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Un développement local et mutualiste important

2.Un paysage associatif complexe et troublé 2.1 La difficile transition des années 1870

3. Une diversification des champs d’action

3.1 Un développement local et mutualiste important

La double influence des lois sociales du 1er avril 1898, plus particulièrement concernant l’organisation des mutualités, et de la loi associative de 1901 a fortement réorganisé le paysage associatif sourd, avec le rapide développement des sociétés de Province qui amoindrit l’influence de Paris. Ainsi, on voit émerger des actions centrifuges autour de ces associations locales dont les plus influentes sont celles de Reims, de Marseille et de Grenoble, grâce à la présence de personnalités comme Lucien Rémond, à Grenoble ou d’Emile Mercier à Reims. On assiste d’ailleurs à Paris, également, à un repli régional croissant, et non plus à une action nationale, comme à l’époque de Ferdinand Berthier, avec le développement de sociétés purement régionales comme le Cercle des Sourds-Muets de Paris, d’Eugène Graff, ou de l’Alliance Silencieuse, du même Graff.

A partir des années 1870, on assiste à un développement, en Province, d'initiatives locales d’organisation de banquets annuels, plus particulièrement à Grenoble qui semble être la ville pionnière. Par la suite, avec les difficultés dues au conflit franco-prussien, et à l’inertie dans laquelle est plongée la Société Universelle, une nouvelle société provinciale, la première de toutes, est

fondée : la Société des Sourds-Muets de Bourgogne, en mai 1880, par Alfred Boquin. Cette société vise à réunir les Sourds de Bourgogne, et ainsi leur permettre de pouvoir se rencontrer.

Par la suite, au cours des années 1880, et plus particulièrement dans les années 1890 et 1900, on assiste à un développement rapide des sociétés de Province dont la plus influente de toutes est celle de Reims, l’Association amicale des Sourds-Muets de Champagne pour laquelle la construction d’un foyer représente un événement d’importance. Le rôle de ces associations, bien que méconnu, présente une importance cruciale pour les différentes communautés sourdes locales. Tout d’abord elle leur fournit un interlocuteur auprès des autorités locales, dont les relations permettent de disposer d’un certain appui à Paris à la Chambre des Députés.

Or, les associations locales représentent le principal vecteur de trois nouvelles voies d’actions du mouvement associatif sourd : les foyers, le sport et la mutualité. Il existe également une quatrième voie, celle des écoles professionnelles que deux associations locales ont particulièrement soutenues. Ces deux écoles professionnelles représentent une tentative de freiner les conséquences de la réforme éducative de Milan sur le plan professionnel. De nombreux militants font état, plus particulièrement Henri Gaillard, de la situation désastreuse des sourds non formés, ou n’ayant pas de formation particulière, qui se trouvent en butte aux difficultés de trouver un emploi.

Ainsi, Eugène Rubens-Alcais, à Montpellier, et Albert Vendrevert à Marseille ont respectivement décidé de fonder une école locale pour instruire les adultes sourds, et donc apporter un rattrapage. Mais cette expérience locale ne semble pas être reproduite dans les autres régions de la France, et est surtout financièrement difficile, puisqu’il faut rétribuer les professeurs. Ces écoles d’un genre particulier, surtout celle de Marseille qui a un plus grand rayonnement, reçoivent des soutiens financiers de la part des conseils généraux. Les procès-verbaux de la délibération du Conseil général du Gard montre l’intérêt de leurs membres quant à l’œuvre de Vendrevert. En voici un extrait :

« J’ai l’honneur de vous communiquer la lettre ci-jointe par laquelle M. Vendrevert, président du Groupe Philanthrophique des sourds-muets de Marseille, sollicite du département du Gard une subvention en faveur des ateliers de sourds-muets avec cours professionnels, récemment créés dans cette ville.

Déjà, l’année dernière, vous avez bien voulu attribuer à cet établissement, qui était alors en formation, une subvention de 100 francs. L’œuvre entreprise paraît répondre, en effet, à un réel besoin et mérite d’être encouragée.

