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Logement et discrimination : l’État comme principal agent de ségrégation

Les années 1980 : Entre refondation du pays, première reconstruction néolibérale et résistances

C) Logement et discrimination : l’État comme principal agent de ségrégation

Selon María José Pérez-Bravo374, historiquement, la politique chilienne du logement

social a été conditionnée par la disponibilité de ressources économiques des différentes administrations et la capacité d’exercer la pression par des groupes requérants. Aux débuts des années 1970, les villes chiliennes avaient déjà souffert trois décennies de « tomas » (d'occupations illégales de terrains) car le déficit de logements avait augmenté à partir de la deuxième partie du XXème siècle. En 1952 le manque de logement fut chiffré à environ 156.205 logements, en 1960 il était de 454.000. En 1970 on parle de 592.324 logements

manquants375. C'était l'époque de l'apparition des « pobladores », des personnes pauvres qui

faisaient partie des anciens « comités de sans foyer » et qui, à cause de l’explosive situation politique des années 1960 et du début des 1970, ont commencé à être encadrés par des partis

373 Entretien à Ricardo Tapia, juin 2017

374 PEREZ-BRAVO, María José (2008). “De la integración por vasallaje a las políticas modeladoras: El énfasis por la regulación en las políticas de vivienda social”. InDe CEA, Maite; DIAZ, Paola et KERNEUR, Géraldine (2008). Chile: De país modelo a país modelado? Una mirada sobre la política, lo social y la economía. Groupe d’études sur le Chili GRESCH, ICSO Universidad Diego Portales, Universidad de Chile, Universidad Bolivariana, pp. 348-349.

375 HIDALGO, Rodrigo (1999). “La vivienda social en Chile: la acción del Estado en un siglo de planes y programas”. In “Iberoamérica ante los retos del Siglo XXI”. Revista Electrónica de Ciencias Sociales y Geografía, N°45 sur le lien http://www.ub.edu/geocrit/sn-45-1.htm (consulté en septembre 2017)

135 politiques et/ou des mouvements révolutionnaires. Sur le terrain le nombre des « tomas » était

en constante croissance et fut à l’origine des grands bidonvilles appelées « Poblaciones »376 et

« Campamentos »377. Durant le gouvernement d’Allende, l’accès au logement fut reconnu

comme un droit, et la question de logement devint un problème public prioritaire qui mobilisa beaucoup d’efforts de la part de l’État. La politique de l’Unité Populaire consistait également à lutter contre la spéculation foncière. Notamment lors de la catastrophe de 1971, l’action de l’État fut directe. L’idée était d’accompagner les localités, en utilisant le Système de Préfabrication Légère KPD et de faire participer les « pobladores » au processus de construction (comme nous avons vu dans le Chapitre I).

Figure 11 et 12 : La photo378 à gauche montre un de premiers panneaux en béton KPD (signé en bas par Allende) qui se trouve exposé au Musée de la Mémoire et Droit Humains du Chili. La photo à droite379 montre un quartier en reconstruction avec les « mediaguas » de 1985.

Concernant le processus de reconstruction après le séisme de 1985, tant la politique du logement comme les mesures adoptés par l’État ont été loin de cette perspective. En effet, le

376 Les “poblaciones” sont formées de quartiers qui étaient un jour des “campamentos”. La plupart des poblaciones sont composées de logements d’autoconstruction mais dans certains cas comme ceux qui ont bénéficié des programmes des années 1960 et 1970 elles sont constituées de bâtiments ayant bénéficié de la politique du logement ciblée encore sur la qualité. Par contre, les “poblaciones” construites à partir de la dictature répondent à une logique de marché, elles sont plus marginalisées et sont très peu desservies.

377 Terme employé en allusion à leur fragilité et au caractère combatif qu'ils représentaient. Les « campamentos » à différence des « poblaciones » sont plus démunies, ce ne sont que des terrains avec des logements de construction précaire souvent faits de planches de bois et/ou métal récyclées.

