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expérimentale et explication compréhension

2. Un ancrage en didactique des mathématiques

2.4 Le triplet des genèses

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2.3.5 Les articulations entre les cadres temporels

Les différents cadres temporels que nous venons de présenter traduisent le fait que tout système produit des temporalités qui lui sont propres. Pour Chevallard et Mercier, il s’agit d’observer ce qui se joue dans un système didactique avec les temps qu’ils produisent, mais il ne faut pas se limiter à cette analyse interne au système. Ils attirent notre attention sur l’importance de ne pas négliger le système didactique « dans un espace d’interaction sociale plus vaste, laquelle pose nécessairement le problème de la compatibilité et de l’articulation intertemporelles » (1987, p. 8).

Les articulations de ces cadres temporels peuvent, pour ces auteurs, s’envisager verticalement et horizontalement. Ils précisent que « la pluralité temporelle vécue est structurée, verticalement, selon une hiérarchie de niveaux temporels, dans laquelle un temps d’un niveau donné se déploie dans un cadre temporel de niveau supérieur, qui lui sert de référence immédiate et joue, en quelque sorte le rôle de pacemaker » (p. 9). Les articulations verticales rendent compte des relations entre un temps dominant et un temps dominé. Pour illustrer cette hiérarchie, les auteurs donnent en exemple le temps de l’élève qui est soumis au temps didactique. Le temps didactique est lui-même soumis au temps scolaire. Ce dernier étant soumis au temps de la société. Cependant, chaque cadre temporel dispose quand même d’une marge de liberté qui lui est propre.

Les articulations horizontales permettent de rendre compte des liens qui existent entre des systèmes différents. Pour Chevallard et Mercier, ces articulations « posent un problème différent. D’une part, les didacticiens ont été jusqu’ici, semble-t-il, peu sensibles à cet aspect du vécu de l’élève. D’autre part, il s’agit, d’une manière générale d’un problème difficile, et qui se complique encore dans le cas qui nous occupe : pour l’élève, si le temps de travail à l’école est, en principe, bien déterminé, comment se définissent les relations entre ce temps et le temps hors de l’école ? Entre ce temps et le temps à la maison ? Entre travail et loisir ? Ces questions se révèlent d’une particulière pertinence quand on en vient à s’interroger sur le rendement de l’institution scolaire » (p. 11).

Ces questions, relatives aux articulations horizontales des cadres temporels, nous permettent de prendre en considération nos pistes de travail et laissent entrevoir des perspectives de recherche intéressantes. Lorsque nous considérons les caractéristiques propres à notre objet d’étude, s’appuyer sur l’analyse des cadres temporels produits associés aux articulations verticales et horizontales apparait maintenant comme un axe de travail majeur. Cependant, nous allons voir que ce descripteur, chronogénétique, gagne à ne pas être considéré de façon isolée.

2.4 Le triplet des genèses

Les différents cadres temporels produits au sein du système didactique nous permettent d’observer l’évolution des objets de savoir sur l’axe du temps, il s’agit là de la chronogénèse. Ce descripteur fait partie d’un triplet dans lequel on retrouve la mesogénèse et la topogénèse. Sensevy les caractérise à l’aide de trois questions : « la mésogénèse pose la question quoi ? ou plus précisément comment quoi ? Elle incite à identifier le contenu épistémique précis des transactions didactiques. La chronogénèse pose la question quand ? plus précisément comment quand ? Elle incite à identifier la nature et les raisons du passage, à un certain moment, d’un contenu épistémique à un

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autre. La topogénèse pose la question qui ? plus précisément comment qui ? Elle incite à identifier comment le contenu épistémique de la transaction est effectivement réparti entre les transactants » (2007, p. 32).

Sensevy précise que dans le cadre de ce triplet, lorsque l’une des trois questions est posée il est possible de « toujours garder en arrière-fond […] les deux autres questions » (ibid.), il précise que l’étude d’un des aspects du triplet gagne à prendre en compte l’étude des deux autres. Dans le cadre de nos travaux, nous faisons le choix d’étudier en premier lieu la chronogénèse. À partir de celle-ci, nous pourrons également appréhender l’évolution du milieu ainsi que du topos des acteurs, c’est-à-dire de la mésogénèse et de la topogénèse.

3. Problématisation

L’objet de notre recherche est de décrire des pratiques inclusives en mathématiques dans le second degré en plaçant plus particulièrement notre étude dans le cadre des dispositifs ULIS au collège. Les deux premiers chapitres nous ont permis de situer notre objet d’étude et de dégager des axes de questionnement qui n’ont pas été à notre connaissance jusqu’à présent suffisamment travaillés. Dans cette perspective, le chapitre trois nous a permis de définir des choix théoriques afin de travailler la question des articulations entre la classe et le regroupement spécialisé dans le cadre des dispositifs ULIS. Nos choix nous amènent à inscrire nos travaux dans le champ de la didactique comparée en utilisant plus spécifiquement des outils issus de la didactique des mathématiques.

Le choix de l’approche comparatiste, et plus spécifiquement d’une approche clinique, est motivé afin de pouvoir étudier des pratiques ordinaires d’enseignement dans des situations où il faudra être en mesure de décrire les articulations entre des systèmes didactiques différents. Afin de rendre compte de la dynamique des systèmes en jeu, nous avons mis en évidence dans ce troisième chapitre l’importance des cadres temporels produits par ces systèmes. Ainsi, nous sommes amenés à utiliser des notions et des concepts issus de la didactique des mathématiques qui nous permettront de concilier deux échelles temporelles. Notre étude se situe principalement à un niveau micro-didactique, cependant, afin de rendre compte de la dynamique entre la classe et le regroupement spécialisé, nous pourrons également être amenés à mobiliser des concepts permettant de travailler à un niveau méso-didactique.

