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Chapitre I Contexte d'ensemble : la controverse vue sous l'angle des rapports historiques

1.2 Présence innue au Canada et rapports historiques avec la société d'origine européenne

1.3.2. Une controverse entourant la ratification de l'EPOG 38

La controverse s’est installée dès 2000, après l’adoption de l’Approche commune20

(Chouinard 2004). Bien qu’elle se soit manifestée dans tout le Québec, c’est principalement au Saguenay–Lac-Saint-Jean et sur la Côte-Nord qu’elle s’est pleinement déployée. Ceci s’explique par le fait que les communautés innues impliquées dans les négociations sont situées sur ces territoires, tout comme la plupart des municipalités allochtones incluses dans les Nitassinan et concernées par les agrandissements prévus des quatre réserves pour la réalisation des Innu Assi. La controverse fut d’abord caractérisée par la création rapide de trois organisations d’opposition, soit la Fondation Équité territoriale (au Saguenay), l’Association pour les droits des Blancs (sur la Côte-Nord) et les Pionniers septiliens21. En

raison des craintes suscitées par l'Approche commune dans la population, lesquelles découlaient en partie de l'apparence de secret résultant du peu d’information gouvernementale disponible, ces associations réussirent à s’attirer un grand nombre d’appuis dans les deux régions. Les interventions médiatiques fréquentes de ces trois associations attisèrent les tensions intercommunautaires et alimentèrent les craintes à propos des répercussions de l’entente chez les allochtones. Charest souligne que « Dans leurs interventions publiques les leaders ont fait preuve d’une simplification navrante des fondements de l’entente de principe et même d’une déformation vraisemblablement volontaire de ceux-ci pour ameuter le plus de personnes possible contre l’entente » (Charest 2003 : 203). On nota d'ailleurs une recrudescence des incidents violents entre Innus et allochtones sur la Côte-Nord dès 2000 (Chouinard 2004) et, plus précisément, à partir de juin 2002 (Nadeau 2002).

20 De par sa qualité d'être facilement reconnaissable, le terme « Approche commune » est souvent utilisé dans

les médias et la littérature académique afin de parler du projet de traité dans son ensemble (un peu à la manière de « La Paix des Braves »). Tel que mentionné précédemment, l’Approche commune réfère aussi au titre spécifique de l'accord-cadre, soit une étape précise des négociations territoriales. C'est exclusivement dans ce dernier sens que nous utiliserons ce terme.

21 Dirigée par l'ex-maire de La Baie Réjean Simard, la première de ces associations comptait environ 350

membres au moment de la commission parlementaire et avait reçu 15 000$ en subvention de la part de Ville de Saguenay. La seconde était alors dirigée par André Forbes et comptait plus de 2 000 membres, dont la moitié à Sept-Îles. Les informations à propos des Pionniers septiliens sont plus rares, le groupe se concentrant sur la publication de communiqués (Nadeau 2002 ; Chouinard 2003). Nous verrons aussi plus loin que deux de ces trois associations – l’Association pour les droits des Blancs et les Pionniers septiliens – ont par la suite été mêlées à des accusations de racisme.

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Tel qu'il en sera question lors de la présentation des résultats, les récriminations des opposants concernaient plusieurs sujets sensibles. Pour les fins du présent chapitre, permettons-nous d'énumérer brièvement ceux qui nous semblent les plus importants : le désir de voir les Innus et les allochtones soumis au même ensemble de droits, lois et règlements (plusieurs qualifiant de raciste tout régime de droits différenciés) ; le sentiment que les autochtones vivent déjà au crochet de la société et qu'ils trouvent constamment des moyens de quémander un peu plus de droits et de paiements de transfert ; la peur que la reconnaissance de droits ancestraux sur de vastes territoires ne signifie que le Québec échapperait au contrôle du gouvernement québécois (au profit des autochtones ou du gouvernement fédéral) ; l'impression que la circulation déficiente d'informations à propos de l'entente cache en vérité un complot des gouvernements visant à sacrifier les communautés allochtones au profit d'une paix avec les Innus ; l'exigence que des représentants défendent directement les intérêts des résidents allochtones à la table de négociation, ou encore que le futur traité soit soumis à un référendum populaire.

