein desquelles la

conciliation d’intérêts divergents puisse s’effectuer de manière à dégager des objectifs communs. Ce point fixe doit être suffisamment lisible pour permettre une participation volontaire réduisant les comportements de passager clandestin, et régulièrement entretenu par un partage équitable de la valeur créée. Dans le cadre de telles actions, plusieurs stratégies peuvent être envisagées. Astley et Fombrun (1983) proposent quatre stratégies collectives qu’ils dénomment stratégies confédérées, conjuguées, agglomérées et organiques. Ces stratégies sont différenciées selon le niveau de formalisme des partenariats (formels et contractualisés ou informels et indirects) et selon le niveau de rapport concurrentiel entre les partenaires (concurrents ou non concurrents).

Tableau 2.7

Typologie de stratégies collectives

Type de partenariat Entre concurrents Entre non-concurrents

Formalisé Confédéré Conjugué

Informel Aggloméré Organique

Source : D’après Astley et Fombrun (1983)

2.4.1.2 La durabilité des actifs issus de l’ancrage

Une autre dimension fondant l’utilité stratégique de la ressource d’ancrage tient à sa durabilité. L’avantage concurrentiel stratégique qu’une firme obtient par la création d’une ressource collective originale n’interdit pas que les ressources exploitées puissent se trouver concurrencées par des ressources similaires ou substituables créées sur un autre territoire. Le temps long, que nous avons précédemment évoqué, ne peut être assimilé à la durabilité au sens que lui donne Barney (1991). La durée de l’ancrage ne doit pas être retenue comme un indicateur de l’intérêt que celui-ci offre à une entreprise. En quoi l’ancrage favorise-t-il la durabilité des ressources ? Dés 1990, Perrin notait que le phénomène d’ancrage (qu’il décrivait sans lui donner ce nom) se caractérisait par une préférence pour une rentabilité à long terme plus qu’à court terme. Il indiquait, à propos des ressources territoriales sélectionnées par l’entreprise : « pour l'efficacité à long terme, c'est la logique de création qui

d'environnements de ressources spécifiques. » (p.281). Colletis et Rychen (2004) esquissent

une réponse à cette question en mettant en avant que l’ancrage est plus durable si l’entreprise recherchant des compétences complémentaires trouve un territoire d’accueil offrant une forte

déployabilité de ses ressources. Ce territoire permettra à la firme d’organiser des ressources

différentes dans le temps : « On peut ainsi penser que l’ancrage territorial le plus durable est

celui qui s’opère entre une firme en quête de flexibilité productive pour répondre à des problèmes productifs inédits nécessitant des combinaisons de compétences renouvelées et originales, et un territoire caractérisé par une forte plasticité, c’est-à-dire par une densité ou une proximité organisationnelle élevée favorisant la redéployabilité des ressources. (…) L’ancrage est alors un pari sur l’avenir, une présomption de coordinations ultérieures pour résoudre des problèmes dont on sait qu’ils ne manqueront pas de se poser mais dont il est impossible dans le présent de prévoir la nature » (p.227).

Dans cette perspective, l’ancrage semble apporter une réponse managériale à l’incertitude. L’entreprise souhaitant réduire son incertitude quant à sa capacité à accéder à terme à des ressources spécifiques peut trouver dans une situation d’ancrage une solution adaptée. On pense par exemple à une firme qui fait le choix de s’implanter au sein d’un pôle de compétitivité. Elle ignore à l’instant de son implantation la nature exacte de ses ressources à venir. Elle pronostique simplement que l’accès à ces ressources sera plus aisé si elle est au sein de ce pôle que si elle n’y est pas.

Il s’agit ici d’une vision proactive de l’ancrage comme réponse stratégique à une incertitude. Précisions toutefois « que l’ancrage peut également être un comportement réactif

face à un risque ». Farell et Saloner (1986), cités par Suire (2003), appellent cette frilosité « l’effet pingouin ». Chaque entreprise d’un groupe se replie sur ses liens au territoire

historique par crainte de s’implanter sur un nouveau territoire. Elle préfère que les autres en prennent l’initiative, tout comme des pingouins retardent leur plongeon par crainte de prédateurs et attendent que d’autres congénères plongent en premier. L’effet pingouin traduit une inhibition favorable à l’ancrage mais qui limite les perspectives à une stratégie conservative et défensive.

