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scolarisation des ERIH

2. Les projets PIMS

2.3 État des connaissances produites

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des conditions qui permettent aux élèves d’accéder à l’étude des savoirs : situations d’enseignement et d’apprentissage, formes d’étude, ressources, accompagnements, aides (Assude, Perez, et al., 2015). Le projet est mené au sein de classes ordinaires qui scolarisent des élèves en situation de handicap. L’objet d’étude, qui est d’étudier des pratiques d’enseignants qui accueillent au sein de la classe ordinaire des élèves en situation de handicap, est travaillé au sein d’un collectif qui regroupe des chercheurs et des enseignants. Ce travail s’appuie sur un dispositif de recherche phénoméno-praxéologique dans lequel la vidéo à une place importante. Cette dernière permet de produire des observables et permet la construction de savoirs professionnels. Le dispositif comporte différentes phases : des séances filmées, des entretiens ante et post, des analyses simples et des analyses croisées. Les outils théoriques mobilisés sont principalement issus de la théorie anthropologique du didactique (Chevallard, 1999) et s’appuient plus particulièrement sur le descripteur topogénétique. Les questions posées dans le cadre de ce projet sont les suivantes : « quels sont les situations et les contrats favorables pour rendre possible l’accessibilité aux savoirs ? Quels sont la place et le rôle des acteurs (enseignants-élèves) pour créer des conditions d’accessibilité didactique ? » (2015, p. 210). Ces deux projets menés dans des contextes différents (dispositifs collectifs et classe ordinaire) partagent la question commune de l’accessibilité didactique qui est regardée à partir des pratiques inclusives des acteurs au sein de l’école primaire. Les outils théoriques sont principalement issus de la didactique des mathématiques. Le dernier point commun réside dans l’utilisation de la vidéo afin de produire des observables et des discours relatifs à ceux-ci. Ces deux projets ont permis de produire des résultats que nous allons présenter dans le point suivant.

2.3 État des connaissances produites

Les projets que nous venons de présenter couvrent une période de dix années. Les résultats obtenus ont fait l’objet de publications sous différentes formes. Nous souhaitons dresser maintenant un état des lieux des connaissances produites dans les projets PIMS relatives aux pratiques inclusives et à la question de l’accessibilité didactique. Nous allons pour cela présenter les apports d’un point de vue chronologique en commençant par les connaissances issues du projet pratiques inclusives en mathématiques scolaires puis nous nous intéresserons au projet pratiques inclusives en milieu scolaire.

2.3.1 Les connaissances produites dans le premier projet

PIMS

La première publication traite de l’apprentissage du nombre chez des élèves scolarisés en CLIS. L’objet de cet article est « d’apporter des éléments de réponse à la question des conditions didactiques permettant de rendre l’apprentissage du nombre accessible à des élèves en grande difficulté scolaire » (Assude et al., 2011b, p. 66). Le travail mené conjointement entre chercheurs et enseignants spécialisés s’appuie sur une situation mathématique robuste, la situation « voitures et garages » élaborée par Brousseau dans le cadre du COREM (centre d’observation et de recherche sur l’enseignement des

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mathématiques). La robustesse de cette situation permet, une fois les adaptations réalisées, de garder les enjeux de savoir. Les résultats obtenus mettent en évidence, dans ces conditions, des apprentissages des élèves et que ceux-ci dépendent avant tout du « choix des situations didactiques et des modalités de gestion de la classe » (p. 81).

À la suite du colloque de l’OPHRIS qui s’est déroulé à Nancy, un chapitre d’ouvrage est consacré aux potentialités et aux obstacles liés au jeu de l’oie ou jeu de la bande numérique (Assude, Tambone, Vérillon, & Perez, 2013). Là encore, les situations sont issues d’un travail mené en CLIS. L’hypothèse de départ est que « des obstacles du milieu matériel peuvent avoir des effets négatifs dans les apprentissages mathématiques des élèves » (p. 75). Les résultats de cette étude ont permis de mettre en évidence des obstacles liés à l’utilisation du jeu de l’oie : les contraintes culturelles du jeu se transforment en obstacles didactiques. La mise en évidence de ces obstacles a permis de dégager des conditions à la conception d’un milieu matériel : des conditions spatiales, des conditions numériques, des conditions limitant la quantité d’information et des conditions liées à la neutralisation des contraintes culturelles. L’usage du jeu doit « être pensé en priorité en fonction des contraintes didactiques et non des contraintes culturelles » (p. 87) afin de favoriser les apprentissages.

