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Deuxième fondement de l’ancrage : les interrelations locales entre agents

INTRODUCTION DU CHAPITRE 1

1.2 Deuxième fondement de l’ancrage : les interrelations locales entre agents

Certains espaces, tels ceux accueillant des clusters, des districts, des pôles de compétitivité, regroupent des entreprises généralement ancrées. Ces regroupements sont volontaires et opportunistes. La Nouvelle Economie Géographique s’est attachée à les expliquer. Les externalités, de natures multiples, sont une explication largement mise en avant.

1.2.1 Les apports de la Nouvelle Economie Géographique (NEG)

La NEG se donne notamment pour objectif, depuis le début des années 90, d’expliquer pourquoi les entreprises se regroupent (Krugman, 1991, 1993 ; Crozet et Lafourcade, 2009). Ce phénomène de concentration s’observe dans les pays du nord comme dans ceux du sud. Les entreprises semblent trouver un intérêt particulier à s’implanter les unes à côté des autres. Or, les avantages de première nature (présence de ressources naturelles notamment) n’expliquent plus ces mouvements. La tendance est à une localisation des agglomérations d’entreprises à proximité des métropoles et non plus sur les sites naturellement riches. Ce mouvement de regroupement rappelle celui décrit par Hotelling mais ne peut pas être expliqué uniquement par le désir d’optimiser la proximité avec la clientèle (métropole). Une telle logique de regroupement peut d’ailleurs sembler paradoxale alors que l’on parle de mondialisation, de multiplication des échanges, et que les mouvements de délocalisation donnent une impression d’éclatement. Les coûts de transport ont profondément chuté. Glaeser et Kholase (2004) indiquent que le prix de transport d’une tonne de marchandise a été divisé

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par huit entre 1890 et aujourd’hui. Quelle que soit la provenance d’un produit, il peut parvenir à un coût raisonnable sur n’importe quel marché. La NEG montre que, paradoxalement, ce phénomène n’entrave pas les constitutions d’agglomération, bien au contraire.

Tout d’abord, la baisse régulière des coûts de transport ne signifie pas que les échanges sont devenus totalement fluides et gratuits. La NEG considère quatre principaux types d’entraves constitués par les barrières douanières, les coûts de transaction, les coûts de transport et la valeur du temps consacré aux échanges. Crozet et Lafourcade (2009) montrent ainsi qu’en moyenne la valeur d’un bien industriel vendu 100 euros20 est constituée de coûts de production pour 37 euros, de coûts de transport pour 8 euros, de barrières douanières et réglementaires pour 20 euros et enfin de coûts de distribution pour 35 euros. Les deux tiers du prix du bien que paie le consommateur sont liés à l’acheminement.

Ensuite, c’est précisément parce que les barrières à l’échange se réduisent que les agglomérations se développent. En effet, les tenants de la NEG, appuyant leur modélisation sur des travaux empiriques, montrent que les coûts sont plus affectés par les rendements croissants liés à la concentration de la production que par les rendements décroissants liés aux barrières à l’échange. La concentration signifie également une plus grande diversité des fournisseurs et de plus grandes possibilités de produire des biens différenciés qui répondent à la demande. La mécanique d’optimisation des coûts industriels tend à la constitution d’agglomérations au sein des marchés les plus importants, c'est-à-dire à proximité des zones de forte concentration de population et d’entreprises.

Comme le soulignent de nombreux chercheurs, la NEG, et son chef de file le prix Nobel Krugman, prolongent les travaux de Weber, Marshall, Von Thünen ou Hotelling (Benko et Lipetz, 2000 ; Fujita et Thisse, 2003 ; Crozet et Lafourcade, 2009). Ce travail, qui redéfinit une situation d’équilibre en situation de concurrence imparfaite, place l’enjeu spatial au sein de l’économie urbaine. En outre, elle propose des éléments d’explication aux phénomènes de rendements croissants. Ceux-ci peuvent être abordés en considérant la nature des interdépendances entre entreprises. On parle d’externalités (1.2.2). Elles peuvent également être abordées du point de vue de l’environnement engendrant ces interdépendances. On parle d’économies d’agglomération (1.2.3).

Les externalités et les économies d’agglomération contribuent à la compréhension de l’ancrage territorial.

