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Une promotion au titre de la publicité comparative

Dans le document L'argument environnemental en droit du marché (Page 142-151)

193. Définition de la publicité comparative - La publicité comparative est définit par

l’article L.121-8 du Code de la consommation comme étant celle « qui met en comparaison

des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent… ».

194. Vertu de la publicité comparative - Il est amusant de rappeler que, si cette dernière a

longtemps été interdite en France dans le but de protéger l’intérêt des concurrents comme celui des consommateurs contre toute déloyauté commerciale, c’est également dans cet intérêt qu’elle fut admise en 1992343

.

En effet, la publicité comparative, même si elle peut présenter des risques de dénigrement ou de guerre de communication entre concurrents dont le consommateur serait une des principales victimes, a pour vertu d’assurer une certaine transparence du marché orientée vers les consommateurs tout en stimulant la concurrence par les prix344. Cependant, pour cela, elle se doit d’être loyale.

195. Condition de loyauté de la publicité comparative - Cette condition de loyauté est

prévue par l’article L.121-8 du Code de la consommation en ces termes : une publicité comparative « n’est licite que si elle n’est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur ;

elle ne porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif ; elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie ».

Nous verrons dans cette section, que le développement croissant de l’argumentation environnementale promotionnelle n’a pas épargné le domaine de la publicité comparative. C’est d’ailleurs pour cette raison que la Commission européenne a prêté une attention toute particulière à cette forme d’argumentation lors de la rédaction de la directive n°2006/114 CE

343

Loi n°92-60 du 18 janvier 1992 renforçant la protection des consommateurs, JORF, n°170017du 21 janvier 1992.

344

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établissant les conditions de licéité de la publicité comparative345, transposée dans le Code de la consommation à l’article précité.

196. Annonce de plan - Ainsi, il n’est pas étonnant que l’argument environnemental

comparatif ait fait l’objet, récemment, d’une reconnaissance jurisprudentielle (Paragraphe I), mais qu’au regard des conditions de loyauté posées par l’article L.121-8 du Code de la consommation, celui-ci soit, comme tout autre argument comparatif, limité (Paragraphe II).

Paragraphe 1/ La reconnaissance de l’argument environnemental comparatif

197. Cette reconnaissance jurisprudentielle (I) découle d’un arrêt récent de la cour d’appel

de Versailles346 saisie sur renvoi, dans lequel cette dernière a été amenée à apprécier la licéité d’une publicité comparative reposant sur un argument environnemental comparatif.

Nous verrons, dans cette affaire, que si la cour n’a pas reconnu la licéité de cette publicité comparative, elle a cependant admis la possibilité d’y intégrer un argument environnemental comparatif. Nous verrons à ce titre que la première décision de la cour d’appel de Versailles347 était allée plus loin en conférant à l’argument environnemental le caractère de préoccupation d’intérêt général (II), renforçant ainsi sa légitimité.

I/ Une reconnaissance jurisprudentielle

198. Origines de la reconnaissance – Sur renvoi de la Cour de cassation348, la cour d’appel de Versailles a du se prononcer sur la licéité d’une publicité comparative comprenant un argument environnemental.

Les faits sont les suivants : la société Bodum, fabricant de cafetière à pistons, avait diffusé une publicité mettant en cause les cafetières à dosette en aluminium vendues par la société Nespresso349 et les présentait comme particulièrement polluantes. Elle y représentait un tas de dosettes usagées avec la mention « make taste, not waste350 ». La société Nespresso a donc agi contre la société Bodum en se fondant sur une violation des règles de la publicité comparative ainsi que sur le parasitisme et le dénigrement.

345

Directive 2006/114/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative, JOUE, n° L 376/21 du 27 décembre 2006.

346

CA Versailles, 13e ch., 19 septembre 2013, n°12/07604.

347

CA Versailles, 12e ch., 19 mai 2011, n° 09/09134.

348

Com, 25 septembre 2012, n°11/21266.

349

Aucune marque n’était citée mais le demandeur à l’action s’était parfaitement reconnu.

350

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199. Conditions de licéité de la publicité comparative - Rappelons ici que pour qu’une

publicité comparative soit licite, elle ne doit pas être trompeuse ou de nature en induire erreur, elle doit porter sur des biens ou services substituables et comparer objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables er représentatives de ces biens ou services351.

