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C) « L’imprévoyance des femmes ?

CHAPITRE 3 : « COMME LES AUTRES ELLES ONT CE

B) Un soutien syndical concret mais décroissant

Les ouvrières, pour avoir une vraie chance de peser dans l’arène politique, doivent s’appuyer sur le syndicat. Mais on a vu dans le chapitre précédent la distance et la méfiance instaurée entre lui et les femmes. Dans certains endroits, elles parviennent quand même à y trouver des appuis. A Brest, les ouvrières licenciées de la Poudrerie, mécontentes en apprenant les modalités de la circulaire Loucheur, « se disent disposés à suivre l’impulsion du Syndicat de l’Arsenal de Brest. Le secrétaire adjoint de ce syndicat, Capitaine, assistait à la réunion de poudriers et il leur a dit qu’ils pouvaient compter sur l’appui de l’Arsenal »40. Ici on a une entente des ouvriers et

ouvrières au sein de la même ville. Les appuis locaux sont aussi recherchés à Albi, où les ouvrières licenciées menacent d’appeler les métallurgistes de la ville et ceux de Saint-Juéry, localité à quelques kilomètres, mais aussi les « camarades de Toulouse ». Elles se disent « encouragées par les ouvrières de la Poudrerie et de l’Arsenal de Toulouse », revendiquant les mêmes droits que les ouvrières d’État en termes d’indemnités41. Les munitionnettes de Pau calquent également leurs

revendications (une indemnité équivalentes à deux mois de travail) sur celles de Tarbes42. A

Bordeaux, ce sont les exemples parisiens d’indemnités qui sont pris en modèle43. Ce sont là les

seules mentions de circulations d’idées que l’on a retrouvées, les seules évocations de ce qu’il se passe ailleurs. Aucune coordination, aucune véritable entente sur des revendications communes

39 Erik Neveu, Sociologie des mouvements sociaux, op. cit., p.16. 40 AN F7 13359, rapport du commissaire spécial de Brest, 21/11/1918.

41 AN F7 13356, réunion des ouvrières des usines de guerre d’Albi, 24/01/1919. 42 AN F7 13364, réunion des anciennes ouvrières de l’Arsenal de Pau, 17/01/1919. 43 AN F7 13360, réunion des ouvrières des usines de Guerre, 27/01/1919.

n’émerge. Même lors des délégations envoyées vers Paris que nous évoquions au chapitre 2, on n’apprend rien sur des potentielles rencontres entre les différents syndicats. On ne perçoit, dans toutes les réunions locales, pas du tout l’aspect fédéral des syndicats des poudreries, des arsenaux ou des usines de guerre. En ce sens, les structures de la CGT ne sont pas de la meilleure aide. La Confédération préfère mettre en avant son rôle, important, dans les négociations avec le gouvernement. Ainsi dans La Voix du Peuple, l’organe de propagande de la CGT, le syndicat se targue d’avoir multiplié les démarches : « Les conditions d’application du licenciement des ouvrières des usines de guerre ont nécessité au cours du mois dernier de la part des organisations syndicales, plusieurs délégation auprès des services publics. Le 4 février au Ministère de la Reconstitution Industrielle, nous avons demandé que l’indemnité de licenciement soit accordée à la totalité des ouvrières des usines de guerre, laquelle indemnité, en vertu d’une circulaire ministérielle de janvier 1919, est réservée aux ouvrières des usines de guerre de la 1ère zone de la région parisienne ». Il est difficile de retracer les apparitions de ces circulaires. On sait que celle du 28 décembre 1918 devait inciter les industriels à payer une indemnité, avec une assistance étatique. Nous n’en avons pas retrouvé le texte précis. Toutefois la circulaire Loucheur du 21 janvier semble rendre obligatoire le paiement d’indemnités dans les établissements privés ayant œuvré pour l’effort de guerre (seulement pour la métallurgie, l’aviation et la voiture). La différence marquante avec les usines d’État est que nous avons bien affaire à une indemnité de licenciement, et non en cas de démission avant une date butoir. Il a pour but clair d’accompagner leur licenciement. Cette décision est plus directe, et semble être due aux mobilisations des femmes, qui ont démontré qu’elles ne partiraient pas d’elles-mêmes ni n’accepteraient un licenciement sans toucher de l’argent. Mais elle est aussi probablement due à la délégation des poids lourds parisiens de la CGT au Ministère de la Reconstitution Industrielle du 15 janvier, Jouhaux en tête et avec une seule femme présente, Mme Geoffroy (souvent présente dans les réunions de chômeuses mais que nous n’avons pu précisément identifier). Celle-ci avait « fait connaître au ministre l’attitude de certaines patrons qui se refusent à payer l’indemnité de licenciement en s’abritant derrière des objections financières »44. Puis, une

