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Chapitre 3 - Adopter le e-learning pour la formation d’adultes

3.5 Les freins invoqués

« Trop chronophage, c’est pour les jeunes, ce n’est plus le même métier, on ne peut rien maîtriser,

cela n’est pas si important, c’est une mode superficielle… » : Voilà quelques phrases souvent

entendues lorsque l’on s’adresse à des formateurs à qui on propose un engagement en e-learning.

Autant de propos, symptômes de la résistance au changement, souvent entendu çà et là. Fondées

ou infondées, rationnelles ou irrationnelles, ces expressions mélangent le plus souvent des points

de vue personnel et professionnel. Elles peuvent traduire de légitimes inquiétudes ou plus

négativement servir d’excuses pour ne pas s’engager dans la production et l’animation du

e-learning. On l’a décrit, les résistances sont inhérentes aux processus du changement. Cela se

vérifie dans le cadre du passage au e-learning et Guillot (2015) constate huit types de

manifestations de la résistance :

1. Le manque d’intérêt. Le résistant remet en question, ou minimise l’importance du

numérique en formation, génériquement, à la fois pour son entreprise (enjeu général), ou

pour lui (enjeu particulier). Les évocations sur l’intérêt général non avéré, sur le fait que

tout fonctionne correctement sans cela, que cela s’apparente surtout à un effet mode…

sont des expressions de ce manque d’intérêt.

2. Le manque de temps. Le résistant invoque le manque de temps : je n’ai pas le temps,

c’est chronophage...En apparence, l’intérêt n’est pas questionné : si j’avais les ressources

en temps, bien sûr que je m’y mettrais.

3. Le fossé générationnel. Ici la résistance est l’invocation de la génération : les jeunes s’y

intéressent, mais pas moi, c’est pour les nouvelles générations, je suis trop vieux… La

plus grande ligne de fracture n’est sans doute pas entre les vieux et les jeunes, mais entre

les curieux et ceux qui ne le sont pas. Cela renvoie aux enjeux culturels — plutôt que

techniques.

4. La manière d’être (attitude). Certaines formes de résistance évoquent des problèmes de

comportements et de relations interpersonnelles : superficialité, isolement et

individualisme, préférence de médiation directe, réseaux sociaux critiqués, mauvaise

délimitation de la vie privée et la vie professionnelle... Toutes ces critiques sont parfois –

souvent – recevables. Mais c’est justement au formateur de donner du sens à ces outils et

leurs usages, dans le cadre pédagogique.

5. Le manque de compétences. Je ne sais pas faire, c’est trop compliqué, c’est uniquement

technique, c’est une histoire de spécialiste… L’enjeu ici est de mesurer les incompétences

techniques de celles liées à la mise en œuvre d’une pédagogie pensée pour le e-learning.

6. La mauvaise expérience. Le résistant peut prétexter des expériences vécues

malheureuses, comme bon nombre de productions peuvent en donner l’occasion ! L’avis

sur la modalité est alors tranché, négatif et définitif. Qu’est-ce qui a failli ? La technique,

l’ergonomie, l’accompagnement, l’histoire racontée, le sens donné à l’apprentissage ? la

question n’est généralement pas posée.

7. L’anarchie. Le e-learning est alors décrit comme un espace où on ne peut pas maîtriser

ce qui s’y passe, où certains tricheurs pourraient prendre la place des véritables

apprenants, où l’oisiveté serait facilitée, où les pires expressions peuvent être délivrées

sans filtre.

8. L’éthique. Données personnelles, protection de la vie privée, droit à l’oubli… Les

critiques de nature éthique sont très présentes dès que l’on s’intéresse au e-learning. Loin

de les réfuter, il convient sans doute de s’assurer des protections utiles et de rassurer

chaque utilisateur.

Dans sa recherche des freins et moteurs à l’utilisation des plateformes e-learning, Lebrun (2007)

avait proposé une série d’items que l’on peut rapprocher de ceux de Guillot (2015) :

Items freins de Marcel Lebrun Catégories de Guillot

Je ne sais pas utiliser le matériel Manque de

compétences

Je n’ai pas le matériel nécessaire en classe

Je n’ai pas le temps Manque de temps

Je n’ai pas accès à la plate-forme e-learning

J’éprouve un sentiment de crainte face à l’utilisation des TICE Manière d’être

Je pense que les TICE n’apporteront rien à mon enseignement Manque d’intérêt

Je pense que mes étudiants ne sont pas demandeurs Manière d’être

La matière que j’enseigne ne se prête pas au e-learning

Je ne dispose pas d’un support personnel et technique suffisant au

sein de mon école

Je pense que mes étudiants sont plus capables que moi pour

utiliser les TICE

Je ne souhaite pas porter les valeurs de la société industrielle et

marchande (efficacité et consommation)

Ethique

Tableau 11 - Clés de sondage de Lebrun (2007) et des catégories de Guillot (2015)

Ces oppositions s’inscrivent à divers moments du changement, que Kübler-Ross (1969) a

proposé de réunir en grandes phases (simplifiées par l’auteur) :

Figure 83 - grandes étapes du changement, d’après Kübler-Ross (1969)

   

Refus de voir le e-learning comme une

modalité crédible, de prendre en compte le

changement,

Opposition au passage, évocation des raisons du refus (cf. les huit raisons

citées plus avant)

Travaux exploratoires, création, premiers usages, résolution des

problèmes

Utilisation du e-learning, motivation de son entourage, promotion

La superposition de la courbe de Kübler-Ross, illustrant les phases de la résistance aux

changements, avec celle de Piaget (j-curve) sur l’assimilation et l’accommodation présente des

ressemblances, traduisant pour chaque cas (l’apprentissage, le changement) les marques de

naturelle résistance et les efforts nécessaires pour gagner l’objectif (la connaissance,

l’acceptation).