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Un dispositif qui comporte trois phases distinctes

son milieu

2. Genèse et description du dispositif de recueil de données

2.2 Un dispositif qui comporte trois phases distinctes

134 observée par un didacticien. Ceci explique peut-être aussi qu’il y ait si peu d’observation « naturalistes » de classes » (Blanchard-Laville et al., 1996, p. 35). Pourtant, comme nous l’avons montré au début de ce chapitre, le découpage de notre objet d’étude nous amène à vouloir observer des situations ordinaires à deux échelles temporelles, la plus longue correspondant à une séquence entière. Il s’agira pour nous de rendre le dispositif de recueil de données acceptable du point de vue des enseignants et des élèves qui l’accueilleront. Le positionnement du chercheur devra également être clarifié dès le début du dispositif et dans cette perspective la mise en garde de Chevallard est éclairante : « même lorsque la position de chercheur lui est consentie officiellement, lorsque le chercheur obtient par exemple le droit d’entrer dans le système étudié à titre d’observateur, il est conduit à assumer les demandes, non officielles, mais pressantes, des acteurs permanents du système » (ibid., p. 44). Ainsi, nous serons amenés lors de la prise de contact avec les acteurs du terrain (principaux de collège, enseignants, AESHco) amené à clarifier notre position compréhensive vis-à-vis de situations ordinaires et nous chercherons à rendre la présence du chercheur au sein du système d’enseignement la moins intrusive possible, ou pour utiliser une image, faire en sorte qu’il puisse se fondre dans le décor sans pour autant modifier significativement91 celui-ci.

2.2 Un dispositif qui comporte trois phases

distinctes

Le dispositif de recueil de données se déroule en trois temps successifs. La première phase, dossier séquence, marque l’entrée des enseignants dans le dispositif de recherche. La seconde phase, enchainement de deux séances, correspond à l’introduction du dispositif vidéo. La dernière phase, enchainement d’une séquence d’enseignement, permet une observation plus longue avec l’appui du dispositif vidéo. Une fois ces trois phases présentées, nous détaillerons de façon plus précise les différents types d’entretiens mis en œuvre au sein celles-ci.

2.2.1 Phase 1 : dossier séquence

Cette première phase fait suite à la première prise de contact avec un binôme enseignant92 et marque l’entrée dans le dispositif de recherche pour celui-ci. De façon à rendre le dispositif le moins intrusif, deux dossiers sont constitués par les enseignants, ils regroupent des traces relatives à un chapitre du programme de mathématiques dans le SDP pour le premier et aux travaux mathématiques réalisés en lien avec ce chapitre au sein du SDA pour le second. La durée de constitution dépend directement des choix concernant la programmation définie par les enseignants. Leutenegger précise le contenu de ce dossier qui comprend « différents matériaux, choisis et collectés par l’enseignant : des copies d’élèves, des notes de travail de sa part, des traces diverses des leçons, selon ce qu’il estime intéressant, utile, nécessaire de donner à voir dans le cadre de la recherche. 91 Notre propos n’est pas de nier les influences de l’observateur sur le système d’enseignement mais chercher à limiter au maximum celles-ci

92 Le binôme enseignant est constitué par un enseignant de mathématiques et par l’enseignant coordonnateur du dispositif ULIS

135 Ces différents éléments initialisent en quelque sorte l’observation » (2000, p. 230). Nous proposons également aux enseignants de tenir un relevé sous la forme d’un calendrier des échanges entre eux et de nous proposer un panel des évaluations qui marquent la fin de l’étude du chapitre dans le SDA. La constitution de ces dossiers est entourée par deux entretiens avec chaque enseignant. L’entretien ante permet à l’enseignant de nous présenter son projet d’enseignement pour le chapitre concerné. L’entretien post dossier permet à l’enseignant de revenir sur le déroulement du chapitre et de nous présenter les matériaux collectés. La figure n°14 représente l’organisation de cette première phase du recueil de données.

Figure 14: représentation de la phase 1 du recueil de données

Pendant la constitution du dossier, nous demandons également aux enseignants de nous accueillir au sein de la classe pour réaliser des observations. Ces observations ont pour nous deux fonctions. La première est de nous familiariser avec la classe afin de finaliser les choix d’organisation matérielle pour le dispositif vidéo qui sera installé dans la phase deux. La seconde raison est de permettre aux enseignants et aux élèves de se familiariser avec notre présence. Notre posture lors de ces moments d’observation cherche à donner à voir un positionnement le moins intrusif possible.