nouvelle délégation obtient l’extension de la circulaire aux ouvrières de fabrication de masque à gaz et dans l’Habillement militaire45. Loucheur, plus tard, étend la date limite du 1er au 31 mars.

L’indemnité est en moyenne de 200 francs, dont la moitié (ou 140 francs selon les sources) doit être payée par l’État. Mais l’application de ces circulaires semble soumise au bon vouloir des patrons, et les leaders syndicaux dénoncent le fait que presque aucun d’entre eux n’y procède. Et Mme Geoffroy « estime que si les patrons font preuve de mauvaise volonté dans l’application des

44 La Bataille, 15 janvier 1919.

circulaires du Contrôle de la Main-d'œuvre c’est parce que les ouvrières se désintéressent un peu trop de leur sort, ainsi que le montre le petit nombre d’assistantes »46 à la réunion qu’elle préside ce

jour-là. Si les mobilisations de femmes ont pu jouer, on voit que celles-ci sont assez limitées et empêchent d’obtenir de réelles garanties et de mettre une pression suffisante. De même, leur engagement ne convient pas aux leaders de la CGT : « Il est temps que les femmes s’agitent. Puisque le gouvernement ne veut rien faire, il faut que d’ici quelques jours toutes les chômeuses se réunissent et aillent manifester dans la rue. Vos syndicats vous indiqueront l’heure et la date de cette manifestation »47. Le syndicat a en fait très peu de prise sur la mobilisation féminine : les

manifestations, on l’a vu, sont spontanées et pas coordonnées, contrairement à ce que voudrait mettre en place le syndicat. Il a toutefois d’autres moyens d’intervention, matériels notamment : dans La Bataille, le 31 janvier, la CGT publie un modèle de reçu que les licenciées des usines privées de guerre auront à faire signer pour pouvoir toucher l’indemnité, car le syndicat condamne un nombre très élevé de fraudes. Ce sont bien vers les syndicats que se tournent les femmes : « il nous revient de divers côtés, les bureaux des syndicats ouvriers intéressés ne désemplissent point de travailleuses signalant les mêmes faits, qu'un très grand nombre de maisons renvoient leur personnel en lui affirmant qu'il n'a droit à rien »48. C’est là la situation parisienne, où l’on sait le

syndicat très actif49. Il ne semble pas que ce soit le cas partout.

D’après la surveillance policière, c’est donc bien le syndicat qui excite les femmes. Dans nos sources, le centre d’intérêt étant porté sur le syndicat, qui est la vraie menace, on ne peut réellement suivre les agissements et les trajectoires de ces femmes qu’à travers leur place dans le mouvement social. Il ne nous est donc pas possible, avec notre corpus, de savoir si les femmes ont bel et bien touché leur indemnité. En effet, à partir de mars-avril, les réunions de chômeuses se font extrêmement rares si ce n’est dans les grands centres industriels, et on perd la trace de ces ouvrières. Certains cartons d’archives ne possèdent que des documents allant jusqu’au premier trimestre de 1919, mais d’autres suivent encore les anciennes usines de guerre jusqu’à la fin de l’été : on constate que même dans ce cas, on n’a plus la trace des ouvrières d’usine de guerre dans les réunions syndicales. Que conclure ? Qu’elles ont remporté leur bras de fer, qu’elles ont toutes pu toucher leur indemnité et n’ont donc plus de revendications à porter ? Ou bien que le syndicat, face au manque de participation à ses réunions, a peu à peu arrêté d’en organiser ? Difficile de répondre, mais quoi qu’il en soit, si la source se tarit c’est que l’État, les ministères, la police, s’en

46 AN F7 13367, meeting intercorporatif des chômeurs de la Seine, 02/03/1919

47 AN F7 13367, réunion des ouvrières chômeuses (métaux, produits chimiques et habillement), 03/01/1919. 48 La Bataille, 02/02/1919, article « On chicane sur les indemnités ».

préoccupent beaucoup moins, ne ressentent plus de menace, le problème n’est plus considéré autant important.

