• Aucun résultat trouvé

Un système de chefferies aux fonctions adaptées

Chapitre III. Seaside Tongoa, une communauté urbaine organisée

3.3 Les institutions développées dans la communauté

3.3.2 Un système de chefferies aux fonctions adaptées

Même si les habitants de Seaside Tongoa étaient organisés en associations, le système dit de « chefferies » constituait encore au moment de mes recherches une institution structurante essentielle. En effet, à Seaside Tongoa comme dans l’île de Tongoa, tout homme adulte peut théoriquement recevoir un nom coutumier – ou titre statutaire34. Dans le cadre cérémoniel ainsi qu’au quotidien, ces noms sont souvent utilisés comme des termes d’adresse ou de référence par les membres de la communauté. Leur emploi témoigne ou implique des relations hiérarchiques. Le système des titres et la structure pyramidale de l’organisation sociale de l’île de Tongoa furent décrits par Jean Guiart (Espirat et al., 1973) et par Joël Bonnemaison (1970 ; 1986) dans les années 1960-1970, ainsi que par Chihiro Shirakawa (1998) dans les années 1990 (mais en langue japonaise). En raison des conflits politico- fonciers que le développement de cette thématique pourrait provoquer, je ne ferai ici qu’en présenter les grandes lignes.

Deux types de sociétés sont distingués par les anthropologues pour le Vanuatu : celles « à grades » et celles « à chefferies ». L’organisation sociale de l’île de Tongoa, et des îles Shepherd en général, repose – à lire les travaux de Bonnemaison et selon mes propres recherches également – sur l’existence de plusieurs « chefferies » entretenant entre elles « des relations complexes » d’alliance, d’hostilité et d’allégeance. Chacune contrôle un territoire dont elle n’est pas la propriétaire mais la gestionnaire (Bonnemaison, 1970 : 11). L’île de Tongoa est ainsi divisée en quatorze villages (Figure 44) ayant chacun à leur tête un

32 http://www.evidence.org.au/news/3-news/68-seaside-village-kids-can-now-go-to-school, consulté le 9 mai

2009 à 11 h 25.

33 http://evidence.org.au/seaside-school/, consulté le 21 septembre 2015 à 18 h 21.

34 Mes interlocuteurs de Seaside Tongoa utilisaient les termes « titre » (kastom taetel) et « nom coutumier »

139

paramount jif (« grand chef »), appelé en namakura wotalam mata. Ces quatorze villages

comprennent des groupes désignés par le terme nakamal35, autrement dit des « segments de

patriclans réunissant quelques familles étroitement apparentée » selon Bonnemaison (1986 : 171). Il s’agit d’un terme également utilisé pour désigner l’espace de sociabilité de chacun de ces groupes et le bar à kava. Chaque village compte environ une dizaine de nakamal patrilinéaires et patri-virilocaux portant chacun un nom (comme Sati ou Tipoloandre). Entre 2009 et 2012, Seaside Tongoa était habitée par des personnes originaires de seulement cinq des villages de l’île de Tongoa, mais la plupart des nakamal des villages d’Itakoma et de Matangi y étaient représentés.

Chacun des nakamal de l’île de Tongoa est sous l’autorité d’un smol jif (« petit chef »). Celui-ci porte un « titre de rang moyen », après avoir théoriquement obtenu la reconnaissance publique du paramount jif de son village ainsi que de l’homme qui était jusque-là détenteur de ce titre – généralement son « père » (Bonnemaison, 1986 : 170-172). Dans chaque nakamal, cinq à dix hommes sont de plus intronisés par le smol jif et les anciens détenteurs des titres et portent des noms coutumiers associés à des fonctions précises : « capitaine de la pirogue », « porte-parole du chef », « charpentier », « chef de guerre », « devin », « magicien spécialisé », « homme des jardins », etc. (Bonnemaison, 1970 : 12 ; 1986 : 177 ; Espirat et al., 1973 : 375).