2.4.1.3 Le double processus inhérent à l’ancrage : la spécification et l’activation

En nous appuyant sur Colletis-Wahl et Perrat (2004), nous pouvons dire que l’ancrage apparaît comme un double processus :

- Un processus stratégique de spécification de ressources tout d’abord. Ce mécanisme peut contribuer à élaborer des ressources répondant à des exigences d’inimitabilité et de durabilité.

L’inimitabilité des ressources issues de l’ancrage repose sur leur territorialisation et sur leur co-construction. Ces ressources nécessitent l’existence de rapports de confiance. Leur durabilité tient à leur redéployabilité. Celle-ci repose sur des coordinations spécifiques et sur une confiance en ce que le mode coopératif établi est suffisamment équitable pour être durable.

- Un processus organisationnel d’activitation des ressources ensuite. Ce processus concerne la transformation et l’utilisation des ressources construites. Ce processus fait appel à la capacité d’entrepreneurs de découvrir (ou construire) des opportunités d’affaires et à intégrer les ressources dans une convention d’affaires spécifique au sein de la convention territoriale.

Encadré 2.2

Illustration n°8 : suite de l’illustration n°5

Dans le cas de l’entreprise Labeyrie, le phénomène de spécification a consisté à œuvrer pour la création d’une IGP afin de territorialiser la ressource (produit d’élevage générique devenant spécifique car territorialisé par les règles de l’IGP) et la co-construire (démarche volontaire et collective). Le phénomène d’activation a consisté à transformer cette ressource spécifique en actif en créant une gamme de produits issus de l’IGP transformés et marketés.

L’inimitabilité de la ressource est assurée par la territorialisation de l’IGP et par la démarche collective des éleveurs. La coordination entre l’entreprise et ses fournisseurs s’appuie sur des contrats formels (en cela Labeyrie adopte un modèle stratégique de confédération) mais aussi sur des rapports de confiance entre individus (en cela elle se rapproche d’un modèle stratégique d’agglomération).

La durabilité tient à ce que le partage de la rémunération est suffisamment équitable pour que la coopération puisse être maintenue, et aussi à la capacité de chaque partie prenante de redéployer ses ressources en cas de besoin. Les éleveurs peuvent accroitre leur volume d’activité s’ils souhaitent se développer. Labeyrie peut orienter, par la formation, la production des éleveurs afin de l’adapter aux attentes du marché. La redéployabilité de ces ressources est permise car leur construction engage des modes de coordination spécifiques pouvant être actionnés dans le cadre de nouveaux projets, liés par exemple à des transformations du marché (confiance, formation, apprentissage).

2.4.2 La méconnaissance des conséquences de l’ancrage sur les performances effectives de l’entreprise

Les effets de l’ancrage ne sont pas nécessairement bénéfiques.

Ainsi, Sorenson (2003) montre que les coûts de transport et les externalités d’agglomération ne suffisent pas à expliquer les regroupements de l’industrie de la chaussure et des biotechnologies aux Etats-Unis, notamment lorsque ces localisations conduisent les entreprises à demeurer proches des concurrents et à enregistrer des performances économiques inférieures à la moyenne. La prise en compte des réseaux sociaux localisés, non plus en tant que moyen d’accès à des ressources mais en tant que force inertielle, est

nécessaire pour expliquer ces localisations. Sergot (2004), travaillant sur le secteur de l’édition de logiciels en France, souligne également que l’encastrement des dirigeants peut agir comme une contrainte inertielle, réduisant leur capacité d’adaptation. Courault (2005) montre que le district industriel du Choletais est « un modèle de développement économique

historiquement daté, car ancré dans la tradition, ayant survécu selon des modalités largement à rebours des formes dominantes ailleurs. » (p.3) « Les responsables économiques ayant préféré jouer le développement local et régional plutôt que le développement industriel » (p.6). Bélis-Bergouignan et Corade (2008) soulignent le risque de lock-in spatial de certaines

coopératives viticoles.