378 Photo prise par l’auteure lors de l’Exposition “La Fábrica de Viviendas Populares KPD” au Musée de la Mémoire et Droits Humains du Chili, entre plusieurs photos de ce système de fabrication de panneaux pour les logements sociaux. On explique que ce panneau en particulier fut occulté pendant la dictature, la signature d’Allende fut cachée avec du ciment et de la peinture. La fabrique a été fermée 1979.

379 Photo cédée par le professeur Ricardo Tapia, qui lors de son entretien a ouvert son archive personnelle sur la reconstruction post-tremblement de terre de 1985.

136 Système KPD fut arrêté en 1979 et remplacé par des solutions apportées par le secteur privé. Les solutions pour répondre au problème de logement après les séismes de 1971 et 1985 ont été complètement différentes. En effet, comme on peut le voir sur les images, les panneaux KPD étaient en béton, et les « mediaguas » construites après 1985 en panneaux de bois.

Comme le souligne Tapia380, l’action de l’État concernant la période d’urgence et la

reconstruction fut très limitée. Dans une situation de violence politique et de refondation du pays, le processus de reconstruction n’était que secondaire, sauf pour ce qui concerne l’économie :

« Il y a eu une absence totale d’action de la part de l’État puisqu’on était en pleine dictature, beaucoup de droits des citoyens ont été supprimés, les organisations étaient atomisées, et il y avait beaucoup de répression et de morts, c’est pourquoi l’État n’a tout simplement pas agi. Je dirais que fondamentalement (…) ce qui a été affecté par ce tremblement furent des installations portuaires, quelques bâtiments ont eu des problèmes, mais pas les logements dans des territoires populaires, dans le sens qu’ils ne sont pas tombés, … par contre beaucoup d’entre eux ont été dégradés et il a fallu les réparer ; mais pas, comme je te dis, grâce à l’action de l’État car celle-ci en général fut très limitée : on ne connaît presque pas de programmes d’aide aux populations sinistrées développés par l’État. Ils ont plutôt travaillé avec la logique subsidiaire qu’ils avaient à peine installée… ».

Avec le putsch de 1973, l’histoire du logement social changea brusquement puisque les « pobladores », qui participaient majoritairement à l’Unité Populaire, ont été réprimés fortement (incarcérés, torturés et/ou disparus) et la politique du logement basée sur le droit au logement accordé aux plus pauvres a changé radicalement. Comme M. Thatcher qui a introduit des réformes concernant le problème de logement au Royaume-Uni vers la fin de son mandat, Pinochet a avancé très vite avec les réformes néolibérales, mais celles concernant le logement, n’ont été impulsées qu’à partir de 1978. Comme le signalent Bravo et

Martinez381, le logement n’était plus considéré un droit mais comme « un bien qui peut être

acquis à travers l’effort et les économies des familles ». Le système de « Subsidio Habitacional », une sorte d’allocation accordée aux familles va être créé. De cette façon la

380 Entretien à Ricardo Tapia, juin 2017

381 BRAVO, Luis et MARTÍNEZ, Carlos (1993). Chile: 50 años de Vivienda Social (1943-1993). Universidad de Valparaíso, p. 25

137 famille et l’État partagent une part de responsabilité. Ce système qui fonctionne toujours fait

l’objet de critiques de Lawner382 :

« (…) le modèle néolibéral c’est ça, au Chili on l’a mené de manière fanatique, nous fûmes effectivement les cobayes. Ici s’est implanté le virus apporté par les Chicago Boys, Milton Friedman qui est venu voir Pinochet, son plus direct collaborateur Arnold Harberger, qui pour notre malheur, il fut, il est… je ne suis plus sûr s’il est mort… marié avec une chilienne. Il s’est installé ici, dans le Ministère du logement et il a élaboré avec les gens, les fonctionnaires du Ministère, toutes les politiques qui sont encore en vigueur jusqu’à aujourd’hui, le « subsidio » qui est l’instrument financier avec lequel le MINVU fait tout ! Tout ! Tout ! Le « subsidio » ! ».

