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Un problème inaugural

Dans le document tel-00780176, version 1 - 23 Jan 2013 (Page 156-176)

L’omniprésence de la passion

C’est à travers l’objectivation des passions et leur intégration psychiatrique1 que les aliénistes ont rendu sa folie au fou, en permettant l’apparition d’une pen-sée du sujet à ses limites2, que la dichotomie ancienne dedans/dehors ne permet-tait pas. La folie classique est en effet prise entre les deux pôles exclusifs de l’aliénation totale3, qui ramène le sujet au niveau de la bête, et de la maîtrise du sujet sur lui-même4, alternative qui exclut la possibilité de toute zone grise où le sujet, troublé, mais ne disparaissant pas pour autant, aurait sa place. Ce moyen terme apparaît avec le traitement moral, pièce essentielle de l’aliénisme, qui fait des passions ses instruments et objets d’intervention, permettant la constitution de la psychiatrie à travers un double refus : « ni choix de folie ni abolition du sujet dans la folie5 ». Cette pratique soutient la curabilité de la folie en faisant du

« dialogue avec l’insensé », et du travail par et sur les passions, le double cœur de l’intervention aliéniste, contre la contention appliquée au fou-bête et la persua-sion intellectuelle qui n’a de sens que dans la réduction de la folie à l’erreur. Elle articule indissolublement l’objectivation psychiatrique des passions avec la re-connaissance d’une présence troublée, mais préservée, de l’aliéné à lui-même6.

La psychiatrisation des passions est ainsi l’opérateur d’une transformation théorique essentielle dans l’anthropologie de la folie : sa subjectivation7. C’est aussi une nécessité thérapeutique, car elle vient soutenir théoriquement la

1. Comme l’ont magistralement montré Gladys Swain et Marcel Gauchet. GAUCHET, SWAIN, 1980. Voir aussi PIGEAUD, Jacky, 2004 (1994) « l’Antiquité et les débuts de la psychiatrie fran-çaise », dans POSTEL, Jacques et QUETEL, Claude (ed.), 2004 (1994), Nouvelle histoire de la psychiatrie, Dunod : Paris, 133-150.

2. GAUCHET, SWAIN, 1980, 212.

3. C’est le délire complet.

4. Le sujet fou étant alors considéré comme responsable d’un mal qu’il commet volontairement.

On retrouve au XIXe siècle cette conception dans la psychiatrie spiritualiste allemande de Hein-roth, qui considère que toute folie est issue des vices. HEINROTH, Johann Christian August, 1818, Lehrbuch der Störungen des Seelenlebens, 2 Volumes, Leipzig : Vogel.

5. GAUCHET, SWAIN, 1980, 351.

6. On trouve déjà cette thèse de la subjectivation de la folie chez THUILLEAUX, Michel, 1973, Connaissance de la folie, Paris : PUF.

7. GAUCHET, SWAIN, 1980, 358-359.

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que du traitement moral qui la précède8. Il s’agit donc du passage d’une théorie et d’une pratique de l’esprit humain à l’autre, un renversement de la hiérarchie entre le délire et les affects9. Mais cela fait de la discipline naissante une médeci-ne et umédeci-ne science morale, par définition. Car les objets qu’elle fait siens, ces pas-sions qu’elle reprend à l’âge classique pour en faire les ressorts premiers et essen-tiels de la maladie mentale, articulent indissolublement leur caractère anthropologique10 avec leur existence morale et sociale11. Dans la mesure où l’inauguration de la psychiatrie repose sur l’affirmation que les passions sont le point médian entre le sujet maître de lui-même et la bête dépossédée, elle fait corrélativement du problème d’une assignation des limites entre les états pas-sionnels et les états pathologiques une problématique nécessaire.

