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La folie morale

Dans le document tel-00780176, version 1 - 23 Jan 2013 (Page 176-196)

Folie morale et monomanies

L’histoire de la folie morale est bien étudiée, car elle se confond en partie avec celle des psychopathies et de la criminologie93. L’expression « folie morale » est la traduction française de « moral insanity », à laquelle James Cowles Prichard consacre un grand traité en 1835, le Treatise on insanity and others disorders affec-ting the mind94. Ce texte est essentiel dans l’histoire du concept de perversion sexuelle. Premièrement, il définit une articulation entre folie, passion et vice plus forte que celle permise par les doctrines aliénistes, et, par conséquent, plus pro-blématique car elle renforce le système d’échange entre désordres sociaux, mo-raux, et pathologies mentales. À ce titre, elle est la première figure psychiatrique explicite d’une médecine des anormalités, états intermédiaires entre santé et

93. Pour la criminologie : voir notamment COFFIN, Jean-Christophe, 1994, « la “Folie Morale”, figure pathologie et entité miracle des hypothèses pychiatriques au XIXe siècle », dans MUCCHIELLI, Laurent (ed.), 1994, Histoire de la criminologie française, Paris : L’Harmattan, 89-106 et RAFTER, Nicole, 2004, « The unrepentant horse-slasher : Moral insanity and the origins of criminological thought », Criminology, 42 (4), 979-1008. Les textes sur la psychopathie et la folie morale se divisent quant à eux en deux groupes ; les premiers, d’inspiration positiviste, met-tent l’accent sur une continuité fondée sur ce qui serait une description historiquement constante des symptômes, négligeant alors la dynamique entre les transformations conceptuelles et celles de la visibilité clinique, ainsi que les différences fines entre la folie morale et les catégories fran-çaises en début de siècle. On retiendra ici Arveiller, J., 2001, « De la folie morale », L’évolution psychiatrique, 66 (4), 614-631. Des historiens se sont élevés au contraire contre cette continuité, ainsi Francis Antony Whitlock : « A careful examination of the cases mentioned by Pinel (1801) and by Prichard should make it abundantly clear that except for the first of the three patients cited by Pinel, there was not the remotest resemblance between their examples and what today would be classed as psychopathic per sonality. Nor does the authors’ general delineations of the disorder conjure up the picture of present-day psychopathy », WHITLOCK F.A, 1982, « A note on moral insanity and psychopathic disorders », Bulletin of the Royal College of Psychiatry, 6, 57-59, 57. Pour Whitlock c’est plutôt le concept de « moral imbecillity », développé dans la seconde moitié du XIXe siècle et intégré en 1913 au Mental Deficiency Act qui constitue « l’ancêtre » du concept de psychopathie (page 59 du même article). German berrios soutient aussi cette thèse, en affirmant que la folie morale a peu à voir avec la psychopathie (« it has little to do with the cur-rent concept of ‘psychopathy’ »). BERRIOS, German E., 1996, The History of Mental Symptoms:

Descriptive Psychopathology Since the Nineteenth Century, Cambridge, New York, Melbourne : Cam-bridge University Press, 103.

94. PRICHARD, James Cowles, 1835, A treatise on insanity and others disorders affecting the mind, New York : Arno Press.

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ladie, mais pourtant paradoxalement pathologiques. Ce codage d’un ensemble de conduites auparavant infra pathologiques concerne notamment les conduites érotiques. Deuxièmement, son épistémologie de la maladie mentale est claire-ment continuiste et débarrassée de la conception d’une partition des facultés pré-sente chez les aliénistes français qui leur permet, vaille que vaille, de maintenir le parti pris théorique d’une distinction qualitative entre normal et pathologique ; elle renforce ainsi le problème du seuil pathologique. Troisièmement, une version transformée de la moral insanity trouvera une place de choix dans la seconde psy-chiatrie, marquée par la théorie de la dégénérescence et une conception totalisan-te de la psychopathologie qui s’oppose frontalement à la doctrine des monoma-nies et du caractère partiel de la folie. C’est ce qui rend compte de l’omniprésence de cette catégorie de folie morale dans la seconde moitié du XIXe siècle, notam-ment dans la psychiatrie criminelle, jusqu’aux premières décennies du

XXe siècle95, mais aussi dans la criminologie, dont elle représente une « entité mi-racle » pour reprendre les termes de Jean-Christophe Coffin96. Du point de vue de la nosographie, les perversions sexuelles lui seront rapportées comme symptô-mes à partir des années 1860.

