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Unité Populaire et désastre socio-naturel

catastrophe occultée (1971)

A) Unité Populaire et désastre socio-naturel

Selon le Centre Sismique National du Chili, le séisme de La Ligua de 1971 n’est pas considéré comme l’un des plus grands de l’histoire sismique chilienne, cependant il a fait 85

morts, 451 blessés et 284 mille sinistrés256.

Miguel Lawner se rappelle les premières heures et les actions menées par le gouvernement d’Allende face à la catastrophe, surtout la vitesse avec laquelle les hauts fonctionnaires de l’Unité Populaire ont dû agir face à l’urgence :

« … après 15 minutes (passé le séisme), je reçois un appel téléphonique, je dormais chez moi, le Président nous donne rendez-vous, on pourrait dire à tous les exécutifs du logement, demain, c’est à dire le lendemain à 8h30 du matin à l’Intendance de Valparaiso, de façon qu’on a voyagé, bon, le groupe d’exécutifs en incluant le Ministre du Logement et d’autres fonctionnaires. Il y avait un représentant de l’ODEPLAN, du Bureau de Planification Nationale que… je dirais, ils ont assumé le rôle de coordinateurs de tout le programme (…). Bon, de façon que nous nous sommes constitués là, le jour suivant, les répliques étaient fortes, nous étions dans un vieux bâtiment de l’Intendance qui aujourd’hui a été approprié par les marins en tant que siège de la l’Etat major de l’Armée et qui tremblait beaucoup. Mais immédiatement, on a distribué les tâches...»257.

255 L’Éditorial Quimantú fut créée par le gouvernement de l’Unité Populaire de façon de garantir un accès massif à la lecture donc pendant la dictature les livres provenant de cet éditeur étaient d’autant interdits et il est rare et compliqué d’en trouver.

256 Information obtenue sur le site officiel du Centre Sismologique National sur le lien

http://www.csn.uchile.cl/efemerides-sismicas-terremoto-de-valparaiso-1730-y-la-ligua-1971/ (consulté en septembre 2017)

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Figure 8 : Photo de l’archive de site Mémoire du quartier San Joaquín258. Le texte signale : « Le Président Allende à Illapel, épicentre du tremblement de terre. La solidarité naît face à la tragédie ».

Quant à la rapidité de la réaction d’Allende, celle-ci est également présente dans la mémoire de l’écrivain et ancien ministre du gouvernement de Piñera (2010-2014), Roberto Ampuero qui a écrit :

« Mon dernier tremblement de terre au Chili fut celui de juillet 1971, quand j’étais adolescent. (…) Je me rappelle qu’il ne s’était même pas écoulé 15 minutes depuis le début du séisme quand l’ex-président Salvador Allende s’est adressé au pays au travers d´une intervention radiophonique en appelant au calme. Je me souviens que des 400 logements à Petorca, 10 sont restés debout. Pour sa réaction immédiate, on l’a tous remercié, puisqu’il a fait preuve de leadership, nous a insufflé du courage et nous a fait savoir qu’il était à côté de nous. Personne ne l’aurait pardonné de tarder des heures à s’adresser à ses compatriotes.

L’épicentre du tremblement de terre avait aussi été, dans la zone centrale en 1965. Alors l’autorité n’a pas tardé à envoyer les forces militaires patrouiller les zones affectées pour aider les victimes et éviter les saccages. Nous étions un pays pauvre et modeste de l’Amérique Latine, et les gens attendaient patiemment l’aide nationale »259.

258 Sur le site de Mémoire du Quartier San Joaquin, à propos des tremblements de terre soufferts par les voisins. Sur le lien http://sanjoaquin50.blogspot.cl/2011/09/los-terremotos-en-la-poblacion-san.html (consulté plusieurs fois entre 2012 et 2017)

259 Rubrique d’opinion de Roberto Ampuero “Mi primer terremoto desde 1971” du 25 septembre 2015 sur le lien

http://ellibero.cl/opinion/mi-primer-terremoto-desde-1971/ (consulté en septembre 2017). Roberto Ampuero, journaliste et écrivain chilien, fut Ministre de la Culture durant le premier gouvernement de Piñera (2013-2014), ainsi Ministre d’Affaires Extérieures du deuxième gouvernement de Sebastian Piñera (2018-2019).

