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Technocratie au pouvoir, le désastre comme fenêtre d'opportunité

Fondée en 1580 au centre-sud du Chili, la ville de Chillán se trouve parmi les principales villes historiques du pays. Au XIXe siècle, elle eut un rôle important lié à

l'agriculture, mais les nombreuses reconstructions qu'elle dût affronter dès ses débuts153

affectèrent souvent son développement. La grande catastrophe de Chillán a eu lieu le 20 janvier 1939 lorsqu’un tremblement de terre d'intensité majeure a provoqué une des pires catastrophes de son histoire. En effet, la catastrophe de Chillán est souvent évoquée comme le plus mortel des tremblements de terre du Chili. Elle a causé plus de 24.000 morts et selon la Direction générale des travaux publics, environ 95% des infrastructures de la ville ont été

détruites154. En 1939, de nombreuses provinces du pays ont été sévèrement touchées : Maule,

Talca, Linares, Ñuble, Concepción et Bio-Bio, toutes assez importantes pour l'économie nationale de l'époque.

La catastrophe coïncide avec un moment particulier de l'histoire politique chilienne car en 1938 arrive pour la première fois au pouvoir une coalition de centre-gauche, le Front

Populaire155. Ainsi, après ses études au Chili et en France en tant que spécialiste de droit

administratif et financier, le professeur et avocat Pedro Aguirre Cerda est élu Président de la République. En raison de son expérience académique et politique reconnue, il a été nommé deux fois ministre dans différents gouvernements et a créé la Faculté d'industrie et de

commerce de l'Université du Chili, principale université publique du pays156. Ainsi, il s'est

entouré d’experts et principalement d’ingénieurs dans son gouvernement.

153 Pendant la colonisation espagnole, Chillán fût détruite deux fois : en 1655, suite à un soulèvement de la résistance indigène contre les Espagnols, et en 1751, suite à un tremblement de terre et au débordement de la rivière Ñuble. En 1835, un nouveau tremblement de terre détruit la grande partie de la ville.

154 Information obtenue sur l'article “Chillán 1580-1939 : Le malheureux destin d'une ville” sur le site internet de la Bibliothèque Nationale du Chili “Memoria Chilena” (mémoire chilienne) sur le lien

http://www.memoriachilena.cl/602/w3-article-97948.html (consulté entre 2015 et 2017)

155 Le Front Populaire surgit à partir de la polarisation de la gauche et de la droite chiliennes du début du XXème siècle. Il fut constitué par le Parti Radical, Parti Socialiste, Parti Communiste, Parti Démocratique et Parti Radical Socialiste

156 Histoire Politique et Législative du Congrès National du Chili sur le site officiel du Congrès National sur le lien http://historiapolitica.bcn.cl/resenas_parlamentarias/wiki/Pedro_Aguirre_Cerda (consulté en juin 2017)

67 En raison de ces particularités du parcours du Président, le tremblement de terre de 1939 a été considéré par son gouvernement comme une opportunité pour renforcer le rôle de l´État et créer de nouvelles institutions publiques permettant d'améliorer la qualité de vie des Chiliens. La catastrophe intervient donc au moment de l’expression d’un « souhait

transformateur »157. Quand Pedro Aguirre Cerda est élu président, l'idée d'un « État

Moderne » était déjà présente dans les discours politiques, c'est-à-dire l’idée d’un État éloigné des pratiques de la « vieille politique », de l'oligarchie et d'une administration publique qui ne répondait pas aux critères de mérite et d'expertise, mais qui fonctionnait comme monnaie d'échange mobilisée par la classe politique et/ou comme héritage des groupes de pouvoir. Ce mécontentement et cette volonté de changement politique trouveraient alors une réponse dansles actions de cette nouvelle classe de fonctionnaires publics que formaient les technocrates. Le nouveau profil des directeurs et chefs de l’administration de l’État correspondrait à un fonctionnaire préparé, ayant fait des études et si possible, ingénieur ou

avocat. Il s’agit d’un groupe de fonctionnaires qui viendrait formuler et mettre en œuvre des

solutions aux problèmes présents dans le pays. À ce sujet, Ibañez Santamaría (1983) affirme : « Dans le nouveau concept d'État qui se manifeste durant ces années, les ingénieurs vont jouer un rôle prépondérant en tant qu’« experts » et comme tels, ils s’opposent aux « politiciens », ceux qui d'une manière ou d’une autre, ont incarné l'ancien concept d'État lié au