Si ce concept est diffusé en France à partir de 183597, James Cowles Prichard le développe dès 1833 dans un article encyclopédique98. L’expression « moral insanity », et l’idée que la perversion morale constituent une maladie, ne sont pas nouveaux dans la médecine d’outre-Manche. On la trouve déjà au XVIIIe siècle chez Benjamin Rush, qui décrit une « moral depravity », dont il fait l’hypothèse qu’elle est constitutionnelle et correspond à une lésion spécifique des facultés

95. On ne trouve ainsi pas moins de sept articles dans les Annales médico-psychologiques entre 1901 et 1927 consacrés à la folie morale, soit comme pathologie, soit comme symptôme.

96. COFFIN, 1994.

97. Bien que de manière limitée, jusqu’en 1843 où Benedict Morel lui consacre une étude dans les Annales médico-psychologiques. MOREL, Benedict A., 1843, « Compte rendu des différentes formes d’aliénations en rapport avec la jurisprudence par le Docteur Prichard », Annales médico-psychologiques, série 1, 1, Paris, Masson, 329-337. Mais la chronologie que donne Coffin est inexacte. Le concept de folie morale est bien introduit avant 1843 dans les Annales médico-psychologiques, et ce compte rendu porte sur un ouvrage ultérieur que Prichard fait paraître en 1842, sur la relation entre la moral insanity et les questions médico-légales. PRICHARD, 1842, On the different forms of insanity in relation to jurisprudence, designed for the use of persons concerned dans legal questions regarding unsoundness of mind, London : Baillière. Esquirol prend en effet la peine d’initier en effet en 1838 une discussion avec Prichard à propos de deux points sur lesquels nous reviendrons. Voir ESQUIROL, 1838, vol. 1, 63.

98. PRICHARD, 1833, article « Insanity », dans FORBES, J., TWEEDIE, A., CONOLLY, J.

(ed.), 1833, The cyclopaedia of practical medicine, comprising treatises on the nature and treatment of diseases, materia medica and therapeutics, medical jurisprudence, Sherwood, London : Gilbert and Piper, and Baldwin and Cradock, vol. 2, 10-32 et 847-875. Voir AUGSTEIN, Hannah Franziska, 1996, « J.C. Prichard’concept of Moral Insanity. A medical theory of the corruption of human nature », Medical History, 40, 311-343 :311.

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morales99. Mais, comme le note Hannah Augstein100, cette dépravation morale ne constitue chez ce derniers qu’un effet et un symptôme de la folie, pas une altéra-tion essentielle. Prichard en fait, lui, une classe de maladie, élevant la moral insa-nity au statut nosographique101. Il définit ainsi cette affection :

« Madness consisting in a morbid perversion of the natural feelings, affections, inclina-tions, temper, habits, moral disposiinclina-tions, and natural impulses, without any remarkable disorder or defect of the intellect or knowing and reasoning faculties, and particularly without any insane illusion or hallucination102 »

La folie morale est essentiellement constituée par un trouble des facultés af-fectives qui se donne comme une perversion morale marquée par une perversion des passions. L’identification avec les monomanies affectives esquiroliennes semble alors évidente. Le tableau symptomatologique décrit par Prichard, marqué par l’excentricité des conduites du fou moral, et la perversion diachronique de ses sentiments, habitudes, comportements, et attachements, qui joue comme un cri-tère pathologique intrasubjectif, renforce cette impression. Le geste fondateur est lui aussi le même : contre une conception lockéenne traditionnelle de la folie es-sentiellement due à une erreur intellectuelle103, Prichard104 récuse le paradigme du délire-déraison et le primat des troubles intellectuels, pour affirmer l’existence d’une série pathologique dont l’essence est la perversion affective.

C’est sur le fondement de cette communauté que Prichard rend hommage aux travaux du maître de Charenton105, auquel il dédie une préface déférente dans la

99. Sur cette paternité par Rush du concept, voir ELLIOT, Carl, 1996, The rules of insanity: moral responsibility and the mentally ill offender, New York : Suny Press, 74.

