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Les thématiques structurantes du discours produit sur les aidants-proches

Chapitre II : La construction d’une politique de soutien aux aidants

4.1 Les thématiques structurantes du discours produit sur les aidants-proches

Six types de discours produits sur les aidants

Le discours produit sur les aidants dans la presse nationale quotidienne est structuré autour de six classes qui définissent six « mondes lexicaux » au sens de registres thématiques et sémantiques (Figure 2). La classification descendante hiérarchique permet de classer17 76% des unités textuelles18.

Figure 2. Classification descendante hiérarchique : six « mondes lexicaux »

17- La pertinence du traitement est élevée.

18 - Les deux classes qui se détachent en premier du classement concernent respectivement la politique et le financement de la dépendance (classe 1) puis les congés pour les aidants (classe 2). Ces deux classes sont sur la même branche de l’arbre, signifiant une proximité entre les deux registres sémantiques et thématiques. Les classes 3 et 4 apparaissent ensuite emboîtées dans la classification descendante. Celles-ci portent sur la prise en charge médicale des maladies (classe 3) et les aides pour les aidants de personnes atteintes d’Alzheimer (classe 4). Enfin, les classes 5 et 6 sont les dernières à apparaître avec d’un côté la question du vécu de la maladie et de l’aide au quotidien par les aidants (classe 5) et de l’autre les dispositifs de répit (classe 6).

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Les caractéristiques des 6 classes sont reportées ci-dessous à partir des verbatims issus de segments de textes les plus représentatifs des différentes classes.

La première classe concerne la politique et le financement des soins de longue durée et de la dépendance. Cette classe est la plus spécifique, avec un vocabulaire qui est le plus homogène du corpus. Elle représente 38% des unités classées. Il est question d’une part du financement et des coûts de la dépendance, à domicile et en établissement, en lien notamment avec la hausse du nombre de personnes dépendantes :

« 1,2 million de personnes âgées souffrent de perte d’autonomie. Et ce chiffre devrait doubler d’ici à 2040. Avec le vieillissement de la population, le coût de la dépendance pourrait atteindre 35 milliards d’euros à l’horizon 2060. » Ou encore « ce premier volet sera financé par la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, casa, une taxe qui, depuis 2013, est payée par les retraites, a l'exception des plus modestes, à hauteur de 0, 3 de leurs pensions. »

D’autre part, cette classe porte sur les politiques de soins de long terme avec les réformes de l’Allocation personnalisée d’Autonomie et la loi d’adaptation de la société au vieillissement.

La seconde classe, qui représente 10% des unités classées porte sur les droits et congés des aidants-proches dans le milieu du travail et de l’entreprise. Cette classe traite de la conciliation entre vie professionnelle et activité d’aide pour les aidants avec au centre de l’analyse la question des congés pour les aidants :

« La moitié des aidants au sens large, soutien d’un proche en perte d’autonomie ou handicapé, étant en activité, des congés spécifiques ont été prévus. Le congé de soutien familial permet, par-exemple, de cesser temporairement son activité pendant trois mois, renouvelable jusqu' a un an pour les salariés et trois ans pour les fonctionnaires. »ou encore« Il s’agit du congé du proche aidant, une mesure de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, qui entrera en vigueur le 1 er janvier 2017. »

Les questions autour des critères d’attribution du congé, du statut du congé, de l’indemnisation de celui-ci ou encore des dons de congés entre collègues sont abordées. L’aidant est ici considéré à la fois dans ses responsabilités familiales et professionnelles.

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La troisième classe représente 16,5% des unités classées. Elle porte sur la prise en charge médicale des maladies. Les articles reviennent à la fois sur la santé des individus, en termes de pathologies, de déficiences ou encore de maladies et sur la prise en charge de ces maladies. La question du diagnostic des maladies est centrale ainsi que celle des traitements et de la recherche médicale. Les unités textuelles les plus représentatives portent en effet sur ces questions :

« Alors que la démarche diagnostic est complexe, la haute autorité de santé ne précise pas les critères diagnostiques des troubles cognitifs légers, explique le collège. Ce flou peut conduire à des prises en charge variables en soins primaires et mener à des bilans neuropsychologiques parfois invasifs, alors qu’il n’existe aucun traitement valide de ces troubles », « Il faut mettre en-place des services et des organisations de soins dédiées aux troubles du comportement tout au long du parcours, des interventions psychosociales et des traitements non pharmacologiques qui ont démontré leur efficacité. ».

Il est également question des relations patients-médecins et de la relation de soins.

La quatrième classe porte sur le soutien aux aidants de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Celle classe représente 12% des unités classées. Il est question du soutien apporté aux aidants (information, formation, accueil –notamment sur internet) qui s’adresse principalement aux aidants de personnes atteintes d’Alzheimer (en lien avec l’association France Alzheimer et la fondation Médéric Alzheimer et la fondation Novartis) :

« En 2008, le centre local d’information et de coordination de Nantes a en-outre organisé des formations et publie un guide d’information pour les familles. La maison des aidants devrait compléter ce dispositif en proposant aux aidants un centre de documentation sur la maladie d’Alzheimer, un espace de rencontre et des rendez-vous avec un psychologue ou une conseillère sociale. », « une formation sur internet pour les proches de malades d’Alzheimer. A l’occasion de la journée mondiale contre la maladie d’Alzheimer, lundi, la fondation Novartis organise durant toute la semaine prochaine une formation sur internet des aidants ou des proches de malades. »