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1.2.2 Les externalités

La Nouvelle Economie Géographique reprend les notions d’externalités pour expliquer les gains de productivité observés chez les entreprises qui, cumulativement ou non, sont implantées au sein d’agglomérations ou au sein de métropoles. Les seules économies d’échelles liées à des investissements individuels ne suffisent pas à expliquer les rendements croissants dont elles bénéficient.

La notion d’externalité n’est pas propre à la NEG. Marshall, dès le XIXème siècle, montrait que « les secrets de l’industrie cessent d’être des secrets ; ils sont pour ainsi dire

dans l’air, et les enfants apprennent inconsciemment beaucoup d’entre eux » (Marshall, 1890,

tome 1, p. 466). Par ailleurs, de nombreux autres courants exploitent et développent cette notion. Les chercheurs de l’économie industrielle, ceux de l’école de la proximité ou les théoriciens de l’école de la régulation en font un élément central de leurs travaux. La notion d’externalité répond à des acceptions très larges. La notion d’externalité permet d’identifier des interactions non négociées (Cooke et al., 2005).

La littérature propose de nombreuses formes d’externalités. Au premier rang de celles-ci figurent les externalités pécuniaires. Ces externalités tiennent notamment à des indivisibilités, c'est-à-dire à des investissements collectifs qui réduisent la part des investissements individuels. La notion d’externalités technologiques désigne les effets liés à des accumulations de technologie et de savoirs dans des environnements qui favoriseront leur circulation. (Feldman, 1999 ; Cheshire et Malecki, 2004 ; Audretsch et Lehmann, 2006). Enfin, nous pouvons également mentionner les externalités d’adoption (ou de réseau). Celles-ci « apparaissent dès que la satisfaction que retire un agent de son adhésion à un réseau

économique est positivement corrélée au nombre d’adopteurs de ce réseau » (Vicente, 2002,

p.537).

La notion d’externalité intéresse à la fois le regard de l’économiste, auquel elle permet de comprendre la nature du lien entre différents agents, de l’urbaniste, pour qui l’externalité est un élément dynamique d’organisation du paysage, du politique qui trouve là une des sources du développement endogène sur laquelle il peut agir, et aussi du gestionnaire qui verra dans l’externalité un élément de construction stratégique. L’externalité peut être à la base de la création d’un avantage concurrentiel.

1.2.3 Les économies d’agglomération

Les économies d’agglomération sont le résultat d’externalités qui apparaissent du fait d’une densité accrue d’entreprises sur un territoire donné. Il peut s’agir d’économies de

localisation naissant d’une spécialisation industrielle ou d’économies d’urbanisation

répondant à une diversité sectorielle.

Les économies de localisation apparaissent lorsque des entreprises sont regroupées au sein d’une même agglomération industrielle spécialisée. Cette spécialisation concerne l’ensemble d’une filière et porte aussi bien sur les inputs nécessaires à la production de biens intermédiaires que sur la réalisation de produits finaux.

Les économies de localisation reposent sur un ensemble de phénomènes. Ainsi, l’apparition d’indivisibilités (infrastructures communes à des entreprises d’un même secteur et ne pouvant être morcelées) débouche notamment sur des externalités pécuniaires. Le développement d’une main d’œuvre spécialisée facilite le développement local d’une entreprise. Il permet également de nourrir des externalités technologiques ; les salariés favorisant les transferts de savoirs lors de changements d’entreprises.

Sur le plan territorial, les clusters tels que la Silicon Valley ou les districts industriels, sont des espaces caractérisés par l’existence d’économies de localisation. Les études empiriques montrent que plus la taille des agglomérations s’accroît, plus l’importance et la qualité des externalités progressent. Elle montre également que l’importance de ces économies varie selon les secteurs d’activité concernés (Polèse et Shearmur, 2005).

Les économies d’urbanisation sont caractérisées par la nature de l’espace qui les engendre. Il ne s’agit plus d’agglomérations d’entreprises d’un même secteur, comme dans le cas des économies de localisation, mais de métropoles ou d’espaces urbains s’en approchant. Ces économies reposent sur une forte diversité des activités des firmes et des services publics. Par exemple, une entreprise va bénéficier d’accès autoroutiers qui ne sont pas spécifiquement aménagés pour un secteur industriel et qui répondent aussi aux besoins des habitants.

