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1.3 50 ans de gestion de la zone côtière en France

2. Les dynamiques démographiques et spatiales du littoral breton La population bretonne est historiquement concentrée sur les littoraux (Ollivro, 2005).

2.2. Urbanisation du littoral et maîtrise foncière

2.2.1. Une vitesse de construction soutenue sur le littoral

L’attractivité qu’exerce la zone côtière sur les populations s’accompagne inévitablement d’une urbanisation et d’une pression foncière croissante. Le phénomène est particulièrement marqué en Bretagne. En effet les côtes bretonnes totalisent à elles seules près du tiers des superficies construites en logements individuels sur l’ensemble du littoral français (Observatoire du Littoral-SOeS, 2009). La question de l’artificialisation des littoraux bretons par la construction de nouveaux logements est donc aujourd’hui une problématique majeure pour la région, d’autant plus que si la dynamique démographique se prolongeait, la population bretonne pourrait croître de 14 % à l’horizon 2030 (Ramonet, 2009) en gagnant 370 000 ménages supplémentaires (Luong et Rul, 2008).

Le modèle breton de construction est particulièrement gourmand en espace, dans le sens où l’habitat individuel est très largement privilégié. Ainsi, même si la taille moyenne des parcelles à vocation d’habitat a fortement diminué depuis le début des années 1980, elle semble avoir atteint un palier et reste relativement importante (environ 1000 m² par logement). Entre 1999 et 2007, 265 000 nouveaux logements ont été construits en Bretagne, particulièrement autour du Golfe du Morbihan et en Ille-et-Vilaine autour de Rennes (Luong et Rul, 2008) (figure 36). Le taux de construction annuel moyen sur l’ensemble des littoraux bretons est soutenu, principalement autour des grandes agglomérations (Brest, Lannion, St- Brieuc, St-Malo). Le parallèle avec l’évolution de la population durant cette même période est très clair. La consommation de l’espace à des fins urbanistiques est plus intense dans des secteurs déjà densément peuplés, et donc urbanisés, entraînant de fait une compétition foncière parfois très inégalitaire et une dégradation préjudiciable du paysage.

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Figure 36 : Taux de construction annuel moyen par commune entre 1999 et 2007 (Source : INSEE).

Si la majorité des nouveaux logements bretons construits sont destinés à une résidence permanente (Observatoire du Littoral-SOeS, 2009), la question des résidences secondaires en Bretagne est loin d’être une question annexe. En effet en 2006, les résidences secondaires représentaient 19 % de l’ensemble des logements bretons (Levy, 2008). Le littoral breton totalise à lui seul 31,4% des surfaces construites en résidences secondaires sur le littoral métropolitain en 2006, cette part ayant doublé depuis 1990 (Observatoire du Littoral-SOeS, 2009). Le littoral apparaît particulièrement concerné par ce phénomène puisqu’en 2001, 67,9 % des résidences secondaires bretonnes s’y concentraient (Observatoire Régional du Tourisme Bretagne, 2004).

Par conséquent, qu’elle soit le fait de résidences principales ou secondaires, la pression immobilière se fait de plus en plus forte sur le littoral breton. Il convient toutefois de distinguer pression foncière et niveau de construction. En effet, si les littoraux de certains départements méditerranéens sont désormais saturés, ce qui se traduit par une stagnation du niveau de construction, d’autres départements comme la Gironde ou le Finistère disposent encore de très vastes espaces littoraux non urbanisés. Le niveau de construction important y est donc associé à une pression foncière encore modérée (Observatoire du Littoral-SOeS, 2009).

2.2.2. Une consommation de l’espace pour l’habitat au détriment des terres agricoles Malgré les innovations technologiques et le développement des productions « hors-sol », la proximité de la mer demeure un facteur favorable au déroulement de certains types d’activités agricoles : maraîchage, horticulture (Ollivro, 2005). L’attractivité résidentielle récente du littoral entraîne une compétition spatiale avec l’activité agricole. En effet les

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surfaces consommées pour l’urbanisation en Bretagne en constante augmentation depuis le début des années 1990, sont très largement supérieures à celles des autres régions de la façade atlantique (figure 37).

Figure 37 : Surfaces construites sur la façade atlantique entre 1990 et 2006 (Observatoire du Littoral, 2009).

La figure 38 montre que la consommation de l’espace pour l’artificialisation s’effectue sur les littoraux bretons quasi exclusivement au détriment de terres agricoles. Cette tendance découle vraisemblablement de la surreprésentation des terres agricoles dans les communes littorales bretonnes par rapport à la moyenne nationale (70,1 % contre 41,4 %).

Figure 38 : Evolution de l’occupation des sols en Bretagne entre 2000 et 2006 (source : CORINE Land Cover 2000, 2006).

