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expérimentale et explication compréhension

2. Un ancrage en didactique des mathématiques

2.2 Une approche anthropologique du didactique

115 débute la transposition didactique interne, elle va permettre de transformer les objets désignés comme savoir à enseigner en des objets d’enseignement. Dans la continuité des travaux qui mettent en évidence que l’enseignement spécialisé n’est pas contraint légalement par les programmes officiels, Maréchal indique que les enseignants spécialisés « doivent adapter le savoir à enseigner désigné par la noosphère. Ils se trouvent ainsi confrontés à un remaniement du programme officiel d’enseignement dans le but de le faire correspondre aux particularités de leurs élèves. Les enseignants spécialisés disposent ainsi d’une marge de manœuvre plus conséquente en participant à une étape du processus supplémentaire » (2010, p. 19). Cet aspect du processus de transposition didactique retient particulièrement notre attention lorsqu’il s’agit de questionner les articulations entre deux systèmes didactiques pour lesquels le savoir en jeu serait issue de deux chaines transpositives différentes.

2.1.2 La théorie des situations didactiques

Dans le cadre de la théorie des situations didactiques (Brousseau, 1998), nous nous intéressons plus spécifiquement à deux notions qui pourront nous permettre de décrire la manière dont un système didactique évolue dans le temps : le contrat didactique et le milieu. Pour rendre compte de l’évolution d’un système didactique, le contrat est qualifié de macro concept précieux (Schubauer-Leoni & Leutenegger, 2002). Selon Brousseau, entre le professeur et les élèves « se noue une relation qui détermine – explicitement pour une petite part, mais surtout implicitement – ce que chaque partenaire, l’enseignant et l’enseigné, a la responsabilité de gérer et dont il sera d’une manière ou d’une autre, responsable devant l’autre » (1998, p. 61) et il précise qu’il nomme contrat didactique la part de ce contrat qui est spécifique à un objet de savoir visé. Il précise également que ce qui est intéressant d’observer ce sont les ruptures de contrats ou encore « le processus de recherche d’un contrat hypothétique » (p. 62). La seconde notion importante dans la théorie des situations est celle de milieu. Selon Brousseau, le milieu est « le système des objets qui déterminent les pratiques de l’étude des savoirs. L’objet principal de l’action du système enseignant étant alors ce milieu et les interactions du système enseigné avec le milieu. Une situation didactique est dans ce cas l’ensemble complexe de ces relations » (Mercier et al., 2002, p. 11). Ce sont les interactions entre les acteurs et le milieu qui génèrent la production du savoir. Dans cette optique, la description du milieu et de son évolution est un observable important pour rendre compte de la dynamique des systèmes didactiques. En s’appuyant sur la conception du milieu de Brousseau, Assude (2018) distingue différents types de milieux (2018) : le milieu matériel, le milieu hybride (constitué du milieu matériel et de représentations : dessins, signes) et le milieu symbolique (constitué de signes). Ceux-ci lui permettent de décrire des parcours sémiotiques.

2.2 Une approche anthropologique du didactique

La théorie de la transposition didactique a évolué vers la théorie anthropologique du didactique (TAD). Yves Chevallard explique l’emploi de l’adjectif anthropologique afin d’indiquer le parti pris de situer l’activité d’étude en mathématiques dans l’ensemble des activités humaines (Chevallard, 1999), cette posture permet de dépasser les frontières

116 institutionnelles. Dans cette perspective l’étude du didactique ne peut faire l’économie de se pencher sur des contraintes qui s’exercent à différents niveaux de la société, c’est ce que nous aborderons dans un premier point. Dans cette théorie, toute activité humaine peut être définie par un modèle unique qu’il nomme praxéologie. C’est cette notion que nous allons définir dans un second temps.

2.2.1 L’échelle de codétermination didactique

Chevallard introduit une échelle de codétermination didactique, qui dans sa version simple83 comporte cinq niveaux. La figure 5 représente cette échelle.

Figure 5: échelle de codétermination didactique (Chevallard, 2010)

À chaque niveau de l’échelle, des conditions sont créées afin de pouvoir diffuser des connaissances, Chevallard parle de « conditions didactiques au sens large » (Chevallard, 2010, p. 3). Pour lui, le didacticien ne doit pas uniquement étudier les systèmes didactiques, il doit également s’intéresser aux conditions et contraintes que l’on peut retrouver aux différents niveaux de l’échelle et qui peuvent « jouer un rôle parfois déterminant dans la diffusion ou dans la non-diffusion de connaissances » (ibid.). L’auteur précise également le sens qu’il donne à la notion de contrainte. Une contrainte associée à un niveau de l’échelle de codétermination ne peut être modifiée par une personne assujettie par ce même niveau. Ce que nous retenons par rapport à notre objet d’études est la nécessité de ne pas enfermer notre regard juste au niveau de la classe, mais, dans le cadre de pratiques inclusives, de prendre en compte les conditions et les contraintes qui existent au niveau de l’école et de la société afin d’étayer l’analyse des phénomènes observables au sein des systèmes didactiques en jeu.