L’entreprise peut trouver sur place des fournisseurs ou des prestataires exerçant des métiers diversifiés. Elle a accès à un panel de solutions techniques plus large qu’au sein d’une agglomération spécialisée. Mais cette diversité des fournisseurs présente d’autres avantages. La NEG retient notamment l’hypothèse d’un attrait des consommateurs pour la diversité. Or la diversité des fournisseurs présents au sein d’une métropole facilite la différenciation des fabrications. De plus, cette diversité est une réponse à l’incertitude. La firme qui fabrique des

produits non standards sait qu’elle sera amenée à développer des produits différents à l’avenir mais elle ignore lesquels. Cette forte incertitude se trouve réduite si elle a l’assurance que les partenaires qui lui seront alors utiles se trouvent à proximité.

Sur le plan stratégique, la détermination de la localisation revient à savoir si une firme doit privilégier les économies de localisation ou d’urbanisation, si elle doit opter pour un environnement spécialisé ou un tissu diversifié. Les économies de localisation et d’urbanisation favorisent des externalités de natures multiples. Les externalités technologiques peuvent par exemple se développer au sein de métropoles (savoirs diversifiés) ou au sein d’agglomérations (savoirs spécialisés).

Une importante littérature porte sur les phénomènes d’innovation au sein de clusters (Audretsch et Feldman, 1996 ; Trippl et Tödtling, 2007). Mais comme le soulignent Gaschet et Lacour (2007), les phénomènes d’innovation relèvent souvent à la fois d’une logique d’agglomération des clusters et des économies d’urbanisation liées aux développements des fonctions métropolitaines à proximité des grandes villes. Ces auteurs proposent le néologisme de « clusty » en unifiant les termes de cluster et city. Ils tentent ainsi d’établir une unification des approches de l’économie urbaine, qui explique les mouvements de concentration et d’attractivité des villes, et celles de la géographie de l’innovation ou de l’économie industrielle, qui portent leur attention sur les phénomènes d’émergence d’activités nouvelles au sein de systèmes productifs localisés (SPL), clusters et districts.

1.2.4 Les apports des externalités à la compréhension de l’ancrage et leurs limites

Sur le plan organisationnel, tout se passe comme si l’agglomération permettait d’étendre le rayon de prise en compte des actifs de la firme. La construction de ressources partagées peut permettre une différenciation par rapport aux entreprises situées hors du territoire. Il s’agit là de création de ressources collectives localisées. Les externalités liées à des économies d’agglomération permettent de faire émerger l’idée d’un ancrage territorial. Elles permettent également de comprendre l’ancrage comme une démarche stratégique pouvant répondre à des objectifs multiples.

Une stratégie d’ancrage peut consister à disposer d’un avantage concurrentiel par l’obtention de rendements croissants mais elle peut aussi répondre à une volonté d’innovation en bénéficiant de débordements technologiques. La mise en évidence des économies de localisation peut expliquer l’ancrage comme une volonté d’immersion dans un espace de spécialisation. Les économies d’urbanisation suggèrent, elles, que l’ancrage puisse traduire la

volonté d’acquérir des ressources permettant la production de biens non standards ou de réduire l’incertitude concernant l’accès futur à des ressources diversifiées.

Plusieurs critiques peuvent être adressées à cette approche de l’économie géographique, notamment le fait de ne pas prendre assez en compte la possibilité de coordinations à distance et de raisonner comme si la mobilisation des ressources devait être traitée au sein d’un territoire clos. Or, si les polarisations centre/périphérie sont une réalité, il existe aussi des mouvements de dispersion, reposant sur des coordinations à distance. Par ailleurs, l’économie de réseaux (global networking), largement identifiée et commentée dans la littérature, échappe aux schémas de polarisation de l’économie géographique (fondés essentiellement sur la constitution d’agglomérations et des oppositions centre/périphérie).

Dans l’optique de notre recherche, la principale limite de l’économie urbaine est le manque de compréhension des mécanismes de coordination mis en jeu, au-delà de la démonstration empirique des modèles établis. La constatation de l’existence d’économies d’agglomération (Jaffe et al., 1993 ; Feldman, 1999) n’explique pas totalement les mécanismes à l’œuvre au sein des espaces étudiés. S’il est assez simple de comprendre l’intérêt pour une firme d’être implantée à proximité d’un aéroport, et si on peut en chiffrer l’impact en termes d’économie de temps de déplacement, il est beaucoup moins évident de comprendre pourquoi une entreprise doit être située à proximité d’un laboratoire pour partager ses savoirs. La nécessité d’une situation de face-à-face pour la transmission d’informations tacites est parfois contestée (Grossetti et Bès, 2003a). Quel est le rôle de la proximité géographique ? Comment se diffuse le savoir ? Comment les échanges sont-ils coordonnés ? Quel est le rôle des institutions21 locales ? Comme le constatent Gaschet et Lacour (2007, p.709), l’économie urbaine a tendance à limiter ses interrogations à des « approches de