La passion est ainsi au cœur de la subjectivité aliénée dont elle est la clé. De ce discours sur les passions, Gauchet et Swain font du mémoire d’Esquirol de 1805 sur les « passions, considérées comme causes, symptômes et moyens [sic] curatifs de l’aliénation mentale12 » un texte inaugural et exemplaire. Ce dernier, qui consti-tue d’abord une systématisation de l’œuvre pinélienne13, s’ouvre sur la disqualifi-cation du paradigme du délire-déraison, qui limite la folie à être une altération intellectuelle et l’enferme dans la dichotomie absence de soi/toute-puissance sub-jective14. À cela, Esquirol oppose le caractère central de la passion dans

8. ESQUIROL, 1805, 31- 32 : « Si les rapports des passions avec l’aliénation se multiplient à mesure que l’on approfondit l’étude pratique de cette maladie ; si les passions jouent un si grand rôle, soit qu’elles provoquent, soit qu’elles accompagnent l’aliénation mentale, comment a-t-on négligé jusqu’ici de faire concourir les passions au traitement de celle-là ? ». Voir aussi les pages 78-80, où le fait qu’il s’agit d’un soutient théorique du traitement moral est très clair.

9. Ceci montre que la transformation de l’anthropologie de la folie ne signe pas la disparition du modèle du délire. Les aliénistes répètent souvent qu’il existe un délire des affects, caractérisant les aliénations de nature passionnelle, comme un délire des sensations (les hallucinations) et des instincts. Ainsi l’article que Georget consacre à la folie en 1836 indique-t-il que cette présence continuée du délire est comme un paradigme de la folie. Georget qualifie en effet toutes les alié-nations de « délire », bien qu’il applique le terme tant aux perturbations cognitives qu’à celles des affects et de la volonté. GEORGET, 1836a, article « Folie », ADELON, BÉCLARD, BÉRARD et al. (ed.), Dictionnaire de médecine ou répertoire des sciences médicales considérées sous le rapport théorique et pratique, seconde édition, vol. 13, Paris : Béchet jeune, 251-360. Les aliénistes parlent aussi du

« délire des sensations », comme en témoigne le texte éponyme de Michéa, qui marque cette présence continuée de la référence au délire. MICHÉA, C.-F, 1851, Du délire des sensations, Paris : Labé, Paris.

10. Il n’y a pas d’hommes sans passions, et les passions sont les marques de la nature de l’homme.

11. ANONYME, 1765, article « passion (Med. Hyg. Path. Ther.) », Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Volume 12, Neufchâtel : Samuel Faulche and Cie, 149-150.

12. ESQUIROL, 1805.

13. PIGEAUD, 2004, 140.

14. « L’étude de l’aliénation mentale a été si négligée jusques à nos jours, qu’on ne s’est pas enco-re avisé de la enco-regarder comme un objet de médecine clinique. On s’est arrêté aux symptômes les plus saillans [sic], aux désordres des facultés intellectuelles ; on n’a vu que cela, et chacun s’est

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l’aliénation15. Son discours systématise une série de relations et d’échanges com-plexes et multiples, déjà présentes chez Pinel16, entre passions et maladie, ce qui apparaît clairement dans les tableaux statistiques17. Ces derniers établissent la corrélation des deux termes, et autorisent ainsi Esquirol à poser une relation, non seulement analogique, mais aussi génétique entre les différentes passions et les différentes formes de folie, ce qui appelle une interrogation sur leur critère de distinction. L’affirmation d’une relation causale entre passions et aliénations n’est pas nouvelle ; on la trouve dans la médecine classique, où les « fortes affections de l’âme », par les effets et les ébranlements qu’elles provoquent sur l’« économie animale », sont causes de maladies18. L’originalité réside, premièrement, dans le déplacement, décrit plus haut, de l’anthropologie et de l’épistémologie de la folie, et, deuxièmement, dans la recherche subséquente et raisonnée de la mise en rela-tion systématique des passions et de la folie sur tous les axes de cette dernière19. Si Esquirol met ainsi en regard les diverses aliénations et leurs différents fac-teurs causals (âge, sexe, tempérament), les statistiques présentent surtout le pas-sage du constat d’une coïncidence à l’affirmation d’une relation étiologique entre espèces de folie et types de causes, regroupées sous les deux chefs de « causes phy-siques » et « causes morales ». Il ne faut cependant pas se méprendre sur cette op-position : car les « causes morales » mettent en jeu une relation au corps20.