Chaque homme de l’île de Tongoa peut recevoir plusieurs noms coutumiers au cours de son existence (Espirat et al., 1973 : 255). Lorsqu’un homme transmet son titre, il reçoit un nouveau nom prestigieux, mais qui n’implique pas l’exercice d’un pouvoir. De ce fait, il attend généralement d’être devenu vieux avant de donner son titre à un homme souvent adulte et déjà marié (Bonnemaison, 1986 : 170). La transmission des noms coutumiers s’effectue le plus souvent de père en fils aîné. Bien que ce point ne soit nullement évoqué par Guiart ou Bonnemaison, il semblerait qu’une transmission en ligne utérine des titres fût également envisageable, si le détenteur d’un titre n’a pas de fils, par exemple, ou si ce dernier n’a pas les comportements moraux escomptés par son père. Selon l’une de mes interlocutrices de la communauté de Seaside Tongoa36, un homme du village de Matangi ayant reçu en 2012 un titre à la suite du décès de son père, détenait d’ores et déjà un nom coutumier de l’île de Makira, qui lui avait été transmis quelques années plus tôt par son oncle maternel. Les noms

35 La plupart de mes interlocuteurs de Seaside Tongoa m’ont présenté le terme nakamal comme étant du

namakura, mais d’autres m’ont indiqué qu’il s’agissait d’une expression bislama correspondant en namakura à nasara. D’après Maëlle Calandra (doctorante EHESS CREDO), dans le village de Kurumabe sur l’île de Tongoa, les patriclans sont appelés en nakanamanga (voir note 19) namatana ni farea (communication personnelle du 24 octobre 2016).

140 coutumiers de l’île de Tongoa ne sont donc pas principalement attachés à l’individu mais au groupe. Chaque nakamal possède un nombre défini de titres à distribuer et la personne qui reçoit un tel titre n’est amenée à le porter que pendant un laps de temps limité, jusqu’à ce qu’il soit cédé à un individu d’une nouvelle génération.

Figure 55. Une cérémonie d’ordination masculine dans le quartier de Namburu, Port-Vila, 2012

Dans son ouvrage intitulé L’arbre et la pirogue, Bonnemaison (1986 : 182) note que les personnes qui habitaient à Seaside Tongoa dans les années 1960-1970 étaient « bien souvent des gens qui n’avaient pas reçu de nom coutumier » et qui, par conséquent, ne possédaient pas de droits fonciers pour établir de jardins dans leur île d’origine. N’ayant pas réalisé une enquête systématique quant à la redistribution des titres en milieu urbain, je ne peux pas préciser ce point, mais j’ai assisté en 2012 à une ordination dans le quartier de Namburu d’un homme originaire du village de Matangi (Figure 55). De nombreux interlocuteurs m’avaient également rapporté avoir pris part, l’année précédente, à l’ordination de plusieurs hommes d’un même nakamal du village d’Itakoma, dans le quartier de Bladinière.

Dans un document de 1977, Bonnemaison indique que « la communauté de Tongoa est certainement l’une des mieux structurée de Port-Vila ». Il explique que :

« Les deux chefs de la communauté [urbaine] de Tongoa tirent leur pouvoir d’une délégation faite en leur faveur par les chefs coutumiers de l’île. Chacun des chefs de village de Tongoa a délégué auprès de ceux-ci un représentant personnel chargé plus particulièrement des migrants provenant de sa propre communauté. Il y a là une reconstitution sommaire de la structure d’autorité qu’on retrouve [sur l’île de] Tongoa et dans un sens la même recherche de l’équilibre des pouvoirs entre des chefs possédant des

141 “titres” de pouvoir élevés, et des chefs de moyenne importance aux “titres”

moindres » (Bonnemaison, 1977 : 56).

J’y ai en effet rencontré des hommes titrés, ainsi que les deux « représentants » des

paramount jif des villages de Matangi et d’Itakoma. L’un vivait sur une parcelle privée de

Seaside Tongoa, tandis que l’autre résidait au nord de l’île d’Efate mais venait parfois dans la communauté. Le paramount jif du village de Matangi lui-même vivait lui aussi à Port-Vila et non plus dans l’île de Tongoa.

