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Rappel des énoncés

Dans le document tel-00780176, version 1 - 23 Jan 2013 (Page 48-59)

Une distinction cardinale

La célèbre Psychopathia Sexualis de Krafft-Ebing est, à juste titre, considérée-comme une « somme » de la psychopathologie de la sexualité des trois dernières décennies du XIXe siècle10 - en témoignent ses dix-sept éditions entre 188611 et 192412. Cette étude clinique présente les observations et conclusions de Krafft-Ebing, mais aussi des reprises, des synthèses des conceptions et problématisa-tions existantes sur le sujet. Le psychiatre autrichien maîtrisait en effet l’ensemble de la littérature psychiatrique et anthropologique du XIXe siècle sur les déviations sexuelles13. Dès lors, la présence et la place de certaines conceptua-lisations que l’élève de Griesinger reprend à ses prédécesseurs indique leur statut épistémologique essentiel. Dans les généralités qui ouvrent la section d’études cliniques sur les « paresthésies du sens sexuel14 », Richard von Krafft-Ebing pose ainsi une différence capitale entre perversité morale et perversion sexuelle patho-logique :

« La perversion de l’instinct sexuel […] ne doit pas être confondue avec la perversité des actes sexuels. Celle-ci peut se produire sans être provoquée par des causes psycho-pathologiques. L’acte pervers concret, quelque monstrueux qu’il soit, n’est pas une

10. Ce texte est toutefois loin de se limiter à un enregistrement des conceptions et observations existantes et présente, au contraire, un nombre important d’observations et de conceptions nou-velles comme a pu le soutenir Harry Oosterhuis dans un travail récent devenu une référence.

OOSTERHUIS, Harry, 2000, Stepchildren of nature. Krafft-Ebing, Psychiatry and the Making of Sexual Identity, Chicago and London : University of Chicago Press.

11. KRAFFT-EBING, Richard (von), 1886, Psychopathia Sexualis. Eine klinisch-forensiche Studie, Stuttgart : Ferdinand Enke, . Cette première édition, avec ses 110 pages, fait figure de petit opus-cule face aux 595 pages de la huitième édition de 1895, dont la particularité et l’importance rési-dent dans son statut de première traduction française. Précisons que la réception de Krafft-Ebing en France précède cette traduction.

12. Krafft-Ebing meurt en 1902, ce qui ne signe pas l’arrêt des éditions augmentées de la Psycho-pathia Sexualis, sous la houlette de Gulgl et Stilch, Rebman, Fuchs puis Albert Moll. Voir, OOSTERHUIS, Harry, 2000, 289-295, pour une bibliographie chronologique exhaustive des travaux de Krafft-Ebing.

13. L’ensemble des citations de la Psychopathia Sexualis, où les textes français figurent en très bonne place, en témoigne.

14. Krafft-Ebing emploie cette expression pour qualifier les perversions sexuelles. KRAFFT-EBING, 1895, Psychopathia Sexualis, avec recherches spéciales sur l’inversion sexuelle, trad.de la hui-tième édition allemande par Émile Laurent et Sigismond Csapo, Paris : Carré, 77.

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preuve. Pour distinguer entre maladie (perversion) et vice (perversité), il faut remonter à l’examen complet de l’individu et du mobile de ses actes pervers. Voilà la clef du dia-gnostic15 ».

Cette affirmation est présente dès la première édition de la Psychopathia Sexualis en 188616, et elle y sera conservée dans toutes ses diverses éditions jus-qu’en 1924. Il ne s’agit pas simplement d’une différence affirmée entre deux phé-nomènes, mais bien d’une dichotomie : perversion et perversité s’excluent mutuel-lement. Si cette disjonction est cardinale, c’est qu’elle a vocation à définir la perversion sexuelle, et de circonscrire l’espace de la maladie mentale, c’est-à-dire à isoler les objets de la psychiatrie.