Au regard de la publicité en cause, celle-ci affichait bien un caractère comparatif nécessaire à l’application de l’article L. 121-8 du Code de la consommation. Concernant, cependant, sa validité, la cour a estimé, comme nous le verrons plus en détails dans cette section, que la comparaison ne portait pas sur des caractéristiques essentielles vérifiables et objectives tenant non au goût du café mais à la production de déchets. Rappelons ici, que la CA n’a pas eu à se prononcer sur le parasitisme qui avait déjà été écarté et par la CA de Versailles et par la Cour.

200. Validité de l’argument environnemental comparatif - Plus que la question sur la

licéité de la publicité de Bodum, se posait surtout la question de l’argument environnemental comparatif : « peut-on, dans une publicité comparative, annoncer que le système concurrent

produit plus de déchets et en tirer un argument de vente ? 352 ». La cour répond à cette question par l’affirmative, sous la seule réserve que des éléments objectifs, comme des études indépendantes par exemple, permettent d’attester ce fait. Elle estime en effet, « que la

circonstance qu'une publicité puisse comporter une allégation environnementale comparative et qu'un annonceur puisse formuler une allégation environnementale relative à la gestion des déchets comme la volonté alléguée de la société Bodum de mettre en évidence un message de sensibilisation des consommateurs à l'environnement et à l'enjeu écologique lié à la diminution des déchets ne fait pas échapper la publicité litigieuse à l'obligation d'être objective dans la comparaison présentée ». Elle admet donc pour la première fois que

l'impact environnemental d'un produit puisse valablement servir d'élément de comparaison publicitaire.

Cette reconnaissance diffuse mais bien réelle semble confirmer la volonté affichée par les juges dans la première décision de la cour d’appel de Versailles353 de se faire le relai d’un consommateur de plus en plus attentif à l’impact environnemental d’un produit et dans

351

Article L.121-8 du Code de la consommation.

352

M. DEPINCÉ, L'argument environnemental dans une publicité comparative validé par une cour d'appel, 14 septembre 2011 en ligne : <http://www.lexcellis-avaocats.fr>. Cette question s’est également posée devant la cour d’appel de Versailles le 19 septembre 2013.

353

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laquelle ces derniers étaient allés plus loin en habillant l’argument environnemental comparatif du caractère d’intérêt général.

II/ Une consécration en tant que « préoccupation d’intérêt général »

201. Argument environnemental et intérêt général – La première solution de la cour

d’appel de Versailles avait été d’autant plus remarquée, qu’en plus d’offrir un rôle nouveau à l’argument environnemental, elle avait considérablement augmenté sa légitimité en prenant soin d’énoncer que le respect de l’environnement, abordé dans cette publicité à travers la question des déchets, constituait une « préoccupation d’intérêt général ».

Comme nous avons déjà pu nous en rendre compte en matière de Droit de la concurrence, la notion d’intérêt général joue un rôle central dans le débat sur l’amélioration du niveau de protection de l’environnement. Paradoxalement, cette notion ne souffre d’aucune définition rigide et préétablie. Ceci s’explique par le fait que l’idée même d’intérêt général évolue en fonction des besoins sociaux à satisfaire et des nouveaux enjeux auxquels est confrontée la société, comme l’illustre parfaitement la protection de l’environnement.

202. Utilité de l’argument environnemental comparatif - Malgré cette absence de

définition et le fait que la décision de la cour d’appel de Versailles fut cassée par la Cour, la reconnaissance du caractère de « préoccupation d’intérêt général » au respect de l’environnement, qui plus est dans un domaine aussi précieux pour le consommateur que celui de la publicité comparative, démontre une réelle volonté des juges d’accentuer l’information environnementale offerte aux consommateurs et confirme le rôle élargi du Droit du marché « défendant un ordre public de direction visant l'intérêt général, ce qui inclut désormais la

défense de l'environnement354» comme l’avait d’ailleurs souligné à l’époque Marie-Pierre

Blin-Franchomme. Cependant, même si cette reconnaissance n’a pas fait l’objet de contestations dans les suites de cette affaire, elle devra malgré tout être confirmée pour garantir un nouveau rôle à l’argument environnemental dans l’accompagnement d’une consommation plus responsable.