Notre problématique de recherche peut se formuler de la façon suivante : en quoi les

articulations entre les temporalités produites par les systèmes didactiques en jeu au sein d’un dispositif ULIS au collège permettent de faciliter l’accès aux savoirs au sein de la classe ordinaire pour les ERIH bénéficiant de ce dispositif ?

L’enquête exploratoire présentée dans le premier chapitre nous permet d’envisager quatre systèmes d’enseignement. Nous considérons cette notion au sens de Chevallard : le système d’enseignement réunit « l’ensemble des systèmes didactiques, et présente, à côté de cela, un ensemble diversifié de dispositifs structurels qui permettent le fonctionnement didactique en y intervenant à divers niveaux » (1991, p. 23). Dans le cadre de notre étude nous nous limitons aux systèmes d’enseignement produits par le dispositif ULIS, c’est-à-dire que nous n’observerons que les systèmes didactiques internes88 à

88 Dans cette perspective nous n’intégrons pas dans le système d’enseignement d’autre systèmes externes à l’établissement dont peuvent bénéficier les ERIH tels que des prises en charges éducatives ou rééducatives

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l’établissement qui sont produits89 par le dispositif (considéré en tant que dispositif structurel). Au regard des textes réglementaires, nous considérons que le système didactique principal est celui qui est pris en charge par l’enseignant de mathématiques au sein de la classe ordinaire. Nous représentons à l’aide d’une double flèche bleue les articulations verticales entre les cadres temporels observés et à l’aide d’une double flèche verte les articulations horizontales.

Le premier système d’enseignement que nous identifions est composé de deux systèmes didactiques. Au moins une partie des ERIH du dispositif bénéficient d’un enseignement en mathématiques dans deux lieux différents, la classe et le regroupement spécialisé. Ces enseignements se déroulent à des moments différents. Nous précisons que le pôle X au sein du regroupement spécialisé est composé d’un ensemble hétérogène d’ERIH du point de vue des classes de références. Ainsi, l’ensemble du pôle X du regroupement spécialisé ne fréquente pas forcément la classe de mathématiques.

Figure 6: modélisation du système d’enseignement n°1

Le second système d’enseignement diffère du premier dans le sens où les deux systèmes didactiques en jeu cohabitent dans le même espace-temps. Il s’agit là d’une situation que l’on pourrait qualifier de coprésence car deux enseignants sont présents en même temps au sein de la classe. Dans cette situation, le pôle X du système didactique pris en charge par l’enseignant coordonnateur est composé exclusivement d’ERIH qui fréquentent également le système didactique pris en charge par l’enseignant de mathématiques.

89 Dans cette perspective nous n’intégrons pas dans le système d’enseignement d’autre systèmes internes à l’établissement de droit commun tels que l’étude, les dispositifs d’aide aux devoirs

125 Figure 7: modélisation du système d’enseignement n°2 Dans le troisième système d’enseignement, un ou plusieurs ERIH qui bénéficient du dispositif ULIS sont accompagnés dans l’espace-temps de la classe de mathématiques par l’AESHco. Figure 8: modélisation du système d’enseignement n°3 Dans le quatrième système d’enseignement, le ou les ERIH bénéficient d’enseignement en mathématiques au sein de la classe. Une aide spécifique en mathématiques se déroule en dehors de la classe. Ce temps d’aide est pris en charge par l’AESHco. Figure 9: modélisation du système d’enseignement n°4

Les quatre modélisations que nous venons de proposer rendent compte des articulations potentielles à l’échelle d’une même séance (même espace-temps) ou de deux séances (espace-temps distinct). À l’échelle d’une séquence d’enseignement, ces différents systèmes peuvent alterner ou se combiner. Le nombre de combinaisons potentielles, tout en restant à une échelle d’étude micro didactique laisse apparaitre la complexité de la question relative à la compatibilité de ces systèmes entres eux. Dans une perspective comparatiste, nous souhaitons dégager plus particulièrement deux axes de travail : le premier spécifique, le second générique. Le premier axe (spécifique) questionnera les pratiques inclusives qui sont en mesure de faciliter l’accessibilité didactique des ERIH au sein du système principal. Dans cette perspective les questions suivantes se dégagent : quels sont les objets mathématiques partagés entre les différents systèmes didactiques ? Comment migrent les objets mathématiques d’un système à l’autre ? Quel est l’impact d’un système didactique auxiliaire comprenant l’AESHco au côté du système didactique principal sur l’accessibilité

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didactique ? Quel est l’impact d’un système didactique auxiliaire comprenant l’enseignant coordonnateur au côté du système didactique principal sur l’accessibilité didactique ? Quelles sont les conditions (ou les obstacles) d’accessibilité didactique au sein du SDP? À quelles conditions le système didactique auxiliaire mis en œuvre dans un autre espace-temps permet-il d’apporter de l’aide au sein de la classe ordinaire ?

Le second axe (générique) s’intéressera à dégager des conditions favorables à la compatibilité entre différents systèmes didactiques. Dans cette optique, les questions suivantes se dégagent : est-ce que les cadres temporels produits sont des indicateurs robustes pour rendre compte des articulations entre différents systèmes didactiques ? Quelles actions facilitent la compatibilité entre différents systèmes didactiques ?

Nous pouvons clore cette première partie sur ces questions qui vont nous guider tout au long de notre recherche. Dans une perspective clinique, nous tenons à rappeler que cette liste n’est pas close et que des éléments du corpus recueilli pourront à leur tour être source de questionnements supplémentaires. Dans la partie suivante, nous allons présenter le dispositif de recherche, l’organisation du recueil de données et la méthodologie d’analyse retenue.

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PARTIE 2 : présentation du dispositif de

recherche, organisation du recueil de