Le corpus recueilli en CLIS est une nouvelle fois interrogé dans le cadre d’une étude afin de questionner le lien entre la dynamique topogénétique et l’accessibilité didactique (Assude, Perez, et al., 2014). Là encore, les situations observées sont issues d’ERMEL23 et correspondent au « nombre-cible ». Dans cette étude de cas, plusieurs conditions sont mises en évidence pour favoriser l’accessibilité didactique. La première condition correspond à l’élargissement conjoint des topos. L’augmentation de la sphère des possibles au niveau de l’enseignant (ici au recours d’une situation existante reconnue pour sa robustesse qu’elle n’envisageait pas au début de l’étude) va permettre un élargissement du topos de l’élève. La seconde condition est de permettre à l’élève de prendre position par rapport au savoir dans une situation donnée : cette prise de position passe par l’attribution de rôles. La troisième condition mise en évidence est celle de la variabilité des contrats associés à une situation didactique, cette condition va permettre de répondre à des besoins différenciés au niveau des élèves. Ces résultats mettent en évidence que l’accessibilité didactique est avant tout un problème professionnel pour les acteurs.

Cette question est d’ailleurs traitée dans un article qui, à partir d’une partie du corpus recueilli dans le projet pratiques inclusives en mathématiques scolaires, s’intéresse aux savoirs professionnels en mathématiques pour les enseignants spécialisés qui exercent en CLIS (Assude, Tambone, & Vérillon, 2014). Le travail mené dans le cadre de ce projet s’inscrivait dans un temps long (trois années) qui a permis de développer des praxéologies professionnelles relatives aux apprentissages mathématiques. Parmi les praxéologies identifiées, il y a l’importance de la phase de symbolisation comme mémoire et comme moyen du travail mathématique, la double valence instrumentale et sémiotique de la représentation et l’analyse des potentialités mathématiques d’une situation. Ces acquis professionnels ont pu être obtenus grâce à plusieurs caractéristiques du dispositif de recherche-formation : le matériel utilisé pour l’analyse de pratiques (le travail effectif des acteurs capté à partir des enregistrements vidéo), des situations d’analyse conjointe enseignant/chercheur et le développement des praxéologies à partir des expériences des enseignants de CLIS. 23 Équipe de recherche mathématiques à l’école élémentaire

39 Les résultats obtenus dans le cadre du projet pratiques inclusives en mathématiques scolaires ont permis, à partir d’études de cas au sein de dispositifs d’inclusion collective du premier degré, de mettre en évidence des conditions d’accessibilité didactique. Ces conditions sont à la fois liées aux choix et à la mise en œuvre des situations, mais aussi au développement de praxéologies professionnelles chez les acteurs à travers des dispositifs de formation. Nous allons maintenant poursuivre l’état des connaissances produites dans le cadre des projets PIMS en nous intéressant à celles issues du projet pratiques inclusives en milieu scolaire.

2.3.2 Les connaissances produites dans le second projet

PIMS

À partir d’un corpus recueilli cette fois en classe ordinaire, une première étude de cas s’intéresse aux conditions qui facilitent ou empêchent l’accès aux apprentissages et aux savoirs par le biais de l’étude des situations et des contrats associés à ces situations (Assude, Perez, et al., 2015). Les questions posées sont les suivantes : « quelles sont les situations et les contrats favorables pour rendre possible l’accessibilité aux savoirs ? » et « quels sont la place et le rôle des acteurs (enseignants-élèves) pour créer des conditions d’accessibilité didactique ? » (p. 210). Dans cette étude de cas, c’est la situation « carrelages » issue d’ERMEL qui est utilisée. Les résultats de cette étude permettent de dégager des conditions d’accessibilité qui s’avèrent nécessaires, mais qui prises de façon indépendante ne s’avèrent pas suffisantes. Parmi les conditions qui se dégagent de cette étude de cas, nous retrouvons la robustesse de la situation mathématique. Une seconde condition mise en évidence réside dans la possibilité offerte à l’élève de prendre position dans son topos. Cette prise de position peut passer par des régulations inter ou intra topogénétiques.