Ainsi, sur le littoral comme dans les communes rurales périurbaines, le recul des espaces agricoles vivement concurrencés par l’urbanisation se traduit par l’accroissement des conflits

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d’intérêts. En effet, pour ses nouveaux habitants, l’espace rural est avant tout considéré à travers sa vocation résidentielle ; d’un espace de production on passe ainsi à un cadre de vie dans lequel les nuisances engendrées par l’activité agricole sont de moins en moins bien supportées. Le bon déroulement de l’agriculture s’en trouve également contrarié d’autant par la segmentation de l’espace de production et la multiplication des contraintes de circulation et de pratiques. Pourtant, selon Lebahy et Le Délézir (2006), le maintien de l’agriculture littorale constitue le meilleur rempart contre une urbanisation excessive et une mono-activité touristique, et pour préserver l’harmonie des paysages. « L’imbrication progressive de l’urbain dans le rural favorise les conflits d’usage entre résidents et agriculteurs, rend difficile la poursuite de l’activité. […] Pour ceux qui le souhaitent, la spéculation renforcée sur les terres et les bâtiments d’exploitation recherchés pour leur intérêt patrimonial et architectural, rend le choix difficile. Le foncier agricole, entraîné par la vague générale de spéculation, devient lui-même inaccessible ». Mais les agriculteurs eux-mêmes sont partiellement responsables de cette situation. En effet la poursuite de l’activité et la transmission du patrimoine foncier deviennent de moins en moins rentables.

La montée en puissance des sources de conflit entre activité agricole et néo-ruraux nécessite donc de s’interroger sur la façon de concilier les différents usages de la campagne. Or Canevet (2004) rappelle qu’une déprise agricole trop importante se traduirait par une fermeture des paysages et leurs conséquences en termes d’accessibilité, de visibilité et de biodiversité, mais aussi par des pertes d’emplois. Notons que les propositions stratégiques de reconversion du modèle agricole breton ne manquent pas (Layadi, 2004). Parmi ces propositions, commencent à émerger celles de maintenir un territoire de production préservé, soucieux de la qualité de l’environnement, à l’inverse du modèle productiviste dans lequel l’agriculture bretonne s’est engouffrée depuis la Seconde Guerre Mondiale.

2.2.3. Urbanisation, tensions foncières et mixité sociale

Dans le même temps, l’attractivité du littoral breton tient aux valeurs de nature et d’authenticité qu’il véhicule, à travers notamment certains sites emblématiques (Cap de la Chèvre, pointe du Raz, Golfe du Morbihan, ria d’Etel, côte de Granit Rose…). Pétris de cette image, les nouveaux arrivants et jeunes ménages recherchent de préférence une maison isolée, avec un jardin, au bord de la mer quand c’est possible. Dans les années 1970, ce type de demande a contribué à renforcer la dispersion originelle de l’habitat, organisé en hameaux. L’attrait pour la maison individuelle demeure, même si les politiques foncières tentent de limiter cette consommation anarchique de l’espace, en attribuant des vocations par zonage.

En conséquence, sur le littoral breton, l’extension urbaine ne s’est pas effectuée autour des hameaux existants, mais plutôt le long du linéaire côtier ou des routes littorales. Comme le rappelle Le Du-Blayo (2007), « ce type d’habitat, fortement consommateur d’espace et alimenté par une demande qui ne faiblit pas, produit rapidement un continuum d’urbanisation, rarement dense mais aussi – et c’est lié – rarement absent ».

On peut distinguer parmi les communes littorales soumises à une importante pression foncière deux groupes distincts (DRE Bretagne, 2004) :

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- des communes qui connaissent une croissance de l’habitat uniquement en lien avec leur positionnement littoral, les nouvelles constructions étant essentiellement constituées de résidences secondaires et de logements pour retraités (Perros-Guirec sur la côte nord, St-Cast-Le-Guildo à l’ouest de St-Malo) ;

- des territoires où ce positionnement littoral interfère avec la proximité d’un pôle urbain important pourvu d’une dynamique économique propre, pour lesquels le développement est à la fois périurbain et littoral, avec un risque accru de tensions foncières (côte sud autour de Quimper, Lorient, Auray, Vannes).

Les conséquences directes en termes de pression foncière pour les communes littorales peuvent être comparées aux communes insulaires (Buhot, 2006). La forte convoitise exercée sur un espace disponible à la construction relativement limité entraîne mécaniquement une hausse des prix, la demande étant supérieure à l’offre. Dès lors les ménages locaux éprouvent de plus en plus de difficultés à se loger sur place, les terrains étant monopolisés par des ménages plus âgés (et plus aisés) ou des ménages étrangers à la région mais disposant de revenus supérieurs (DRE Bretagne, 2004). Dans les communes où l’on constate une forte ségrégation spatiale, on voit peu à peu apparaître une perte progressive de la mixité sociale ainsi qu’une ségrégation générationnelle, avec tous les impacts économiques associés (Sonnic, 2009).

Pour Lebahy et Le Délézir (2006), le contrôle de l’urbanisation littorale est la condition du maintien de l’identité de la Bretagne. L’étalement urbain, caractéristique du bâti sur le littoral est également synonyme d’une perte de sens collectif et d’une multiplication probable des conflits d’usage, d’un impact environnemental fort et de tensions sociales accrues (DATAR, 2004). Sur la période récente 2005-2007, on constate cependant en Bretagne un taux de construction plus élevé de logements collectifs que de logements individuels, et une baisse récente dans la production de ces derniers (Luong et Rul, 2008). Est-ce la matérialisation d’une prise en compte de ces enjeux dans l’aménagement du littoral ?