partisanisme-parlementaire constitutionnel ».158 Il s’agit de mettre fin à la situation où tout se jouait autour

du calcul électoral pour maintenir le pouvoir. Selon l'auteur, cette façon de comprendre la politique ouvre : « un nouveau contexte puisque ce modèle fonde le principe de la rationalité

administrative. Cela entraîna le besoin de planifier et de disposer de techniciens »159. Cette

logique a ainsi nécessité une réorganisation de l'administration publique et la catastrophe de 1939 est devenue le moment d’engagement d’une réponse institutionnelle que le Président Aguirre Cerda était prêt à mettre en œuvre. Il voyait la reconstruction post-désastre comme une opportunité de mettre en place des réformes en faveur des politiques sociales, notamment concernant le logement. En effet, l’une des premières mesures annoncées par le gouvernement de Pedro Aguirre Cerda a été la création d'une nouvelle institution chargée de la reconstruction et du logement social, la Corporation de Reconstruction et de Secours (Corporación de Reconstrucción y Auxilio). De plus, l’urbanisme, une science émergente, a

157 IBAÑEZ, Adolfo (1983). “Los ingenieros, el Estado y la Política en Chile”. Revista Historia N°18, Instituto de Historia, Pontificia Universidad Católica de Chile.

158 Op. Cit., p. 46. 159 Op. Cit., p. 49.

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ainsi placé au cœur de ses actions de reconstruction. Selon Lawner160, la génération des

architectes et des urbanistes chiliens qui en 1933 avait dirigé des réformes pour moderniser l’enseignement en Architecture au pays, s’est joint aux efforts pour reconstruire les zones les plus touchées par le tremblement de terre. Parmi les projets les plus importants que cherchait

à mettre en œuvre le gouvernement du Front Populaire se trouverent le développement urbain

des villes les plus importantes dans les provinces et la création des Plans d’Urbanisme ainsi que des équipements dans ces villes.

La catastrophe de Chillán n’a pas seulement été une opportunité pour développer de la question du logement et de l'urbanisme, mais elle a également favorisé un changement économique et industriel profond. Le moment politique a ainsi conflué vers une large critique du modèle économique mono-producteur chilien qui après le Crash de 1929 a plongé le pays dans une grande crise. Les critiques venaient principalement de divers milieux intellectuels, d’ingénieurs de l'Université du Chili et de certains secteurs de l'entrepreneuriat. Ce groupe a largement répandu l'idée du besoin d'industrialiser le pays et a adhéré à la conception d'un

État interventionniste capable de développer le Chili161. Ils cherchaient à promouvoir une

industrialisation nationale à travers l'action de l'État chilien, et à mettre en place des mesures plus protectionnistes en faveur de l'économie nationale ainsi qu’un changement profond dans la structure d'importations. A partir de la réforme administrative implémentée vers la fin des années 1920 par Pablo Ramirez certains membres de ces milieux ont ensuite intégré

l'administration publique. Ce groupe de technocrates a obtenu selon Silva162, une : « certaine

autonomie en disposant de plus d'espace pour influencer les politiques, ils ont réussi à (…) exercer une influence décisive dans le processus de prise de décisions dans les ministères, les entreprises étatiques et de l'administration publique en général ». Ainsi, c'est principalement ce groupe qui a influencé les actions de reconstruction post-tremblement-de-terre-1939 en matière économique.

160 LAWNER, Miguel (2011). “Los arquitectos, de terremoto en terremoto in CARES”, Carolina; IMILAN, Walter et VERGARA, Paulina (2011). Reconstrucción(es) Sociedad Civil: Experiencias de Reconstrucción en Chile post 27F desde la sociedad civil. Fundación Heinrich Böll y Observatorio de la Reconstrucción de la Universidad de Chile. Editorial LOM, p. 159.

161L'État et l'industrialisation nationale: la Corporation de Développement de la Production (1939-1959) sur la site officiel de la Bibliothèque Nationale du Chili “Memoria Chilena” (Mémoire Chilienne) sur le lien

http://www.memoriachilena.cl/602/w3-article-3508.html#presentacion (consulté en juin 2017)

162 SILVA dans ARAYA, Juan Pablo (2016). Influencia Burocrática en el proceso de formulación de Política Pública en Chile. Mémoire de Master en Sciences Politiques, Université du Chili.