Mais c’est également le cas dans les journaux du mouvement ouvrier : à L’Humanité, le problème est assez souvent souligné en décembre (19 articles entre le 16 novembre et le 26 janvier, dont seulement la moitié ne concerne que les ouvrières), mais à partir de la fin janvier, plus rien. Dans

La Bataille, on trouve encore 2 articles en février, 2 en mars pour l’indemnité dans l’Habillement

militaire, qui met du temps à être obtenue, puis plus rien. Or, de l’aveu même du journal

L’Humanité, obtenir l’indemnité n’est pas une victoire intégrale :

« Une délégation du syndicat de l’habillement militaire est allée porter au Ministère du Travail les doléances de ces malheureuses […]. M. Picquenard, chef de cabinet, a promis de convoquer les fabricants de masques et… de leur demander d’accorder quelques indemnités aux congédiées. Louable intention, sans doute. Mais si la réponse patronale est un refus ? Et puis, une indemnité de congédiement ne donnera à manger que pour un délai, bien court, en un temps où les mercantis détroussent le consommateur »50.

Partout, on a probablement conclu à un échec des mouvements des femmes. C’est d’ailleurs sans doute pour cela qu’on a l’image d’un consentement, et que les munitionnettes sont connues pour leur mobilisation de 1917, et pas plus. Même dans les localités où le répertoire d’action a été important comme à Bordeaux, les difficultés à obtenir ne serait-ce que l’indemnité conduisent à l’abandon : « En présence des difficultés qui se présentent à elles et ne pouvant espérer se faire embaucher à nouveau dans les usines, Mendès (leader syndical de la Métallurgie) conseille à ces dernières de reprendre leur métier d’avant-guerre ».

Après avoir évoqué les nombreux endroits où la CGT œuvre avec les femmes pour qu’elles parviennent à toucher les indemnités, nuançons notre propos avec des localités où le syndicat n’a pas souhaité aider les ouvrières dans cette lutte. Revenons d’abord sur le cas très particulier du syndicat de l’Arsenal de Nantes, qui s’était très tôt prononcé « catégoriquement en demandant le renvoi des femmes en général »51. Le syndicat déclare quand même faire des démarches auprès de la

Direction de l’arsenal qui « auraient abouti à ce qu’une indemnité de 100frs serait allouée à toute femme qui quitterait l’usine avant le 7 décembre 1918 » : cette allocation semble plus faible que les 250 à 300 francs obtenus en moyenne par les munitionnettes, et l’échéance décidée est très courte en sachant que l’information est donnée le 1er décembre. On peut dire qu’elle a pour objectif

d’évacuer les femmes du monde du travail masculin le plus vite possible. A Montluçon, Pau et Orléans, le syndicat peine à voir la démobilisation industrielle comme un problème spécifiquement

50 L’Humanité, 28/12/1918.

féminin, et dans ces trois villes est émise la revendication d’étendre l’indemnité Loucheur aux hommes, dont certains sont également licenciées : cela revient à nier le caractère systématique des congédiements d’ouvrières52. Plus grave, dans deux de ces localités, y ont aussi existé de grosses

tensions, les femmes reprochant au syndicat son mode d’action. A Pau, la secrétaire de la section féminine de la métallurgie, Mme Coudert, a adopté un répertoire d’action original, la pétition, regroupant en janvier 1919 des signatures « pour protester contre la façon dont s’est effectué le licenciement des ouvriers et ouvrières »53. Mais on apprend plus tard qu’une enquête policière pour

escroquerie a été lancée contre elle car elle a, « pour prix de son intervention, réclamé à chaque signataire le versement de la somme de 1 franc »54. A Montluçon, la secrétaire du syndicat des

femmes reçoit « des reproches au sujet de la dilapidation des fonds du groupement en voyages à Paris, Commentry etc… Et en compagnie du sieur Guerenne, lequel dit-on serait son amant. Ayant essayé de se justifier, la salle devient houleuse, et cette dame s’éclipsa pour éviter tout incident »55.