Il faut souligner que les régions ressources sont un terrain propice pour de fortes réactions face à une reconnaissance des droits ancestraux puisque dans ces régions les allochtones et les autochtones cohabitent sur un même territoire, en plus d'avoir à partager les ressources relatives à la chasse et à la pêche22. Le partage des ressources naturelles ainsi que les droits

de pêche et de chasse deviennent des sources de conflit potentiellement intense – plusieurs citoyens ayant peur de perdre le droit de chasser et de pêcher pour cause d’un accès privilégié aux ressources accordé aux Innus. Ainsi, les allochtones peuvent craindre d’avoir à payer les coûts des « avantages » alloués à la minorité autochtone (Leydet 2007). Une forte partie des réactions d’opposition et des mémoires remis en commission parlementaire concernait effectivement la pratique de la chasse, de la pêche et de la trappe, la conservation des chalets en forêt et les droits de pêche commerciale en mer (Charest 2003). Notons également que les opposants exprimèrent souvent la crainte qu’une concession de territoires aux Innus transforme des villes telles que Saguenay, Sept-Îles et Baie-Comeau en « réserves de "Blancs" parqués dans une immense réserve indienne » (Nadeau 2002 : 56). Ceci fut probablement le résultat d'une confusion entre les Innu Assi (territoires restreints

22 Pour en témoigner, rapportons-nous au contenu de la section 1.1.1 à propos des réactions médiatiques aux

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en pleine propriété aux Innus) et les Nitassinan (vastes territoires sous la gouverne québécoise, comprenant Baie-Comeau et Saguenay, mais sur lesquels un exercice de droits ancestraux serait reconnu aux Innus).

Aux lendemains de la commission parlementaire, les analystes se sont interrogés sur les raisons expliquant l’émergence de ce mouvement d’opposition. Se questionnant sur les causes de l'importance de la contestation dans les villes de Saguenay et de Sept-Îles (deux municipalités qui ne sont pas directement touchées par les Innu Assi), Charest (2003) propose les explications suivantes. Tout d'abord, les gens de Sept-Îles ont pu se sentir menacés par l'accroissement démographique constant des réserves innues qui sont à proximité (Uashat et Mani-Utenam), dans un contexte où il existait déjà des frictions entre bandes de jeunes allochtones et autochtones. Divers investissements économiques faits antérieurement par les pouvoirs Innus de cette réserve ont aussi pu donner l'apparence d'une nouvelle richesse et d'une volonté de s'accaparer une place trop grande dans l'économie locale23. Charest évoque également l'affirmation de droits ancestraux par le conseil de

bande (comme l'occupation fort médiatisée du terrain de camping d'une zone d'exploitation contrôlée [ZEC]), afin d'expliquer l'émergence d'un certain ressentiment dans la population. Il s’inquiétait du racisme qui semblait s'intensifier au moment où les Innus accentuaient la mise en évidence de leurs différences collectives. Le Québec était aussi en préparation d'une campagne électorale, ce qui a pu favoriser la récupération des enjeux locaux par des acteurs partisans. De plus, en ce qui concerne spécifiquement Saguenay, Charest explore certaines pistes pour expliquer la force du mouvement de contestation :

D’après certaines explications que l’on m’a données, des individus propriétaires d’entreprises, de pourvoiries et de baux de villégiature à l’intérieur du Nitassinan sentent leurs intérêts personnels menacés. Selon d’autres, des intérêts politiques partisans chez des membres influents du Parti libéral seraient derrière cette opposition étant donné que le dossier est devenu public pendant une période pré-électorale. On avance aussi que le mécontentement dû à la situation économique stagnante de la région et l’émigration importante des jeunes peuvent expliquer cette crispation. Finalement, le combat personnel contre la reconnaissance de quelques droits différents pour les Amérindiens en

23 Nous avons constaté, dans notre analyse des mémoires, que cette crainte était également très présente aux

Escoumins où l'on disait que la croissance économique d'Essipit était financée par des fonds publics, qu'elle entrait donc en concurrence déloyale avec l'économie allochtone et qu'elle causait des fermetures de commerces dans la municipalité.

