• Aucun résultat trouvé

Une conception réfléchissante de la finalité

Dans le document Bien et bonheur chez Kant (Page 164-168)

Chapitre II : Le besoin de finalité pour comprendre l’action

3. Une conception réfléchissante de la finalité

Le concept de fin provient de la faculté de juger, de la raison qui cherche à

comprendre le lien entre la liberté et la nature, un lien qui passe par l’homme.La faculté de

juger rencontre la question d’un accord entre la morale et le bonheur : la morale étant

d’ordre supra-naturel, et le bonheur d’ordre naturel et social. Il existe aussi un concept

de fin qui vient de la raison pratique et qui définit l’Idée de destination suprême de

l’usage de la raison, usage qui est moral en dernier ressort. Le concept téléologique de fin

est en rapport avec la faculté de juger « réfléchissante » et avec les principes qui sont a priori.

L’idée de fin permet d’apprécier ce qui est donné (par les sens), elle permet d’appréhender les

« formes ». Cette idée donne une connexion entre les différents phénomènes de la nature, elle

les « ordonne » en direction d’un « but ». Vis-à-vis de la nature, l’idée de fin est simplement

« régulatrice ». Elle sert à « relier » de façon cohérente les expériences particulières. De cette

façon, elle crée entre ces expériences : un ordre « systématique ». L’idée de fin donne ainsi un

ordre final, aux êtres du monde.

La question de la finalité :

On peut distinguer entre ce qui est l’ouvrage de l’art humain (ce qui a été construit

intentionnellement par un esprit humain) et ce que l’on interprète dans la nature comme une

intentionnalité à l’œuvre (une providence).

Si l’on traite la finalité de la nature comme une propriété réelle (intrinsèque et

objective), cela signifie que la finalité est dans la nature. Dans ce cas, on utilise la finalité de

manière déterminante, et non pas réfléchissante.

Par ailleurs, si l’on explique la finalité de la nature, de façon à la fois morale et

physique, la destination pratique risque d’être interprétée comme une réalité matérielle (toutes

les choses semblent être conçues en fonction d’un but humain).

Ceci n’est pas une explication scientifique au sens moderne (depuis Descartes). Car

l’explication par les causes, exclut l’explication par les fins. Cependant, nous avons tendance

à nous demander s’il y a des fins dans la nature. Nous cherchons à expliquer les phénomènes

vivants, en particulier ceux qui concernent les êtres humains. Nous aimons à donner un sens à

chaque phénomène de la nature. Par exemple, nous pensons que l’œil est fait pour voir.

Ce type de questionnement permet d’entrer dans le traitement critique spécifiquement

kantien de la finalité. Cette finalité correspond à un besoin d’intelligibilité de la nature, qui est

en rapport avec l’être humain. Ce besoin d’intelligibilité répond à notre envie de comprendre

le monde. En ce sens, la recherche d’une finalité correspond à un besoin spécifiquement

humain. En procédant de cette façon, nous faisons une analogie entre les phénomènes de la

nature et l’intention humaine. Il s’agit d’un anthropomorphisme. Nous projetons sur la nature

des besoins, qui sont spécifiquement humains. Mais cet anthropomorphisme est volontaire et

maîtrisé.

Dans la philosophie kantienne, l’usage de la finalité répond donc à un besoin

d’intelligibilité. Cette recherche d’intelligibilité téléologique correspond à deux niveaux de

demandes :

Un premier niveau est de nature scientifique. Ce niveau cherche à comprendre les lois

de la nature. Puis, par un usage hypothétique de l’entendement, il est possible de comprendre

la réalité comme une organisation de moyens, en vue de « fins ». L’être humain a besoin de

supposer une intention fabricatrice, c’est l’usage technique de la finalité. Dans ce premier

niveau d’intelligibilité, l’être humain se représente la nature comme si elle agissait en tant

qu’artiste (créateur).

Dans un deuxième niveau du besoin d’intelligibilité, la nature est interprétée à la fois

de façon physique et téléologique. Ce niveau cherche à trouver un sens à la vie. Il ne s’agit

pas de trouver des causes, mais des raisons d’être. Cette demande de finalité est à la fois

logique et théologique. Mais est-il vraiment possible de traiter la nature comme une

« intention » ?

Pour Kant, il existe un usage « régulateur » et « hypothétique » de la finalité. Kant

révèle que c’est l’être humain qui introduit la finalité, par analogie avec les objets de l’art

humain. Cette analogie permet de faire des hypothèses. De ce point de vue, « Dieu » peut

servir d’hypothèse pour observer la nature comme un « système des fins ».

Kant va également éclairer le besoin de finalité théologique par son origine humaine.

En effet, contrairement aux métaphysiciens du passé, Kant ne va pas traiter la finalité

théologique, comme une connaissance de « Dieu ». Pour lui, il ne s’agit pas d’atteindre une

scientificité. Pour Kant, le véritable besoin de théologie est « moral », il est lié à la destination

éthique de l’humanité. Il s’agit d’un besoin « subjectif » de la raison humaine. Cette

subjectivité nous conduit à interpréter la nature comme une réalité dans laquelle l’existence

humaine a un sens. De cette manière, l’être humain a une raison d’exister, non pas simplement

d’un point de vue physique, mais aussi d’un point de vue « moral ».

En somme, il apparait que l’être humain se pose la question d’un « but final » de la

« création », car la nature (qui est en lui) est dépassée par la finalité. Pour l’humain, il est

possible de donner un sens au développement de la vie, dans la nature et dans l’histoire. Cette

possibilité provient de la capacité de l’être humain à donner du sens (à se donner un but final).

Il s’agit de se diriger vers un but final « moral ». En effet, c’est nous-mêmes qui donnons un

sens, une destination éthique à l’ensemble de l’espèce humaine.

Dans le document Bien et bonheur chez Kant (Page 164-168)