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Un modèle économique de la e-transformation

Chapitre 3 - Adopter le e-learning pour la formation d’adultes

1.3 Un modèle économique de la e-transformation

Concernant le modèle économique, nous résumons le calcul à une équation simple

(simpliste

110

?) tenant compte de plusieurs paramètres :

110 L’analyse des coûts des formations e-learning, comparés aux formations en salle, du point de vue du fournisseur de la formation, relève d’une équation plus complexe, associant le coût monétaire (ressources monétaires utiles à l’acquisition de facteurs de production) et le coût

la pertinence de l'analyse des besoins,

le choix des méthodes d'apprentissage et des modes d'évaluation, la qualité de la réalisation, l'originalité des activités d'apprentissage,

leur adaptation aux

publics visés, la scénarisation,

le découpage et la modularisation, la qualité rédactionnelle, la pertinence du contenu, le design, l'ergonomie et le graphisme,

le choix des outils de communication, l'efficacité de l’accompagnement et sa place dans le dispositif, le déploiement et la qualité des efforts pour

faire adhérer l’apprenant,

 L’investissement : ce sont les montants financiers requis pour e-transformer la

formation, solliciter les experts, produire les ressources, inventer l’histoire…

 Le fonctionnement : ce sont les coûts indispensables à la réalisation de la formation, ils

s’expriment en fonction du nombre d’apprenants. C’est par exemple du temps passé par

la cellule tutorale, ou pour le regroupement, ou encore les frais attachés aux démarches

administratives de la plate-forme de formation, le PIF (Protocole Individuel de

Formation

111

)…

 Le nombre de bénéficiaires du dispositif

𝑐𝑜û𝑡 𝑖𝑛𝑑𝑖𝑣𝑖𝑑𝑢𝑒𝑙 = investissement + (coûts de fonctionnement x nombre d

apprenants)

nombre d′apprenants

Par exemple, s’il faut 50 000 € pour produire les ressources (ingénierie et médiatisation), que les

temps estimés à l’accompagnement étaient de 120 € par apprenant et que le dispositif espère

2000 apprenants sur sa durée de vie, le coût individuel devient :

𝑐𝑜û𝑡 𝑖𝑛𝑑𝑖𝑣𝑖𝑑𝑢𝑒𝑙 = 50 000 + (120 x 2000)

2000 = 145 €

Figure 80 – rappel de la conséquence du modèle retenu sur l’économie du projet

Le coût du e-learning peut être défini par les choix de ses concepteurs, ou ces choix peuvent être

contraints par le « marché ». En formation professionnelle, le e-learning s’inscrit en effet dans

une économie ; c’est ce que décrit le paragraphe suivant.

d’opportunité (coûts découlant d’utilisations alternatives de ressources). Notre modèle raccourci « investissement/fonctionnement » n’intègre donc la totalité des variables, telles que les économies d’échelle, l’obsolescence des contenus, certains coûts cachés ou implicites.

111 Le PIF ou protocole individuel de formation est un contrat tripartite établi en complément de la convention de formation entre l’apprenant, le référent ou tuteur et l’organisme de formation. La réglementation actuelle ne fait pas référence au Protocole individuel de formation (PIF). Toutefois le décret du 20 août 2014 reprend les grands principes de ce protocole puisqu’il précise que “les moyens d’organisation, d’accompagnement ou d’assistance, pédagogique et technique, mis à disposition du stagiaire qui suit une séquence de formation ouverte ou à distance, doivent être précisés dans le programme mentionné à l’article L6353-1. [Ces moyens] comprennent notamment :

• les compétences et qualifications des personnes chargées d’assister le bénéficiaire de la formation ;

• les modalités techniques selon lesquelles le stagiaire est accompagné ou assisté, les périodes et les lieux mis à sa disposition pour s’entretenir avec les personnes chargées de l’assister ou les moyens dont il dispose pour contacter ces personnes ;

• les délais dans lesquels les personnes en charge de son suivi sont tenues de l’assister en vue du bon déroulement de l’action, lorsque cette aide n’est pas apportée de manière immédiate”.

2 Formation Tout au Long de la Vie et

Formation Continue

ors du conseil européen de Lisbonne, en mars 2000, les chefs d’États et de

gouvernements ont convenu de faire de l’Europe « l’économie de la connaissance »,

compétitive et dynamique, pour permettre une croissance économique durable,

l’amélioration du nombre et la qualité des emplois ainsi qu’une plus grande cohésion sociale. La

notion de formation tout au long de la vie (FTLV) est l’élément clé de cette stratégie. Elle peut

être définie comme « toute activité d’apprentissage entreprise à tout moment de la vie, dans le

but d’améliorer les connaissances, les qualifications et les compétences, dans une perspective

personnelle, civique, sociale et/ou liée à l’emploi » (Le Douaron, 2002). 

Les préconisations de la Commission européenne en la matière sont seulement incitatives :

éducation et formation relèvent toujours de la compétence des États.

