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Chapitre Premier

B. Une énonciation parfois masquée

Le statut actantiel du titre de niveau hypotitulaire fait encore référence au niveau !. Il s’adresse prioritairement au téléspectateur réel, rarement au téléspectateur potentiel. En outre, il faut noter que le titre d’épisode est un seuil dont le téléspectateur peut très facilement faire abstraction. Sa visibilité est bien moindre que celle du titre de niveau mésotitulaire, il n’est pas répété de semaine en semaine et il est, si nous observons les usages, bien moins utilisé pour identifier les épisodes que le nom de la série suivi du numéro de la saison et de l’épisode. Mais là encore, il faut dissocier l’attitude des fans de séries américaines et celle de ceux des séries françaises. Alors que les téléspectateurs de fictions françaises ne connaissent

113 C’est le titre des épisodes dans la version française : « L’Affaire Jessica. Chapitre x ». La deuxième saison de la série s’appelle « Year Two ». C’est à notre connaissance un des rares cas existants de titres de saison ; 24 / 24 Heures chrono utilise le même type de procédés avec les mentions « Day One », « Day Two », « Day Three »… pour chacune de ses saisons.

qu’exceptionnellement le titre de niveau hypotitulaire, ceux de fictions anglo-saxonnes connaissent souvent le nom des épisodes de leurs séries.

Concernant l’actant émetteur, le compromis que nous avons déjà évoqué entre le producteur et la chaîne semble ici être élargi au scénariste, dont on peut très raisonnablement supposer qu’il a une force de proposition. Cependant, nous ne pouvons pas totalement oublier ce que nous avons précédemment dit de la « demande sociale » ou de l’attente du public. Les titres d’épisodes nous semblent être particulièrement visés par cet aspect, car ils sont beaucoup moins contraints par les exigences commerciales. Il est ainsi plus facile et moins risqué de faire plaisir aux fans, de leur adresser des clins d’œil ou de construire une image.

Cependant, cette position spécifique ne doit pas cacher le fait que certaines séries ne mentionnent nulle part lors de l’épisode leur titre. C’est le cas, par exemple, de Buffy the Vampire Slayer / Buffy contre les vampires où la mention du titre est l’exception. Ainsi, seuls deux épisodes exhibent leur titre : le très particulier « Once More, With Feeling » (ép. VI, 7), qui est l’épisode tourné sous forme de comédie musicale, et « Conversations with Dead People » (ép. VII, 7). Cet exemple montre bien comment le téléspectateur peut ne pas avoir connaissance, s’il ne le cherche pas lui-même, du titre d’épisode d’une série donnée.

C. Buts et fonctions.

Le but premier est bien sûr l’identification de l’épisode en tant que tel. C’est à ce niveau de titre, semble-t-il qu’ont lieu les jeux de mots et autres clins d’œil, comme s’il était ici question de créer une communauté autour d’une culture partagée

ou autour de valeurs communes114. De plus, ces titres permettent une augmentation

du crédit du producteur de discours par la mise en avant d’une culture étendue : ils assument donc aussi une fonction éthique au sens technique. Cette dernière se

114 C’est ainsi, rappelons-le, que Perelman définit le genre épidictique : « […] l’argumentation du discours épidictique se propose d’accroître l’intensité de l’adhésion à certaines valeurs, dont on ne doute peut-être pas quand on les considère isolément, mais qui pourraient néanmoins ne pas prévaloir contre d’autres valeurs qui viendraient à entrer en conflit avec elles. L’orateur cherche à créer une communion autour de certaines valeurs reconnues par l’auditoire, en se servant de l’ensemble des moyens dont dispose la rhétorique pour amplifier et valoriser. » (Chaïm Perelman et Lucie Olbrechts-Tyteca, Traité de l’argumentation. La Nouvelle Rhétorique, op. cit., § 11, p. 67).

double d’une fonction ludique, la titre de niveau hypotitulaire étant le lieu par excellence des jeux intertextuels, d’autant plus qu’il supporte beaucoup moins de contraintes que les autres niveaux115. Nous arrivons ainsi à une inversion de la

memoria, caractéristique majeure de la série télévisée comme production de culture

populaire.

1. La fonction éthique.

La fonction éthique est en grande part, sur l’objet qui nous intéresse, indissociable de la fonction ludique, mais l’analyse oblige à appréhender le corpus à travers différentes approches, appliquées l’une après l’autre, afin de saisir les divers enjeux malgré l’unité profonde des œuvres. Nous ne retiendrons ainsi ici que les titres qui nous semblent relever majoritairement de la fonction éthique.

