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Chasse sportive et conservation de la faune sauvage et des écosystèmes naturels en Afrique

Section 1.2. La chasse sportive, un mode d’exploitation de la faune sauvage en développement

1.2.1. Une emprise territoriale majeure et en expansion

En 2003, 25 pays d’Afrique Subsaharienne sur les 42 que nous avons relevés, soit près de 60% d’entre eux, autorisent légalement une activité de chasse sportive selon des textes et des règles datant encore pour la plupart de la période coloniale. Parmi eux, 16 pays autorisent la grande chasse, 3 autorisent la petite et moyenne chasse et 6 autorisent uniquement la petite chasse. En 1991, Chardonnet relevait seulement 20 pays autorisant la chasse sportive1. A l’échelle du continent, ces 10 dernières années, nous pouvons donc constater une augmentation des destinations de chasse proposées à la clientèle internationale, principalement pour la grande chasse. Le Mozambique a rouvert la chasse sportive à la fin de la guerre civile en 2000 ; le Niger a rouvert la petite et moyenne chasse en 1998 et souhaite proposer à nouveau une activité de grande chasse en périphérie du parc national du W au travers de systèmes de gestion communautaire (H. Boulet, com. pers.). La Guinée a, pour sa part, rouvert une activité de petite chasse.

L’ouverture de la chasse sportive programmée depuis longtemps en Côte d’Ivoire semble toujours d’actualité malgré les récents troubles politiques. Une activité de tourisme cynégétique vient de redémarrer officiellement en République Démocratique du Congo début 2004 et des licences spéciales sont parfois accordées dans des pays comme l’Ouganda qui avait annoncé, bien qu’à tort, une réouverture.

Aucun pays n’a interdit la chasse sportive depuis les fermetures du Rwanda (1990) et de la Guinée (1989, qui a rouvert depuis) intervenues dans des contextes d’instabilité politique majeure. Certains pays comme le Congo-Brazzaville et la Sierra Leone restent officiellement ouverts mais ne développent actuellement aucune ou très peu d’activité. Dix ans après, l’analyse de Chardonnet concernant l’évolution de la chasse sportive reste valide : « La

tendance actuelle est à la stabilité du nombre de pays ouverts sur le continent, avec des perspectives prochaines de nouveaux pays de chasse2. »

De surcroît, pour les pays où nous avons pu obtenir ce type d’information et dans les pays de grande chasse, nous constatons que les superficies consacrées à la chasse sportive sont très

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CHARDONNET Ph. et al., 1995. Tome 1, op. cit., p. 128.

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importantes. Elles sont souvent égales et même parfois très nettement supérieures à celles des autres aires protégées plus « classiques »1.

C’est le cas par exemple au Cameroun et en RCA où la superficie des Zones d’Intérêt Cynégétique (dont les zones communautaires) est respectivement près de 2 fois et 3 fois supérieure à celles des parcs nationaux, réserves de faunes et réserves intégrales réunies. En Tanzanie, en Zambie ou encore au Botswana, ce sont près ou plus de 20% du territoire national qui sont maintenant voués à la chasse sportive, superficies qui dépassent celles des autres aires protégées. A ces superficies consacrées principalement à la grande chasse, il faut ajouter celles vouées à la petite chasse dans les terroirs cultivés comme au Sénégal ou au Burkina Faso, ainsi que les Zones de Chasse Banale (ZCB) réservées aux nationaux et étrangers résidents.

Selon les estimations de l’UICN, la superficie totale accordée aux aires protégées consacrées principalement à la faune sauvage (terrestre, marine, aérienne) et hors réserves forestières et zones de chasse sportive en Afrique Subsaharienne serait aujourd’hui de près de 7% (6,7% pour 42 pays comptabilisés) alors qu’elle était estimée à 3,6% en 1990. (Cf. tableau 7). Nos estimations concernant les zones de chasse sportive reconnues officiellement par chaque pays (exploitées ou non) nous permettent d’avancer que dans les 21 pays où la chasse est ouverte et où des zones sont effectivement délimitées, en moyenne 9,8% de leur territoire sont réservés à la chasse sportive. Ainsi, près de 5,4 % des territoires de l’Afrique Subsaharienne seraient réservés à cette activité, avec des écarts par pays très importants, de 31,5% du territoire national en RCA à 0,3% au Swaziland (Cf. tableau 7). Ces seuls chiffres suffisent à comprendre et prendre en considération l’importance des espaces naturels africains aujourd’hui concernés par le tourisme cynégétique. De plus, comme le précise Chardonnet,

« ces vastes zones de chasse ont généralement été établies dans les régions les plus « difficiles » des pays concernés, des régions qui sont souvent : (i) très reculées, dans les zones les plus éloignées des centres urbains et agricoles, très souvent dans la périphérie du pays au plus loin de la capitale, (ii) enclavées, mal desservies et donc difficiles d’accès pour les touristes de vision, (iii) peu habitées et très peu développées parce que l’élevage y est

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Nous utilisons ici le terme aires protégées « classiques » car principalement dans les pays d’Afrique Australe et Orientale, les zones, secteurs, blocs, domaines ou ranches de chasse sportive sont parfois considérés et comptabilisés dans les classements comme aires protégées. Dans le cadre de nos recherches, nous avons dû bien distinguer les zones vouées à la chasse sportive et les aires protégées plus « classiques » que sont les parcs nationaux, les réserves de faune, les réserves de la biosphère ou les réserves intégrales.

difficile (glossines) de même que l’agriculture (sols médiocres), (iv) peu spectaculaires au plan des paysages et de la faune, donc peu propices au tourisme de vision1. »

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En règle générale, ces superficies vouées à la chasse sportive sont découpées en zones, secteurs ou blocs de chasse dont les superficies varient énormément d’un pays à l’autre. En Afrique du Sud, les ranches de chasse privés dépassent rarement quelques dizaines de km2. La superficie moyenne des zones de chasse en périphérie du parc national d’Arly au Burkina Faso n’excède pas 600 km2 (de 10 à 87,6 km2 disponiblespar chasseur selon la zone)1, 1000 km2 au Bénin. La taille moyenne de ces zones est de 2500 km2 en RCA, de 3000 km2 en Tanzanie (soit près de 250 km2 disponibles / chasseur).

Une approche synthétique de l’organisation de la chasse sportive en Afrique Subsaharienne permet de dire que :

L’activité principale en grande chasse est localisée dans les pays d’Afrique Australe ainsi qu’en Tanzanie. Un choix important d’espèces, de tarifs et de prestations est mis à disposition d’une clientèle internationale nombreuse.

L’Afrique Centrale, surtout la RCA et le Cameroun, offre la possibilité de prélever des espèces rares à des prix relativement élevés et dans des conditions généralement correctes (prestations, réussite) mais le choix des sociétés est plus restreint.

Hormis au Burkina Faso et au Bénin, pays qui peuvent proposer des safaris de grande chasse de standing moyen, l’Afrique Occidentale intéresse surtout les chasseurs de moyen et petit gibier.