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B.1 Profil des « migrants avec un parcours de demande d’asile » souffrant d’ESPT

3) Un questionnement autour de la catégorie de l’ESPT

Cette coexistence de cliniques différentes a incité les soignants à remettre en question l’utilisation de la seule catégorie diagnostique de l’ESPT pour qualifier la souffrance psychique du public migrant, à une époque où cette catégorie était omniprésente dans les articles et les ouvrages traitant du

traumatisme psychique. La définition donnée par le DSM-IV-TR était alors considérée comme trop réductrice par rapport à la clinique observée, avec des tableaux complexes où s’entremêlent des signes spécifiques de l’ESPT, mais aussi, de nombreux symptômes peu spécifiques tels que les troubles du sommeil, l’asthénie, l’humeur dépressive, les troubles cognitifs, les maux qui remplacent les mots, voire les éléments hallucinatoires. D’autres termes ont alors été proposés : celui de « syndromes psychotraumatiques », utilisé par C. Barrois pour regrouper l’ESPT, les dépressions réactionnelles et les névroses traumatiques ; ou celui « d’état de stress post-traumatique complexe », considéré comme plus adapté « aux situations de traumatismes intentionnels, répétés, extrêmes et aux situations de violences collectives » [49] et caractérisé par une modification profonde de la personnalité, une dérégulation des affects et des somatisations ; ou encore, celui de « modification durable de la personnalité après une expérience de catastrophe » de la CIM-10. La validité transculturelle de l’ESPT a aussi été contestée puisque sa création, dans les suites de la Guerre du Vietnam, reflétait le contexte socioculturel américain de l’époque. De même, sa caractérisation, tout comme celle de l’événement traumatique, reste « référencée à une subjectivité culturelle et sociétale » [50]. Ces critiques sont moins évidentes depuis la parution du DSM-5. Les modifications effectuées ont permis une mise en avant du caractère subjectif du trauma et une prise en compte, par l’ajout du critère D, des éléments dissociatifs, des expériences de honte et de culpabilité et des modifications du rapport aux autres. De plus, l’étude de Schnyder, faite en 2015, auprès d’une population de demandeurs d’asile et de réfugiés traumatisés de nationalités différentes validait l’utilisation de cette définition au sein de cette population. Elle montrait aussi une haute spécificité et sensibilité ainsi qu’une valeur prédictive positive et négative élevée du critère D [51].

Ces interrogations, retrouvées aussi dans les propos des interviewés expliquent, peut-être en partie, le manque de données épidémiologiques, notamment celles concernant la prévalence de l’ESPT pour « les migrants avec un parcours de demande d’asile » présents sur le territoire français. Le COMEDE avait réalisé une étude épidémiologique afin d’évaluer les prévalences des différentes pathologies rencontrées à partir d’un échantillon constitué des 17 836 personnes ayant consultées, au Centre de Santé, entre 2004 et 2010. La prévalence du « syndrome psychotraumatique » était alors de 11,2 % avec une fréquence plus grande chez les femmes [52]. Une autre étude, dont l’objectif n’était pas épidémiologique mais était d’appréhender les liens entre les modalités du fonctionnement défensif adaptatif et les psychopathologies, chez 120 demandeurs d’asile résidant dans des centres d’accueil situés en Slovaquie, en France et en Norvège, retrouvait une prévalence de 60 % pour l’ESPT tel que défini dans le DSM-IV-TR [18]. Une évaluation de la prévalence avait aussi été envisagée dans ce travail, à partir de la demande des rapports d’activités des différentes structures sollicitées. Il s’avère que les diagnostics psychiatriques n’ont pas toujours été cotés et ne figuraient donc pas dans ces documents. Quant aux deux valeurs données, elles restent très hétérogènes du fait de la diversité des publics pris en charge d’une structure à l’autre. Il existe alors des biais de recrutement avec des échantillonnages variables, non représentatif de l’ensemble des « migrants avec un parcours de

demande d’asile », puisque ces derniers n’ont pas tous accès à des soins et encore moins à des soins de santé mentale. Ces éléments plaident pour un développement de la recherche épidémiologique autour des pathologies psychiatriques présentées par cette population et notamment autour de l’ESPT. Ces études devront surmonter deux difficultés : « d’une part, la méconnaissance des populations considérées, dans un contexte politique qui privilégie la maîtrise de l’immigration et, d’autre part, les limites propres aux outils épidémiologiques en santé mentale » [52]. Il serait important qu’elles puissent permettre un recueil de données d’état-civil et du temps passé en France, mais aussi de leur expérience subjective liée à leurs histoires de vie et à leurs situations sociales.

b) Parcours de soins identifiés pour ce public

Trois parcours de soins permettant l’accès à des soins psychiques, à court ou moyen terme, ont été identifiés à partir des propos des professionnels travaillant au sein des structures sollicitées. Or, un parcours se définit, selon l’ARS, comme « la trajectoire globale des patients et usagers dans leur territoire de santé, avec une attention particulière portée à l’individu et à ses choix. Il intègre les facteurs déterminants de la santé tels que l’hygiène, le mode de vie, l’éducation, le milieu professionnel et l’environnement » [53]. De fait, il paraît nécessaire de prendre en compte l’avis des « migrants avec un parcours de demande d’asile », d’autant plus que la France en accueille de plus en plus. Cela permettrait de mieux connaître leurs besoins en termes de santé mentale et de cartographier plus précisément les différentes étapes de leurs parcours.

c) Dispositifs existants

1) Une diversité des dispositifs malgré des éléments de fonctionnement