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général et les Innus en particulier est au centre des motivations de l’historien disparitionniste local [Russel Bouchard] et de ses partisans. (Charest 2003 : 205)

Certaines personnalités médiatiques ont contribué fortement à l’escalade. C’est le cas d’animateurs de lignes ouvertes qui appuyèrent ouvertement les opposants et firent des blagues haineuses à l’endroit des Innus lors de leur émission de radio. On remarque aussi que plusieurs éditoriaux favorables aux opposants furent publiés dans des journaux régionaux à grand tirage24. Des personnalités politiques prirent également position contre

l’entente, comme ce fut le cas du député fédéral Ghislain Lebel qui arguait que cet accord réduirait le Québec à la dimension d'un timbre-poste (Charest 2003 ; Chouinard 2004 ; Nadeau 2002). Entre 2001 et 2003, plusieurs manifestes et pamphlets d’opposition furent aussi publiés (p. ex. Bouchard 2002 ; Bouchard et al. 2001 ; Tremblay 2003).

Des organisations militantes du mouvement indépendantiste ont également entretenu un argumentaire dénonçant vivement la reconnaissance des droits ancestraux, comme ce fut le cas pour le Mouvement estrien pour le français (MEF), la Société Saint-Jean-Baptiste de l’Estrie25, ou encore le Congrès de l’Estrie du Bloc Québécois26. Dans leurs discours,

plusieurs d’entre elles firent l’équation entre la réalisation de cette entente et une dépossession du territoire québécois (Chouinard, 2004). Le MEF fut sans doute l’organisation la plus active en ce qui a trait au relai d'informations sur Internet. Comme son nom l'indique, cette organisation basée en Estrie avait pour mission de faire la promotion de l'usage du français. Elle présentait toutefois une imposante section de textes à saveur polémique liés à ce qu’elle nommait « la question indienne ». Par exemple, l'extrait de texte suivant conteste les transferts gouvernementaux dont bénéficient les autochtones, la politique autochtone du gouvernement du Québec, le projet de traité avec les Innus et la présence de l'anglais comme langue de communication lors de négociations territoriales :

Est-ce que les Québécois veulent que des privilèges soient accordés au Québec selon l'ethnie ou la supposée « pureté du sang » ? Est-ce que les Québécois

24 Parmi ceux-ci, notons ceux de Néron (2002a, 2002b) recensés et analysés au huitième chapitre.

25 MOUVEMENT ESTRIEN POUR LE FRANÇAIS, s.d., Consulté sur Internet (www.mef.qc.ca/ssjb-rejette-

approche-commune.htm), 19 juin 2009.

26 MOUVEMENT ESTRIEN POUR LE FRANÇAIS, s.d., Consulté sur Internet (www.mef.qc.ca/bloc-estrie-

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désirent qu'il y ait une dizaine de républiques raciales et parasitaires au sein du Québec ? Est-ce que les Québécois réclament que les négociations se fassent uniquement en anglais, au Québec, avec les Anglo-cris, les Anglo-mohawks, les Anglo-micmacs, les Anglo-inuits et les Anglo-naskapis ?

En négociant ainsi notre territoire et notre langue, le gouvernement péquiste hypothèque dangereusement notre avenir et crée des situations injustes et discriminatoires contre les Québécois. Le français, pour vivre et s'épanouir pleinement au Québec, a besoin d'un territoire exempt de ghettos ou d'apartheid. Le français doit être la seule langue commune de tous au Québec, incluant celle des Indiens… à moins de vouloir revivre la mésaventure de la tour de Babel. Quand on paye à 100 %, n'a-t-on pas le droit d'exiger ? Ne serait-il pas normal que tous les citoyens du Québec aient les mêmes droits et les mêmes obligations peu importe l'origine raciale ou ethnique ? (Poisson 2002)

Il faut souligner que l’opposition au projet de traité n’était pas le fait de tous les indépendantistes. D’une part, cette négociation territoriale a été largement menée sous les gouvernements du Parti Québécois (principal parti indépendantiste). D’autre part, comme nous le verrons dans les chapitres consacrés à la présentation des résultats, l’opposition locale aux négociations territoriales a parfois donné lieu à un rejet ouvert du projet d’indépendance et à une réaffirmation d’un sentiment d’appartenance à l’identité canadienne.

