Une cartographie des mesures de soutien aux aidants

Courtin et al. (2014) établissent une cartographie des mesures de soutien aux aidants dans les pays de l’Union européenne. Il distingue trois niveaux pour recenser les services et dispositifs de soutien aux aidants, selon qui perçoit l’aide et qui fournit l’aide, pour rendre compte de l’environnement dans lequel ces services et aides sont proposés.

Lepremier niveau des mesures comporte les soutiens spécifiquement destinés aux aidants (Specific carer support), tels que les dispositifs de conseil, d’information, de formation, de répit ou encore de rémunération (care allowance où le soutien financier est celui de l’aidant directement). Ces soutiens et dispositifs sont fournis majoritairement par le secteur associatif, et des entreprises du secteur marchand. Le deuxième niveau représente les aides indirectes pour les aidants via les aides pour les aidés (Help that is « by- product »). L’aide apportée aux aidants-proches est « un produit-joint » des politiques de soins de longue durée. Ces aides non spécifiques comportent majoritairement des supports financiers indirects, qui sont des prestations monétaires aux personnes dont l’utilisation peut permettre de rémunérer ou dédommager les aidants proches (Care Attendance Allowance et Personal Budget). Ce niveau est celui des politiques de soins de long terme qui définissent le financement et l’accès aux services pour les personnes aidées. Elles sont marquées par le développement de politiques de cash-for-care13_{. Enfin,}

le troisième niveau représente la politique nationale et les droits légaux (National policies and legal entitlements). Ces mesures sont variées allant de la reconnaissance du statut des aidants, aux dispositifs d’identification des aidants et d’évaluation de leurs besoins, en passant par les droits pour concilier l’activité d’aide et l’emploi (tels que les congés par exemple) et les droits à la retraite. Elles traduisent les degrés de structuration d’une

13 _{-Les politiques de cas-for-care se développent dans les pays européens depuis le début des années 1990. Il s’agit} de transferts monétaires pour les personnes qui, du fait de problèmes de santé, ont des besoins d’aides à la vie quotidienne, qui leur permettent l’achat direct de care (Glendinning et Kemp, 2006 ; Ungerson 2005 ; Da Roit et Le Bihan, 2010). Les familles et les personnes fragiles ont le choix entre l’achat de services professionnels ou la rémunération d’un aidant proche.

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politique nationale vers les aidants et d’élaboration d’une stratégie nationale de soutien aux aidants. Ce niveau comporte moins les services de soutien aux aidants en tant que tels que l’impact potentiel que le système a dans son ensemble sur la capacité des aidants à fournir des soins.

Cette cartographie recoupe en partie la distinction des mesures de soutien aux aidants selon qu’il s’agit de mesures spécifiques qui visent exclusivement l’aidant ou de mesures non spécifiques qui visent simultanément l’aidant et l’aidé et selon qu’elles opèrent de manière directe ou indirecte (Naiditch, 2012). Cette distinction est celle qui a été retenue dans le projet Interlinks14. Les mesures spécifiques recouvrent un ensemble de supports

pour soutenir la réalisation de l’activité d’aides (conseils, information, accompagnement, formation, groupe de parole, soutien économique, santé, etc.) et un ensemble de supports qui visent à créer un contexte institutionnel ou organisationnel favorable au maintien de l’activité d’aide (reconnaissance légale des aidants, mesures de conciliation, etc.). Les mesures non spécifiques (dispositifs de répit, prestations en nature et monétaire pour l’aidé, aides techniques et adaptation du logement) recouvrent les orientations de la politique de soins de long terme.

On peut ainsi en croisant les deux approches typifier les mesures de soutien aux aidants selon l’objectif principal qu’elles visent ainsi que l’environnement et les acteurs dans lequel elles s’inscrivent et au regard duquel nous conduisons l’analyse (tableau 1).

14 _{Le projet Interlinks s’intitule « Système de santé et soins de long terme pour les personnes âgées en Europe :} modéliser les interfaces et les liens entre prévention, qualité des services et contribution des aidants ». Il a pour objectif de construire et valider un modèle permettant de décrire, d’analyser et de comparer les systèmes de soins de longue durée dans les pays européens en ciblant les personnes âgées.

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Tableau 1: Cartographie des mesures de soutien aux aidants proches

Soutien spécifique pour les aidants Faciliter et améliorer la réalisation de l’aide et soulager le fardeau Mesures de soutiens spécifiques directes

Aidants co- producteurs

et/ou co- bénéficiaires En nature Informations, conseils

Éducation, formation

Soutien psychologique, groupes de paroles Approche sociale : loisirs, culture, vacances etc. Approche santé

Monétaires Care allowance : soutien économique direct Soutien indirect via les aides pour les aidés

Remplacer, relayer, soutenir l’aide par de l’aide humaine et/ou technique et soulager le fardeau

Mesures de soutiens non spécifiques directes

Aidants co- bénéficiaires Modalités de répit Accueils de jour

Séjours temporaires en institution Plateformes de répit

Répit et relais à domicile Mesures de soutiens non spécifiques indirectes

Aidants co- producteurs Monétaires Attendance Allocation (APA, PCH)

Budget personnel

Exemptions fiscales ou de charges sociales Bons monétaires (Chèque emploi service, Cesu) En nature Accès aux services de soins de long terme

Adaptations du logement

Technologies d’aides à l’autonomie

Politique nationale et droits légaux

Créer un contexte organisationnel et institutionnel favorable à l’existence de l’aide et à son maintien

Mesures spécifiques indirectes

Aidants ressources Politique/ stratégie nationale vers les aidants

Connaissance et identification des aidants

Reconnaissance et évaluation des besoins des aidants

Politiques de

conciliation Conciliation et droits : droits à la retraite, congés, aménagements du travail

Adapté de Twigg (1989), Naiditch (2012) et Courtin et al (2014)

A partir de ce cadre d’analyse, on peut analyser la construction de la politique de soutien aux aidants et caractériser le modèle en France selon plusieurs perspectives. Tout d’abord, l’analyse cherche à montrer en quoi les mesures spécifiques de soutien aux aidants se construisent dans un rapport particulier aux politiques de soins de longue durée (mesures non spécifiques indirectes). La seconde perspective est l’analyse des conditions dans lesquelles se développent les mesures de soutiens aux aidants-proches

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en lien avec les différentes images cognitives de l’aidant. Il s’agit de caractériser la configuration qui émerge et la contribution des acteurs, notamment les associations de malades ou d’aidants, les entreprises et les mutuelles ou assurances. Enfin, selon la manière dont se déploie la politique– types de mesures, structuration de l’offre, acteurs, conditions d’accès aux mesures – les logiques qui la sous-tendent seront différentes. Nous appréhendons ces logiques en termes de conventions ou de principes de justification (Boltanski, Thévenot, 1991 ; Boltanski et Chiapello, 1999 ; Batifoulier et al, 2016). Ceci permet de produire de premiers éléments d’évaluation sur les effets de la politique (usages et recours ; inégalités).

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Matériaux et méthodes. Analyse historique et analyse

textuelle.

Afin d’analyser le processus de construction de la place des aidants dans le système sanitaire et social, nous menons une double analyse : une analyse historique du déploiement des dispositifs de soutien aux aidants en France et une analyse lexicométrique d’un corpus d’articles de la presse nationale quotidienne. La période retenue est la période 1990-201815_.