Toujours est-il, que si certaines préoccupations d’intérêt général liées à la protection de l’environnement représentent, comme nous l’avons vu pour les mesures étatiques, de véritables exceptions légales, en matière de publicité comparative, ce caractère ne pourra pas

354

M.-P. BLIN-FRANCHOMME, «Le "marché de la consommation durable": regards sur la loyauté des pratiques commerciales», op. cit.

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faire échapper l’argument environnemental aux conditions de licéité posées par le Code de la consommation comme cela a d’ailleurs été rappelé par la CA de Versailles en 2013.

Paragraphe 2/ Les limites de l’argument environnemental comparatif

203. Comme nous l’avons déjà vu, une publicité comparative se doit, pour être licite, de

respecter un certain nombre de conditions. Si l’argument environnemental comparatif doit à ce titre être loyal et porter sur des biens ou services substituables, c’est surtout au regard de son caractère non dénigrant (II) et son objectivité (I) qu’il pourra présenter quelques difficultés pour l’annonceur.

I/ Le non dénigrement de l’argument environnemental comparatif

204. Le risque de déloyauté est permanent en matière de publicité comparative. Ainsi,

même quand les annonceurs s’efforcent de respecter les conditions de ce texte, il se peut qu’ils dérivent et qu’ils utilisent des procédés déloyaux dans leur publicité. Dans ce cas, la publicité sera considérée automatiquement comme du dénigrement. C’est pourquoi en pratique, c’est généralement par ce biais que le comparé se défend et assigne. Il s’agit donc de la limite naturelle de la publicité comparative.

205. Absence de dénigrement - Cette condition est posée par l’article L.121-9-2ème du Code de la consommation en ces termes : une publicité comparative ne peut « entraîner le

discrédit ou le dénigrement des marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens, services, activité ou situation d’un concurrent ».

Ainsi, même si la publicité comparative a pour objet de démontrer la primauté des produits de l’annonceur par rapport à ceux de son concurrent, ce qui en théorie, l’autorise à mettre en avant les qualités de son produit par rapport à celles du produit de ses concurrents, elle ne doit pas conduire à jeter le discrédit sur les produits du concurrent en leur donnant, par exemple, une image exclusivement et excessivement dépréciée par rapport à ceux de l’annonceur. Ceci se justifiant par le fait que, dans de telles conditions, il est impossible pour le consommateur de se faire une opinion objective sur les avantages et inconvénients des produits comparés.

206. Illustration - L’argument environnemental comparatif n’échappe pas à cette limite

comme peut l’illustrer l’affaire Nespresso/Bodum. En effet, dans l’arrêt rendu le 19 septembre 2013 par la cour d’appel de Versailles et dans lequel la société Nespresso France reprochait à la société Bodum de l’avoir volontairement discrédité, les juges ont estimé que la publicité en

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cause ne mettant en avant qu’une caractéristique négative des produit Nespresso, sous la forme d’un « amoncellement de capsules percées, tordues, écrasées », non pas telles qu’elles pourraient effectivement ressortir d’une cafetière après usage, mais soumises à un traitement de détérioration volontaire, associées dans le slogan au terme de déchets « waste », et en vis-à-vis, une cafetière Bodum associée au contraire dans le slogan au terme de goût « taste » et surmontée de « clearly the best way to brew coffee355 », conduisait nécessairement à jeter le discrédit sur la société Nespresso et était donc dénigrante.

Ainsi, même si l’argument environnemental comparatif présente un intérêt particulier pour le marché, que ce soit en termes d’information et de transparence mais également dans une vision plus large, en matière de préservation de l’environnement à travers l’orientation des choix du consommateur, il n’échappe pas au principe général de loyauté qui prévaut en matière de pratiques commerciales. Ceci est également valable pour la condition d’objectivité de toute publicité comparative.