100. Dont les vues, hors de l’article cité, sont exposées dans AUGSTEIN, Hannah Franziska, 1999, James Cowles Prichard’s Anthropology: remaking the science of Man dans early nineteenth-century Britain. Amsterdam : Rodopi.

101. AUGSTEIN, 1996, 314.

102. « Une folie consistant en une perversion morbide des sentiments naturels, affects, inclina-tions, tempérament, habitudes, dispositions morales, et tendances naturelles, sans désordre ou défaut notable de l’intellect ou des facultés de connaissance et de raisonnement, et notamment sans illusion ou hallucination pathologique ». PRICHARD, 1837 (1835), A treatise on insanity and others disorders affecting the mind, seconde édition, Philadelphia : Carey et Hart, 16-17.

103. Idem, 14-15.

104. Dépassant lui-même ses travaux précédents. PRICHARD, 1822, A treatise on diseases of the nervous system : part the first, comprising convulsive and maniacal affections, London : Thomas and George Underwood.

105. Ce qui mène certains historiens à penser, de manière erronée, que la théorie de Prichard relève d’une importation des catégories et problématiques françaises. « [Prichard] was simply importing the views of Pinel and Esquirol », WALKER, Nigel and MCCABE, Sarah, 1973, Crime and insanity in England, 2 volumes, Edinburgh University Press, vol. 2, 208, cités par AUGSTEIN, 1996, 312.

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seconde édition de son traité106. Cela ne doit pourtant pas oblitérer la différence entre la moral insanity et les catégories françaises, différence claire aux yeux du psychiatre anglais comme à ceux d’Esquirol.

Prichard reconnaît à Pinel et à Esquirol d’avoir mis en évidence une forme de folie qui ne présente nul défaut intellectuel. Il accepte donc une communauté de principe, mais souligne que la symptomatologie de la moral insanity est plus large que celle que les Français accordent aux troubles des facultés affectives107. Pinel ouvre, selon lui, un nouveau champ de perception clinique avec la manie sans délire, en décrivant une « perversion des affections et des sentiments moraux exclusi-vement, et sans aucune lésion perceptible des facultés intellectuelles108 », et Prichard met en relation les phénomènes décrits sous le chef de la moral insanity avec ce qu’il nomme chez Pinel l’« emportement maniaque sans délire109 ». Mais cette description spéciale de l’entité pinélienne devrait alerter sur la non-identité de ces deux caté-gories ; en effet, en substituant à la manie sans délire l’« emportement maniaque sans délire », Prichard déplace la correspondance du plan de la nosographie à celui de la description clinique des comportements, manifestant par là son rejet du concept. Mais il se distancie aussi de la symptomatologie du grand aliéniste. Il déplore en effet son choix de cas cliniques qui manifestent des passages à l’acte violents, dans lesquels Prichard ne reconnaît nullement l’ensemble des phéno-mènes de moral insanity110, mais seulement une de ses formes pathologiques par-mi d’autres, marquée par une omniprésence de la colère et des sentiments mau-vais, qui peut aller de l’irascibilité aux crimes, l’individu étant comme possédé par le « démon du mal ». C’est cette classe, limitée, qu’il fait correspondre à la manie sans délire de Pinel, ou manie raisonnante qu’il n’en distingue pas111. Il n’y a

106. « To Monsieur Esquirol […] Dear Sir, Permit me to dedicate to you the result of many years observation and study in resarches to which you have devoted a great part of your life – to express, at the same time, a grateful sense of your personal kindness to me, and to pay that hommage which is due to the most distinguished writer of this age on the subjects which I have endeavoured to instigate. May I thus be allowed to connect with my work a name which will be handed down to posterity as that of one who, by elucidating the causes of the severe of temporal calamities, and the means of its alleviation, has deserved the gratitude of mankind. I remain, Dear Sir, your obliged and faithful servant, J.C. Prichard », PRICHARD, 1837, VII.