Les noms coutumiers et les droits fonciers de l’île de Tongoa sont associés. Bonnemaison indique qu’à chaque titre sont ainsi attachées 10 à 20 parcelles de terre d’une superficie de 2 000 à 3 000 m² sur lesquelles le détenteur du nom coutumier et sa famille peuvent cultiver des jardins (1986 : 170-180). En tant que « maîtres du territoire » et de ses habitants, les

paramount jif – ou les smol jif – perçoivent des prestations en nature (légumes, fruits, nattes)

de la part des détenteurs de titres de rangs inférieurs qu’ils ont ordonnés. Un homme peut en principe revendiquer le droit de résider dans chaque lieu où ses ancêtres ont créé une relation d’alliance et lorsque ses aïeuls y ont été chefs, il est théoriquement en droit de prétendre aux terres associées à son nom coutumier (Bonnemaison, 1986 : 170-180). Si les noms coutumiers permettent de distinguer les individus, ils servent donc avant tout à les mettre en relation avec d’autres titres – et de ce fait avec d’autres hommes – à l’échelle de leur nakamal, de leur village, de leur île, voire de leur région. Le titre pousse l’individu à jouer un rôle particulier, à entretenir des relations d’allégeance, d’échange et de domination spécifiques.

Du fait de leur résidence en milieu urbain, les migrants originaires de l’île de Tongoa, rencontrés en 2009-2012 à Seaside, n’exploitaient pas nécessairement eux-mêmes les terres associées à leur nom coutumier. Certains d’entre eux avaient ainsi stratégiquement confié leurs parcelles à des membres de leurs familles restés au village afin de conserver leurs droits fonciers37. Ils continuaient néanmoins à entretenir des relations d’allégeance et à assurer certaines fonctions attachées à leur titre. Les man Tongoa résidant dans la capitale et portant un nom coutumier de statut élevé avaient ainsi pour rôle de gérer les conflits et d’assurer

« une certaine permanence de la coutume », en particulier pendant les cérémonies de mariage

et de deuil organisées à Port-Vila (Bonnemaison, 1977 : 56). Lors des échanges ritualisés qui se déroulèrent à l’occasion des mariages coutumiers célébrés en septembre 2009 à Seaside Tongoa, l’homme portant le titre Ataimat était par exemple en charge, comme son titre l’indiquait, d’éloigner les esprits se trouvant dans les dons apportés par la famille du marié (voir chapitre 4, page 170). J’ai en outre assisté à plusieurs réunions présidées par des man

142

Tongoa aux noms coutumiers de statut élevé. Seaside Tongoa constituait le lieu où bon

nombre de conflits entre des personnes originaires de l’île de Tongoa étaient réglés, même si les protagonistes de ces disputes n’habitaient pas nécessairement le quartier de Seaside. En août 2012, un procès pour adultère s’y déroula alors que le mari trompé et l’épouse infidèle résidaient dans le quartier de Freswota (voir chapitres 6, pages 270-271 et 7, page 310).

Les chefs de Tongoa qui habitaient à Port-Vila géraient non seulement les conflits et assuraient le maintien de certaines coutumes, mais ils édictaient également des lois spécifiques à la capitale, telles que celle des années 2000 interdisant aux femmes de porter des pantalons au sein de la communauté de Seaside Tongoa (voir chapitre 10, page 468)38. Ils possédaient ainsi des fonctions particulières au contexte urbain. Bonnemaison indique qu’ils étaient par exemple en charge d’aider les nouveaux migrants à trouver un logement ou un travail dans la capitale (1977 : 56). Ils pouvaient également ordonner à un migrant de retourner au village « pour se marier s’il était célibataire, pour s’occuper de ses enfants et faire un jardin vivrier s’il était marié », ou dans certains cas, parce qu’il se comportait « mal » dans la capitale (Bonnemaison, 1977 : 4). Les chefs présents à Port-Vila assuraient ainsi un contrôle social des man Tongoa résidant dans la capitale. Lors de mes recherches à Port-Vila, certaines fonctions étaient toujours attachées aux noms coutumiers portés par les man Tongoa habitant dans la capitale, mais les droits et les obligations que renfermaient ces titres avaient des spécificités selon qu’ils s’exerçaient en contexte urbain ou en contexte rural.