Une des caractéristiques communes à plusieurs des titres d’épisodes des séries de notre corpus est l’emploi de langues étrangères. Cet usage, quasi inexistant en ce qui concerne les fictions françaises par exemple, relève de la preuve éthique en ce qu’il projette, notamment eu égard aux langues employées, une certaine image du programme ou de son créateur. En outre, ce genre de titres attire l’attention du téléspectateur. Cependant, cette remarque ne vaut malheureusement que pour les titres en version originale, les chaînes françaises les francisant généralement : en effet, dans ce cas d’espèce, très peu d’épisodes gardent le titre original dans la traduction française, alors qu’il n’y aurait aucun inconvénient à garder, par exemple, un titre en allemand. Un tel titre est difficilement compréhensible pour un téléspectateur américain moyen. Il en serait de même pour un téléspectateur français : la traduction d’un titre allemand en français en modifie donc la visée.

Deux langues sont surreprésentées, pour des raisons historiques évidentes : le latin et le français. En effet, la langue anglaise, comme beaucoup d’autres, comporte un certain nombre d’expressions latines, certaines faisant quasiment partie du fond commun de la langue, d’autres plus spécifiques à un champ disciplinaire —

115 Avant d’aller plus avant dans cette étude, nous signalons au lecteur que l’intertextualité, qui est un des pivots de notre seconde partie, sera cependant abordée ici, afin de donner l’analyse la plus exacte possible des enjeux de titres de niveau hypotitulaire.

par exemple le droit. Certains titres de niveau hypotitulaire en latin sont des

expressions assez courantes : « Tabula Rasa » qui sert de titre à l’épisode VI, 8116

de Buffy The Vampire Slayer / Buffy contre les vampires, à l’épisode IX, 19117 de Law

& Order / New York District et à l’épisode I, 3118 de Lost / Lost : Les Disparus ; « Memento Mori » qui sert de titres à l’épisode IV, 13119 de Chicago Hope / La Vie à

tout prix et à l’épisode IV, 14120 de The X-Files / Aux frontières du réel ; « Post Mortem », pour l’épisode III, 12121 d’ER / Urgences ; « Status Quo » pour l’épisode XIV, 11122 de la même série ; « Camera obscura », pour l’épisode I, 9123 de Harsh

Realm / Le Royaume ; « Corpus Delicti » (ép. VI, 11124), « In vino veritas » (ép. XVII, 7125) et « Personae non grata » (ép. XVIII, 17126) pour Law & Order / New York

District ; « Deux ex machina » qui sert de titre à l’épisode I, 19127 de Lost / Lost : Les

Disparus ; « Post Partum » qui est le titre de l’épisode V, 11128 de The Shield (idem) ; et « In extremis », qui sert de titre à l’épisode I, 9129 de Whithout A Trace / FBI Portés

Disparus. Dans The X-Files / Aux frontières du réel, nous relevons également

« Excelsius Dei » (ép. II, 11), « Sanguinarium » (ép. IV, 6), « Redux » (ép. V, 1) — traduit dans la version française par « Le Complot » —, « Amor Fati » (ép. VII, 2) — traduit par « La Sixième Extinction » dans la version française — et « Per Manum » (ép. VIII, 13), conservé tel quel dans la version française.

D’autres sont des citations latines, issues soit d’auteurs célèbres, soit de la vulgate juridique. Nous pouvons citer, pour ces cas, « Primum non nocere », citation d’Hippocrate servant de titre à l’épisode II, 16130 de CSI : Crime Scene Investigation /

Les Experts ; « Quo Vadis ? », titre à la fois du roman de Henryk Sienkiewicz et de

116 L’expression latine a été conservée dans la version française de la série.

117 La version française du titre de cet épisode est « Table rase ».

118 « Le Nouveau Départ » est le titre français de cet épisode.

119 En version française, cet épisode a pour titre « Et Dieu dans tout cela ? ».

120 Ce titre a été traduit par « Journal de morts ».

121 Ce titre est resté identique dans la version française.

122 Dans la version française, cet épisode a pour titre « Deuxième round ».

123 Ce titre a été conservé dans la version française.

124 La version française de ce titre est « Croisière pour l’Au-Delà ».

125 Ce titre a été traduit par « De Père en Fils ».

126 L’expression latin a été gardée telle quelle dans la version française.

127 Le titre français est « Tombé du ciel ».

128 « Adieu » est la version française de ce titre.