critériologie positive ou de benchmarking : de quels types d’activités et d’attributs faudrait-il disposer pour qu’une ville d’un certain type puisse bénéficier des mécanismes positifs liés à la métropolisation ».

La notion d’ancrage a gagné de ces différents apports une clarification et une différenciation des objectifs poursuivis par la firme. En revanche, à ce stade de notre revue de la littérature, nous ne savons toujours pas quels sont les mécanismes en jeu. C’est l’ambition de l’économie industrielle et de la géographie de l’innovation d’aider à les mettre en lumière.

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D’une façon générale, nous donnons dans notre travail une signification large au terme « d’institution ». Celui-ci renvoie aussi bien à des organismes publics qu’à des règles de fonctionnement impliCelui-cites adoptées par un ensemble d’acteurs.

Encadré 1.1

Illustration22n°6 : Une externalité pécuniaire contribuant à l’ancrage territorial ; le cas de la filière fruitière lotoise

De nombreux producteurs du sud du Lot (production de pommes, notamment) se trouvent en concurrence avec leurs homologues du Tarn et Garonne. Or, les producteurs du Tarn et Garonne parviennent à livrer sur des plateformes de groupage leurs productions journalières une heure plus tôt que leurs homologues lotois. En effet, le Tarn et Garonne est un carrefour logistique situé à la fois sur un axe nord-sud et un axe est-ouest. Toutes les compagnies de transport régionales y sont présentes et disposent de plateformes et d’entrepôts. Cette heure d’avance leur permet de voir leurs productions partir le jour même à destination des marchés de gros alors que les producteurs du Lot voient leurs marchandises arriver trop tard sur la plateforme de groupage pour pouvoir être réexpédiées le jour même. A l’arrivée, sur les marchés de gros, leurs produits ont ainsi systématiquement perdu une journée de fraicheur. La prise en compte de cette contrainte collective a incité à la mise en place d’une plateforme de groupage au sud de Cahors. Cette plateforme a, dans un premier temps, permis de gagner du temps sur le groupage et d’opérer des expéditions vers les marchés de gros le jour même des cueillettes. Dans un second temps, l’existence de cette plateforme a permis de favoriser de nouvelles externalités et un développement endogène. Par exemple, une activité d’entreposage sous douane a pu être mise en place, intéressant notamment l’industrie vinicole locale. Il s’agit ici de l’émergence d’une ressource23 collective (une plateforme de groupage et stockage), que les producteurs et industriels locaux ont vite transformée en actif collectif. Cette action, initiée par les collectivités locales (Communauté de Communes de Cahors et Chambre de Commerce et d’Industrie du Lot) repose sur une dynamique de développement endogène (émergence d’activités nouvelles sans implantation d’entreprise extérieure). Les externalités pécuniaires dégagées grâce à la plateforme ont eu un impact direct sur la position stratégique des producteurs locaux vis-à-vis de leurs concurrents du département voisin. Enfin, cette action a favorisé directement l’ancrage local des usagers de la plateforme.

1.2.5 Les apports de l’économie industrielle

Si l’économie spatiale tente de comprendre comment les entreprises structurent le territoire, à l’inverse, l’économie industrielle, mais aussi la géographie de l’innovation, se demandent comment le territoire influence l’émergence des firmes et leurs trajectoires.

Les entreprises ne détiennent plus un savoir exclusif mais puisent leurs ressources dans un savoir partagé. Leur structure organisationnelle échappe aux contours traditionnels de la firme pour se prolonger dans des liens plus ou moins formalisés avec d’autres acteurs. Les PME, adaptables, réactives, jouent un rôle nouveau dans la production de l’innovation (TIC par exemple). La théorie des réseaux est largement sollicitée pour expliquer ce phénomène (Veltz, 1991 ; Roper, 2001 ; Cohendet et al., 2003).