II/ L’objectivité de l’argument environnemental comparatif

207. Condition d’objectivité– Cette condition d’objectivité implique une comparaison d’ « une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives

de biens ou services356 » objets de la comparaison. Ainsi, quand la représentativité impose de se fonder sur une vision d’ensemble et non sur quelques éléments épars de l’objet comparé, le caractère vérifiable de ces éléments conduit à éviter toute comparaison fantaisiste357. La question a donc été posée par la société Nespresso quant à l’éventuelle subjectivité de l’argument environnemental comparatif utilisé par la société Bodum.

208. Objectivité de l’argument environnemental comparatif – En l’espèce, si l’objectivité

de l’argument environnemental reposant sur la comparaison de deux méthodes de production de café avait été reconnue par la cour d’appel de Versailles358 et la Cour de cassation359, la cour d’appel de Versailles saisie du renvoi n’a pas suivi ce raisonnement. Rappelant qu’une publicité comparative, pour être licite, « devait mettre en évidence de manière objective les

avantages et les inconvénients des différents produits comparés360 », ce qui excluait de facto

355

« Assurément la meilleure façon de faire du café ».

356

Article L.121-8 du Code de la consommation.

357

L. ARCELIN-LÉCUYER, Droit de la publicité, Presses Universitaires de Rennes, 2011. p. 173.

358

CA Versailles, 12e ch., 19 mai 2011, op. cit.

359

Com, 25 septembre 2012, op. cit.

360

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toute appréciation personnelle tel que le goût, l’odeur ou l’esthétisme, la cour a estimé qu’en l’espèce le slogan « make taste not waste » introduisait « expressément la référence au

goût361 ».

En effet, si la publicité se bornait, comme l’a affirmé la société Bodum, à opérer une comparaison entre deux méthodes dont l’une laisse des emballages et l’autre pas, qu’elle serait alors la raison de faire figurer dans le slogan une référence au goût si ce n’est pour opérer implicitement, en sa faveur, une comparaison du goût des cafés. La production des déchets étant située du côté des capsules, le goût correspond nécessairement à l’avantage comparatif énoncé pour l’autre produit, à savoir la cafetière Bodum. Or, comme le rappel la cour, « le goût n’est pas un élément de comparaison objectif et vérifiable ».

Ainsi, tout en refusant l’argument comparatif gustatif, les juges ont de manière incidente mais claire ouvert les portes de la publicité comparative à l’argumentation environnementale. Cette dernière devra, pour être jugée licite, respecter les conditions de loyauté posées par le Code de la consommation tant en matière d’objectivité que de dénigrement. Ceci d’autant plus que l’argument environnemental comparatif revêt un caractère particulier dans l’information des consommateurs sur une préoccupation d’intérêt collectif.

361

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CONCLUSION DU CHAPITRE PREMIER

209. Fonction régulatrice du Droit de la consommation - A l’image du Droit de la

concurrence, le Droit de la consommation semble également impacté par l’apparition d’une argumentation environnementale sur le marché. Il apparait même apporter une contribution importante au développement d’un mode de consommation plus durable.

En promouvant une argumentation environnementale loyale à travers le droit des pratiques commerciales déloyales et celui de la publicité comparative, le Droit de la consommation permet, en effet, d’assurer les conditions de confiance et de sécurité nécessaires à l’épanouissement d’un marché de la consommation durable. De cette manière, il conduit à renforcer le rôle du consommateur dans le développement d’un marché plus respectueux de l’environnement.

Ainsi, l’évolution juridique entrainée par la transposition récente de la directive du 11 mai 2005362 conforte la perception de ce corpus de règles comme un droit de régulation, et non plus uniquement comme un droit de protection du consommateur en position de faiblesse363.

Parallèlement à ce mode de régulation « classique » de l’argumentation environnementale, s’est développé sous l’impulsion des professionnels de la publicité un autre mode de régulation basé sur l’autodiscipline. Prenant les traits d’une association, cette instance

362

Directive 2005/29/CE, op. cit.

363

M.-P. BLIN-FRANCHOMME, «Le "marché de la consommation durable": regards sur la loyauté des pratiques commerciales», op. cit.

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d’autorégulation participe de ce mouvement de promotion d’une argumentation environnementale loyale sur le marché. C’est ce qui nous intéressera dans le chapitre suivant.

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CHAPITRE SECOND

LA PROMOTION D’UN ARGUMENT

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