Même à Paris, il y a une dissonance entre les victoires mises en avant par la CGT (qui sont, rappelons-le, spécifiques au département de la Seine et enviées dans de nombreux syndicats de province) et les réactions des femmes. On a ainsi le témoignage exceptionnel de femmes qui s’en prennent aux grands leaders de la CGT lors de l’un des grands meetings interprofessionnels à la Bourse du Travail de Paris, alors même que l’un de ces leaders les félicitaient :

« Loze, des Produits Chimiques, dit que c’est grâce à la cohésion des chômeuses que des indemnités de congédiement et de chômage ont pu être arrachées aux pouvoirs publics. Il annonce que des démarches ont été faites auprès des municipalités afin que des majorations d’indemnité de chômage soient consenties. Il ajoute que la question doit être discutée par le conseil municipal lundi prochain.

Plusieurs ouvrières s’écrient : « Ce n’est pas vrai, nous n’aurons rien ! ». A ce moment, la réunion devient houleuse. Des chômeuses en viennent aux mains ; d’autres envahissent la tribune, mais sont violemment interpellées par leurs camarades. Méric, des Vanniers, intervient pour rétablir le calme. Il déclare que c’est seulement par une grande solidarité que les chômeuses obtiendront satisfaction.»56.

Le manque de confiance en le syndicat, si difficilement perceptible, est ici criant. On ne le voit que dans les reproches répétés du syndicat envers l’engagement des femmes dans le syndicat. Mais on voit bien ici que le lien est extrêmement fragile du côté de ces ouvrières qui n’ont finalement pas la main sur leurs revendications, sur leur stratégie…

52 AN F7 13357, Conseil syndical des ouvriers métallurgistes syndiqués de Montluçon, 17/11/1918 ; AN F7 13364, réunion des ouvriers de l’Arsenal de Pau, 17/01/1919 ; AN F7 13361, réunion du personnel de la Compagnie Générale d’Electricité d’Orléans, 28/01/1919.

53 AN F7 13364, réunion des ouvriers de l’Arsenal de Pau, 17/01/1919. 54 Ibidem.

55 AN F7 13357, réunion du groupement des ouvrières de l’Atelier de Chargement de Montluçon, 05/02/1919. 56 AN F7 13367, meeting des chômeuses interprofessionnelles de la Seine, 26/01/1919.

Un dernier long exemple illustre bien les dissonances, les hésitations, les incompréhensions, les tensions inhérent à la construction d’un mouvement social : celui de Toulon. Les ouvrières sont actives à la démobilisation : le préfet subit des pressions pour mettre en place un bureau de placement et des indemnités de chômage :

Il serait désirable que nos tentatives puissent aboutir car l’état d’esprit des ouvrières serait loin, m’assure-t-on, d’être celui que l’on pourrait souhaiter. Dans ce milieu syndicaliste de Toulon, où les éléments extrémistes de l’arsenal cherchent toutes les occasions de créer une agitation, il fallait s’attendre à des mouvements latents et à des excitations sourdes. Les ouvrières qui ont touché – vous le savez – l’indemnité de licenciement de 300frs paraissent, pour un certain nombre d’entre elles, tout au moins, vouloir exiger qu’on leur donne une seconde allocation comme indemnité de chômage en attendant un emploi57.

Mais cette activité est à mettre en relation avec la véritable peur du syndicat pendant la guerre envers la place prépondérante que prenait les femmes dans le mouvement ouvrier (évoquée dans le chapitre précédent). Au moment de la démobilisation, un affrontement semble avoir lieu. La secrétaire syndicale, Mme Castellan, accuse formellement les hommes des usines d’État d’avoir abandonnées les femmes, expliquant que le syndicat n’était pas à la hauteur :

« La camarade Castellan demande la parole, pour prononcer un violent réquisitoire contre le Syndicat qui, acceptant les cotisations des femmes, les a complètement abandonnées, alors que l’on commence à les licencier »58.

