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Une contribution multiforme à la tranquillité publique

2. QUELLE CONTRIBUTION AUX ENJEUX DE TRANQUILLITÉ PUBLIQUE ?

2.1. Une contribution multiforme à la tranquillité publique

Nous proposons ici de synthétiser les principales activités des CdN qui contribuent à la tranquillité publique dans les quartiers dans lesquels ils interviennent. Nous proposons de distinguer entre 5 registres d’action23 : l’information, la prévention, la régulation, la réassurance et la protection.

23 Ils peuvent également avoir une contribution indirecte, sur la base de la veille technique qu’ils opèrent : par ce

biais, ils identifient les lieux de dépôt, et contribuent à créer – même si leur intervention doit être relayée par les services propreté – un climat de salubrité à l’intérieur du quartier.

Activité des correspondants de nuit et tranquillité publique

Finalité Activité Exemples

Informer Faire remonter l’information générale sur l’état du

quartier

Activité quotidienne de l’ensemble des bases CdN au travers des fiches de signalement, permettant de signaler les éventuelles tensions existantes Échanger de l’information

entre des partenaires sur des situations causant des troubles à l’ordre public

Echange d’information sur une bagarre à la sortie d’un collège (10e), sur une bagarre entre 2 groupes de jeunes (15e), sur une présence de sans-abri qui augmente (12e), sur la délinquance d’un sans-abri (12e)

Faire circuler une

information spécifique sur des troubles dans le quartier

Remontée d’informations concernant des bruits de cyclomoteurs utilisées par la police (10e), concernant des bagarres dans un quartier (10e), un vol dans un pressing (12e), des tags sur une vitrine de commerce (12e)

Prévenir Assurer une présence dissuasive dans l’espace public en faisant des

maraudes dans des lieux et à des heures considérées comme sensibles

Présence «statique » à la sortie des collèges (10e, 15e, 18e) ; rondes devant des lieux identifiés

comme à problème (11e) ; ou dans des espaces de

circulation à forte densité (gare de Lyon, 12e, place Charles Michel, 15e)

Prévenir certains risques sociaux et sanitaires

Sensibilisation des jeunes et sans-abri aux risques sociaux et sanitaires de certains de leurs

comportements : discussions avec les jeunes sur leur consommation de tabac, d’alcool ou de drogues (12e, 15e), discussions avec les sans-abri et les itinérants sur leur consommation d’alcool (12e)

Réguler Résoudre les conflits dans l’espace public

Interpositions lors d’une bagarre entre deux prostituées (18e), entre des bandes de jeunes, entre des SDF et d’autres groupes – jeunes, itinérants (10e, 12e).

Diminuer les nuisances par le dialogue, dans l’espace public et dans les parties collectives des espaces privés

Déplacement de deux prostituées gênantes pour un

commerce (18e), déplacement d’un sans-abri ou

itinérant dormant devant l’entrée d’une crèche (12e), discussion avec un groupe de jeunes bruyants (Les Dalton, 18e), fluidifier la sortie du collège (12e, 15e), intervention pour des ventes à la sauvette (18e), intervention dans les immeubles sur appel des locataires pour apaiser les relations entre locataires et jeunes qui s’approprient les halls d’immeuble ou rappeler l’interdiction de consommer de l’alcool dans les parcs (12e, 15e), rappeler l’interdiction d’être dans les parcs et jardins ou dans les TEP après leur fermeture et faire sortir les personnes le cas échéant (12e, 15e),

rappeler l’interdiction de stationner devant les entrées des parcs et jardins (12e)

Rassurer Assurer une présence rassurante par le dialogue des personnes ayant connu des traumatismes légers ou se sentant parfois menacées

Visites de gardiens d’équipements publics (crèches, gymnases, piscines, bibliothèques) ou locaux associatifs (Amicale des anciens combattants) ayant été l’objet de vols ou dégradation (10e, 12e, 15e, 18e),

de gardienne d’immeuble agressée (15e), de

commerçants de nuit, de professionnel de santé ayant été harcelé par des collégiens (12e), de gardiens de parcs et jardins, de sans-abri exposés (10e, 11e, 12e)

Protéger Accompagner des

personnes entre un lieu sur leur territoire d’intervention (domicile, travail, loisirs) et les transports en commun

Personnes âgées accompagnées pour prendre le métro et sortir du quartier (18e) ; salariée d’une

crèche raccompagnée jusqu’au métro (18e) ; usager

d’une association d’aide aux devoirs

raccompagnée au métro (11e), personne handicapée

(12e), sans-abri et itinérants exposés au froid et aux agressions diverses (12e)

Ce tableau le montre, les CdN contribuent à assurer une forme de tranquillité publique. Deux aspects de leur activité sont ici particulièrement importants. D’abord, leurs interventions ne reposent pas sur l’usage de la contrainte et de ce fait, ne se fondent pas sur la force mais plutôt sur la prévention et la gestion du conflit. Ensuite, ils apportent une présence rassurante en uniforme dans l’espace public, et peuvent intervenir pour des nuisances mineures. Quand on sait que certains de ces quartiers sont des zones particulièrement tendues, dans lesquelles la police passe essentiellement en véhicules motorisés, les CdN viennent apporter une réponse entre le rien (pas d’intervention des pouvoirs publics malgré les appels des riverains) et le trop (une intervention musclée des forces de l’ordre pour des incidents de faible gravité. Prenons le cas du skatepark du quai de Jemmapes ou encore des nuisances sonores provoquées par la sortie du collège Guy Flavien : ces nuisances ne nécessitent pas l’intervention de la police tout en causant des désagréments répétés à la population.

Ces situations illustrent l’importance accordée au respect des règles, à ce que Sebastian Roché24 qualifie de respect des « règles d’usage » ou d’« ordre en public », contribue à réguler ces espaces. Par leurs interventions, ils s’assurent que les règles d’usage des espaces collectifs sont respectées, permettant l’appropriation multiple de ces espaces souvent considérablement hétérogènes. A minima, ils facilitent la coexistence entre des usages différenciés de l’espace public, au mieux, ils contribuent à tisser le lien social, en nouant le contact avec des populations quelque peu marginalisées (à l’instar notamment des SDF, par exemple) ou isolées (certaines personnes âgées). C’est sans doute dans la difficile conciliation de deux termes, s’assurer du respect des règles tout en apparaissant comme de simples agents de la répression, que repose la réussite, fondamentalement précaire, car susceptible de variations, de leurs actions.