S’intéressant aux droits fonciers et aux titres qui leur étaient associés, Guiart et Bonnemaison ne firent guère mention de l’existence de noms coutumiers féminins dans l’île de Tongoa. Afin de saisir la structure de la communauté de Seaside Tongoa, il me paraît cependant essentiel de mentionner la présence de titres féminins (Dariliou, Darissone,

Leipopogni, Namat) aux côtés des titres masculins. Lors de mes recherches dans cette

communauté, chaque femme qui se mariait selon la coutume recevait de façon systématique un titre, généralement des mains de sa tante paternelle ou de son oncle maternel (Figure 56). Les noms coutumiers féminins étaient cependant moins souvent utilisés comme termes d’adresse ou de référence au sein de la communauté que les titres des hommes, et ils n’engendraient pas une hiérarchisation équivalente au système masculin. Un habitant de Seaside Tongoa, âgé d’une cinquantaine d’années, m’expliqua qu’« avoir un titre signifie pour une femme être responsable de la maison, cuisiner à l’heure, laver le linge, nettoyer, etc. ». Les noms coutumiers féminins ne sont pas associés à des terres, mais mon interlocuteur

143 ajouta que ce titre leur permet aussi d’être respectées, d’être en capacité de demander de la nourriture et des services à leur belle-famille en cas de besoin et de pouvoir prendre la parole lors de réunions publiques39. En obtenant des noms coutumiers via leurs affins, les femmes

sont intégrées dans le nakamal de leur mari. En réalité, seules les épouses des hommes portant des titres de statut élevé et les diaconesses presbytériennes étaient en droit de commander les autres femmes de la communauté40. Une veuve pouvait porter le nom coutumier de son mari, mais seulement lorsque celui-ci était décédé sans avoir transmis son titre. Lors de la cérémonie d’ordination qui se déroula dans le quartier de Bladinière en 2011, une habitante de Seaside Tongoa qui était appelée Massa depuis le décès de son mari transmit par exemple le nom coutumier du défunt, Masseno, à son fils aîné41.

Figure 56. Une cérémonie d’ordination féminine à Seaside Tongoa, 2009

Au moment de mes recherches dans la capitale, une majorité d’hommes et de femmes originaires de l’île de Tongoa portaient ainsi des noms coutumiers. Ces titres engendraient des rapports hiérarchiques et de respect entre les individus les ayant reçus (voir chapitre 10, pages 463-464). Cela étant dit et comme on l’a vu, les fonctions masculines attachées à ces titres dans l’île de Tongoa n’étaient pas nécessairement similaires à celles exprimées à Port- Vila. Le système de chefferies qui structurait la communauté des man Tongoa dans la capitale n’était donc pas totalement identique à celui de leur île d’origine.

39 Entretien du 18 octobre 2011 avec un homme âgé d’une cinquantaine d’années. 40 Entretien du 30 juillet 2012 avec une femme âgée d’une quarantaine d’années.

41 Entretien du 16 novembre 2011 avec une femme âgée d’une trentaine d’années et du 17 août 2012 avec un

144 Ainsi, la communauté de Seaside Tongoa était structurée par des institutions, incluant des associations religieuses, de microcrédit, de musique et de sport et un système de chefferies. Ces institutions étaient pour la plupart originaires de l’île de Tongoa, même si elles n’étaient pas nécessairement mises en place de la même manière à Seaside. Contrairement aux discours savants et populaires qui considéraient la ville comme un lieu où les pratiques et les valeurs dites traditionnelles se dissolvaient progressivement (voir Rawlings, 1999 : 81 ; Philibert, 1994 : 199), mes recherches à Seaside Tongoa et celles d’autres anthropologues ayant travaillé en Mélanésie indiquent une certaine forme de prolongement ou de continuité culturelle dans l’organisation sociale urbaine (Wittersheim et Dussy, 2013). La mise en place d’événements, telle la namakura week, témoigne en outre de la volonté des habitants de cette communauté d’affirmer et de transmettre leur attachement à la langue, aux rituels, aux mythes (kastom story), au style vestimentaire, aux artefacts, aux chants, aux danses, aux jeux, aux plats, etc. originaires de l’île de Tongoa (Lukai, 2010)42. Dans l’introduction de l’ouvrage

