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III. Résultats

3) Prise en charge proposée par les équipes de dispositifs de soins psychiques

Ces prises en charge variaient selon les moyens de chaque structure, mais de grandes lignes pouvaient être identifiées d’un dispositif à l’autre. Les propositions faites impliquaient souvent plusieurs soignants de fonctions différentes, comprenaient un travail de psychothérapie associé ou non à une pharmacothérapie et conduisaient ensuite à des tentatives de relais vers le droit commun. Durant le temps de prise en charge sur la structure, il s’agissait de tenir la proposition de soins faite, en ayant une certaine constance, en termes de fréquence mais aussi d’interlocuteurs (soignants et interprètes), afin de ne pas créer de nouvelles situations de rupture. Un des professionnels résumait ce travail de la manière suivante :

« Avec des situations où il n’y a pas de réponse possible à donner là maintenant et en même temps, il y a quand même une réponse qui se donne via une présence, via une constance, du soin, une disponibilité, un accompagnement, de l’inconditionnel ». E13

Le premier contact avec la personne souffrant d’ESPT conduisait à une première proposition de soins qui pouvait être individuelle et impliquer un ou plusieurs soignants.

« On peut tout avoir c’est-à-dire qu’on peut avoir un soutien psycho-social qui est fait par une infirmière seule et en parallèle, il y a un suivi psychologique, ou un suivi psychiatrique, ou les trois types de suivi en même temps ». E3

Il pouvait aussi s’agir de mobiliser des dispositifs groupaux tels que les groupes de parole ou les groupes à médiation. Ces propositions étaient moins fréquentes, elles étaient proposées sur deux des quatorze structures pour les raisons suivantes :

« Il nous semblait que d’une part, c’était hyper intéressant pour des personnes qui sont fragilisées dans le lien social et pour qui l’autre devient une figure d’hostilité aussi et d’autre part, pour qui la nécessité de retisser des solidarités de base et de se reconnaître dans des vécus un peu partagés ». E6

La proposition pouvait ensuite évoluer au fil du temps selon l’évolution de la santé psychique. Les autres professionnels de l’équipe étaient alors sollicités pour contribuer aux soins proposés : il pouvait s’agir d’une orientation des médecins vers les psychologues et inversement, mais aussi vers des professionnels moins classiques, comme les art-thérapeutes ou les psychomotriciens qui n’étaient pas présents sur l’ensemble des structures.

L’axe central mis en avant dans le cadre de la prise en charge de l’ESPT était celui de la psychothérapie. Le travail réalisé ne se centrait pas uniquement sur la question traumatique, car bien souvent, il s’agissait d’abord de reconnaître l’autre dans son humanité dans un espace relationnel accueillant, sécurisant, contenant et bienveillant. Dans le cas d’un travail avec un interprète, le lien de confiance devait aussi se construire dans cette relation tripartite. De plus, la continuité se faisait plutôt dans la durée que d’une séance à l’autre en raison d’un lien fort entre la dynamique psychique et la

procédure administrative. Des sujets très différents pouvaient alors être abordés d’une consultation à l’autre. Il était aussi important de laisser une place à l’actualité dans le pays d’accueil mais aussi à celle du pays d’origine, les migrants continuant à suivre ce qu’il se passait pour leurs proches restés au pays.

« Les gens ont plusieurs problèmes, c’est-à-dire qu’il y a à la fois le problème de fond, la raison pour laquelle ils sont venus en France, en général qui renvoie à quelque chose qui peut être traumatique, mais il y a les problèmes de parentalité, les problèmes liés à l’attente, les problèmes liés au fait qu’ils viennent d’être déboutés » E3

Certains professionnels tentaient d’aborder la question traumatique, mais ils se retrouvaient parfois confrontés à des patients qui souhaitaient oublier, ou qui refusaient d’aborder certains sujets par crainte d’être à nouveau traumatisés. Cet abord devait donc se faire avec beaucoup de prudence.

