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Caractéristiques méthodologiques d’une approche clinique/expérimentale

expérimentale et explication compréhension

1.3 Caractéristiques méthodologiques d’une approche clinique/expérimentale

110 l’approche clinique des systèmes didactiques et le dispositif expérimental qui permettra de rendre compte de la dynamique des systèmes étudiés. Le dispositif expérimental doit être en mesure d’observer de façon précise les interactions au sein des systèmes et en retour, les faits collectionnés sont systématiquement rapportés à la manière dont le dispositif a permis de les récolter.

La dialectique clinique/expérimentale a été envisagée pour traiter des questions jugées complexes et rendre compte des articulations qui existent entre des systèmes didactiques différents (Leutenegger, 2000, 2009). Les résultats obtenus dans ces travaux mettent en évidence « la possibilité et la nécessité d’une clinique expérimentale pour traiter de problèmes didactiques rebelles à des méthodes plus classiques dans ce champ de recherche » (2009, p. 404). Cette dialectique a tout d’abord permis de rendre compte finement de la dynamique des systèmes étudiés. Leutenegger insiste également sur son intérêt, d’un point de vue épistémologique, afin de ne pas « tomber dans un empirisme qui ne tirerait son savoir que de son expérience de visu » (p. 406), et selon elle, le risque est important lorsque l’on étudie le monde ordinaire. La dialectique entre la clinique et l’expérimentale permet ainsi une prise de distance nécessaire avec les objets observés. Après avoir cherché à rendre compte, d’un point de vue épistémologique et théorique, les enjeux liés à la dialectique clinique/expérimentale associée à celle de l’explication/compréhension pour traiter de la dynamique des systèmes dans le cadre de l’observation du monde ordinaire, nous allons maintenant préciser les enjeux méthodologiques de cette approche.

1.3 Caractéristiques méthodologiques d’une

approche clinique/expérimentale

D’un point de vue méthodologique, il est possible de distinguer deux phases distinctes, la première concerne le recueil de traces et la seconde le traitement de celles-ci associé à l’explication/compréhension des phénomènes rencontrés (Schubauer-Leoni & Leutenegger, 2002).

1.3.1 Le dispositif expérimental de production de traces

De façon à observer la dynamique au sein et entre différents systèmes didactiques, le dispositif expérimental doit permettre au chercheur « d’observer ce qui a trait à chacune des instances du système, enseignant, élèves, objet de savoir tout en conservant l’entité système comme unité théorique insécable » (Leutenegger, 2004, p. 274). De façon à rendre compte de cette dynamique, le dispositif expérimental doit permettre d’observer ces systèmes sur un temps suffisamment long afin d’observer l’évolution de la relation didactique, des choix devront donc être réalisés au sujet de l’échelle temporelle choisie. Le dispositif ne comprend pas uniquement l’observation in situ, il est constitué également par des entretiens qui permettent de saisir le récit anticipateur ou évocateur des acteurs. Ces entretiens sont produits afin de récolter le discours des acteurs. Ces discours seront utiles au moment des analyses dans une perspective de réduction de l’incertitude. L’organisation du dispositif expérimental comporte une unité de base représentée par la

111 figure 3. En fonction de l’échelle temporelle choisie, le nombre de boucles pourra varier. Ce choix renvoie directement à la question de la taille de l’objet d’étude que l’on souhaite observer : « où commence et où s’arrête l’observation du système didactique lors de leçons ordinaires » (Leutenegger, 2009, p. 82).

Figure 3: modélisation d’une unité de base du dispositif expérimental d’après Leutenegger, 2002,

2009

La posture du chercheur doit également être prise en compte dans les différentes étapes du dispositif de recherche. En amont du dispositif, il porte la responsabilité des choix en ce qui concerne les objets à observer (organisation technique du dispositif vidéo par exemple), ces choix sont en lien direct avec les questions de recherche et avec le cadrage théorique qui les sous-tend, mais ils sont également contraints par le contexte d’observation (classe entière, ou groupe restreint d’élèves par exemple, présence d’un seul enseignant ou situation de coprésence). Lors de l’observation, il est à la fois « en prise avec son objet sur le terrain (il interagit nécessairement avec les acteurs du système), mais est également tenu à un questionnement relevant du champ de recherche auquel il appartient » (p. 276). L’étape de traitement des données recueillies nécessite quant à elle une mise à distance de la part du chercheur (voir figure n°2).

Dans ce premier point, nous venons de voir les lignes générales d’un dispositif expérimental d’approche clinique à même de rendre compte de la dynamique au sein d’un système didactique. Ce dispositif permet à la fois de recueillir des matériaux variés (qui participeront lors de l’analyse à la réduction de l’incertitude) et, par la rigueur et le contrôle qu’il propose, garantir une mise à distance nécessaire. Nous allons dans un second temps préciser la nature des matériaux que ce dispositif doit permettre de récolter.