2.2.2 Phase 2 : enchainement de deux séances

La seconde phase s’inspire de la méthodologie de recueil de données éprouvée dans le cadre du projet PIMS (Assude, Perez, et al., 2015). Le recueil est réalisé à l’aide de captations vidéo qui nous permettent de saisir un enchainement de deux séances, l’une dans le SDP, l’autre dans le SDA (ou inversement). Chaque séance est entourée par un entretien ante qui vise à repérer le projet de l’enseignant et un entretien post qui permet à l’enseignant de mesurer l’écart entre ce qui était prévu et ce qu’il a réalisé. Le recueil comporte également une analyse simple dans laquelle l’enseignant choisit un moment singulier de sa séance qu’il souhaite nous montrer. Ces trois types d’entretiens sont filmés, deux acteurs sont concernés : l’enseignant et le chercheur. Le recueil de données se termine par une analyse croisée dans laquelle le second membre du binôme choisit un court extrait qu’il souhaite nous montrer en présence de l’enseignant filmé dans la séance : l’enseignant coordonnateur choisit un moment dans la séance de mathématiques et l’enseignant de mathématiques choisit un moment dans la séance filmée au sein du regroupement ULIS (trois acteurs sont présents : enseignant de mathématiques, enseignant coordonnateur et chercheur). La figure 15 représente la phase 2 du recueil de données dans le cas où le SDA est mis en œuvre avant le SDP.

136 Figure 15: représentation de la phase 2 du recueil de données Les analyses simples et croisées sont séparées dans le temps de quelques semaines. Cela est dû à une double contrainte temporelle, celle du montage des vidéos puis au temps nécessaire pour que les enseignants visionnent les films réalisés. Nous pouvons également préciser que nous sommes amenés à recueillir des documents écrits utilisés en amont ou pendant les séances (textes officiels, préparation, manuels et exercices utilisés, exercices réalisés par les élèves).

2.2.3 Phase 3 : enchainement d’une séquence

d’enseignement

La dernière phase constitue une évolution de la précédente. Elle a été conçue à l’issue des premières analyses et vise à saisir à l’aide du même dispositif vidéo l’évolution des objets mathématiques au sein des systèmes didactiques sur un temps plus long correspondant à l’étude entière d’un chapitre de mathématiques. La durée de cette phase dépend directement des choix de l’enseignant du SDP. Pendant l’ensemble du chapitre, toutes les séances seront filmées dans le SDP et dans le SDA. Un enregistreur est également laissé aux enseignants pour enregistrer les échanges qu’ils peuvent avoir de façon informelle pendant le chapitre. À l’issue de ces captations, une analyse simple sera réalisée dans le SDP et dans le SDA ainsi qu’une analyse croisée. La figure 16 rend compte d’un déroulement possible pour cette dernière phase. Figure 16: représentation de la phase 3 du recueil de données

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À nouveau, les analyses simples et croisées sont séparées dans le temps par quelques semaines, la contrainte temporelle93 dépendant du temps nécessaire pour que les enseignants visionnent la ou les séances sur lesquelles ils souhaitent revenir dans l’analyse simple et dans l’analyse croisée. Là encore, nous pouvons préciser que nous sommes amenés à recueillir des documents écrits utilisés en amont ou pendant les séances (textes officiels, préparation, manuels et exercices utilisés, exercices réalisés par les élèves).

2.2.4 Présentations des différents types d’entretiens

Leutenegger en se référant à Foucault rappelle que « des événements enregistrés […] qui font partie d’une série aléatoire peuvent être isolés puis regroupés en une convergence ou une divergence. Il y a donc une idée de la pluralité des faits observés et une idée de réduction de l’incertitude quant à leur interprétation » (2000, p. 220). Les différents entretiens qui jalonnent les trois phases du dispositif de recueil de données ont pour but de nous aider à réduire l’incertitude. Nous faisons l’hypothèse que des faits repérés au sein des séances peuvent entrainer certaines interprétations de la part du chercheur. Afin de réduire le degré d’incertitude de ces interprétations, les discours produits lors des entretiens nous apportent des matériaux supplémentaires. De façon générale, ces entretiens offrent la possibilité aux enseignants de produire des discours relatifs à leur pratique et n’ont pas d’autre visée dans notre dispositif de recherche. Nous allons maintenant présenter de façon plus précise les caractéristiques de ces différents entretiens.