« En fonction de leur état, je vais essayer de gratter un petit peu sur le traumatisme ou pas ». E3

Bien souvent, ces patients avaient besoin qu’une relation de confiance forte se soit tissée, au fil du temps, pour pouvoir parler de certains de leurs vécus. Il ne s’agissait pas de les inciter « à mettre des mots sur les traumatismes », d’autant plus lorsque cela concernait des événements traumatiques avec une intentionnalité humaine et une volonté d’anéantissement de l’autre. Il s’agissait alors de contribuer à un travail de reconstruction identitaire tout en remettant en mouvement la dynamique psychique.

« C’est d’arriver à retisser le fil biographique de manière à ce qu’avant le ou les traumatismes qui poussent à l’exil, le voyage et l’accueil désastreux, avant cette série de traumatismes, la personne puisse suivre son chemin à elle et son fil biographique ». E12

Un autre axe de la prise en charge de l’ESPT était la mise en place d’une pharmacothérapie. Les entretiens réalisés montraient que le recours aux traitements médicamenteux était plus fréquent sur les dispositifs où les professionnels pouvaient se sentir impuissants du fait d’une confrontation importante à la barrière de la langue. Il s’agissait alors d’une médication par défaut.

« Parfois, une réponse médicamenteuse qui vient en lieu et place d’un travail de parole ». E6

Une autre utilisation des psychotropes pouvait être faite avec une prescription, en parallèle d’un travail de psychothérapie, afin d’apaiser et de soutenir les patients lorsque la symptomatologie présentée était très invalidante ou lorsque des éléments dépressifs étaient associés. Il était, par contre, assez difficile d’obtenir des informations sur les molécules prescrites et sur les éléments cliniques qui les justifiaient. Globalement, toutes les familles de psychotropes étaient utilisées en monothérapie ou en association.

« Des médicaments, essentiellement des antidépresseurs, anxiolytiques, hypnotiques. L’un aura tel cocktail et l’autre tel autre. Certains seront en monothérapie ». E12

Les molécules citées étaient alors : la paroxétine, la mirtazapine et l’amitriptyline pour les antidépresseurs ; l’hydroxyzine, l’alprazolam et l’oxazepam pour les anxiolytiques ; le zolpidem, le zopiclone et le lormétazépam pour les hypnotiques. Il était aussi retrouvé une utilisation de neuroleptiques à petites doses comme l’halopéridol dans le cadre du syndrome de répétition se

manifestant sous forme de cauchemars. Les médecins se positionnaient différemment par rapport à certaines familles. Par exemple, l’un d’entre eux refusait de prescrire des hypnotiques, partant du principe que cela revenait à mettre en danger les patients, notamment les femmes, qui dormaient dans la rue.

La durée des prises en charge proposées variaient selon les structures. Seules deux d’entre elles, des associations, avaient la possibilité de proposer des soins au long cours à destination des « migrants avec un parcours de demande d’asile ». Les autres, c’est-à-dire les PASS psychiatriques/EMPP avaient des missions provisoires correspondant aux temps d’ouverture des droits à la Sécurité sociale et à l’organisation de relais sur les dispositifs de droits communs (CMP, psychiatres libéraux, centre de psychothérapie…). Les soignants tentaient alors d’orienter et d’accompagner les patients qu’ils recevaient vers ces dispositifs.

« Quand ça a duré, on se débrouille pour pouvoir accompagner correctement, faire le lien, pour téléphoner aux professionnels ». E5

Ces relais étaient parfois possibles notamment vers des psychiatres libéraux parlant une langue étrangère, mais ces derniers avaient des capacités restreintes en termes de nombre de patients. Les relais sur l’extra-hospitalier étaient souvent très compliqués. Certains médecins, souvent sensibilisés aux situations de précarité et/ou à la santé mentale des migrants, donnaient parfois des réponses positives. De fait, les suivis sur les PASS/EMPP avaient tendance à se prolonger dans le temps.

« Il y a des gens que je suis depuis que je suis arrivé, depuis deux ans et pour lesquels je ne vois pas d’issue à court terme ou à moyen terme ». E12

e) Difficultés rencontrées au cours de la prise en charge

La question 4 du guide d’entretien permettait de faire le point sur les principales difficultés rencontrées au cours de la prise en charge. Ces dernières étaient de trois types : celles liées à la communication, celles liées au parcours administratif et celles liées à l’organisation du système de soins (Figure 7).