Le recours à l’ancrage dans un cadre stratégique nécessite de disposer, a posteriori, d’outils de contrôle des performances. L’évaluation de celles-ci est rendue difficile par la combinaison de leviers territoriaux multiples (Le Gall et al., 2013). Le manager a besoin d’indicateurs afin de réévaluer régulièrement l’adéquation entre la stratégie retenue et les attentes de l’organisation. Ces indicateurs doivent donner la mesure de l’efficacité de la stratégie, c'est-à-dire de sa capacité à atteindre l’objectif fixé ainsi que la mesure de son efficience, c'est-à-dire le niveau des performances obtenues au regard des moyens engagés.

De façon récurrente, les économistes soulignent l’impossibilité d’établir une mesure satisfaisante des externalités issue d’un choix de localisation. Sergot (2004) montre que les performances sont d’autant plus difficiles à évaluer que les effets directement associables à la localisation ne sont pas aisément identifiables. De plus, les mesures comptables des coûts et des profits ne cernent qu’une partie des retombées effectives de la décision. Certains profits sont par exemple de type organisationnel. Ainsi, en reprenant l’encadré 0.5 (dans l'introduction générale), il serait possible de montrer que les producteurs ayant fait le choix de développer un partenariat actif avec Labeyrie ont été conduits à mettre en place des conditions de suivi de lots et de respects de normes de production plus strictes. Ces adaptations organisationnelles réduisent les risques d’un accident sanitaire.

D’une façon générale, Schmenner (1979) souligne la nécessité de disposer d’outils qualitatifs pour apprécier les retombées des choix territoriaux effectués. Dans la définition que les politiques donnent de l’ancrage, c'est-à-dire en retenant sa vocation sociétale, on comprend aisément la nécessité d’une évaluation qualitative des retombées. Sur ce point, Dupuis (2008, p.160) constate la difficulté pour les chercheurs à démontrer « les relations supposées

positives entre performances sociale et environnementale et performances économiques, à produire une mesure de la performance globale de l’entreprise. »

Certes, certains chercheurs soulignent la tendance croissante des entreprises, y compris des grandes firmes et des groupes, à intégrer dans leur stratégie la construction de liens territoriaux. Matteaccioli et Tabariès (2006, p.2) indiquent que « Les grandes entreprises ont

plus tendance qu’auparavant à chercher un ancrage territorial et à constituer autour d’elles un milieu de ressources (…) ». De la même façon Frayssignes (2005), sollicite les travaux de

Perrat sur Thomson et HP qui montrent que les deux firmes ont des stratégies territoriales différenciées mais que les écarts entre les approches des grandes firmes se réduisent (p 91 et 92). Toutefois, l’IMS et l’ORSE38, présentant leur travail de synthèse sur l’ancrage territorial et le reporting international, plaident pour une meilleure mesure des performances des stratégies territoriales engagées « Pour ce travail de fond sur les démarches d’ancrage

territorial, l’IMS et l’ORSE ont pris appui sur l’expérience de leurs entreprises adhérentes, notamment AREVA, Accor, Danone, EDF-GDF, Lafarge, Schneider Electric, Total, et Suez. (…) Aujourd’hui, ces démarches d’ancrage sont encore souvent menées de façon empirique, sans s’inscrire dans la gestion des risques et des performances de l’entreprise. (…) » (p. 2).

La difficile mesurabilité des effets d’ancrage, tant en termes d’efficience que d’efficacité, tant au sein des PME que des groupes internationaux, limite l’argumentation en faveur de l’intégration de l’ancrage territorial dans une stratégie générale d’entreprise.