107. Idem, 24.

108. Traduction de PRICHARD, 1837, 16.

109. Idem, 22, en français dans le texte.

110. « The examples given by Pinel in illustration of this remark were not fortunately chosen, and they are all of one kind, namely, of that dans which the principle manifestations of insanity were violent fits of anger or rage », ibidem, 16.

111. C’est effectivement une description proche des termes de Pinel. Prichard distingue ainsi, à côté des deux grandes formes de moral insanity qui répondent à la distinction traditionnelle

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donc pas identité nosographique ou symptomatologique, entre la moral insanity et la manie sans délire.

Prichard introduit une distinction, pour les mêmes raisons, entre la folie mo-rale et la monomanie instinctive esquirolienne112, marquée par la violente irrésis-tibilité des conduites qui donne souvent lieu à des délits et crimes. Il la formule ce très clairement en 1842113 – à partir des précisions d’Esquirol lui-même. Ce dernier est animé par le même souci de différence, et il reconduit la différence entre moral insanity et manie sans délire, tout en estimant, assez paradoxalement, que Prichard a les a insuffisamment séparées114. Par là, Esquirol conserve et promeut la spécificité de son concept de monomanie instinctive, et répond à Pri-chard qui refuse, dès 1835115, que le terme de « monomanie » soit appliqué à autre chose qu’à des délires intellectuels partiels.

Cette série de différences montre, premièrement, que la moral insanity est très tôt distinguée des catégories aliénistes proches, et qu’il est erroné d’affirmer que la première psychiatrie présenterait un ensemble de mots différents pour quali-fier les mêmes choses. Elle permet, deuxièmement, de souligner que l’épistémologie de la subjectivité de Prichard est bien distincte de celle des mo-nomanies esquiroliennes116, opérant certes un partage au sein du sujet entre

tristesse/excitation, d’autres formes. Il affirme explicitement que la manie sans délire ne corres-pond qu’à l’une d’entre elles, celle-ci étant bien spécifique. Ibidem, 27.

112. Comme l’a bien montré Hannah Augstein. Elle souligne (AUGSTEIN, 1996, 331) que Pri-chard différencie bien ce qu’il nomme la folie instinctive (« instinctive madness ») et la moral insani-ty en les traitant dans des chapitres séparés de son traité de médecine légale de 1842.

PRICHARD, 1842.

113. Cette précision devrait amener à une réévaluation de la genèse du concept de psychopathie, souvent référé au concept de moral insanity, ainsi qu’à nuancer certaines thèses de l’histoire de la criminologie. On ne saurait ainsi, comme Coffin, assimiler la folie morale à la folie sans délire ou folie raisonnante, en affirmant qu’il s’agit « de la coexistence de plusieurs termes pour signifier une même entité » (COFFIN, 1994, 92), pas plus que de considérer, comme Joel-Peter Eigen, que moral insanity et folie instinctive sont identiques. C’est justement leurs différences qui fondent les dis-cussions avec les aliénistes français. EIGEN, Joel Peter, 1995, Witnessing insanity : madness and mad-doctors in the English court, New Haven : Yale University Press, 77-79.

114. ESQUIROL, 1838, vol. 2, 63. Il estime, en effet, que le tableau de la moral insanity présente des lésions de l’intelligence, qui la fait ainsi correspondre à la manie raisonnante de Pinel et à la monomanie raisonnante de sa propre nosographie (monomanie affective). Idem, 70.

115. Ce qu’il entérinera en 1842 : « With great deference to this justly celebrated physician we venture, I observe that the term monomania does not appear applicable to a disorder which is not characterised by any particular error or delusion », PRICHARD, 1842, 114.

116. Prichard serait ainsi, par la bipartition qu’il propose, plus proche de Georget, dont on a vu que sous le vocable de la « volonté » il comprenait les phénomènes qu’Esquirol distingue en mo-nomanie raisonnante et manie instinctive. Prichard cite d’ailleurs Georget à plusieurs reprises.

Voir notamment PRICHARD, 1837, 23. De même, on peut identifier des proximités entre l’épistémologie continuiste des degrés pathologiques que soutient Prichard (voir infra) et la posi-tion endossée sur le sujet par Georget, qui pousse les implicaposi-tions de la pathologisaposi-tion des pas-sions encore plus loin qu’Esquirol. Voir GEORGET, 1836a.