Ces statistiques étiologiques amènent alors Esquirol à une énoncer une thèse conséquente, en décrochage avec la précédente, qui articule la nosographie et le tableau classique des passions : les différentes espèces de folie trouvent leur ori-gine et leur type dans les différents affects :

épuisé en recherches sur le délire ». ESQUIROL, 1805, 5. Il renvoie alors dos à dos métaphysi-ciens, moralistes, et anatomopathologistes, dont aucun ne peut penser les désordres intrasubjec-tifs, en leur opposant la nécessité d’une clinique.

15. « En poursuivant l’étude des passions, nous le verrons en rapport constant avec l’aliénation », idem, 14.

16. Esquirol cite aussi Crichton. Ibidem, 20. CRICHTON, Alexander, 1798, An inquiry into the nature and origin of mental derangement, comprehending a concisesystem of the physiology and pathology of the human mind and a history of the passions and their effects, Volume 2 « on the passions and their effects », London : Cadell Jr and Davies.

17. Tableaux que le futur maître de Charenton publiera par la suite régulièrement dans les Anna-les d’hygiène publique et de médecine légale.

18. ANONYME, 1765, article « passion (Med. Hyg. Path. Ther.) », Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Volume 12, Neufchâtel : Samuel Faulche and Cie, 149-150.

19. Comme en témoigne le titre du mémoire d’Esquirol.

20. ESQUIROL, 1805, 21-22.

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« Non seulement les passions sont la cause la plus commune de l’aliénation, mais elles ont avec cette maladie et ses variétés des rapports de ressemblance bien frappants. Tou-tes les espèces d’aliénation ont leur analogie, et pour ainsi dire, leur type primitif dans le caractère de chaque passion. Celui qui a dit que la fureur est un accès de colère pro-longé, aurait pu dire avec la même justesse, que la manie érotique est l’amour porté à l’excès ; la mélancolie religieuse, le zèle ou la crainte de la religion poussé au delà des bornes ; la mélancolie avec penchant au suicide, un accès de désespoir prolongé. On peut en dire autant des autres passions, qui ressemblent toutes plus ou moins à une es-pèce d’aliénation21. »

La thèse d’Esquirol construit cinq relations complexes entre passion et ma-ladie mentale : la causalité, l’analogie des expressions phénoménales – elles se ressemblent et sont même parallèles22 dans leurs manifestations visibles23 – la correspondance nosographique – les espèces se correspondent –, une continuité génétique doublement suggérée, à travers l’idée d’un « type primitif » et d’une transformation quantitativement fondée, auxquelles s’ajoutent, plus loin dans le texte, une relation symptomatologique, la perversion des affections morales étant signe de l’aliénation24. On passe ainsi de l’affirmation étiologique, qui vient déjà interpréter ce qui ne se donne empiriquement que comme coexistence statisti-quement mesurable, à une thèse engageant la classification. Ici, comme ailleurs, c’est la symptomatologie qui joue le rôle d’échangeur entre manifestations phé-noménales et définition des différentes espèces. C’est en ce point qu’émerge la difficulté d’établir une limite entre les passions et l’aliénation, ce qui se traduit rétroactivement par un écrasement de la ressemblance sur l’identité possible de leurs expressions. Si l’excès de passion peut être basculement dans la folie, com-ment peut-on différencier les symptômes de la dernière des bruyantes manifesta-tions de la première ?

Cette thèse complexe repose en réalité sur un élément bien précis : c’est l’excès de la passion qui fonde à la fois son statut étiologique – ce sont les colères démesurées, les immenses chagrins, les grands amours qui rendent fous –, sa ressemblance symptomatique avec la folie, la correspondance de leurs espèces, et l’engendrement possible de la maladie à partir des affects.

21. Idem, 21.

22. Passage de la ressemblance à l’analogie.

23. Ainsi les tableaux physionomiques, vivants et pathétiques, que livre Esquirol dans les pages 21 à 26, qui s’inspirent explicitement de la physiognomonie de Lavater. Idem, 27.

24. « Un symptôme qui accompagne toutes les aliénations, qui n’a pas échappé au professeur Pinel, qui en annonce un très-grand nombre, c’est l’altération des affections morales en plus ou en moins », ibidem, 29.