69 En effet, il s'agissait d'un groupe de jeunes experts de haut niveau académique, apolitiques, occupant des postes de hiérarchiques intermédiares, fortement dévoués au service public. C’est ainsi que le processus d'industrialisation de l'État s'est transformé en l’une des politiques

centrales du gouvernement163. Parmi ses mesures de reconstruction, le Président Aguirre

Cerda proposa une Corporation de développement de la production CORFO (en espagnol

Corporación de Fomento Productivo). Il a également encouragé des initiatives scientifiques pour éloigner l'influence politique de la Corporation, de façon à assurer les objectifs définis

pour le développement chilien164.

Le gouvernement de Pedro Aguirre Cerda présenta un projet de loi ambitieux pour la reconstruction, qui porta sur l’économie, la santé, le logement et l’urbanisme ; il proposa non seulement une nouvelle organisation pour la construction des logements mais aussi une nouvelle institution chargée de développer le pays et de revitaliser l'économie dans les zones affectées. De plus, le Président introduisit parmi ses mesures un programme qui garantissait le droit aux congés et aux loisirs pour les travailleurs les plus pauvres du pays ainsi que la promotion du sport et de la médecine préventive.

Même si Aguirre Cerda disposait d’un large soutien de la centre-gauche chilienne et d’une équipe d'experts réputés, les mesures de reconstruction ont aussi fait l’objet de contestation politique et sociale et de discussions techniques critiques.

B) Reconstruire « sur des bases essentiellement scientifiques et rationnelles »

Malgré l’incorporation de la technocratie à l’action publique chilienne, l’État a montré ses limites et carences par rapport à sa capacité d’apporter une réponse face au désastre. Pendant des mois, les familles ont dormi sur les places, dans les parcs ou dans les espaces ouverts pour se protéger des répliques du séisme ; les aides nationales et internationales sont arrivées aux ports sans être acheminées jusqu’aux sinistrés ; l’organisation des villes avec des

militaires comme « chefs de zone » ou Intendentes reposée sur la bureaucratie et pour

demander de l’aide, les sinistrés ont créé des associations ou ont écrit directement aux

163ARAYA, Juan Pablo (2016). Influencia Burocrática en el proceso de formulación de Política Pública en Chile. Mémoire de Master en Sciences Politiques, Université du Chili.

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autorités du niveau central165. De fait, le nombre de sinistrés reste jusqu’à nos jours

approximatif ainsi que le nombre de morts et la quantification des dégâts, puisque le gouvernement n’a pu envoyer des assistants sociaux dans les zones de catastrophe que quelques mois après le séisme lorsque certaines personnes avaient déjà quitté les villes les plus touchées, et les orphelins comme les femmes et les personnes âgées avaient déjà été évacués.

Figure 5 : Photo de l’après le tremblement de terre de 1939166. Les sinistrés s’organisent en dehors des dispositifs de l’État, la population des zones de catastrophe dort dans des endroits à ciel ouvert de peur des répliques du

séisme.

Dans le même période, les premières difficultés qu’a rencontrées Aguirre-Cerda concernaient justement des controverses et les discusssions entre les expertes. La première à propos de la structure proposée pour la création de la Corporation qui devait administrer la reconstruction. L’Institut National d’Urbanisme a insisté sur le besoin de création d’un organisme public plus puissant comme un Ministère, qui en plus, pouvait être une institution plus durable qu’une corporation. Deuxièmement, et encore plus polémique, furent les discussions sur le destin des villes proches de l’épicentre du séisme telles que Concepción et Chillán, toutes les deux dévastées et formant donc un terrain de débat pour insérer des nouvelles idées modernisatrices. Par exemple, sachant que, Chillán fut complètement détruite, des architectes et urbanistes proposaient d’ériger une ville nouvelle. Dans ce sens, Carlos Charlin Ojeda, architecte et reconnu intellectuel de gauche, proposa :

165ALISTE, Enrique, & PÉREZ, Sofía. (2013). “La reconstrucción del Gran Concepción: territorio y catástrofe como permanencia histórica”. In Revista de geografía Norte Grande, (54), 199-218. https://dx.doi.org/10.4067/S0718-34022013000100011