En France, La FTLV débute avec la formation initiale, commencée depuis la prime enfance et

achevée aux termes d’un cycle d’études, plus ou moins long, général ou technologique. Notons

que l’apprentissage (ou formation en alternance) est intégré à la formation initiale. Cela se

poursuit, pour les adultes et les jeunes déjà engagés dans la vie active (ou qui s'y engagent), par

l’ensemble des situations où s’acquièrent des compétences : actions de formation continue,

activités professionnelles, implications associatives ou bénévoles... Sont inclues les démarches

d’orientation, de bilan, d’accompagnement vers l’emploi, de formation et de validation des

acquis de l’expérience. Ces formations sont multiformes : apprentissage formel, tel qu’un cursus

diplômant suivi à l’université ; apprentissage non-formel, telles que les compétences

professionnelles acquises sur le lieu de travail ; apprentissage informel, tel que l’apprentissage

intergénérationnel, par exemple lorsque des enfants apprennent à leurs parents à utiliser des

nouvelles technologies, ou un ami à jouer d’un instrument de musique.

Comme nous l’avons déjà évoqué précédemment, en France, la formation continue est une

obligation légale depuis 1971. Elle a pour but d'assurer aux salariés, employés ou demandeurs

d'emploi, une formation destinée à conforter, améliorer ou acquérir des connaissances

professionnelles. Selon l'article L6111-1 du Code du travail (2014), la FTLV constitue elle aussi

une obligation nationale. Elle vise à permettre à chaque personne, indépendamment de son statut,

d’acquérir et d’actualiser des connaissances et des compétences, favorisant son évolution

professionnelle et lui permettant de progresser d’au moins un niveau de qualification au cours de

sa vie professionnelle.

Entre autres outils au service d’une politique d’emploi, la formation continue connaît

périodiquement des réformes, qui tentent de répondre aux exigences conjoncturelles, aux

transformations de l’outil de travail, aux évolutions sociétales. Dans cette perspective, l’enjeu de

qualité de l’offre de formation continue constitue un élément phare des dernières réformes. Elle

se traduit souvent par la recherche d’une plus grande personnalisation des dispositifs de

formation des actifs. Cet enjeu s’exprime dans le contexte spécifique du marché des prestataires

de formation, marqué par une très forte segmentation. Les études de la DARES (Direction de

l’Animation de la Recherche, des Etudes et des Statistiques) et du CEREQ (Centre d’Etudes et

de Recherche sur les Qualifications) fournissent les chiffres officiels, par le biais de l’annexe au

projet de loi de finance. Quelques données chiffrées pour comprendre ce marché

112

:

 Le marché de la formation continue en France totalise 13,55 milliards d’euros de chiffre

d’affaire. Le chiffre de 32 milliards

113

est souvent avancé par une presse désireuse de

dénoncer un gaspillage inconsidéré

114

).

 Il existe presque 63 000 organismes de formation

115

, encourageant l’effet de

concurrence. Cette atomisation produirait un chiffre d’affaire moyen de 216 000 euros

par organisme. En fait, 1 % de ces derniers réalisent 44 % des 13 milliards.

 Le coût horaire moyen par heure stagiaire est de 11,73 euros.

 65 % des demandeurs d’emploi sont formés par des organismes publics

116

ou

parapublics, ou encore des organismes privés à but non lucratif, alors que 70 % des

salariés le sont par des organismes privés ou des formateurs indépendants. Il existe en

fait deux marchés distincts, deux ambitions différentes (qualification ou requalification

pour les premiers, adaptation pour les seconds). Ces marchés ne bénéficient pas des

mêmes financements, des mêmes sources, voire des mêmes règles de financement.

 7 % des acheteurs de formation sont des particuliers et dépensent 900 millions d’euros.

Ils financent eux-mêmes leur formation.

 4 % des organismes de formation sont spécialisés dans le e-learning. Mais seule la moitié

(48 %) des prestataires intègre le numérique dans leur offre.

112 Source : le jaune budgétaire 2017 consacré à la formation

https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/farandole/ressources/2017/pap/pdf/jaunes/jaune2017_formation_professionnelle. pdf.

113 Les 32 milliards intègrent les prestations de formation (les 13,55 milliards), mais aussi les efforts de formation interne des entreprises, de la fonction publique et les salaires chargés des stagiaires (un salarié en formation continue de percevoir en règle générale l’intégralité de son salaire, pendant toute la durée de son absence formation).

114 Remarquons que ce marché, constituante de la FTLV, est comparativement 11 fois plus petit que le budget de l’Éducation Nationale (146 milliards en 2014. En 2014, la contribution de l’État à la DIE (dépenses intérieures d’éducation) s’élève à 83,8 milliards d’euros, tous ministères confondus. Source : L'ÉDUCATION NATIONALE EN CHIFFRES, MEN 2014. La dépense totale pour l’éducation (État, collectivités territoriales, entreprises, ménages, etc.), s’élève à 146 milliards d’euros de dépense totale pour l’éducation (État, collectivités territoriales, entreprises, ménages, etc.), y compris l’enseignement supérieur…), dont 100 milliards pour l’enseignement scolaire, soit 7760 € par élève.