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« L’aliénation et toutes ses variétés ne sont-elles pas des passions portées à l’extrême25 ? »

Pour le dire autrement, c’est la quantité des passions qui soutient cette mise en relation quadruple, et c’est la possibilité de leur excès qui fonde la continuité mais aussi le risque de la disparition de la limite entre normal et pathologique. Le problème de définition des limites se mue alors en question d’assignation des seuils pathologiques, établissant une relation fort problématique entre la distinc-tion qualitative du normal et du pathologique et sa concepdistinc-tion quantitative26. Ce n’est pas dans le thème, classique27, d’un excès de passion menant à la maladie qu’Esquirol est original, mais dans l’affirmation de cette continuité des types que vient fonder l’excès, et dans sa redéfinition de la folie. Que l’excès passionnel mène à la folie ne pose en effet de difficulté diagnostique que dans la mesure où les autres signes – notamment le délire – sont relégués à la périphérie, perdant alors leur valeur de critères pathologiques. Se croisent ainsi deux difficultés : celle du partage entre les malades et les passionnés, et celle de la lecture diachro-nique du franchissement du seuil pathologique qui fait d’un long désespoir une mélancolie, d’un amour ardent une folie érotique, d’une exubérante joie une ma-nie, d’une violente colère une fureur.

Mais Esquirol va plus loin, en ajoutant une conception des degrés psychologi-ques28 :

« Ainsi, de la situation la plus calme, de l’homme qui sait le moins maîtriser ses pas-sions, ses déterminations, on s’élève par des nuances insensibles à la passion la plus im-pétueuse, aux déterminations les plus violentes, pour arriver à la manie la plus furieuse, ou à la mélancolie la plus profonde29. »

25. Ibidem, 82.

26. « Est-il seulement possible de repérer quelque part une coupure ou de localiser une frontière entre des états qui ne se distinguent au fond que par leur intensité ou leur durée ? » GAUCHET, SWAIN, 362.

27. Ce thème traverse la plus grande partie de l’article déjà cité, « passion », en pathologie de l’Encyclopédie.

28. Proche de celle que proposera en 1835 James Cowles Prichard, analysée infra.

29. ESQUIROL, 1805, 26.

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La perception de la différence entre le normal est le pathologique est ici in-déniablement quantitative30. Cette psychologie des degrés implique alors deux conséquences.

Premièrement, elle exige de manière urgente le redéploiement d’un ensemble de critères pathologiques nécessairement extérieurs aux manifestations passion-nelles visibles. Il y a, en effet, recouvrement visible des états affectifs extrêmes et des manifestations de la maladie mentale, évidente lorsqu’Esquirol décrit les phy-sionomies des aliénés, aux faciès agités de mouvements et porteurs d’expressions qui sont celles-là mêmes des passions. Il devient ainsi difficile de trouver les marques différenciant la colère de cette fureur tant redoutée dans les asiles31 et de distinguer les soupirs de l’amoureuse et de ceux de la nymphomane. La confusion ne touche ainsi pas seulement les actes, dont on ne sait s’ils sont issus des vices ou de l’aliénation ; sur le corps, les signes sont devenus muets, exigeant une en-quête supplémentaire pour la résolution de la question pathologique. Esquirol ne les décrit nullement dans ce texte, si ce n’est, comme en passant, une référence au caractère héréditaire de la folie32, qui exige une enquête sur les antécédents dont on a déjà dit qu’elle deviendra par la suite systématique. Peut-il en être autre-ment, dans la mesure où conjurer les indistinctions, afin d’effectuer les partages, se pose comme une nécessité33 ? On peut toujours critiquer ce mouvement de la psychiatrie qui, tout au long du siècle, et après, ira chercher ses clés de plus en plus loin – dans l’histoire individuelle et familiale –, mais aussi de plus en plus profondément – au cœur des organes, au fond de l’âme et de la personnalité –, jusqu’à affirmer, pour reprendre les termes exacts de Krafft-Ebing, que le dia-gnostic différentiel entre perversité et perversion suppose une clinique exhausti-ve de l’individu. Mais, dans la mesure où la psychiatrie signe son acte de naissan-ce par une intégration de la dimension affective au cœur de la folie, le problème ne cessera de se poser et d’appeler une réponse urgente, soutenant une dialecti-que de la théorie et de la pratidialecti-que où tout approfondissement nouveau du savoir du sujet exige la recherche redoublée des points de différence entre la santé et la maladie.