À partir de cette réforme, les responsabilités de l’État sont réduites à : réglementer, planifier, contrôler les processus, et accorder des allocations tout en ayant comme objectif de maintenir un haut niveau de revitalisation des investissements, c’est à dire de baisser les coûts

le plus possible383. L'accent est mis sur les critères économiques et non sur la qualité des

logements ni sur les services, ni sur les « réseaux » auxquels pourraient avoir accès les plus

pauvres. Les auteurs Bravo et Martinez384 expliquent qu’à partir de ce moment, c’est l’État

qui développe et soutient la création d’un marché ouvert du logement, tandis que la responsabilité de la construction reste entre les mains du secteur privé qui propose des projets

en considérant la question foncière ou pas385. De sa part, Hidalgo386 souligne qu’en outre, les

prix des sols ont été entièrement soumis au marché en changeant radicalement l'accès au logement à cause de la spéculation foncière.

D’après Pérez-Bravo387, à cause de son orientation, la politique chilienne de logement

social fait que l’État est devenu le principal agent de ségrégation résidentielle à grande échelle

382 Entretien avec Miguel Lawner, 20 juin 2017

383 À long terme, cette politique de bas coût a impliqué des logements de très basse qualité, en général de 43/50 mètres carrés, très peu desservis, dans des quartiers écartés du centre-ville.

384 BRAVO, Luis et MARTÍNEZ, Carlos (1993). Chile: 50 años de Vivienda Social (1943-1993). Universidad de Valparaíso, p. 25

385 BRAVO, Luis et MARTÍNEZ, Carlos (1993). Chile: 50 años de Vivienda Social (1943-1993). Universidad de Valparaíso, p. 25-26

386 HIDALGO, Rodrigo (1999). La vivienda social en Chile: la acción del Estado en un siglo de planes y programas in “Iberoamérica ante los retos del Siglo XXI”. Revista Electrónica de Ciencias Sociales y Geografía, N°45 sur le lien http://www.ub.edu/geocrit/sn-45-1.htm (consulté en septembre 2017)

387 PEREZ-BRAVO, María José (2008). De la integración por vasallaje a las políticas modeladoras: El énfasis por la regulación en las políticas de vivienda social in De CEA, Maite; DIAZ, Paola et KERNEUR, Géraldine

138 et depuis, on associe directement le logement social à l’exclusion et au phénomène de ghettoïsation des villes. L'action de l’État chilien à travers sa Politique de Logement a marqué le destin des communes qui aujourd'hui sont considérées comme pauvres. Par rapport aux impacts sociaux, Hidalgo conclut que :

« … la grande majorité des communes de destination de logement sociaux, par leur caractère périphérique et leur niveau réduit d'investissement, ne comportait pas des infrastructures et des bons équipements pour faire face à un tel accroissement de la population. Les programmes ont eu un impact négatif sur l'intérieur de la ville. La nouvelle localisation des populations modestes, associée au bas coût de terrains, a

contribué à accentuer la ségrégation ... »388.

Moins étudiée que la politique elle-même, cette réforme des logements a eu une

première étape assez violente, puisque l’action à court terme fut :

« ...l’expulsion de « campamentos » fut structurée à partir de l’assignation de l’allocation individuelle et de la création de communes « réceptrices des pauvres ». (…) Pendant cette période, on a priorisé la fonction de régulation des politiques publiques, comme on peut le constater dans leur contenu, avec la volonté de désarticuler les communautés porteuses de conflit avec l’État. Les éradications se

sont focalisées sur les « tomas » et les « campamentos ». »389.

Sur le lien entre la politique du logement et la dislocation des communautés, Lawner

390signale :

« … dans le cas du MINVU de transférer [l’argent public] vers des projets privés, c’est à dire, c’était pervers. De plus dans le cas du logement, il y a un autre but pas mineur : au Chili, jusqu’à la dictature, il y avait un très important mouvement de « pobladores » qui avait réussi à construire sur des terrains occupés lors de

(2008). Chile: De país modelo a país modelado? Una mirada sobre la política, lo social y la economía. Groupe d’études sur le Chili GRESCH, ICSO Universidad Diego Portales, Universidad de Chile, Universidad Bolivariana, pp. 348-349.