Cela montre une réelle fracture entre les femmes et le syndicat. Toutefois, cette citation est à mettre en regard de l’accusation de trahison qu’elle reçoit de la part des ouvrières qu’elle est censée protéger :

« Un certain nombre de femmes ne dépassant pas une centaine, appartenant à la catégorie des ouvrières congédiées à la Pyrotechnie, ont tenu une réunion à la Bourse du Travail. Il n’y a pas eu beaucoup d’organisation dans cette réunion, où toutes parlaient à la fois. Les principaux sujets de conversation étaient des protestations : 1° contre le mode d’indemnité adopté, 2° contre Mme Castellan, qui avait engagé les ouvrières à accepter. Les unes demandaient le demi-salaire pendant 6 mois, d’autres l’indemnité pour cherté de vie pendant 3 ou 6 mois. Toutes vitupéraient contre Mme Castellan, qu’elles accusaient de trahison, parce qu’elle a obtenu, à son départ de l’École de Pyrotechnie, un emploi à la Direction des Constructions Navales »59.

Puis le 19 janvier :

« Après la lecture de l’ordre du jour, la séance est levée mais à ce moment Madame Maunier soulève un incident et prend à partie Madame Castellan, présidente du Syndicat des ouvrières de la Pyro, cette dernière est insultée, et toutes sortes d’injures

57 AN F7 13369, rapport du préfet du Var, 16/01/1919.

58 AN F7 13643, réunion des métallurgistes de Toulon, 27/12/1918.

partent de la salle à son adresse, Mme Castellan est entourée des membres du Syndicat qui la protègent contre la fureur des femmes ; Lamarque voulant la protéger à la sortie est pris à partie par un groupe de femmes. A ce moment, la femme de Lamarque, s’adressant aux ouvriers leur dit : « Vous êtes tous des mufles, vous laissez mon mari seul avec un enfant sur les bras, au milieu de ces femmes ». L’incident continua sur la place de la Liberté où Monsieur Dubois et ses agents prirent Madame Castellan sous leur sauvegarde et la reconduisirent chez elle »60.

La tension est donc extrêmement forte envers la dirigeante syndicale féminine comprise, qui a pourtant obtenu des vraies victoires. Ainsi dans un article pro domo publié dans le journal syndical local, Mme Castellan met en avant un bilan extrêmement flatteur en tant que secrétaire syndicale. Elle fait la liste de ce qu’elle a fait pendant la guerre : éducation, œuvres de solidarité, permanence pour écouter les doléances des ouvrières, obtention d’augmentation… par le biais du Comité Féminin Toulonnais, la section féminine du syndicat.

« Le Comité Féminin fut donc très naturellement appelé à s’occuper du licenciement des ouvrières de la marine. D’aucuns ont laissé entendre aux intéressées qu’elles seraient indéfiniment conservées dans l’arsenal. C’est une mauvaise action que le Comité Féminin n’a pas voulu prendre à son compte, puisque le contrat d’embauchage des ouvrières était limité à la guerre. Mais en raison de la gravité de la situation économique, nous aurions voulu qu’on procédât avec prudence et que l’on échelonnât les licenciements sur toute la période de la démobilisation. […] Mais malgré cela, des licenciements se sont effectués par l’appât de la prime du mois de salaire et se continuent d’ailleurs en ce moment par les congés d’office. Il nous faut regretter que, dans un dessin méchant, on ait représenté à ces ouvrières que j’étais une raison perfide de leur départ. […] De tous les ports et établissements de la Marine, c’est à Toulon, proportionnellement, que l’on a licencié le moins d’ouvrières, et les garanties que j’ai obtenues ont déterminé les autres syndicats à réclamer au ministre une commission de classement analogue à la nôtre et l’obtention du transport gratuit vers leurs pays d’origine. Pour la France, les résultats des licenciements sont connus. Dans les industries privées travaillant pour la guerre, c’est la totalité des ouvrières qui a été renvoyée, et sans le bénéfice du mois d’indemnité. Au ministère de l’Armement, sur 100.000 ouvrières 75.000 étaient dehors au 1er janvier. Il doit en rester en service 15 ou 10.000 à peine. On voit, dans cette situation générale, l’inanité des calomnies dont on a