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Une lutte contre l’arrivée du VIH inspirée par le préalable africain

Chapitre I. Un système de prévention des IST mondialisé

1.2 Le développement d’une politique de prévention des IST en Mélanésie

1.2.3 Une lutte contre l’arrivée du VIH inspirée par le préalable africain

La lutte contre le VIH dans les îles océaniennes se fit en trois mouvements. Des appareils de surveillance épidémiologique furent tout d’abord mis en place. Puis, les politiques de prévention furent consolidées au début des années 2000. Enfin, la distribution de traitements antirétroviraux (ARV) fut assurée quelques années plus tard. Ces trois mouvements furent principalement menés par des instances de développement océaniennes, mais ils furent guidés par la signature d’accords internationaux et par des experts occidentaux ayant à l’esprit le préalable africain (Soler, 2011 : 136).

Dans les années 1990, la prévalence du VIH dans la région demeurait relativement faible comparée aux situations africaines et asiatiques. En 1998, l’ONUSIDA estimait ainsi à 12 000 le nombre de cas de VIH en Océanie – principalement en Australie et en Nouvelle-Zélande – contre 22,5 millions en Afrique subsaharienne (ONUSIDA, 1998 : 5). Néanmoins, la menace de propagation du virus aux îles économiquement moins développées et ne disposant pas de structures de dépistage efficaces, commençait déjà à inquiéter les organismes de prévention océaniens, et en particulier les experts de cet organisme de coopération technique devenu incontournable dans la région qu’est la Communauté du Pacifique. Les experts occidentaux des instances de développement présentes en Océanie – qui avaient pour certains travaillé en Afrique – décidèrent de mettre en place un système de surveillance épidémiologique régional dès les années 1990. Ayant à l’esprit l’image de l’épidémie africaine, ils tentèrent d’anticiper une arrivée massive du virus en Océanie (Soler, 2011 : 133-137). Notons que si des tests VIH furent mis en place par la banque du sang de la capitale du Vanuatu dès 1987 (Figure 9), ce

18 http://www.pasteur.fr/fr/institut-pasteur/espace-presse/documents-presse/la-recherche-sur-le-vihsida-l-institut-

39 n’est qu’à partir de 2003 – dans l’année qui suivit l’annonce du premier cas de VIH dans le pays – que les premiers services de conseil et de dépistage volontaires et confidentiels (Voluntary Confidental Counseling and Testing Centers – VCCT) furent implantés dans l’archipel (MoH, 2012 : 1)19.

Figure 9. Les tests de dépistage rapide (Determine) pour le VIH, l’Hépatite B. et la Syphilis, hôpital central de Port-Vila, 2011

Au début des années 2000, la lutte contre le VIH connut un essor majeur dans les pays en voie de développement – dont ceux de la région océanienne. En Afrique subsaharienne, le nombre important de décès liés au virus parmi les classes d’âge économiquement actives fut en effet perçu comme une menace pour les intérêts économiques africains et occidentaux. L’attention internationale pour la lutte contre le VIH fut alors renforcée via le développement d’accords et de fonds internationaux (Soler, 2011 : 137-138).

Le 8 septembre 2000, la Déclaration du Millénaire fut signée à New York et huit Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) furent adoptés par les membres des Nations unies (Nations unies, 2000). Si chacun de ces objectifs contribue indirectement à la santé des populations en réduisant la pauvreté (OMD 1), en augmentant l’éducation (OMD 2), en promouvant l’égalité (OMD 3), en préservant l’environnement (OMD 7) ou en renforçant le partenariat mondial (OMD 8), trois des huit objectifs visent directement à améliorer la santé des personnes :

 l’OMD 4 : « réduire la mortalité infantile » ;

19 Entretiens du 5 et 6 juillet 2011 avec un technicien de laboratoire du Port-Vila Central Hospital et du 23 juin

40  l’OMD 5 : « améliorer la santé maternelle » ;

 l’OMD 6 : « combattre le VIH/sida, le paludisme et d’autres maladies ».