Les entretiens ante et post dossier : l’entretien ante dossier vise à permettre à l’enseignant de s’exprimer sur le chapitre qu’il a choisi pour la phase 1. Le chercheur lui demande en particulier de parler du chapitre choisi, des difficultés potentielles, de l’organisation prévue pour cette séquence ainsi que la place accordée aux ERIH. L’entretien post dossier partage deux fonctions. La première est de permettre à l’enseignant de revenir sur la séquence, son déroulement, les difficultés qui ont pu apparaitre. La seconde fonction est de permettre à l’enseignant de présenter au chercheur les différents matériaux qu’il a recueillis. Ces deux entretiens nous aident également à mesurer la connaissance de l’enseignant coordonnateur au sujet du chapitre qui va débuter dans le SDP. De la même façon, ils permettent de prendre connaissance d’attentes potentielles de l’enseignant de mathématiques vis-à-vis du SDA.

Les entretiens ante et post séance : l’entretien ante séance a « pour fonction de recueillir le discours de l’enseignant, adressé au chercheur, à propos de son projet spécifique d’enseignement » (Schubauer-Leoni & Leutenegger, 2002, p. 243). Pour ce qui est de l’entretien post séance, il permet de « recueillir, à chaud, l’avis, le sentiment, l’analyse réflexive du professionnel après l’accomplissement d’une séance de travail. Qu’a-t-il perçu en faisant ? que pense-t-il avoir réalisé et avec qui ? » (ibid.). Le chercheur propose également à l’enseignant d’évoquer un moment particulier de la séance qui a particulièrement retenu son attention.

Les analyses simples et les analyses croisées : ces deux types d’entretiens ne doivent pas être confondus avec les auto-confrontations simples et croisées (Clot et al., 2000).

93 Dans la phase 3, afin de limiter cette contrainte temporelle, l’ensemble des montages sont réalisés à l’issue de chaque séance. De cette façon, le lendemain de la dernière séance du dispositif, nous sommes en mesure de donner l’ensemble des films à chaque membre du binôme.

138 Géraldine Suau précise quelles sont les spécificités de ces analyses de la façon suivante : « C’est dans cette méthode, la confrontation à la pratique qu’il nous intéresse d’observer. Nous différons quant à la position de Clot et al. sur la position du chercheur. N’étant pas dans une situation dégradée, ni dans une commande, ce n’est pas en effet le chercheur qui sélectionne un extrait, mais l’acteur (en l’occurrence l’enseignant) qui après avoir visionné la totalité́ de la séance choisit un extrait qu’il trouve « remarquable », en ce sens qu’il le remarque dans sa pratique » (2016, p. 118). Le chercheur adopte une position d’écoute, il débute l’entretien avec une unique question, « pourquoi cet extrait-là ? » (ibid.). L’enseignant explicite alors sa pratique, c’est lui qui assure la responsabilité du choix de l’extrait qu’il souhaite montrer, du défilement des images, des mises en pause. Lors de l’analyse simple, l’enseignant est seul avec le chercheur, il a sélectionné un court extrait dans le film de la séance. En ce qui concerne l’analyse croisée, les deux enseignants sont présents avec le chercheur. Chacun choisit un extrait dans le film de la séance de son pair.

Les analyses simples et croisées menées dans la phase trois de notre dispositif se différencient de celles mises en œuvre dans le travail de Suau (2016) en raison du découpage de notre objet d’étude. L’échelle temporelle de la séquence d’enseignement induit environ une dizaine de séances filmées dans le SDP et environ trois séances dans le SDA. Afin de rendre le dispositif de recueil de données acceptable pour les enseignants, il n’était pas envisageable de réaliser une analyse simple et croisée sur chacune des séances. La consigne donnée aux enseignants laissait des espaces de liberté en leur proposant de choisir trois moments remarquables dans une séance unique ou dans plusieurs séances, nous leur laissions ainsi la liberté de revoir l’ensemble des séances ou simplement une en particulier. Pour terminer ce point, nous souhaitons à nouveau mettre en évidence le fait que ces différents entretiens ont pour fonction principale de permettre aux enseignants de livrer un discours relatif à leur pratique, discours anticipateur ou évocateur. Le chercheur adopte une attitude non directive à partir d’une trame réduite de questions, « l’entretien non directif vise à dégager le cadre perceptif du sujet, à le placer dans une disposition d’esprit dans laquelle c’est à lui-même qu’il va réagir. Pratiquement, dans ce type d’interviews, la structuration est réduite au minimum. L’enquêteur introduit plus ou moins rapidement un thème. La nature de celui-ci, les manœuvres d’approche, sont évidemment extrêmement importantes puisqu’elles commandent la suite de l’entretien » (Grawitz, 2001, p. 651). Le chercheur s’astreint à donner à voir une position d’écoute et à accepter des silences afin de ne pas bloquer ou interrompre le discours de l’enseignant. Les relances ont pour unique but d’amener l’enseignant à préciser son propos afin de limiter les incertitudes du point de vue des interprétations futures.