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tellect et dimensions affectives, mais ne la solidifiant pas dans une partition ana-logue à l’épistémologie des monomanies. Si Prichard admet qu’existent des déli-res partiels sur un seul objet, il affirme, en 1842117, qu’ils apparaissent toujours sur le fondement d’une moral insanity qui les précède. Il y a donc, pour reprendre les termes de Morel118, une continuité entre l’homme intellectuel et l’homme moral, Prichard accordant une priorité logique et génétique à ce dernier. Il contribue ainsi à redéfinir la folie comme affectant l’ensemble du sujet – ce qui sera fait en France dans les années 1850 – et à renforcer toutes les difficultés inhérentes au partage du normal et du pathologique. Cette analyse indique enfin que l’espace de perception et de problèmes ouvert par Prichard se décale par rap-port à celui des aliénistes, introduisant la possibilité d’une pathologisation éten-due, essentielle à l’histoire de la perversion sexuelle

La pathologisation des extravagances

Le tableau de la moral insanity se distingue par l’accent qu’il met sur la signi-fication pathologique des extravagances, auxquelles Prichard fait référence sous le terme d’« eccentricity ». Si l’aliénisme ne les ignore pas, Prichard leur accorde ce-pendant une importance sémiologique plus grande. Ce sont ces excentricités qui vont marquer la présence de la folie morale chez le sujet, et jouer comme des signes à valeur diagnostique :

« If […] we are obliged to discuss the question, whether eccentricity is in general al-lied to madness, and even a modification of that state or not, there is no doubt that the decision would be in the affirmative119 »

Ce caractère essentiel des extravagances apparaît encore davantage dans la courte histoire du concept de moral insanity que propose Prichard. Il fait remon-ter l’ébauche de la perception d’une folie non intellectuelle aux taxinomies classi-ques de Linné et de Boissier de Sauvages120, où apparaissent des genres de

117. PRICHARD, 1842.

118. MOREL, 1843, 332.

119. « Si nous devions débattre la question de savoir si l’excentricité est en général liée à la folie, et si elle en est une modification ou pas, il n’y a aucun doute que la réponse serait affirmative ».

PRICHARD, 1833, 112-113, cité par AUGSTEIN, 1996, 339.

120. « The older nosologists, Sauvages, Sagar, and Linnaeus, were not wholly unaware of these distinctions, for in their distributions of mental disorders, we find, besides an order of Vesaniae or

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dies mentales qui engagent des dépravations maladives des instinct ou des af-fects. Ce sont les morosités ou caprices (Morositates, Boissier de Sauvages121), ou les maladies pathétiques (Morbi Mentales Pathetici, Linné122), qui se distinguent des maladies mentales touchant l’intellect et l’imagination. Elles ne présentent donc ni déraison, ni illusions ou hallucinations. Certaines d’entre elles sont des patho-logies érotiques123. Linné considère ainsi que les espèces satyriasis et érotomanie appartiennent à au genre des maladies pathétiques, tandis que Boissier de Sauva-ges fait du satyriasis et de la nymphomanie les treizième et quatorzième formes des morositates, troisième ordre de la classe des folies, qui constitue la huitième famille de maladies124. À ces groupes appartiennent aussi chez les deux taxino-mistes les désirs ou aversions125 dépravés, c’est-à-dire des perversions, au sens d’altérations qualitatives. C’est parce qu’il s’agit de bizarreries126, de caprices comme les nomme autrement Boissier de Sauvages, dont les envies des « femmes grosses »127 sont le modèle, que Prichard les reconnaît comme les précédents his-toriques de ces excentricités dont il définit le caractère morbide. Ce mouvement de psychiatrisation des extravagances et des goûts dépravés – qui se produit en France mais passe par une autre voie128 –, déjà partiellement médicalisés, est es-sentiel, car cette dynamique autorise la redescription élargie des goûts érotiques spéciaux en éléments de maladie mentale. C’est en effet sous le schéma de l’excentricité, l’extravagance et de la bizarrerie que sont appréhendés, à la fin du

XVIIIe siècle, les singularités érotiques. Cela apparaît de manière évidente chez

XVIIIe siècle, les singularités érotiques. Cela apparaît de manière évidente chez

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