166 Photo tirée de l’Article sur le tremblement de terre de 1939 sur le site d’information scolaire Icarito du groupe de médias chilien COPESA sur le lien http://www.icarito.cl/2009/12/85-6669-9-terremoto-de-chillan.shtml/

71 « L’Urbanisme, la science moderne qui s’occupe de l’étude des problèmes de

la ville, nous pose quatre aspects de la vie collective : le LOGEMENT, la CIRCULATION, le TRAVAIL, et le LOISIR. Reconstruire sur la surface actuelle de Chillán signifierait un gaspillage énorme d’argent. (...) Nous ne devons pas non plus nuire aux intérêts des propriétaires de biens immobiliers qui restent en dehors de la nouvelle superficie où se placerait la ville. Donc il est nécessaire d’étudier cet aspect au travers d’une solution où tous les anciens propriétaires soient actionnaires de la ville moderne qui se lèvera en proportion de la valeur de leurs biens, que l’État prenne en charge ces valeurs

et les retournent organisées aux intéressés. »167.

En effet, la destruction de Chillan à 95 % fut une opportunité pour la présentation de plusieurs projets urbanistiques innovants. À l’époque l’Urbanisme se positionnait au Chili comme une nouvelle science moderne. Parmi les propositions, celle de l’architecte Waldo Parraguez, montrait bien les arguments mobilisés à l’époque pour légitimer les nouvelles approches. Parraguez a publié son projet pour une ville nouvelle inspirée des idées de Le

Corbusier168 où il souligna :

« Se présente maintenant l’opportunité de reconstruire la zone dévastée sur des bases essentiellement scientifiques et rationnelles, en donnant avec celle-ci

un pas vers le progrès de l’Urbanisme. »169 .

Dans la même ligne argumentative, l’Association d’Architectes du Chili a réalisé une étude de sol où l’on faisait appel à l’avis d’experts pour trancher les décisions concernant les

actions à mettre en œuvre lors de la reconstruction. Dans leur rapport, ils soulignaient

l’importance de la rationalité scientifique comme moyen pour aboutir à une reconstruction réussie :

167 CHARLIN OJEDA, Carlos (1939). “Debemos construir ciudades nuevas en la región devastada y no reconstruir simplemente los edificios destruidos”. Revista Zig-Zag, pág 32. Sur le site officiel de la Bibliothèque et de l’Archive National sur le lien www.memoriachilena.cl (consulté en avril 2017)

168 Un groupe d’Architectes de l’Université du Chili avec la Municipalité de Santiago ont négocié avec Le Corbusier la possibilité qu’il intervienne à l’amélioration des espaces publics de la capitale. Le tremblement de terre s’est produit pendant les négociations. Malgré son intérêt de participer dans la reconstruction de Chillan, il a finalement décliné de venir au Chili.

169 PARRAGUEZ, Waldo (1939) cité par TORRENT, Horacio. (2016). “El suelo en la disputa por la reconstrucción urbana: Chillán, 1939”. ARQ (Santiago), (93), 84-97. https://dx.doi.org/10.4067/S0717-69962016000200011

72 « (…) il est nécessaire d’effectuer une recherche sérieuse et scientifique de la structure des sous-sols des villes et villages pour déterminer de manière scientifique et non simpliste la quantité de constructions que peut supporter le terrain dans les différentes zones d’une même ville. C’est le moment de le prendre en compte de manière particulière, étant donné son énorme importance pour la

reconstruction. »170.

Finalement, le projet que le gouvernement a présenté pour reconstruire la ville de Chillán, fut celui de Luis Muñoz Maluschka de la Direction de Travaux Publics. L’architecte et fonctionnaire public a proposé un nouveau plan de la ville. Selon les autorités de l’époque

c’était le projet le « plus moderne »171. Cependant, malgré les arguments mobilisés par les

autorités et les experts, les citoyens n’ont pas tardé à s’opposer à ce projet pour différentes raisons. La ville avait déjà été déplacée de son emplacement original après le tremblement de terre de 1835 et les citoyens ne voyaient pas avec de bons yeux un changement radical de leurs modes de vie. Lors de la reconstruction de 1835, les habitants de Chillan furent déjà considérés comme des « rebelles » et « obstinés » par les services de l’Intendance et les habitants de Chillán Viejo se considéraient comme « persécutés » et accusaient « les artisans

de la ville nouvelle de n’être rien de plus qu’une bande d’infâmes spéculateurs. » 172.