388 HIDALGO, Rodrigo (1999). La vivienda social en Chile: la acción del Estado en un siglo de planes y programas in “Iberoamérica ante los retos del Siglo XXI”. Revista Electrónica de Ciencias Sociales y Geografía, N°45 sur le lien http://www.ub.edu/geocrit/sn-45-1.htm (consulté en septembre 2017)

389 PEREZ-BRAVO, María José (2008). “De la integración por vasallaje a las políticas modeladoras: El énfasis por la regulación en las políticas de vivienda social”. InDe CEA, Maite; DIAZ, Paola et KERNEUR, Géraldine (2008). Chile: De país modelo a país modelado? Una mirada sobre la política, lo social y la economía. Groupe d’études sur le Chili GRESCH, ICSO Universidad Diego Portales, Universidad de Chile, Universidad Bolivariana, p. 356.

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« tomas » durant la décennie de 1950-1960. Elles [les tomas] ont été significatives, elles furent organisées ; ils ont occupé de bons terrains, ils se sont installés correctement. Moi-même, j’ai conseillé le mouvement, j’ai collaboré avec d’autres compagnons. La force qu’avait alors ce mouvement était importante. Or le « subsidio » individuel de logement a cet autre objectif qui est d’en finir avec la force du groupe, chacun reçoit son fameux petit papier et il est joyeux en pensant qu’il a résolu le problème, en étant fidèle à la consigne de Milton Friedman : liberté de choisir… non ! … qu’une entreprise de construction vienne te dire où tu vas t’installer !?! Mais tu as le droit de choisir !?! C’est ça l’appât avec lequel on te vend le « subsidio » ! ».

Concernant ces expulsions, il a été possible de retracer certaines expulsions grâce aux

bulletins clandestins391 qui contiennent beaucoup de détails, on peut suivre les histoires des

populations expulsés, voir où ont été envoyés les « pobladores », quelles étaient les communes de destination et la façon dont on les a expulsés. Ces exils urbains furent dans la plupart du temps très agressifs, on peut trouver des récits où les expulsions forcées impliquaient la présence des militaires avec leurs camions, la destruction des « mediaguas » et l’emprisonnement des opposants, entre autres. En confirmant cette violence, à travers les entretiens à des anciens « pobladores », Pérez-Bravo a pu dévoiler leurs expériences subjectives :

« Le transfert des « pobladores » a signifié pour eux la perte de leur « dignité » et de leur statut de citoyen, en même temps qu’on quitte un mode de vie, pour eux cette perte de citoyenneté est perçue comme « être jeté par l’État ». Et cette perception d’être mis à la marge s’accentue dans les cas de désarticulation de la vie au « campamento », avec une sensation de solitude et d’impuissance »392.

391 Bulletin clandestin Hechos Urbanos Boletín de Información y Análisis N°40 de 1985, ONG Sur Corporación. Sur le site officiel de Sur Corporación de Estudios Sociales y Educación sur le lien http://www.sitiosur.cl/publicacionescatalogodetalle.php?PID=2876&doc=&lib=Y&rev=Y&art=Y&doc1=Y&vid =Y&autor=&coleccion=Hechos%20Urbanos,%20bolet%C3%ADn%20de%20informaci%C3%B3n%20y%20an %C3%A1lisis&tipo=ALL&nunico=16000026 (consulté en décembre 2017) et bulletin clandestin Hechos Urbanos Boletín de Información y Análisis N°39 de 1985, ONG Sur Corporación. Sur le site officiel de Sur Corporación de Estudios Sociales y Educación sur le lien http://www.sitiosur.cl/publicacionescatalogodetalle.php?PID=2875&doc=&lib=Y&rev=Y&art=Y&doc1=Y&vid =Y&autor=&coleccion=Hechos%20Urbanos,%20bolet%C3%ADn%20de%20informaci%C3%B3n%20y%20an %C3%A1lisis&tipo=ALL&nunico=16000025 (consulté en décembre 2017)

392 PEREZ-BRAVO, María José (2008). De la integración por vasallaje a las políticas modeladoras: El énfasis por la regulación en las políticas de vivienda social in De CEA, Maite; DIAZ, Paola et KERNEUR, Géraldine (2008). Chile: De país modelo a país modelado? Una mirada sobre la política, lo social y la economía. Groupe