129 Ce titre a été traduit par « Préjugés » pour la télévision française.

l’épisode VIII, 9131 d’ER / Urgences ; « Causa mortis », pour l’épisode VII, 1132 de

Law & Order / New York District, « Loco Parentis » pour l’épisode X, 10133 de la même série ; « Homo homini lupus », la citation de Plaute reprise par Hobbes, qui sert de titre à l’épisode I, 14134 de Law & Order : Criminal Intent / New York Section

Criminelle ; « In Arcadia Ego », titre d’un tableau de Poussin, qui sert à identifier

l’épisode II, 18135 de MillenniuM (idem) ; l’expression juridique « Pro se » et la citation de Cicéron « Inter arma silent leges » servent de titres respectivement aux épisodes VI, 13136 et VI, 10137 de The Practice / The Practice : Donnell et Associés ; enfin, le sophisme « Post hoc, ergo propter hoc » sert de titre à l’épisode I, 2138 de The West

Wing / À la Maison Blanche. Enfin, avec « Tempus Fugit » (ép. IV, 17 de The X-Files / Aux frontières du

réel), nous avons sans doute une référence à Virgile139.

Le français, comme nous le disions, est aussi largement représenté, pour des raisons historiques et linguistiques évidentes. Ainsi, l’expression française passée telle quelle en anglais, « Grand Prix », sert-elle de titre à l’épisode II, 7 de CSI Miami

/ Les Experts Miami. L’épisode XI, 21 d’ER / Urgences a pour titre « Carter Est

Amoureux ». Dans Law & Order : Criminal Intent / New York Section Criminelle, nous trouverons les mots « Chinoiserie » (ép. II, 5), « Cuba Libre » (ép. II, 16), « Pas De Deux » (ép. III, 13) et « Folie À Deux » (ép. VIII, 8), cette dernière expression servant également de titre à l’épisode V, 19 de The X-Files / Aux frontières du réel. Pour cette dernière série, nous pouvons également relever « Oubliette »140, « Grotesque » (ép. III, 14), « En Ami » (ép. VII, 15) et « Je Souhaite » (ép. VII, 21). Nous notons, dans ces exemples, la prégnance des expressions figées, que nous retrouvons dans « Par Avion » (ép. III, 12 de Lost / Lost : Les Disparus) ; « Force Majeure », ép. I, 13 de MillenniuM (idem) ; « Carte Blanche », ép. II, 4 de The Shield (idem) ; « Amour

131 La titre a été conservé tel quel dans la version française.

132 La version française est « Cadeau mortel ».

133 La titre de cet épisode en français est « Irresponsabilité ».

134 La référence intertextuelle est totalement effacée dans la version française du titre : « Garantie familiale ».

135 La version française est « Un enfant en Arcadie ».

136 « Meurtre par nécessité » est le titre de la version française.

137 La citation cicéronienne a été traduite par « Devoir de citoyen ».

138 L’expression latin a été gardée dans la version française.

139 Voir le vers III, 284 des Géorgiques de Virgile (« Fugit irreparabile tempus »).

140 « Oubliette » (ép. III, 8) a été traduit par « Souvenir d’oubliette » dans la version française. Les autres titres en français n’ont pas été changés lors de la diffusion en France, à l’exception de « Grotesque » (ép. III, 14) traduit par « Le Visage de l’horreur ».

Fou », épisode III, 12 de The Sopranos / Les Soprano ; « Déjà Vu », épisode VI, 15 de Without A Trace / FBI Portés disparus.

Sont ensuite largement représentées les langues correspondant aux grandes vagues d’immigration américaine : l’espagnol, l’italien le russe et le japonais. Dans

The X-Files / Aux frontières du réel, les titres espagnols sont au nombre de cinq et

ouvrent souvent des épisodes ayant pour cadre la communauté latino-américaine : « El Mundo Gira »141, « Chinga »142, « Agua Mala »143, « Milagro »144 et « Vienen »145. Il en est de même pour Law & Order / New York District avec l’épisode « Vaya Con Dios » (ép. X, 24). Cette série et ses séries dérivées utilisent d’ailleurs ce procédé : quand leur intrigue se passe dans une communauté spécifique, les auteurs utilisent la langue de ce groupe pour le titre de l’épisode : « Faccia A Faccia » (ép. VIII, 15 de

Law & Order / New York District), « Fico Di Capo » (ép. III, 19) et « Dramma

giocoso » (ép. V, 16), deux épisodes de Law & Order : Criminal Intent / New York

Section Criminelle, pour l’italien. Quant à l’espagnol, un des épisodes de The Shield