Devant l'organisation d'une forte opposition, le gouvernement du Québec a d'abord mis en place une tournée d’information dans les régions concernées pour permettre aux négociateurs gouvernementaux ou à leurs adjoints de présenter l’entente en détail (Charest 2003). Ces rencontres, tenues devant public au printemps et à l’été 2002, ont parfois été houleuses (Chouinard 2004). Par exemple, à Saguenay, le fonctionnaire venu rencontrer la population a dû repartir avant même d'avoir pu dire un seul mot à l’auditoire (Boivin 2002 ; Nadeau 2002). Constatant l’échec de cette première tentative, le gouvernement nomma Guy Chevrette27 afin qu’il anime, à titre de mandataire spécial du gouvernement du Québec, un

processus de consultation visant à rencontrer des intervenants locaux28. Au terme de ce

processus, il rédigea un rapport qui établit deux grands constats. Premièrement, il dit des Québécois et des Innus qu'ils forment des nations fières, paisibles et ouvertes, partageant un

27 Guy Chevrette était une figure bien connue du Parti Québécois et avait été plusieurs fois ministre au

gouvernement du Québec. Comme d'autres ténors du parti, mécontents de leurs rapports avec le premier ministre Bernard Landry, il venait de démissionner de son poste de député depuis peu, soit en janvier 2002.

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immense territoire depuis 400 ans. Selon lui, ils doivent maintenant aménager cet espace et définir des règles pour assurer le développement et l’épanouissement de leurs cultures respectives, le tout dans le respect mutuel. Deuxièmement, il considère que le Québec est un des endroits de la planète où il est possible d'avoir une bonne qualité de vie et où l'on peut vivre en paix. Or, cette paix s'appuie sur une société de droit qu’il est nécessaire de préserver, cultiver et développer. Sur la base de ces deux constats, Chevrette réaffirme la légitimité des négociations territoriales tout en cherchant à définir les correctifs qui permettraient au processus de s'achever dans une relative harmonie sociale (Chevrette 2003). Puisqu'il fut déposé en commission parlementaire, le contenu de ce rapport a été soumis à notre analyse au même titre que les mémoires.

Les principales organisations d’opposition continuèrent cependant de relayer les mêmes arguments, même après les tournées d'information et de consultation. Pour faire face à la persistance de cette situation, le gouvernement du Québec annonça le 27 août 2002 par voie de communiqué qu'il mettrait sur pied une commission parlementaire, lançant ainsi une invitation à « toute personne ou tout organisme intéressé à débattre de tous les aspects de l’entente de principe » (Charest 2003). Le mandat de la commission était le suivant : 1) prendre connaissance du contexte et des enjeux des négociations ; 2) étudier la proposition d'entente de principe ; 3) recueillir les commentaires des individus et des groupes ayant un intérêt dans cette proposition ainsi que dans les négociations entre le Québec et les autochtones ; 4) solliciter l'avis d'experts reconnus et intéressés par cette question ; 5) présenter au gouvernement un rapport contenant des avis documentés sur la proposition d'entente de principe de même que sur le contexte et les impacts des négociations avec les autochtones ; 6) formuler au gouvernement toute recommandation utile pour faciliter la conclusion d'ententes avec les nations autochtones (Secrétariat aux affaires autochtones 2003). La commission siégea pendant 12 jours entre le 21 janvier et le 7 mars 2003. En tout, 85 mémoires furent déposés et 72 personnes et organisations s’y présentèrent pour expliquer leur position, dont Guy Chevrette. Au terme de cette commission, le 11 mars 2003, l’Assemblée nationale du Québec adopta à l’unanimité une motion symbolique en faveur de la poursuite des négociations. L’EPOG fut finalement signée le 31 mars 2004 (Girard 2008).

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Compte tenu de la production simultanée de nombreux mémoires dans lesquels les individus et les groupes ont pris position sur le projet d’entente, et puisque l’EPOG a finalement été signée dans l'année suivant la commission parlementaire, nous pouvons considérer cet exercice consultatif comme un moment charnière dans la controverse. Ceci explique l'intérêt que nous y portons dans cette thèse. Nous y reviendrons plus en détail dans le chapitre suivant.