30. Elle est à mettre en relation, selon Gauchet et Swain, avec l’affirmation de 1816 dans le Dic-tionnaire des Sciences Médicales, déjà citée, qui propose une méthode pathologique permettant l’analyse du fonctionnement normal à partir des maladies mentales. ESQUIROL, 1816.

31. ESQUIROL, 1805, 21-22.

32. Idem, 28-29.

33. Thérapeutique, médico-légale notamment.

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Deuxièmement, la psychologie des degrés ouvre en droit la possibilité d’une psychiatrisation maximale des passions, permettant l’indexation indéfinie de phénomènes auparavant infrapathologiques. Le déplacement possible du seuil de la maladie coïncide alors avec une transformation du seuil de visibilité clinique, permettant la constitution de nouveaux phénomènes en signes morbides. Mais, ici aussi, la proposition s’inverse : sans adjonction d’éléments supplémentaires, ce seuil, au contraire de s’abaisser, risque de s’élever, voire de disparaître, privant la psychiatrie de ses nouveaux objets faute d’en livrer un critère de définition soli-de.

La difficulté sera soulignée par les successeurs d’Esquirol34 qui lui reproche-ront cette épistémologie de la relation entre passions et folie. Comme l’ont bien souligné Gauchet et Swain, l’aliéniste lui-même cherche à éviter la disparition de la spécificité pathologique en nuançant ses propos, préférant revenir, dans le tex-te et les analyses de cas, à l’affirmation plus prudentex-te d’une analogie qui n’est ja-mais identité. Il maintiendra pourtant les conclusions de son premier mémoire, dans l’article « folie » de 181635 où les affirmations de 1805 seront reprises pres-que mot pour mot, ainsi pres-que dans le grand traité de 183836. La thèse est posée, de même que le problème inhérent au fait de réintégrer la folie au sein de la subjec-tivité, car cet acte suppose une psychiatrisation des passions qui implique néces-sairement ce risque de confusion37. Si la perversion des passions, et non la perte de la raison, caractérise essentiellement l’aliénation, le risque de l’indiscernabilité phénoménale est inévitable.

Toutefois, la doctrine des monomanies semble, au premier abord, confiner la difficulté d’un partage entre excès passionnels et maladie mentale. Tout d’abord, elle reconnaît la nature spécifiquement intellectuelle de certains troubles, décrits

34. Elle sera critiquée par Falret dans son entreprise de démembrement des catégories esquiro-liennes en 1854. FALRET, Jean-Pierre, 1854, « De la non-existence de la monomanie », Archives générales de médecine, série 5, 4, 147-164.

35. ESQUIROL, 1816.

36. « Celui qui a dit que la fureur est un accès de colère prolongé, aurait pu dire que l’érotomanie est l’amour porté à l’excès ; que la lypémanie religieuse est le zèle ou la crainte de la religion poussé au-delà des bornes ; que le suicide est un accès de désespoir, etc. Ainsi, de la situation la plus calme, on s’élève, par des nuances insensibles, à la passion la plus violente, jusqu’à la manie la plus furieuse ou la mélancolie la plus profonde ; car presque toutes les folies ont leur type pri-mitif dans quelque passion ». ESQUIROL, 1838, vol. 1, tome 1, 14.

37. « Là est l’article majeur sur lequel il ne saurait être question de reculer, en dépit des objec-tions auxquelles il n’expose que trop visiblement – non pas forcément parce qu’il s’impose irré-médiablement comme vrai, mais plus probablement parce qu’il n’est aucun autre moyen en vue de satisfaire à l’exigence, elle, par contre, impérative, d’inclusion de la folie dans l’humain », GAUCHET, SWAIN, 1980, 364.

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comme perversion de l’entendement, conservant ainsi le délire-déraison comme caractère principal d’une série de maladies mentales dont le diagnostic semble alors irrécusable. Ensuite, le modèle du délire est conservé, même pour les mo-nomanies dites raisonnantes, affectives ou instinctives, par deux moyens. La

comme perversion de l’entendement, conservant ainsi le délire-déraison comme caractère principal d’une série de maladies mentales dont le diagnostic semble alors irrécusable. Ensuite, le modèle du délire est conservé, même pour les mo-nomanies dites raisonnantes, affectives ou instinctives, par deux moyens. La

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