(idem) se nomme « Tapa Boca » (ép. V, 11) : il est même étonnant que cette série, qui se passe à Los Angeles et qui fait la part belle, dans ses dialogues, à l’espagnol, ne propose pas davantage de titres dans cette langue. MillenniuM (idem) compte un titre en russe, « Matryoshka » (ép. III, 14), de même que The Sopranos / Les

Soprano, avec l’épisode « Proshai, Livushka » (ép. III, 2), et The X-Files / Aux frontières du réel avec « Terma »146 (ép. IV, 9). Enfin, le japonais est représenté dans

The Sopranos / Les Soprano, avec « Kaisha » (ép. VI, 12), et dans Law & Order / New York District, avec « Gaijin » (ép. XIV, 22). Au terme de ce rapide relevé, nous

remarquons que ce sont principalement les séries policières ou assimilées qui utilisent ces procédés. Cela se comprend facilement : leur structure amène les personnages dans différents lieux, au contact de personnes d’origines très variées.

141 « El Mundo Gira » (ép. IV, 11) a été traduit par « El Chupacabra » et signifie « le monde tourne ».

142 « Chinga » (ép. V, 10) a été traduit par « La Poupée » dans la version française (en effet, Chinga est le nom de la poupée maléfique de cet épisode). C’est aussi un mot d’argot espagnol signifiant « merde ».

143 « Agua Mala » (ép. VI, 13) a été conservé dans la version française et signifie « eau mauvaise ».

144 « Milagro » (ép. VI, 18) a été traduit par « À cœur perdu » dans la version française et signifie « miracle ».

145 « Vienen » (ép. VIII, 18) a été conservé dans la version française et signifie « Ils viennent ».

146 « Terma » (ép. IV, 9) a été traduit par « Tunguska » dans la version française et signifie « prison » en russe. D’après le site epguides, il pourrait aussi s’agir d’une référence au terme bouddhiste « Tyurma » qui signifie « vérité cachée ».

Que leurs enquêtes les mènent dans différentes communautés issues des vagues successives d’immigration et que les titres des épisodes correspondants utilisent, proportionnellement à l’ordre de grandeur de ces groupes, leur langue respective n’est pas très étonnant.

Les autres usages de langues étrangères sont ensuite spécifiques à telle ou telle série, voire à tel ou tel créateur. Chris Carter, par exemple, utilise beaucoup l’allemand. The X-Files / Aux frontières du réel compte quatre titres d’épisodes dans cette langue : « Die Hand Die Verletzt »147, « Herrenvolk »148, « Unruhe »149 et « Sein Und Zeit »150) ; quant à Harsh Realm (idem), nous relevons l’épisode « Kein Ausgang » (ép. I, 4). Dans The X-Files / Aux frontières du réel, il multiplie même le recours aux langues étrangères, ce qui devient quasiment une caractéristique des titres de cette série. Il utilise ainsi, en plus des langues déjà citées, le norvégien (« Død Kalm »151) ; le japonais (« Nisei »152 et « Kitsunegari »153) ; le portugais (« Teso Dos Bichos »154) ; et l’araméen (« Talitha Cumi »155 et « Kaddish »156). Les

147 « Die Hand Die Verletzt » (ép. II, 14) a été traduit par « La Main de l’enfer » dans la version française et signifie « la main qui blesse ».

148 « Herrenvolk » (ép. IV, 1) a été traduit par « Tout ne doit pas mourir » dans la version française et signifie « la race des seigneurs », en référence au projet eugénique d’Hitler. La traduction française renvoie à l’épigraphe de l’épisode (voir, dans le chapitre sur l’épigraphe, le paragraphe 4.3.3).

149 « Unruhe » (ép. IV, 4) a été traduit par « Les Hurleurs » dans la version française et signifie « inquiétude, gêne, agitation, trouble ».

150 « Sein Und Zeit » (ép. VII, 10) a été traduit par « Délivrance » dans la version française et signifie « être et temps », titre du célèbre ouvrage de Heidegger.

151 « Død Kalm » (ép. II, 19) a été traduit par « Le Vaisseau fantôme » dans la version française et signifie « calme plat ». Toutefois, le site epguides (www.epguides.com, visité le 29 avril 2002) signale que la traduction n’est pas tout à fait exacte, puisque des connotations particulières sont apparemment attachées à cette expression norvégienne.

152 « Nisei » (ép. III, 9) a été traduit par « Monstre d’utilité publique » dans la version française et désigne, en japonais, les personnes nées aux États-Unis ou au Canada de parents japonais.