98 En effet, en 1965 un tremblement de terre s’était produit sous le gouvernement d’Eduardo Frei Montalva (DC) et parmi les mesures qu’il a adoptées, on retiendra l’ouverture du Bureau d’Urgences National du Ministère de l’Intérieur ONEMI. Il a ainsi élargi la capacité de planification et de gestion de l’État à travers la création du Ministère du Logement et du Bureau de Planification ODEPLAN. Le gouvernement de Frei a mobilisé une génération de technocrates réformistes, la plupart d’entre-deux étaient des économistes qui se référaient aux avis des experts de la Commission Économique pour l’Amérique Latine et les Caraïbes

CEPAL260.

Pour les experts en politique sociale chilienne, les gouvernements de Frei et d’Allende

sont associés au moment d’essor de l’État de Compromis où les politiques sociales ont

bénéficié d’avancées importantes261. Même si, tout comme Frei, Allende avait confiance dans

les compétences techniques des économistes et de la CEPAL, les différences entre les projets de planification globale de ces deux gouvernements sont très profondes. Le gouvernement de Frei avait pour projet de moderniser le système capitaliste chilien tandis que l’Unité Populaire

voulait en finir avec ce système et mener le Chili vers un système socialiste262. De ce fait au

début du gouvernement d’Allende, l’ODEPLAN fonctionnait comme un secrétariat technique, c’était l’endroit où se discutaient les plans de moyen et long terme tels que les plans régionaux et nationaux pour les 6 ans de mandat mais comme on le verra plus tard, le profil des experts a changé vers 1972. En ce qui concerne la catastrophe de 1971, ce fut justement ODEPLAN qui fut l’organisme chargé de coordonner le processus de reconstruction et de l’édition du « Plan de reconstrucción de las provincias de Coquimbo, Aconcagua, Valparaíso, Santiago y O’higgins afectadas por el sismo el 8 de julio de 1971 ». Sur la responsabilité technique et politique de l’ODEPLAN, Lawner précise :

260 Selon Gárate : “Les idées centrales du projet “cépalien” se basaient sur 1) la prémisse d’une inégale distribution des gains du commerce entre le centre et la périphérie, et 2) l’inadéquation des mécanismes du marché dans l’assignation des ressources nécessaires pour le développement, ce qui impliquait un rôle central de l’État dans cette tâche. C’est ici que se trouve le noyau du modèle de “développement vers l’intérieur”, propre de ce qu’on a connu entre 1938 et 1973 comme État de Compromis, État Développeur (Desarrollista), ou État Bienfaiteur”. GARATE, Manuel (2012). La revolución capitalista de Chile. Desde la tradición del liberalismo decimonónico (1810-1970) a la búsqueda de una utopía neoconservadora (1973-2003). Ediciones Universidad Alberto Hurtado, Santiago de Chile, p.129

261 Fundación para la Superación de la Pobreza y Escuela de Periodismo, Universidad Diego Portales (2011). Pobreza: 200 años en la prensa escrita. Santiago: Programa Comunicación y pobreza, p. 10

262 SILVA, Patricio (2010). En el nombre de la razón: Tecnócratas y Política en Chile. Ediciones Universidad Diego Portales, p. 150-151

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« L’ODEPLAN a maintenu une équipe permanente de coordination dans des bureaux (locaux) de l’ODEPLAN, nous nous sommes toujours réunis entre représentants, dans le cas du logement : de la CORVI, de la CORMU, de la COU - Corporation d’œuvres urbaines –. Il venait également de compagnons de la Direction d’œuvres portuaires, de travaux publics, de la Direction d’Architecture, d’entretien de routes, etc. Assistaient également des représentants des Carabineros [Gendarmerie], des Forces Armées et des représentants de la

CUT [CGT], l’institution syndicale qui à l’époque était vraiment représentative,

mais aussi des représentants des entreprises. Ils ne venaient pas aussi fréquemment qu’on aurait désiré, mais ils étaient au moins invités. Il y eut une coordination permanente. Je ne sais pas quand on a terminé, il s’est passé du temps bien sûr, mais la participation a baissé, surtout à partir du moment où nous avons tous reçu une feuille de route qui était ce document (il montre le plan officiel de reconstruction du gouvernement) »263.