2.4.3 Le choix de localisation est une décision parfois contingente qui engage le processus d’ancrage

2.4.3.1 Le choix de localisation n’est pas toujours une décision de nature stratégique

Le choix de localisation engage la fixation du cadre territorial au sein duquel le processus d’ancrage, qu’il soit anticipé ou non, peut se dérouler. Le choix de localisation fait partie intégrante du processus étudié. Certains auteurs (Teissier, 1997) identifient explicitement le choix de localisation comme étant d’ordre stratégique et le choix précis du site (au sein de la zone stratégiquement retenue) comme étant d’ordre opérationnel. Cette distinction ne fait toutefois pas l’unanimité.

Fulconis (2004), s’appuyant notamment sur les travaux de Marchesnay, oppose

logique d’innovation et logique d’optimisation. Il différencie les activités de gestion de celles

de management. Il introduit l’idée de modes de délibération différents entre ces deux

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IMS-Entreprendre pour la Cité et l’ORSE (Observatoire pour la Responsabilité Sociétale des Entreprises),

L’ancrage territorial : thématique émergente de la Responsabilité Sociétale des Entreprises, communiqué de

logiques. Le mode de délibération retenu dans une logique d’optimisation est le calcul et une pensée verticale. Le mode retenu dans une logique d’innovation est la créativité et une pensée latérale. Or, dans le cadre d’une première implantation, on peut aisément envisager que tout l’effort de créativité repose sur d’autres aspects du projet que la variable territoriale. Celle-ci relève d’un simple point de gestion.

Tableau 2.8

Catégorisation des décisions

Niveau de décision Stratégique Opérationnel

Démarche Management Gestion

Logique Logique d’innovation Logique d’optimisation

Attitude Modifier les règles Optimiser dans le cadre des contraintes

Ordre de pensée Créativité Calcul

Type de pensée Latérale Verticale

Type de questionnement « Fait-on les choses qu’il faut ? »

« Fait-on les choses comme il faut ? »

Vision du territoire La création de ressources territorialisées offre un avantage

concurrentiel stratégique

L’implantation territoriale est une contrainte à gérer (trouver

un terrain, un local, négocier, gérer des délais,…)

Source : D'après Fulconis (2004), sauf dernière ligne du tableau ajoutée par nous

La question que l’entrepreneur et son équipe se posent n’est pas « fait-on les choses

qu’il faut ? » mais plus modestement « fait-on les choses comme il faut ?» (Fulconis 2004,

s’appuyant sur Martinet). La localisation, qui débouchera sur des engagements et éventuellement des opportunités territoriales, peut être vécue comme une contrainte et non comme une perspective d’avantage concurrentiel. Il s’agit simplement de disposer d’une infrastructure, de la financer, de la doter en équipement.

Il semble que le processus d’ancrage puisse débuter par une décision qui ne soit pas nécessairement de nature stratégique, soit parce qu’elle est simplement opérationnelle, soit, à l’extrême, parce qu’il s’agit d’un non-choix, c'est-à-dire qu’elle résulte d’un comportement passif (Champenois, 2008).

2.4.3.2 Un choix pouvant être actif ou passif, initié ou non

La distinction entre différents choix territoriaux peut également s’appuyer sur les notions d’ « action » et d’« inaction » développées par March et Simon (1958, p.168 et suiv.)

ne devrons pas traiter les deux cas symétriquement (…)». L’absence de choix de changement,

c'est-à-dire le fait de créer l’entreprise sur le territoire d’origine de l’entrepreneur, est toutefois difficile à interpréter. Est-il le choix de ne rien faire ou est-il le fait de ne pas envisager que l’on puisse faire ? Une entreprise maintenant sa localisation est-elle une entreprise réévaluant sa localisation de façon positive, c'est-à-dire une entreprise active, ou une entreprise n’envisageant pas de rechercher une meilleure satisfaction par une relocalisation, c'est-à-dire une entreprise passive ?

March et Simon (1958) développent également le concept d’ « initiative ». Dans le cas d’une création, le choix d’une localisation est une contrainte qui ne relève pas d’une initiative particulière. Il s’impose à l’entrepreneur. A l’inverse, lorsqu’une entreprise cherche à modifier sa position concurrentielle et décide pour cela de changer de localisation ou de