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La cinquième classe porte sur l’épreuve de la maladie et le vécu de l’aide au quotidien par les aidants. Cette classe représente 15% des unités classées. Elle est constituée principalement de récits de vie et d’expérience. Les difficultés rencontrées par les aidants et plus généralement les familles lorsqu’un proche est malade ou dépendant sont évoquées (avec notamment la fatigue, les changements dans les relations et la perception de l’autre ou encore la perte de la personne fragile) :

« On doit être tout le temps présent pour lui, répond une conjointe. Les rôles sont inversés. On devient les parents de ses parents. Moi, j’ai une fille de 14 ans et, avec mon père malade, c'-est comme si j’avais deux enfants à la maison, lâche une autre femme. », « C'est le plus triste dans cette maladie : vivre avec une personne qui vous est devenue étrangère. Il n’a plus de réactions à part celle de gémir. S’occuper de lui est une mission à plein temps, mais je n’ai pas d’autre choix. C'est mon devoir. Il aurait fait la même chose pour moi, sourit douloureusement l’octogénaire, qui aime évoquer son Bernard d’avant la maladie. »

Comme mentionné dans cet extrait, la notion de devoir dans l’aide est souvent mentionnée et rapprochée aux dimensions de l’amour et de l’être cher.

La dernière classe porte sur le répit pour les aidants, avec 9% des unités classées. La question du répit est abordée souvent en référence avec le dispositif de Baluchonnage venant du Québec :

« Le relayeur se substitue à l’aidant à domicile 24 heures sur 24, ce-qui lui évite d’avoir l’impression d’abandonner son proche. Il dort sur place et prend en charge toutes ses tâches quotidiennes, hormis les actes médicaux : le ménage, les courses, la cuisine. », « L’idée n’est pas simplement de venir au domicile une ou deux heures par jour pour faire les repas ou la toilette. La baluchonneuse, qui a été spécialement formée pour cela, va s’installer au domicile pour prendre complètement la place de l’aidant 24 heures sur 24 ».

Le répit permet aux aidants de se libérer du temps pour souffler, partir en vacances ou en weekend, mais il peut parallèlement amener un sentiment d’abandon de la personne aidée. Cette dernière classe revient également sur les autres professionnels intervenants à domicile et sur l’organisation de l’aide :

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« Une infirmière vient matin et soir pour l’aider à lui faire sa toilette, un kinésithérapeute la masse quatre fois par semaine. »

La coexistence des trois images cognitives des aidants

Les six « mondes lexicaux » associés aux aidants suggèrent trois niveaux de prise en compte des aidants dans la presse. Ces trois niveaux de discours produits sur les aidants- proches opposent trois manières de parler des aidants et de les considérer, que l’on peut relier aux trois figures d’aidants développées précédemment.

Tout d’abord, les aidants sont considérés à un niveau macro et dans un registre politique (classes 1 et 2). Les évolutions démographiques, sociétales et l’évolution des besoins d’aides sont centrales, avec la question de la définition d’une politique de soins de longue durée, de ses orientations et de son financement. La hausse des besoins liée au vieillissement et les coûts liés à la prise en charge en établissement ou à domicile soulèvent les questions de la réforme de la dépendance et des débats sur le partage des coûts entre solidarité nationale, marché et famille. Les politiques de soins de long terme ont à faire face aux coûts liés à la hausse de la dépendance et des maladies chroniques dans un contexte de budgets contraints. Centrées sur les personnes fragiles, elles définissent « en creux » la place des aidants-proches (selon les prestations et leur générosité). Les réponses apportées le sont au niveau des politiques et des droits : politique de soins de long terme qui définit des droits pour les personnes âgées dépendantes et actions sur l’environnement des aidants en activité avec des politiques de conciliation qui définissent des congés pour les aidants. En ce sens, l’image cognitive des aidants fait principalement référence aux aidants-ressources des politiques de soins de longue durée. L’analyse factorielle des correspondances, en positionnant les classes et leur lexique sur les axes factoriels, fait apparaître que la manière de parler des aidants au niveau « macro » (registre politique) se distingue des autres manières de parler des aidants, notamment en ce qui concerne la question des congés pour les aidants en activité (Annexe 1).

Ensuite, les aidants sont considérés à un niveau méso, qui est celui de l’organisation du système de santé : la personne malade est au premier plan dans ses relations avec le système de santé (classes 3 et 4). Les aidants sont ici considérés dans leur activité d’apporteurs de soins, ou de coproducteurs de soins, dans ce qu’ils font auprès de la personne malade. L’information sur la maladie, la formation, l’orientation sont ici centrales. Les questions de la prise en charge diagnostique, des traitements et services à

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développer ainsi que celles des relations patients - aidants – professionnels et de la relation de soin sont centrales. Un autre axe est structuré par la maladie d’Alzheimer et les besoins de soutiens à apporter en termes d’information, de formation, de conseil, de coordination. Les fondations et le secteur associatif développent ces mesures de soutien.

Enfin, les aidants sont considérés dans leurs besoins, notamment de relais et de répit, ces besoins étant appréhendés à partir des témoignages sur le vécu de l’aide à un niveau micro et individuel (classes 5 et 6). La situation d’aidants racontée par les aidants eux- mêmes est mise au premier plan, faisant apparaître la figure des aidants comme co- bénéficiaires. Les témoignages sur la relation d’aide évoquent les répercussions de l’aide sur leur santé et la tension entre le choix et le devoir (ou l’obligation) d’être aidant. La question des relais dans l’aide et les solutions de répit structurent la dernière classe.

4.2 La formalisation et le déploiement de la politique de soutien aux