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Chapitre II. Des actions de prévention principalement urbaines

2.3 Les supports de prévention

2.3.1 Les films

Les films sur les IST diffusés pendant mes recherches au Vanuatu avaient essentiellement été réalisés par l’organisation Wan Smolbag. Entre 1989 et 2012, la cofondatrice de cette ONG écrivit les scripts des cinq premières saisons de la série télévisée

Love Patrol, ainsi que ceux de vingt-sept films de longueurs variées portant sur la santé, les

droits de l’homme, la violence domestique, les grossesses précoces, l’environnement, le tourisme et la politique. Notons que ces films avaient dans un premier temps été présentés comme des pièces de théâtre.

Figure 31. Des acteurs de Love Patrol (source : http://visit.wansmolbag.org/the-love-patrol-series/)

Comme on l’a vu, la série Love Patrol, financée principalement par les programmes de lutte contre le VIH, traite de différentes thématiques : les IST, mais aussi le crime, les rapports hommes-femmes, les ruptures familiales, les violences, les activités prostitutionnelles, l’homosexualité, etc. L’intrigue de la série Love Patrol se déroule dans un poste de police situé dans un centre urbain d’un pays du Pacifique (Figure 31). Un enquêteur, nommé Mark, souhaite désespérément que son épouse Elizabeth soit enceinte. Mais il fréquente également

92 d’autres femmes, comme la chanteuse d’un bar, jusqu’au jour où Elizabeth découvre qu’elle est séropositive36.

Sur les vingt-sept films de Wan Smolbag, trois abordent la question des IST : Positive (2002), Sori Susie (2004) et Mr Right Guy (2005). Dans ce dernier, une jeune fille se rend en boîte de nuit et est séduite par le chanteur du groupe de musique. Dans Sori Susie, le personnage éponyme est une femme enceinte qui découvre qu’elle a une IST lors d’une visite prénatale. Quant à Positive, il raconte la vie d’une infirmière confrontée aux infidélités de son partenaire et à l’apparition des premiers cas de VIH au Vanuatu. Les personnages font à plusieurs occasions référence à l’épidémie africaine, mais la découverte de deux cas de VIH à l’hôpital central de Port-Vila laisse penser que la menace épidémique se rapproche de l’archipel. Si Mr Right Guy semble avoir été créé pour un public de jeunes mélanésiens, les deux autres films s’adressent à une population beaucoup plus large, et cela en dépit du fait que les problématiques abordées soient principalement urbaines.

En 2011-2012, la série Love Patrol et ces trois films étaient encore diffusés au Vanuatu, ainsi que dans d’autres pays d’Océanie, telle la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Chaque nouvelle saison de Love Patrol était retransmise sur Télévision Blong Vanuatu, une chaîne de télévision terrestre lancée à Port-Vila au début des années 1990. Si certains programmes (reportages, journaux télévisés, publicités) étaient créés localement, une grande partie du temps d’antenne était une reprise du signal de Nouvelle-Calédonie Première, de TV5-Monde, d’ABC ou de la

BBC. Au moment de mes recherches, la transmission TV n’était disponible qu’aux alentours

de la capitale, mais les rares habitants du Vanuatu, essentiellement expatriés, qui disposaient d’une antenne et d’un abonnement satellites pouvaient bénéficier d’un bouquet de chaînes francophones (LBF) ou anglophones (TelSat) dans n’importe quelle île de l’archipel (Siméoni, 2009 : 340-342).

Le rapport d’activité 2011 de Wan Smolbag indique que 2 500 DVD de Love Patrol et 2 800 livres pédagogiques associés à cette série télévisée ont été distribués au Vanuatu cette année-là. Il mentionne également que 373 DVD et CD furent envoyés dans 50 écoles du pays, mais la localisation des établissements scolaires et les titres des supports de prévention distribués ne sont pas précisés (WSB, 2011 : 23, 86). D’après mes observations, les films étaient principalement diffusés au sein des écoles du Vanuatu et des salles d’attente des établissements de santé destinés aux jeunes de Port-Vila et de Luganville. Des DVD étaient également parfois distribués pendant les actions de prévention, comme celle qui s’est tenue le

93 29 novembre 2011 à Seaside Tongoa. Notons que de telles distributions étaient rarement effectuées dans les zones reculées de l’archipel. D’après le dernier recensement de la population (2009), seuls 26 % des ménages de milieu rural possédaient un lecteur de DVD et 26 % un écran de télévision, contre 68 % et 72 % de ceux vivant en ville (VNSO, 2011 : 154- 155). Le manque d’accès à une alimentation électrique permettant de faire fonctionner un lecteur et un écran TV pouvait représenter une difficulté dans certaines îles. En 2009, seuls 11 % des foyers ruraux avaient accès à un réseau de distribution d’électricité et seuls 20 % d’entre eux à un générateur, contre respectivement 80 % et 10 % des foyers urbains (VNSO, 2011 : 139, 159).

Figure 32. Une famille de la communauté de Seaside Tongoa devant un poste de télévision, 2009

Tous les foyers urbains ne possédaient pas un poste de télévision en état de fonctionnement, mais un grand nombre de citadins y accédaient néanmoins sur leur lieu de travail, dans des espaces ouverts au public (cliniques, petits magasins) ou dans une maison avoisinant la leur. De 13 h à 13 h 30, à l’heure de diffusion de la télénovela de 2011 Amour

Océan, une série TV produite en Amérique Latine, un grand calme régnait dans les ruelles de

Seaside Tongoa. Chacun, et surtout chacune, trouvait une place autour d’un téléviseur pour suivre les aventures de l’héroïne Estrella Marina (Servy, 2013). De même, en fin de journée, de nombreux habitants de cette communauté urbaine (en particulier des femmes et des enfants) s’amassaient devant les quelques postes de télévision existants afin de regarder les nouveaux épisodes de la série Love Patrol (Figure 32).

94 On peut donc dire que, même si Wan Smolbag envoyait des DVD au sein des établissements scolaires situés dans des zones plus reculées de l’archipel, les films parlant des IST diffusés au Vanuatu étaient principalement accessibles en ville, que ce soit dans les établissements de santé destinés aux jeunes ou à la télévision.