collectif intitulé La question urbaine en Océanie, Wittersheim et Dussy font ainsi l’hypothèse qu’en ville, la juxtaposition de communautés originaires de différentes îles et les rapports très étroits entre urbains et ruraux engendrent une « forte identification à des valeurs et des pratiques dites traditionnelles » (2013 : 34). N’ayant pas réalisé de terrain prolongé sur l’île de Tongoa, je ne suis pas en mesure d’établir si l’attachement à ces valeurs et à ces pratiques était davantage revendiqué en ville qu’en milieu rural. Néanmoins, je peux avancer que, contrairement aux jeunes du quartier de Freswota rencontrés par Kraemer (2013), les habitants de Seaside Tongoa – quelle que soit leur génération – se présentaient non seulement comme des man Seaside, mais aussi et surtout comme des man Tongoa.

Conclusion

Dans ce troisième chapitre, nous avons établi que, malgré la présence de discours associant Seaside Tongoa au désordre et à l’insécurité, cette communauté urbaine – apparue sous la colonisation suite à la politique migratoire et au développement économique de l’archipel – était structurée. Nous avons ainsi remis en cause ou relativisé des idées reçues fréquemment énoncées à l’encontre de Seaside Tongoa, à propos de l’occupation des terrains, des conditions de vie, de l’insécurité, du travail, etc. Et nous avons présenté différentes institutions ordonnant cette communauté.

145 J’ai également montré que certaines manières d’être, d’agir ou de réagir étaient valorisées dans la communauté, et qu’elles étaient associées à des formes de relation et à des contextes particuliers, tels le partage (sea), l’humilité (no mekem flas), les rapports hiérarchiques et de respect (respek), des principes qui, nous le verrons, ne coïncident pas nécessairement avec ceux véhiculés dans les actions de prévention des IST déjà présentées (promotion de l’égalité, mise en avant de l’individu responsable et autonome).

Ce chapitre nous a aussi permis de continuer à essayer de définir ce qui constitue l’urbain au Vanuatu. Si j’ai montré dans les chapitres antérieurs que Port-Vila était un espace bénéficiant d’un grand nombre de services, d’interventions et de supports de prévention des IST, c’est un autre tableau de l’urbain qui s’est manifesté dans ce troisième chapitre. Nous avons vu que les insulaires qui pratiquaient sous la colonisation une migration dite circulaire étaient désormais majoritairement enracinés à Port-Vila et s’étaient approprié cette ville originellement créée par et pour les Blancs en y établissant des communautés. Puis, j’ai souligné l’existence d’inégalités entre les expatriés et les Mélanésiens, mais aussi au sein de la population mélanésienne citadine. Ces disparités socio-économiques sont en partie reflétées par la juxtaposition de zones d’habitat plus ou moins « institutionnelles » à Port-Vila (Dussy, 2005 : 5). Les citadins tendent à vivre enclavés dans des communautés résidentielles fondées sur l’origine insulaire, ce qui leur assure un accès à un revenu, à un logement, mais aussi à un conjoint et à un statut. Néanmoins, j’ai mentionné la présence de quartiers multi-insulaires structurés de manière communautaire, ainsi que de communautés, non pas établies selon l’origine de ses membres, mais selon le partage d’une même foi chrétienne, par exemple. Enfin, nous avons indiqué l’existence d’un « fort continuum rural-urbain » (Wittersheim et Dussy, 2013 : 35). Les habitants de la capitale continuaient ainsi à valoriser la kastom de leur île d’origine et à être structurés par des institutions en partie similaires à celles existant en milieu rural. Les déplacements, les adoptions, les envois de biens et d’argent, la téléphonie mobile, mais aussi – comme nous le verrons en détail dans le prochain chapitre – les rituels de mariage et les funérailles favorisaient le maintien et la construction de liens entre les zones urbaines et rurales de l’archipel, ainsi qu’au sein de chacun de ces espaces.

146

Chapitre IV. À travers le mariage et par-delà la