1.3.2 Les matériaux et les traces à récolter

Dans le cadre du dispositif expérimental présenté dans le point précédent, deux types de traces sont à récolter. Des traces relatives à des documents écrits et des traces relatives à des enregistrements sonores ou visuels. Les premières peuvent être « des documents écrits « officiels » (plans d’étude, manuels scolaires, etc.) ou à des documents écrits issus de l’action des acteurs (écriture des élèves ou de l’enseignant) » (Leutenegger, 2004, p. 277). Les secondes sont issues des films des séances en classe et des entretiens avec les acteurs. Ces matériaux qui comportent à la fois des traces orales et gestuelles font l’objet d’un traitement préalable sous la forme de transcriptions. Selon Leutenegger, le détail requis lors de ces transcriptions est directement lié aux questions de recherche.

1.3.3 Organisation de l’analyse

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Francia Leutenegger pose tout d’abord trois principes pour l’analyse (2009). Il s’agit tout d’abord d’un principe de questionnement réciproque en procédant par recoupements successifs afin de réduire l’incertitude : les questions sont posées à l’ensemble des traces, une réponse n’est apportée qu’à l’issue de l’étude. Le second principe est celui de l’ordre des analyses. L’analyse première porte sur les traces qui renvoient à un contenu d’enseignement mathématique. Les traces issues des discours produits lors des différents entretiens sont mobilisées dans un second temps. Le dernier principe, de rétroaction, amène le chercheur à ne pas s’en tenir de façon isolée à une boucle unique du dispositif expérimental, mais de revenir sur des événements plus anciens également.

Une fois ces trois principes posés, il est utile de préciser que l’analyse ne porte pas directement sur les faits tels qu’ils ont existé au sein de la classe, mais sur les traces de ces faits : « Ce n’est qu’à partir d’objets « morts » pour le terrain qui leur a précédemment donné « vie », que l’analyse peut opérer. Une reconstitution doit avoir lieu à partir de ces objets, figés en l’état où l’observateur les a recueillis, ou consécutivement aux préparations qu’il leur a fait subir. Il s’agit, à partir de ces traces, de procéder à la reconstitution des évènements didactiques et des systèmes d’évènements en vue de leur donner un sens pour l’étude envisagée » (Leutenegger, 2004, p. 278). La confrontation entre les différentes traces recueillies, dans le cadre d’une approche clinique, va permettre de les traiter en cherchant à réduire progressivement le degré d’incertitude. Ainsi, les questions de recherche sont adressées à l’ensemble des traces et ne reçoivent de réponse qu’après une mise en perspective au sein du système de traces. Leutenegger précise également que l’analyse d’un type de trace peut également avoir comme effet de venir nourrir le questionnement.

L’analyse est envisagée selon deux plans distincts et complémentaires. Le plan achronique correspond à une étude qui ne tient pas compte de la temporalité. Le plan diachronique introduira la notion temporelle dans l’analyse. Sur le plan achronique, il s’agit de réaliser une analyse de l’objet mathématique enseigné afin de mettre en évidence ses caractéristiques, les contraintes potentielles, mais également des liens qu’il peut entretenir avec d’autres objets. Cette analyse passe également par une entrée par les trois pôles du système didactique de façon à analyser l’objet mathématique du point de vue de l’enseignant et du point de vue des élèves. L’analyse sur le plan diachronique prend en compte l’aspect temporel. À partir d’objets morts, il s’agit de procéder à une reconstruction de ce qui s’est déroulé afin de mettre en évidence la dynamique des systèmes.

Dans le premier point de ce troisième chapitre, nous avons cherché à définir un ancrage théorique à même de prendre en compte deux caractéristiques majeures de notre objet de recherche : l’observation de classe ordinaire et l’observation des articulations entre des systèmes didactiques différents. Pour travailler notre objet d’étude, l’approche comparatiste nous permettra d’étudier les questions relatives aux articulations entre les systèmes didactiques et à la comparaison entre systèmes différents. La double dialectique clinique/expérimental et explication/compréhension semble particulièrement adaptée pour aborder des questions relatives à l’étude du monde ordinaire. Cette approche permet une mise à distance nécessaire afin de ne pas sombrer dans un propos naturalisant et, sous le contrôle du dispositif expérimental, de tenir compte de la place du chercheur aux différentes étapes de la recherche.

113 Comme nous avons pu le voir, le projet comparatiste en didactique cherche à s’appuyer et à mettre à l’épreuve des concepts produits au sein des didactiques disciplinaires. Nous allons donc devoir maintenant mobiliser certaines connaissances produites dans le cadre de la didactique des mathématiques, c’est ce que nous allons développer dans le second point de ce chapitre.

2. Un ancrage en didactique des