2.2.2 La notion de praxéologie

La TAD, dans sa vision englobante qui considère l’ensemble du monde social, considère que « toute activité humaine régulièrement accomplie peut être subsumée sous un modèle unique, que résume ici le mot praxéologie » (Chevallard, 1999, p. 223). Une praxéologie est constituée de différents éléments, c’est ce que nous allons présenter maintenant.

Le premier est constitué des notions de tâche (t) et de type de tâches (T). Une tâche ou un type de tâche sont généralement définis par un verbe et portent sur un objet

83 Dans certains travaux, d’autres niveaux apparaissent en dessous de discipline : domaines, secteurs, thèmes, sujets (Chevallard, 2011)

117 généralement précis. Lorsqu’une tâche appartient à un type de tâche, la notation utilisée est la suivante : t ∈ T. Lorsque le verbe est utilisé sans autres précisions (par exemple, multiplier), Chevallard parle de genre de tâches. Il précise enfin que « tâches, types de tâches, genres de tâches, ne sont pas des données de la nature : ce sont des « artefacts », des « œuvres », des construits institutionnels, dont la reconstruction en telle institution, par exemple en telle classe, est un problème à part entière, qui est l’objet même de la didactique » (1999, p. 224).

Le second élément constitutif d’une praxéologie est la technique. Il s’agit « d’une manière d’accomplir, de réaliser les tâches t ∈ T » (ibid.). La notation utilisée est t. Chevallard parle de bloc pratico-technique pour rendre compte de l’association entre un type de tâches et une technique relative à ce dernier. Ce bloc pratico-technique correspond dans le langage courant à un savoir-faire. Une technique ne réussit pas forcément sur l’ensemble des tâches t ∈ T, il s’agit là de la portée de la technique. Dans le même ordre d’idée, plusieurs techniques différentes peuvent permettre de réaliser T. Chevallard précise qu’ « une technique peut être supérieure à une autre, sinon sur T tout entier, du moins sur une certaine partie de T » (1999, p.225). Assude et Mercier distinguent trois types de techniques (2007). Les techniques invisibles permettent de produire un résultat mais ne sont pas explicitées. Ce « ne sont pas des techniques de validation mais de vérification […] car les élèves n’ont à étudier que le milieu de l’action et jamais leurs manières d’agir sur ce milieu » (p. 172). Dans un autre article, ces auteurs parlent également de techniques muettes (Assude, Mercier, & Sensevy, 2007). Les techniques faibles permettent de produire un résultat et sont explicitées, « la manière de faire peut être montrée et commentée par un expert ou observée par un apprenti comme un savoir en situation » (p.154). Les techniques fortes produisent le résultat attendu, elles sont à la fois explicitées mais aussi « justifiées par une technologie ou une théorie explicite » (ibid.).

Le troisième élément constitutif d’une praxéologie est la technologie. Il s’agit d’un discours rationnel relatif à une technique, ce discours est noté q. Ce discours a plusieurs fonctions. La première est de justifier rationnellement la technique. La seconde fonction est « d’expliquer, de rendre intelligible, d’éclairer la technique » (1999, p. 226). La dernière fonction d’une technologie réside dans la production de techniques. Chevallard parle alors de technologies potentielles lorsqu’aucune technique relative n’existe encore. Le dernier élément de ce quadruplet est la théorie. Elle est notée Q et Chevallard la définit de la façon suivante : « le discours technologique contient des assertions, plus ou moins explicites, dont on peut demander raison. On passe alors à un niveau supérieur de justification-explication-production » (p. 227).

Une praxéologie est donc composée par un quadruplet que l’on notera de la façon suivante : [T/t/q/Q]. Pour un type de tâche, Chevallard parle de praxéologie ponctuelle. Ce quadruplet est donc composé de deux blocs, le bloc pratico-technique que nous avons déjà présenté, et le bloc technologico-théorique [q/Q] qui peut être identifié comme un savoir. L’observation et l’analyse des praxéologies peuvent se faire de manière statique en s’intéressant aux différents éléments qui la composent. L’observation et l’analyse peuvent également tenir compte de la dynamique des praxéologies. Une praxéologie ponctuelle pourra devenir une praxéologie locale puis régionale. Ce mouvement se caractérise par une augmentation de la visibilité du bloc technologico-théorique. Pour finir, nous retenons que Chevallard met également en garde contre le fait que certains éléments qui composent une praxéologie ponctuelle pourront être parfois compliqués à identifier.

118 La notion de praxéologie nous semble être un descripteur particulièrement adapté afin de rendre compte de l’activité humaine au sein des systèmes didactiques en jeu dans le cadre des dispositifs ULIS. L’approche anthropologique nous invite également à une vigilance afin de ne pas réduire notre étude au niveau de la classe, mais de chercher à comprendre comment l’influence des contraintes et des conditions issues des niveaux de co-détermination supérieurs s’observe dans le cadre de pratiques inclusives.

2.3 La question du temps en didactique des