Une telle volonté de définition n’est guère surprenante en ouverture d’une section importante d’un traité de psychopathologie. Néanmoins, les propos de Krafft-Ebing sont étonnants. Toute injonction à bien discriminer suppose en effet que l’on risque de s’y laisser prendre, et il faut qu’immoralité et maladie soient bien proches pour que l’on puisse se tromper. Quelle est donc la difficulté qui exige, comme préalable à toute clinique des perversions17, cette mise en gar-de à l’encontre gar-des confusions possibles, et, comme condition gar-de tout diagnostic, un examen psychologique exhaustif ? Krafft-Ebing ne se contente pas, en effet, de poser la nécessité d’un diagnostic différentiel, mais il fait reposer ce dernier sur une observation complète et poussée de l’individu. C’est dire combien la tâche est ardue, et combien les ressemblances entre vice et maladie peuvent être gran-des. Pourtant, il conserve implicite la raison de cette proximité, ne mentionnant sommairement qu’une chose, et elle est essentielle : l’acte, même à son extrême, ne constitue jamais un critère de la perversion sexuelle – autant dire que l’on ne reconnaît pas un pervers à ses actes. En d’autres termes, si perversion il y a, cette dernière ne saurait être diagnostiquée sur le fondement de critères purements comporte-mentaux. Ce qui implique que la perversion ressemble, de l’extérieur et du point de vue comportemental, à la déviance, mais qu’elle n’est autre chose qu’une sim-ple déviance.

15. Ibidem, 78.

16. « Perversion des Geschechttriebs ist, wie sich unten ergeben wird, nicht zu verwechseln mit Perversität geschlechtlichen Handelns, denn dieses kann Auch durch nicht psychopathologische Bedingungen hervorgerufen sein. Die concrete perverse Handlung, so monströs sie Auch sein mag, ist nicht entscheidend. Um zwischen Krankheit (Perversion) une Laster (Perversität) un-terscheiden zu können, mus sauf die Gesammtpersönlichkeit des handelnden und auf die Tri-bliegt der Schlüssel der Diagnostik », KRAFFT-EBING, 1886, 35.

17. C’est bien la place textuelle de cette définition : un préalable à l’exposé de toutes les observa-tions cliniques et de leurs conclusions.

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Il faut alors déduire de l’affirmation implicite selon laquelle les « actes sexuels pervertis » peuvent avoir différentes origines18, que la perversion sexuelle se dis-tingue difficilement du vice parce que les actes dont elle est la cause, et qui en sont les symptômes, sont indiscernables des expressions de l’immoralité. Ils ne peuvent pour cette raison constituer un critère pathologique. Cette similitude des expressions respectives de la perversion pathologique et de la perversité emporte le risque d’une identification que seul l’examen complet du sujet peut conjurer en répondant à la question étiologique. L’ambigüité de la forme adjectivale

« pervers19 », qui peut signifier tant la perversité que la perversion du sujet, et dont Laplanche et Pontalis noteront encore l’équivoque en 196720, coiffe alors une difficulté médicale ancienne qui affecte tant le diagnostic que la clinique.

Cette définition différentielle de la perversion n’est toutefois pas seulement la réponse à une question théorique de psychologie pathologique. Il s’agit d’une mise en garde préalable à tout exposé clinique sur les perversions, car il en va, de manière urgente, d’un triple problème pratique clairement exprimé par Krafft-Ebing : à la question clinique et diagnostique s’articulent un problème médico-légal et une difficulté sociale, tous trois mentionnés sous l’angle de leur

« importance ».

« Les actes sexuels pervertis que la paresthésie provoque sont très importants au point de vue clinique, social, et médico-légal. Aussi est-il indispensable de les traiter ici à fond et de vaincre à cet effet tout le dégoût esthétique et moral qu’ils nous inspirent21 ».

18. Noter l’expression « Les actes sexuels pervertis que la paresthésie provoque », qui présuppose une diversité possible des causes.

19. Cette ambigüité n’existe pas directement ni au XVIIIe siècle ni dans les usages ordinaires au

XIXe siècle, comme l’atteste la définition du mot « pervers » dans le Dictionnaire de l’Académie française : « pervers, erse : adj. : méchant, dépravé. Un naturel pervers, un homme pervers. Le monde est bien pervers. Avoir des sentimens [sic] pervers. Destinée perverse. Opinion perverse.