115 Les grands réseaux tels que les chambres consulaires, les GRETA, le CNAM… sont comptés par établissements et non comme des réseaux en tant que tels. Ils contribuent au gigantisme du nombre d’organismes recensés en France.

116 Si les structures publiques et parapubliques ne représentent que 5% des structures spécialisées (AFPA, GRETA, CNAM, chambres consulaires, universités), elles réalisent 20% du chiffre d’affaire du secteur, formant 12% des stagiaires et assurant plus de 22% des heures stagiaires.

L’interprétation de ces chiffres participe aux décisions stratégiques que chaque organisme de

formation doit engager, afin de viser telle catégorie de public, tel statut, telle orientation

(ouverture aux particuliers, aux marchés de niche…).

Le secteur de la formation doit faire l’effort d’accomplir sa propre mue numérique (IGAS, 2017).

La digitalisation de la formation professionnelle est susceptible de renouveler profondément les

pédagogies et les parcours de formation ; elle peut, également, faire fortement évoluer le système

de formation professionnelle, de façon congruente avec l’esprit des réformes législatives

successives. Depuis 2004, législateur et partenaires sociaux confrontent les idées de formation

tout au long de la vie et de sécurisation des parcours professionnels et recherchent une plus grande

autonomie de l’individu : autant de sujets auxquels le e-learning peut sans doute contribuer.

Mais si nous nous intéressons aux conditions du changement, de l’engagement, alors il faut

s’interroger sur les résistances individuelles et collectives possibles.

3 Différentes résistances au changement

asser d’une pratique de conception et de conduite d’une modalité pédagogique à une

autre, aussi bouleversante que le e-learning, suppose en effet une conduite du

changement. Ce changement doit s’opérer pour chacun, mais aussi pour l’organisation.

Si le changement reste un art incertain, diverses théories se proposent de le codifier, en suggérant

des grilles de lecture pour décrire des réalités complexes, des systèmes mouvants, des

représentations chaotiques. La seule constante des différentes théories concerne la difficulté à

casser la « routine », car l’organisation, par construction, est orientée vers la stabilité (par

exemple pour répartir les ressources, coordonner le travail). Face à la complexité de leur objet de

travail, les méthodologues de la transformation ont adopté trois grands types de stratégies de

simplification. Le premier type de stratégie consiste à isoler un ou plusieurs facteurs qui

déterminent la conduite du formateur en action, puis penser les processus de changement à partir

de ces facteurs. C’est la capacité à construire du sens (Weick 1934). Ce sont les stratégies de

préservation du pouvoir chez Crozier et Friedberg (1977). Ou encore, c’est le développement du

pouvoir d’agir chez Clot (2008), pour ne prendre que quelques exemples issus de disciplines

aussi variées que la gestion, la sociologie ou la psychologie du travail. Une seconde école de la

transformation, pragmatique, a cherché à contourner la complexité des mécanismes du

changement en se concentrant sur la séquence de ce dernier. Il a identifié des grandes étapes du

changement et les meilleures pratiques pour gérer chacune de ces étapes. Kotter et Schlesinger

(1989), figures du courant dit du planned change, ont ainsi développé une méthode en huit étapes

qui doit permettre de « réussir le changement dans n’importe quelles conditions » :

 Créer un sentiment d’urgence pour susciter le désir de changement ;

 Formaliser puis partager une vision cible du futur ;

 Fédérer une coalition en faveur du changement ;

 Diffuser une démarche rassurante ;

 Laisser aux équipes des zones de co-construction ;

 Écouter en permanence les remontées du « terrain » ;

 Valoriser les premières victoires ;

 Ancrer les nouvelles pratiques dans les usages quotidiens…

Une troisième stratégie de simplification consiste à prendre acte de la complexité du changement

organisationnel et à isoler dans la masse d’informations disponibles des éléments jugés décisifs

en termes de changement.

Le changement est caractérisé par les résistances, individuelles et collectives, des acteurs. Le

non-usage du e-learning, trouve assurément ses causes dans ces résistances et leur identification

peut éclairer les pistes de progrès. Farmakis (2013) résume de manière originale l’esprit des clés

de succès de la conduite du changement. L’objet de cette recherche est de confronter cette

méthodologie d’analyse du changement à l’usage ou non du e-learning. Cette partie propose de

zoomer sur les résistances au changement individuel, en s’intéressant aux motifs de l’adhésion

et/ou des freins et se poursuit par une méta-analyse conduite par Marquet en 2012, certes dans

un environnement différent (l’enseignement universitaire), mais nous proposant un transfert

facile pour le contexte de notre recherche.