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Pour sa part, Lawner393 souligne que la manière dont s’est structurée la politique néolibérale

du logement a effectivement créé un marché important en même temps qu’elle a empêché de faire face aux conséquences sociales et politiques de catastrophes :

« le modèle néolibéral appliqué de façon fanatique comme il fut au Chili, a eu des conséquences dans notre domaine [le domaine du logement], il a affaibli, entre autres conséquences, la force sociale organisée pour demander l’endroit approprié où on veut vivre et non où te renvoie l’initiative privée, et il a généré des gains incommensurables (...) : le business surtout de terrains en ville, est devenu l’un des business les plus lucratifs aujourd’hui au Chili ».

La reconstruction post-tremblement de terre de 1985 a donc ouvert la possibilité de développer le marché immobilier. Non seulement elle fut le premier processus de reconstruction où on a utilisé le « Subsidio » comme mécanisme pour répondre aux sinistrés, mais elle fut également considérée comme moment d’opportunité pour changer la structure urbaine et sociale de certains quartiers. Dans ce sens, l’action publique a permis au marché de la spéculation immobilière de s’emparer de nouveaux terrains au centre-ville. Ceci a été le cas de la capitale Santiago où certains quartiers qui jusqu’à cette époque étaient habités de manière mixte par diverses classes sociales ont vu apparaître la ségrégation. À cause de cette politique de logement, Santiago est devenue une ville cloisonnée où on peut facilement identifier les quartiers où vivent les populations aisées de celles qui ne le sont pas. Ceci s’aggrava après la catastrophe et comme le signale l’article du journal La Tercera sur le tremblement de terre à l’origine du développement de certaines zones :

« (…) l’effondrement de nombre de ces maisons populaires, spécialement à l’Ouest de Santiago, a facilité la réutilisation du terrain urbain et a posteriori le développement des complexes immobiliers qui ont redessiné le périmètre ancien de

la capitale »394.

Dans la même ligne, on parle des bienfaits de ces mesures. L’ancien maire de Santiago désigné par les militaires pendant la dictature, Carlos Bombal, a assuré :

d’études sur le Chili GRESCH, ICSO Universidad Diego Portales, Universidad de Chile, Universidad Bolivariana, p. 357.

393 Entretien à Miguel Lawner, 20 juin 2017.

394 Article de presse “Le tremblement de 1985 a impulsé l’amélioration de San Antonio et des normes sismiques” sur le journal La Tercera sur le lien officiel http://diario.latercera.com/edicionimpresa/terremoto-del-85-impulso-mejora-de-san-antonio-y-de-normas-antisismicas/ (consulté en novembre 2012)

141 « Sans doute que le tremblement de terre a encouragé une utilisation plus extensive

du sol du centre-ouest. Ceci a permis que le secteur se rénove »395

.

La ségrégation a fonctionné de telle façon que même sans les expulsions directes de la part de la dictature, le marché à travers les politiques publiques a fini par « discriminer » les territoires où pouvaient vivre les « pobladores ». Ce fut la racine de ce qu'on appela à partir des années 1990 la ségrégation sociale ou la ghettoïsation urbaine chilienne. Elle est conséquence des mêmes politiques publiques qui prétendaient apporter une solution au problème du déficit de logements et à l’après-catastrophe des années 1980. Elles ont favorisé la quantité et surtout sur le développement de l'économie, plutôt que d'autres enjeux qui ont affecté de manière durable les individus concernés. De plus, la non-inclusion dans cette politique de certains aspects comme la qualité, la localisation, l'accès aux services, etc., a fini par aggraver les ségrégations et à long terme, on a pu constater l’apparition de nouveaux problèmes sociaux et urbains comme on verra plus loin.

2.3 Hégémonie néolibérale des savoirs, la nouvelle solidarité et la

reconstruction post-désastre comme opportunité pour la résistance

politique

A) Construction de l’expertise néolibérale en dictature : des processus sociaux