Mœurs perverses. Il s’emploie aussi substantivement, mais uniquement au masculin. Dieu châtie-ra les pervers ». ACADÉMIE FRANÇAISE, 1762, article « pervers », dans Dictionnaire de l’Académie Française, vol.2, Paris : Veuve Brunet, 357. Au XIXe siècle le « pervers » l’est encore univoquement par perversité ; c’est un méchant, un mauvais, qui fait et désire le mal. Voir ACADÉMIE FRANÇAISE, 1878, article « pervers », Dictionnaire de l’Académie Française, tome 2, Paris : Firmin-Didot. La définition est identique à celle de 1762, mais aussi à celle du Larousse, qui ne donne que « méchant, dépravé ». LAROUSSE, Pierre, 1879, article « perversion », Nou-veau dictionnaire de la langue française, Paris : Boyer, 468. Le recouvrement partiel entre les concepts de perversité et de perversion (sexuelle y compris), dont atteste l’ambiguïté de la séman-tique et de l’usage du terme « pervers », est le résultat d’une histoire dont nous allons faire le récit.

20. Laplanche et Pontalis soulignent qu’à l’adjectif « pervers » peuvent correspondre de manière indécidable les deux substantifs, « perversité » et « perversion » LAPLANCHE, Jean et PONTALIS, Jean-Bertrand, 2004 (1967), Vocabulaire de la psychanalyse, Paris : PUF, 2004, 309.

21. KRAFFT-EBING, 1895, 78.

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La suite de l’ouvrage nous renseigne sur la nature de ces « actes sexuels per-vertis » : les attentats aux mœurs, les crimes sexuels, mais aussi les pratiques pri-vées22. Elle nous éclaire alors à propos de cette « importance », à la fois sur le plan quantitatif et sur celui de ses implications, sur ces « points de vue » qu’ils enga-gent, et sur l’urgence pratique de distinguer la perversité morale de la perversion sexuelle afin d’exorciser le recouvrement du vice et de la maladie.

Le premier impératif est d’ordre diagnostique : la tâche du psychiatre suppo-se de définir ce qui relève de son intervention en laissant le prêtre ou le moraliste tenter de remettre dans le droit chemin les brebis débauchées. Cette première injonction se voit toutefois supplantée par une seconde, qui ne s’inscrit plus dans la sphère morale mais dans le cadre judiciaire : distinguer le crime de la patholo-gie mentale, le délinquant ou le criminel du pervers. Impérieuse nécessité : il faut bien punir, et, pour ce faire, départager le malade du criminel responsable, afin d’éviter de pénaliser les fous et de faire des authentiques criminels sexuels vi-cieux des irresponsables ; lourde tâche, puisque les actes sexuels incriminés sont muets sur leur causalité, et phénoménalement indiscernables. L’illégalisme sexuel – exhibition, viol avec violence, crime de sexe et de sang – peut être l’effet tant du vice que de la maladie. Tout l’immense cortège des attentats aux mœurs et des actes sexuels illégaux, appelle donc le travail du psychiatre dans sa fonc-tion d’expertise médico-légale qui en fait l’auxiliaire du magistrat dans l’art des peines23.

Ainsi, si indiquer la limite du normal et du pathologique appartient à l’épistémologie et à la pratique de toute médecine, la recherche d’une différence phénoménalement fragile entre perversion et perversité ne relève pas seulement de la psychopathologie, mais aussi de l’ordre des nécessités judiciaires. Cette dis-jonction repose alors sur l’imputation des responsabilités : les actes dont le cri-minel est la cause sont volontaires, tandis qu’ils échappent, au moins dans une certaine mesure24, au pouvoir du sujet lorsqu’ils ont pour origine la pathologie, le

22. Richard von Krafft-Ebing recevait en effet dans son cabinet, tout comme il recevait très régu-lièrement des lettres de « confessions psychosexuelles » de la part d’individus aux motivations diverses et variées. OOSTERHUIS, 2000.

23. Rappelons à ce titre que Richard von Krafft-Ebing fut un des plus éminents experts germani-ques dans les trois dernières décennies du XIXe siècle.

24. Précision essentielle s’il en est, tant la question des degrés de responsabilité a compté dans l’histoire de la perversion.

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rendant irresponsable. Charles Lasègue25 le formule en 1875, de manière trans-parente :

« Mesurer la sanité [sic] intellectuelle d’un homme d’après un seul de ses actes est un problème toujours délicat et souvent insoluble. Le médecin expert doit, en principe, fai-re abstraction du fait et chercher ses éléments de décision dans l’examen difai-rect fait du prévenu. S’il est démontré qu’il existe une perversion pathologique, le crime ou le délit, quel qu’il soit, cesse d’être le résultat d’une libre délibération, et la responsabilité passe du malade à la maladie26 »

Un des problèmes fondamentaux posé par la perversion pathologique engage ainsi cet « axe du volontaire et de l’involontaire27 », dont Michel Foucault a montré l’importance dans la problématisation et l’objectivation psychiatrique des perver-sions28.