En même temps, des régions traditionnellement industrielles périclitent alors que de nouveaux espaces économiques émergent. Selon l’expression d’Aydalot (1984, p.9), on

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Cette illustration n'est pas tirée de la phase empirique de notre thèse. Il s’agit d'une situation que nous avons rencontrée dans notre vie professionnelle.

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Le terme de « ressource » est défini de façons multiples dans la littérature. Nous retenons comme définition, celle que Marchesnay (2002, p.53) propose en s’appuyant sur les apports fondateurs de Penrose : « Toute entité

susceptible de fournir un flux de services, à partir d’un support (interne ou externe) aux pôles d’activité de l’entreprise ». Nous justifions et commentons ce choix dans le chapitre 4.

assiste à un « retournement spatial », c'est-à-dire à un nouveau rôle joué par les territoires en matière de développement économique et d’innovation. Une dynamique endogène nouvelle est apparue même si, notamment dans les grandes villes, on assiste surtout à un phénomène de renforcement.

Il s’agit de savoir comment faire coïncider, d’une part, les réseaux et les alliances développés par les firmes nouvelles et, d’autre part, les diverses configurations territoriales observées. Du point de vue des organisations, les logiques organisationnelles du territoire et de l’entreprise se mêlent. Comme l’écrit Perrin (1990, pp.283-284) : « La

spécialisation-intégration, la création technologique et la construction territoriale sont les trois composantes principales de la dynamique industrielle. Elles sont les éléments d'une même démarche organisationnelle qui s'applique à tous les types de structure : les microstructures, notamment les entreprises, les macrostructures telles que les systèmes territoriaux publics et les mésostructures du type réseaux d'innovation et organisations technopolitaines. »

Depuis 1984, le GREMI prolonge cette approche du développement local en se penchant sur les structures territoriales permettant l’émergence de l’innovation. Le territoire possède des qualités propres, liées à des composantes multiples (savoir-faire, main d’œuvre, structures de recherche, etc.), qui le dotent d’une capacité plus ou moins grande à faire émerger des entreprises novatrices. Dans cette vision, le territoire, qualifié de milieu

innovateur, est au cœur de la dynamique territoriale (voir 1.3).

1.2.6 Les apports institutionnalistes

Le terme d’institutionnalisme recouvre un ensemble large de théories, fréquemment sollicitées dans les approches de la localisation et des rapports entre l’entreprise et son territoire.

La théorie des coûts de transaction (Williamson, 1975 ; Josserand 2001) est parfois retenue pour analyser la décision de localisation (McCann et Sheppard, 2003 ; McCann et Shefer, 2004). Cette approche repose toutefois sur une hypothèse de volonté maximisatrice et d’opportunisme des agents. Une telle hypothèse nous semble peu adaptée à la compréhension de certaines réalités observées et qui ont été explorées dans la littérature. C’est par exemple le cas de critères de localisation non quantifiables (Schmenner, 1979), de modes de coopération (Hagedoorn, 1993 ; Neuville, 1993), de rapports de confiance pouvant émerger notamment grâce au partage d’un système de valeurs au sein d’un territoire (Callois, 2007 ; Dupuy et Torre, 1998 et 2004 ; numéro de la Revue du Mauss, 1994 ; Storper, 1995) et des attentes

variées des entrepreneurs (Julien et Marchesnay, 1996 ; Marchesnay, 2007 ; St-Pierre et Cadieux, 2011).

En revanche, les approches institutionnalistes montrant le rôle d’institutions localisées dans l’émergence de nouvelles formes de coordination sont plus aptes à rendre compte de ces phénomènes. Les prémices de telles approches sont anciennes et l’étude des districts italiens constitue un premier terrain empirique (Becattini, 1992) mettant en évidence le rôle d’une agglomération d’entreprises et d’un esprit communautaire. Les usages, le partage d’un système de valeurs communes, les rapports coopératifs entre firmes concurrentes contribuent à expliquer un ancrage fondé sur des ressources collectives et les différentiels de croissance qui peuvent en résulter, indépendants de rendements croissants. Toutefois, comme le soulignent Bouba-Olga et Zimmermann (2004, p.93), une telle approche substitue « la boite

noire des institutions (…) à celle des externalités ». La constatation d’un jeu institutionnel

localisé ne permet de comprendre ni son fonctionnement sur la profitabilité des entreprises, ni les conditions de son émergence. L’introduction de phénomènes d’autorenforcement