Cette question des régulations a été reprise et développée en l’éprouvant dans une autre situation (Suau & Assude, 2016). Les questions de recherche précédemment posées sont complétées par la question suivante : « en quoi les régulation inter-topogénétique, intra-topogénétique et mésogénétique constituent-elles des conditions d’accessibilité au savoir ? » (p. 156). Dans cette étude de cas, c’est la situation « robot » issue d’ERMEL qui est utilisée. Lors de la séance étudiée, l’élève ne rentre pas dans la tâche et adopte une position d’observateur. Ces observations vont permettre de montrer que les conditions mises en évidence auparavant ne suffisent pas de façon isolée à garantir l’accessibilité didactique. Cela permet de montrer l’importance des différents types de régulations associés aux situations et aux contrats.

La question des praxéologies professionnelles apparait également dans le cadre du projet pratiques inclusives en milieu scolaire. À partir du corpus recueilli, une analyse des praxéologies relatives à la tâche – donner une place à l’élève – est menée (Suau, 2016, 2018). Dans ce travail, trois questions sont posées : « quelles sont les techniques enseignantes disponibles pour accomplir le type de tâche « donner une place à l’ERIH » ? Quels sont les discours tenus sur ces techniques ? Plus largement quelle place est donnée à l’ERIH ? » (Suau, 2018, p. 270). Dans cette étude de cas, plusieurs techniques sont mises en évidence afin de donner une place à l’élève. L’explicitation des différents rôles à jouer participe de la compréhension du jeu de même que l’attribution des rôles par l’enseignante permet de supprimer des difficultés observées dans d’autres études (Suau,

40 2018, p. 270). Le type de tâche – donner une place à l’élève – ne se révèle finalement pas suffisant, mais l’auteure précise cette tâche de la façon suivante : « donner une place à l’intérieur de la classe dans un rapport au savoir » (p. 278). Cette tâche peut permettre à chaque élève d’être reconnu dans sa capacité à apprendre. L’une des caractéristiques des projets PIMS réside dans la place prépondérante de la vidéo (Perez, Assude, Suau, & Tambone, 2017a). Le dispositif de recherche qualifié de phénoméno-praxéologique a permis de produire des observables, mais aussi des savoirs professionnels. La question posée dans le cadre de cet article consiste à questionner le dispositif à partir de l’usage de la vidéo afin d’observer les effets que cela peut avoir sur les pratiques inclusives des enseignants. L’étude de cas porte sur une situation de formation dans laquelle les enseignantes filmées occupent une place de formatrice avec des étudiants-enseignants24. Les résultats obtenus mettent en évidence que l’usage de la vidéo en formation « peut être un milieu pour le développement professionnel des enseignants » (p. 182). Ce développement passe par l’attention sélective qui va permettre de susciter une culture de l’observation. Le second point correspond au raisonnement qui est permis à travers le discours produit pour justifier les épisodes produits (lors de l’analyse simple ou croisée).

Les résultats obtenus dans le cadre du projet pratiques inclusives en milieu scolaire ont permis, à partir d’études de cas au sein de classes ordinaires dans lesquelles sont scolarisées des élèves en situation de handicap, de poursuivre la mise en évidence de conditions d’accessibilité didactique. Celles-ci sont des différents ordres. Au niveau du système didactique, la robustesse des situations, le contrat différentiel, les régulations permettant à l’élève d’occuper une place par rapport aux savoirs sont des conditions qui individuellement ne suffisent pas ou ne garantissent pas l’accès au savoir, mais qui lorsqu’elles sont combinées peuvent faciliter l’accessibilité didactique. Les résultats obtenus concernent également le développement des praxéologies professionnelles. L’appui sur le dispositif vidéo occupe pour cela une place importante notamment lors des temps d’analyse de la pratique ou encore dans une institution de formation.

À partir d’une approche qualitative, les différentes études de cas menées dans deux types de contextes (soit en classe ordinaire, soit au sein d’un dispositif collectif d’inclusion en se plaçant dans le cadre du regroupement spécialisé) ont permis d’identifier des conditions communes favorisant l’accessibilité didactique en contexte inclusif. Ces conditions peuvent être directement liées au système didactique : robustesse de la situation, nature des régulations, nature des contrats. Le niveau d’étude des praxéologies professionnelles constitue un axe important également, le développement professionnel est alors envisagé afin de soutenir les pratiques inclusives. Ces différents résultats permettent de poser la question des pratiques inclusives à partir de la notion d’accessibilité didactique. À partir de l’état des connaissances produites dans le cadre des projets PIMS nous allons maintenant chercher à présenter de quelle manière notre travail de recherche s’inscrit dans le prolongement de ces projets.