La distinction entre perversité et perversion n’est donc pas uniquement une différence psychologique essentielle, mais appartient aussi à l’ensemble des exi-gences pratiques auxquelles le médecin psychiatre est confronté dans son exerci-ce ordinaire : diagnostiquer la maladie, départager le malade mental irresponsa-ble du criminel vicieux et responsairresponsa-ble. Tracer des limites, établir des partages, conjurer les identités : tel est le problème cardinal qui irradie du centre de la per-version sexuelle. De sa résolution dépend tant la définition, que l’identification pratique de la perversion, par la conceptualisation des différences et l’assignation des procédures de distribution concrètes des sujets.

Toutefois, la nécessité d’un partage entre perversion et perversité n’engage pas seulement les procédures empiriques et institutionnelles dans la pratique, mais aussi la définition des objets et la constitution des sujets de connaissance : aux injonctions pratiques de la médecine légale se superpose la nécessité épisté-mologique d’un partage des objets que suppose la définition d’un champ discipli-naire. En effet, la distinction entre perversité et perversion est la condition de possibilité d’objectivation de la perversion sexuelle comme entité pathologique.

Elle est ce qui rend pensable et possible une psychopathologie de la sexualité,

25. Chargé avec les docteurs Blanche et Bergeron de l’expertise dans un cas d’homicide en 1875.

26. BLANCHE, Émile, BERGERON, LASÈGUE, Charles, 1875, « Du délire par accès, avec impulsion homicide (affaire Thouviot) », Archives générales de médecine, série 6, 25, Paris : Asselin, 5-22. La citation est tirée de la page 14. Ce texte est reproduit dans LASÈGUE, 1884, Études médicales du professeur Lasègue, 2 volumes, Paris : Asselin, vol. 1, 642-676 (la citation apparaît aux pages 651-652).

27. Voir chapitre 5.

28. FOUCAULT, 1999.

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sans quoi rien ne permettrait de distinguer la tâche et l’objet du médecin de ceux du moraliste et du magistrat. Tous trois ne s’occupent-ils pas des déviances sexuelles ? En prenant ces dernières pour objet, la psychopathologie ne peut que rencontrer, sur ce terrain, des concurrents. L’indétermination phénoménale qui affecte l’objet « perversion » met alors en lumière un élément essentiel : ce sont des conditions externes au champ médical qui le rendent premièrement visible, comme écarts aux normes, avant l’objectivation psychiatrique. Les partages sont nécessaires : ce sont des procédures de « découpage », pourrait-on dire, si la mé-fiance n’était pas de mise envers les métaphores spatialisantes et mécanistes, sur des domaines d’objets déjà constitués par la morale, la société, la loi. La dynami-que d’objectivation de la perversion sexuelle doit ainsi être ressaisie dans le mouvement général de fondation et de développement d’un savoir de la subjecti-vité dont le projet, porté par la psychiatrie, suppose une émancipation de ces au-tres champs29.

Mais cela signifie que la dichotomie entre perversion pathologique et perver-sité morale engage une interrogation sur les normes, d’abord sous la forme du partage entre normal et pathologique. Clamer la différence de la perversion-maladie d’avec la perversité morale revient à affirmer que le vice est normalité du point de vue du médecin. Désordre social, cause de déviance délinquante ou cri-minelle, la perversité morale n’en reste pas moins non pathologique. Ce contraste entre la perversion sexuelle et le vice désigne alors implicitement la coexistence de normes sexuelles différentes, voire divergentes : a minima celle d’une norme médicale, d’une norme morale et d’une norme juridique. La psychopathologie de la sexualité, dans sa genèse comme son expression achevée, ne peut donc sim-plement être une appropriation et une reprise médicale des normes morales anté-rieures qu’elle viendrait renforcer par un discours positiviste, répondant alors parfaitement à une certaine définition de l’idéologie. À côté, et en parallèle de la perversion-pathologie, doit subsister, au moins par principe30, l’univers autonomie de la débauche sexuelle et du crime, ordre sexuel déviant bien distinct dont la psychiatrie doit différencier ses objets propres.