Pour tenter d’atteindre les huit Objectifs du Millénaire avant la fin de l’année 2015, l’Organisation des Nations unies et ses partenaires (Agences, Fonds et Programmes internationaux) se mirent à accroître leurs efforts financiers et humains20. En 2002, le fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme (Global fund) fut par exemple créé afin d’augmenter et de concentrer les ressources sur ces trois pandémies21.

L’adoption des OMD par les Nations unies conduisit la plupart des pays océaniens à inscrire le VIH comme un élément clé de leurs politiques et de leurs plans stratégiques de santé publique. L’augmentation des possibilités de financements incita les organisations non gouvernementales à développer des projets de lutte contre le VIH – y compris dans des pays océaniens qui ne répertoriaient alors que très peu de personnes vivant avec le virus (Soler, 2011 : 138 ; SPC, 2005 : 22).

Étant donné la faible prévalence que connaissaient encore la plupart des îles du Pacifique et l’impossibilité pour les 37 000 personnes vivant avec le VIH dans la région d’accéder aux traitements antirétroviraux au début des années 2000, les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux océaniens concentrèrent leurs efforts dans la prévention du virus (UNAIDS, 2013 : A12). Le plaidoyer pour l’accessibilité des antirétroviraux dans les îles océaniennes prit cependant rapidement de l’importance. L’expérience de l’Afrique subsaharienne avait en effet également enseigné aux acteurs du développement océaniens l’intérêt d’une approche globale, associant prévention et prise en charge des personnes atteintes par le virus (Soler, 2011 : 138 ; SPC, 2005 : 24). Le troisième objectif de la Stratégie régionale océanienne de lutte contre le VIH/sida 2004-2008 – développée par la Communauté du Pacifique en collaboration avec les acteurs des pays et territoires du Pacifique – consistait ainsi à « assurer un continuum de soins répondant aux divers et complexes besoins des personnes vivant avec le VIH/sida ainsi que ceux des autres personnes affectées par le VIH/sida et à contribuer à la prévention de la transmission du VIH » (SPC, 2005 : 28).

En 2007, le rapport de mi-parcours de la Stratégie régionale 2004-2008 fit état de progrès significatifs dans l’accès aux antirétroviraux en Océanie. Ces progrès étaient notamment dûs au rôle joué par la pharmacie nationale de Fidji dans leur distribution à l’échelle régionale auprès de plusieurs pays océaniens (SPC, 2007 : 25). En 2012, l’accès universel au traitement

20 http://www.un.org/fr/millenniumgoals/, consulté le 22 juin 2013 à 15 h 33. 21 http://www.theglobalfund.org/fr/, consulté le 22 juin 2013 à 15 h 40.

41 antirétroviral n’était néanmoins toujours pas assuré aux 51 000 personnes diagnostiquées séropositives (SPC, 2013 : 19 ; UNAIDS, 2013 : A12), et cela même si les sept personnes vivant avec le VIH au Vanuatu en 2012 bénéficiaient, quant à elles, d’un accès gratuit aux antirétroviraux, notamment grâce à l’organisation Vanuatu Family Health Association.

La mise en place d’appareils de surveillance épidémiologique, de politiques de prévention du VIH et d’un système de distribution de traitements dans les îles du Pacifique se déroula donc sous l’impulsion d’experts occidentaux influencés par l’expérience épidémique africaine ainsi qu’à la suite d’accords et de l’octroi de fonds internationaux considérant la question du VIH comme une priorité. Ayant montré que les débuts de la prévention des IST en Mélanésie sont liés aux inquiétudes d’Occidentaux présents dans la région, ainsi qu’à l’établissement d’objectifs transnationaux et de partenariats mondiaux, je vais maintenant me pencher sur le cas du Vanuatu et voir dans quelle mesure le système de prévention du VIH et des autres IST, qui était en vigueur en 2011-2012, a également été influencé par des acteurs étrangers.