153 « Kitsunegari » (ép. V, 8) a été conservé dans la version française et signifie « chasseur de renards ». Cela permet un jeu de mots puisque « renard » en anglais se dit « fox », et que Fox est le prénom de Mulder.

154 « Teso Dos Bichos » (ép. III, 18) a été traduit par « Malédiction » dans la version française et signifie « tertre funéraire de petits animaux ». C’est le nom d’un chant religieux. Cependant, il s’y est ajouté un jeu de mots fâcheux pour John Shiban, le scénariste, puisque « bichos » est aussi un mot d’argot, utilisé au Venezuela et en Colombie, signifiant « testicules », ce qu’il ignorait.

155 « Talitha Cumi » (ép. III, 24) a été traduit par « Anagramme » dans la version française et signifie « Lève-toi, jeune fille ». Ce sont les mots que prononce Jésus en ressuscitant une enfant morte (Marc, 5, 14). La citation est reprise par Dostoïevski dans le chapitre « Le Grand Inquisiteur » dans Les

Frères Karamazov. Au cours de ce passage, Ivan raconte à Alexei qu’il a rêvé un poème religieux et

lui en parle. Il rappelle alors cet épisode qui doit y prendre place. (Dostoïevski, Les Frères

Karamazov.- Paris : Gallimard, coll. « La Bibliothèque de la Pléiade », 1952, p. 270.)

156 « Kaddish » (ép. IV, 15) a été traduit par « La Prière des morts » dans la version française : il s’agit d’une prière juive récitée à la fin de chaque partie de l’office.

titres en langue étrangère représentent près de quinze pour cent de l’ensemble des titres de The X-Files / Aux frontières du réel. Cette importance n’est sans doute pas liée au hasard et fait sens pour l’actant émetteur !. Nous pensons que ces titres étrangers ont pour but de piquer la curiosité du téléspectateur qui, voyant ce titre, va regarder l’épisode soigneusement pour chercher la clef du mystère, mais pourra aussi faire quelques recherches après la diffusion de l’épisode, sur Internet ou dans les magazines spécialisés : un titre en langue étrangère peut donc susciter un engouement spécifique. Mais ce dernier vise un travail sur le long terme, puisqu’il faut avoir vu l’épisode pur comprendre : il ne s’agit donc pas d’un argument visant le visionnage de tel ou tel épisode. Il est ainsi moins question d’amener le téléspectateur à regarder cet épisode particulier, que de faire grandir l’image de marque et le « buzz » existant autour du programme lui-même. Il en résulte aussi un accroissement de l’ethos de l’actant émetteur ! qui montre, par l’emploi de ces titres, une culture importante et une capacité à multiplier les effets de sens.

Cet effet est également lié à la notion d’écart entre ces titres et les titres typiques de séries. Le Groupe µ, dans son étude des titres de films de cinéma, écrivait :

Il reste enfin l’emprunt aux autres langues. On peut en distinguer deux formes. D’une part, des termes d’usage courant immédiatement accessible évoquent préalablement les données historiques ou géographiques de l’action : After Mein Kampf, Adios Gringos, Hombre,

Avanti la musica. D’autres part, certains titres peu traduisibles mais qu’une publicité particulière

a soutenus se sont maintenus dans leur forme première : le Knack et comment l’avoir, Blow up,

Mondo Cane, Helzapoppin157.

Les titres de The X-Files / Aux frontières du réel semblent plutôt relever du second cas : en effet, c’est le fait même qu’ils soient peu compréhensibles au premier abord qui fonde une part de leur effet rhétorique.

Á côté de ces titres en langue étrangère, nous pouvons relever des titres qui sont des citations. Nous en avons déjà relevé un qui cumule la langue étrangère et la

citation : « Talitha Cumi ». S’y ajoutent, pour The X-Files / Aux frontières du réel, « Feaurful Symmetry158 » et « Signs and Wonders159 ». La preuve éthique est évidente : le producteur du discours augmente son crédit auprès des téléspectateurs, voire persuade davantage de la qualité de sa série par l’emploi de références littéraires. Dans Oz, nous pouvons relever « Cruel and Unusual Punishments160 », qui est une citation du huitième amendement de la Constitution américaine. Ici, le rôle est moins de montrer une certaine culture que de provoquer une réflexion sur le bien-fondé de la peine de mort chez le téléspectateur, d’autant que ce thème est central dans la série.

Selon le contexte, ces titres citations assument seulement une visée éthique