Développements ultérieurs

Depuis la signature de l’EPOG, la controverse entourant l’Approche commune s’est transformée, sans pourtant s’éteindre. La suite des négociations n'a abouti jusqu’à maintenant à aucun développement tangible, provoquant l’impatience des Innus (Cliche 2008 ; Lévesque 2009) et des élus municipaux de la Côte-Nord (Néron 2007), tout en incitant des intellectuels de renom comme Gérard Bouchard à dénoncer la volonté politique « fléchissante » (Bouchard 2006 ; Girard 2006).

Des organisations telles que le Regroupement des locataires des terres publiques du Québec (RLTPQ) ont continué pendant un temps à émettre des mises en garde par la voie des médias à propos de la poursuite des négociations (St-Hilaire 2006, 2007), ce qui eut pour résultat d’alimenter le climat de tension entre les villégiateurs allochtones et les Innus (Cabana 2009). Comme son nom l'indique, cet acteur important du mouvement d'opposition a pour mission principale de défendre les intérêts de personnes qui détiennent un bail sur une terre publique (p. ex. les propriétaires de chalets situés sur une ZEC). Au moment de déposer la thèse, nous constatons que la position du RLTPQ sur les négociations territoriales datant de 2005 était toujours accessible sur le site web du groupe. L'organisation maintenait donc le même discours (défavorable) à propos des revendications innues. De la même façon, une recherche sur Internet nous a permis de constater que les dernières interventions publiques de la Fondation Équité Territoriale et de l'Association pour la défense des droits des Blancs dataient des environs de la commission parlementaire (2003-2004), que celles des Pionniers septiliens dataient de 2010, et que le site Internet du MEF n'était plus en fonction. Ces organisations assumant un leadership d'opposition lors de la controverse n'étaient donc plus actives.

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Les développements post-commission parlementaire les plus notables de la controverse concernent les revendications métisses sur la Côte-Nord et au Saguenay–Lac-Saint-Jean. En effet, la Communauté métisse du Domaine du Roy et de la Seigneurie de Mingan (CMDRSM) a tenté de faire interrompre les négociations par une injonction interlocutoire en Cour supérieure. Considérant qu’ils ont des droits sur les territoires revendiqués par les Innus, cette requête visait dans un premier temps à sauvegarder les droits des Métis et, dans un second temps, à faire reconnaître la communauté par le gouvernement du Québec (Rainville 2009 ; Tremblay 2007). La requête fut rejetée par le juge Roger Banford (Tremblay 2008). Les Métis tentèrent ensuite d’obtenir une reconnaissance officielle, notamment par le biais des possibles précédents causés par le procès de Ghislain Corneau29.

Au terme de ce procès, le jugement de la Cour supérieure du Québec conclut à l'absence du fait métis au Saguenay–Lac-Saint-Jean et le juge Banford laissa entendre que la revendication d'une identité métisse par les accusés résultait d'un calcul opportuniste :

« Le tribunal a donc procédé à l'analyse de la preuve en fonction des critères définis par l'arrêt Powley. Il a tout d'abord conclu que les intimés n'avaient pas démontré l'existence d'une communauté métisse historique identifiable et distincte. Cette conclusion, à elle seule, était suffisante pour rejeter leurs revendications », peut-on lire dans le jugement.

Le juge Banford est sévère à l'endroit des occupants illégaux des terres publiques. Il a indiqué dans sa décision que ces personnes agissaient surtout pour protéger des intérêts personnels : « Les intimés n'ont pu démontrer qu'ils s'identifiaient comme métis avant que leurs intérêts de chasseur ne soient menacés », stipule le résumé. (Tremblay 2015)

Dans le jugement lui-même, on peut de plus constater que le juge Banford a remis en question le bien-fondé du membership de la CMDRSM. En plus d'être trop récente pour qu'on la considère porteuse de traditions autochtones (elle a été créée en 2005), cette organisation n'aurait pas mis en place un processus rigoureux lui permettant de valider l'identité de ses membres et, ainsi, les relier à une communauté métisse historique : « Le

29 Ce dernier et 16 autres personnes se disent Métis et cherchent à se faire reconnaître un droit de chasse, de

pêche et de trappe sur les Monts Valin (Saguenay) sur la base de cette identité. Ils étaient accusés par le gouvernement de pratiquer ces activités illégalement sur ce territoire. Les Innus ont tenté de se faire entendre