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Est-il totalement possible de penser la moralité sans le bonheur ?

Dans le document Bien et bonheur chez Kant (Page 128-132)

Chapitre I : Le problème du dualisme kantien

2. Est-il totalement possible de penser la moralité sans le bonheur ?

Pour John Stuart Mill, le kantisme serait, en vérité, un utilitarisme.

En effet pour Mill, qu’il soit « reconnu ou non », le « principe de l’utilité » a exercé

une « influence profonde » dans la formation des « doctrines morales ». Pour lui, les

« croyances morales » de l’humanité se sont rendues « incertaines », par l’absence d’un

principe suprême « reconnu ». Ce principe suprême c’est l’utilitarisme. Pour Mill, si ces

croyances morales ont pu acquérir une certaine cohérence, c’est grâce à « l’influence tacite »

d’un principe non reconnu (l’utilitarisme). Pour lui, ces « opinions » sont en réalité guidées

par la recherche du « bonheur ». Mill veut dire par là, que le « principe du plus grand

bonheur » a joué un « grand rôle », dans la formation des « idées morales ». Et ceci, même

chez ceux qui en « rejettent l’autorité », avec le plus de « mépris ». Selon Mill, toutes les

écoles philosophiques admettent, que l’influence des actions sur le « bonheur » doit être prise

en considération, « avant toute autre chose ». Ainsi, dans beaucoup de questions de « morale

appliquée », certaines personnes éprouvent de la « répugnance », à reconnaître l’influence des

actions sur le bonheur. Pourtant pour Mill, cette « influence » est le « principe fondamental »

de la moralité et aussi la « source » de l’obligation morale. Pour lui, « tous les partisans » de

la morale a priori ne peuvent pas se dispenser, d’avoir recours à des arguments

« utilitaristes ». Pour Mill, l’un des plus illustres de ces penseurs (de la morale a priori) n’est

autre que Kant. Notamment parce que Kant a écrit un traité « systématique », qui s’intitule :

« La Métaphysique des mœurs ». Pour Mill, Kant est un homme « remarquable », au niveau

de la « spéculation » philosophique. D’après Mill, Kant pose un premier principe de portée

universelle : « Agis de telle sorte que la règle selon laquelle tu agis puisse être adoptée

comme loi par tous les êtres raisonnables ». Selon Mill, Kant ne déduit pas de ce « précepte »

une obligation morale réelle : il « échoue » d’une façon presque « ridicule ». Donc pour Mill,

Kant est « impuissant » à faire apparaître une « contradiction » ou une « impossibilité

logique », dans l’adoption des règles « immorales ». Pour Mill, Kant montre seulement que

l’adoption des règles de conduite immorales n’est pas jugée bonne par les personnes (ces

personnes ne « jugeraient pas bon de s’y exposer »). (L’utilitarisme, p. 42).

Contrairement à ce que pense Mill, Kant ne considère pas qu’il faille chercher dans

ces « formules » (Agis etc…), ni l’origine, ni le fondement de l’obligation morale. D’après G.

Tanesse, elles fournissent seulement le « critérium de l’appréciation morale ». L’origine et le

fondement de cette obligation se trouve plutôt dans la « loi morale ». Pourtant, Mill semble

penser que la notion d’utilité est « inconsciemment » introduite par Kant. Ainsi, Mill sous

-entend que c’est la « prévision » des conséquences « nuisibles » (pour lui-même ou pour les

autres), qui fait que l’agent rejette une maxime. Par suite, l’agent raisonnable ne choisirait que

les maximes susceptibles de lui apporter le bonheur. Kant avait d’ailleurs « prévu » cette

« interprétation » de sa pensée et l’avait « expressément désavouée ». (V. Delbos). En réalité,

la philosophie pratique de Kant donne une valeur à la « moralité » pour elle-même (a priori),

sans tenir compte des conséquences (a posteriori) que l’agent pourrait prévoir. (L’utilitarisme,

p. 164).

Mill pense que le « sentiment moral » va dans le sens de « l’intérêt de la société ».

Cela signifie que lorsqu’une personne met en pratique une « règle », elle le fait parce qu’elle

estime que cette règle est « avantageuse », pour les autres et pour elle-même. Dans ce cas,

cette personne a conscience d’être « juste ». Pour Mill, même les « moralistes

anti-utilitaristes » ont admis ce fait. En particulier Kant qui propose comme principe fondamental

de la « morale » d’agir selon une « règle » de conduite, qui puisse être « adoptée comme loi

par tous les êtres raisonnables ». Pour Mill, Kant reconnaît « virtuellement », que l’intérêt de

l’humanité doit être présent à « l’esprit de l’agent ». Mill pense que c’est à partir de

« l’intérêt » de l’humanité, que l’agent juge en conscience de la « moralité de l’acte ». En

effet, on ne peut pas envisager une « règle », qui « ne puisse absolument pas » être adoptée

par tous les êtres raisonnables. De plus, une règle ne peut pas être adoptée par les êtres

raisonnables, si elle est contraire à la « nature des choses ». À partir de là, Mill interprète le

« principe » de Kant ainsi : « nous devons diriger notre conduite d’après une règle », que tous

les êtres raisonnables peuvent adopter « avec avantage pour leur intérêt collectif ».

(L’utilitarisme, p. 137).

Dans l’analyse qu’il fait du kantisme, Mill explique aussi qu’il y a une « complexité du

sentiment de l’obligation morale ». Pour lui, cette complexité vient du « caractère mystique »

que l’on attribue à « l’idée d’obligation morale ». Cette obligation serait liée à une « loi

mystérieuse ». Pour Mill chez Kant, le « sentiment d’obligation » provient de la « pression »

qu’exerce notre volonté raisonnable et autonome, sur nos désirs. Il s’agit d’une

« manifestation transcendante ». Mill n’attribue pas cette « pression » à un principe

« transcendant ». Selon lui, elle est le résultat de sentiments « naturels » ou « acquis ».

Cependant, Mill admet que ce sentiment d’obligation est lié à « l’idée pure » du devoir. Ainsi

pour Mill, nous pouvons considérer comme « moralement » valables les « règles », qui

s’imposent comme obligatoires à la conscience commune. Ceci parce que ce caractère

obligatoire, leur a été (après expérience) transmis par « l’humanité », en tant qu’elle désire

assurer son « existence » et son « bonheur ». (G. Tanesse, L’utilitarisme, p. 170).

De plus, Mill considère que les sentiments moraux pourraient obtenir une « grande

force », si on les rattachait à la « règle utilitariste ». En effet, on n’accroît pas la « force de

l’obligation morale » en la rattachant aux « choses en soi ». Mill fait ici allusion à la

« morale » de Kant, pour qui le fondement du « devoir » est dans le monde des choses en soi.

« origine transcendante ». De cette façon, l’obligation morale augmente l’efficacité de la

« sanction intérieure ». Par suite, le « principe de l’utilité » en recueille tout de suite le

« bénéfice ». (L’utilitarisme, p. 92).

Pour Mill, il n’y a donc pas de contradiction, que l’utilitarisme ne puisse surmonter. La

raison en est que pour lui, toutes les morales sont liées à des « sentiments moraux », et que ces

sentiments trouvent leur plus grande force, dans la « morale utilitariste ». Cela signifie que

pour Mill, tous les « moralistes » et tous les « systèmes de morale » ont intérêt à se ranger à la

doctrine utilitariste, car c’est pour eux le moyen d’obtenir le plus d’efficacité et la « force

intérieure contraignante » : la plus « puissante ».

3. Est-il possible de penser la loi morale sans la

Dans le document Bien et bonheur chez Kant (Page 128-132)