Ainsi, la perversion sexuelle se définit et se diagnostique de manière différen-tielle, dans une tentative de conjurer une trop forte proximité avec son autre, la

29. GAUCHET, Marcel, SWAIN, Gladys, 1980, La pratique de l’esprit humain. L’institution asilaire et la révolution démocratique, Paris : Gallimard, 352.

30. C’est encore le cas au cœur de la période faste de la psychopathologie de la sexualité, dans les années 1870-1910.

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perversité morale. Elle enferme dans son concept même un problème de limites et de partage qui en appelle, pour sa résolution, à une étiologie. Cette dernière s’absorbe dans une psychologie de l’individu, qui seule peut venir dissiper l’indiscernabilité des actes pervers, muets en eux-mêmes sur leur origine. Ce premier partage en appelle d’autres qui s’y articulent : entre vice et maladie, normal et pathologique, maladie mentale et criminalité31. À l’horizon de ces dis-jonctions, ce sont les relations de la perversion sexuelle et du mal qui sont pro-blématisées ; car la perversité, au XIXe siècle, est le mal dans toute la splendeur de son expression, la malignité et la méchanceté à leur plus haut point32.

Toutefois, si le fait d’éloigner la perversion sexuelle pathologique de son au-tre moral semble relever, chez Krafft-Ebing, d’une posture d’équilibriste appelant en réponse un effort constant, cette fragilité ne trouve pourtant pas son origine dans le développement de la grande clinique des perversions à partir des années 1870. Elle est clairement énoncée dès les années 1830 sous la plume des aliénis-tes.

Un problème ancien

En 1860, l’aliéniste Alexandre Brierre de Boismont consacre, dans les Anna-les d’hygiène publique et de médecine légale, une étude importante33 à la perversion

31. Un bref coup d’œil sur les textes des contemporains de la Psychopathia Sexualis montre que le souci est partagé. En 1898 Morton Henry Prince, généralement plus connu pour son travail sur la dissociation de personnalité, pose ainsi explicitement la question du critère de distinction entre vice et perversion : PRINCE, Morton Henry, 1898a, « Sexual perversion or vice ? A pathological and therapeutic inquiry », The Journal of Nervous and Mental Disease, 25 (4), 1898, 237-256 ; on trouve un texte semblable dans PRINCE, 1898b, « Sexual Psychoses : Sexual perversion ; contrary sexual instinct ; sadism ; masochism ; fetichism », dans LOOMIS, Alfred Lee et THOMPSON, William Gilman (éd.), 1898, System of Practical médicine by American Authors, volume IV, Diseases of the nervous system etc., London : Benty Kimpton. La difficulté est persistante, puis-qu’en 1919 elle fait encore l’objet d’un travail de R. Benon dans les Annales d’hygiène publique et de médecine-légale, qui met au centre de ses réflexions la distinction entre perversité et perversion dans une perspective médico-légale et judiciaire, soulignant les fréquentes confusions et la néces-sité d’une discrimination. BENON, R., 1919, « Perversions instinctives et pervernéces-sité : responsabi-lité pratique. Psychiatrie et déformation des mots : perversité (inclinaisons perverses) et perver-sions instinctives (inclinaisons perceptives). Observation type de tendances médicales actuelles, confuses et fâcheuses au point de vue social. Conséquence : atténuation ou abolition de la respon-sabilité pour perversité. La responrespon-sabilité en fait et la responrespon-sabilité en droit », Annales d’hygiène publique et de médecine légale, série 4, 32, 281-287.

32. « Perversité s.f. État de ce qui est pervers ». « Pervers, erse : adj. Dont l’âme est tournée vers le mal. À ces mots l’animal pervers (C’est le serpent que je veux dire, Et non l’homme: on pour-rait aisément s’y tromper), LA FONTAINE Fabl. X, 2 ». LITTRÉ, Émile, 1874, article

« perversité », Dictionnaire de la Langue Française, Paris : Hachette, vol.3, 1080.

33. BRIERRE DE BOISMONT, Alexandre, 1860, « Études médico-légales sur la perversion des facultés morales et affectives dans la période prodromique de la paralysie générale », Annales

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des facultés dans la « paralysie générale », décrite par Bayle dès 182234. La

des facultés dans la « paralysie générale », décrite par Bayle dès 182234. La

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