Parmi les groupes de contestation à la reconstruction de 1939, celui qui eut le plus d’influence dans le processus de reconstruction fut l’Association de Propriétaires de Chillán (Asociación de Propietarios de Chillán) qui fut créé pour : « laisser la planification de Chillán en l’état, à part les modifications accidentelles et de bas coût, et étudier un plan en conformité

avec les besoins et aspirations des habitants de Chillán »173. Cette Association cherchait non

seulement à éviter le déplacement de la ville mais également à minimiser les expropriations. Mais la conception des villes nouvelles modernes ne tenait pas du tout compte du point de vue

170 Extrait du rapport de l’Association d’Architectes (1939) sur Torrent, Horacio. (2016). “El suelo en la disputa por la reconstrucción urbana: Chillán, 1939”. ARQ (Santiago), (93), 84-97. https://dx.doi.org/10.4067/S0717-69962016000200011

171 TORRENT, Horacio. (2016). “El suelo en la disputa por la reconstrucción urbana: Chillán, 1939”. ARQ (Santiago), (93), 84-97. https://dx.doi.org/10.4067/S0717-69962016000200011

172 MUSSET, Alain (2011). Ciudades Nómadas del Nuevo Mundo. Fondo Económica de Cultura, México, p. 263

173 Article de presse “Asociación de Propietarios de Chillán defenderá la planificación de Chillán” (1939) cité par Torrent, Horacio. (2016). “El suelo en la disputa por la reconstrucción urbana: Chillán, 1939”. ARQ (Santiago), (93), 84-97. https://dx.doi.org/10.4067/S0717-69962016000200011

73 des habitants ou des sinistrés, bien au contraire, il n’y avait pas de place pour les approches

autres que la raison administrative. Selon Gil-Ureta :

« Muñoz Maluschka believed that people should accept that their city was dead and contemplate its future together, leaving aside “mean individual interests” (La Discusión, May 19). For him, sentimentalisms like “the love for the land, the little house, the growing tree” should not be taken into account by a rational state

(Pavez, 1993) »174.

Finalement, entre les différents projets, intérêts et visions politiques, le plan de reconstruction de Chillán s’est mis en marche vers 1943, se transformant en un mix entre les propositions des urbanistes et les demandes de citoyens propriétaires.

D’autre part, au niveau national, la discussion politique a pris place dans un contexte d’opposition, cependant celle-ci n’a pas été suffisamment critique envers le projet proposé pour le mettre un échec. A partir du moment où le projet de loi de Aguirre Cerda a été présenté au Congrès, celui-ci a dû contourner l’opposition des politiciens les plus conservateurs qui ne voyaient pas de lien entre la reconstruction et l’économie. Si bien qu’au début de la catastrophe, tous les dirigeants des partis politiques de l’époque ont déclaré leur soutien au gouvernement d’Aguirre-Cerda pour faire face au désastre, une fois les premiers mois passés et lorsque l’étape de la reconstruction a commencé, la contestation politique et technique s’est mise en marche. Un exemple de celle-ci est le positionnement du Parti Libéral

qui présenta un projet de reconstruction parallèle à celle du gouvernement175. Nonobstant, le

gouvernement a persévéré dans ses efforts transformateurs et après quelques modifications, il a persisté dans son plan de reconstruction devant le Congrès :

« La discussion du texte de loi débattu au sein de la chambre des Députés a été élaborée par la « Comisión de Hacienda » qui avec une rigueur spéciale a étudié cette proposition du gouvernement.

Dans l’hémicycle du Congrès National les allégations se divisaient. Un secteur argumentait que le besoin d’instances d’aide aux sinistrés n’avait pas de relation avec l’initiative de créer une entité destinée à appuyer le développement

174 GIL-URETA, Magdalena (2016). Catastrophes and States Building : Lessons from Chile’s Seismic History. Thèse, Columbia University, p.125

175 ALISTE, Enrique, & PÉREZ, Sofía. (2013). “La reconstrucción del Gran Concepción: territorio y catástrofe como permanencia histórica”. Revista de geografía Norte Grande, (54), 199-218. https://dx.doi.org/10.4067/S0718-34022013000100011

74 économique. D’autres répliquaient qu’il était nécessaire de soutenir les