D’autre part, les ateliers dont ils s’agit sont destinés à recevoir les jeunes sourds-muets pauvres ayant accompli leurs études dans les établissements spéciaux des départements circonvoisins de celui des Bouches-du-Rhône et désirant apprendre un état manuel. » 202

La suite du rapport démontre un avis favorable à la demande de subvention et aux demandes d’admission des jeunes sourds du Gard. Quant au « réel besoin », il s’agit en fait des difficultés rencontrées par les jeunes Sourds au sortir des écoles pour trouver un emploi, difficultés déjà évoquées par Henri Gaillard, et pointée par le rapport Binet. Ainsi, Vendrevert semble avoir fait la demande à tous les départements voisins des Bouches-du-Rhône comme celui du Vaucluse qui n’a pu donner suite à cette demande, faute de budget disponible . 203

Albert Vendrevert est une personnalité difficilement compréhensible : tout en étant Sourd, il est nommé directeur des sourds à Alger puis met en place, à Marseille, une sorte de centre de remise à niveau pour les jeunes sourds fraîchement sortis des écoles. Les archives départementales de Marseille disposent d’un document unique où Vendrevert fait la promotion de son atelier lors de colloques et de conférences sur toute la France et l’Europe. Son action, dans une voie différente des mutualités et des associations classiques, traduit une implication active des militants sourds dans la question de l’éducation et donc, de l’apprentissage d’un métier. Il s’inscrit ainsi dans la tradition des cours du soir de la Société Universelle. Cependant, le peu d’informations connues sur ces ateliers laissent indiquer qu’ils ne se sont pas maintenus longtemps, puisque la presse sourde n’en fait plus clairement mention dès 1914.

Néanmoins, les initiatives d’écoles professionnelles ne semblent pas être une idée française, puisque de semblables actions existent également en Belgique, avec la fondation d’une école de perfectionnement professionnel, à Liège, de même d’une école d’apprentissage du noétomalalien, à Verviers, établi par un certain Carabin, en 1904 . On voit là une certaine universalité des volontés 204

de diffusion de la langue, et de palier les insuffisances de l’enseignement scolaire.

Le rôle central des Mutualités Sourdes

Rapports du Préfet, procès-verbaux des délibérations, Conseil général du Gard, 1903-1904, p 63

202

Rapports du préfet de la commission départementale et procès-verbaux des séances du conseil, Avignon, Imprimerie

203

de Bonnet fils, 1906, p 215

s.n. « Chronique étrangère », Libre tribune silencieuse, n°1, 16 octobre 1905, p 16.

Dans son rapport présenté au second congrès de Paris, en 1900, Edmond Pilet, président de l’association des sourds de Normandie, et mutualiste ardent, dresse une longue liste des associations ayant leur propre mutuelle. Cette liste représente l’intégralité du territoire français et la plupart des départements dispose de leur propre association. La majeure partie de ces associations s'est constituée entre 1895 et 1900, date de présentation de ce rapport. Or, ce soudain développement est à mettre en relation avec la loi sur les mutualités du 1er avril 1898 dont en voici le principal extrait :

« Article premier - Les sociétés de secours mutuels sont des associations de prévoyance qui se proposent d'atteindre un ou plusieurs des buts suivants : assurer à leurs membres participants et à leurs familles des secours en cas de maladie, blessures ou infirmités, leur constituer des pensions de retraite, contracter à leur profit des assurances individuelles ou collective en cas de vie, de décès ou d’accidents, pourvoir aux frais de funérailles et allouer des secours aux ascendants, aux veufs, veuves ou orphelins des membres participants décédés.

Elles peuvent, en outre, accessoirement, créer au profit de leurs membres des cours professionnels, des offices gratuits de placement et accorder des allocations en cas de chômage, à la condition qu’il soit pourvu à ces trois ordres de dépenses au moyen de cotisations ou de recettes spéciales. » 205

Néanmoins, la question centrale qui se pose est de comprendre pourquoi ces Mutualités sourdes optent de se constituer à part, en dehors des principales mutualités existantes, et plus puissantes ? Joseph Chazal apporte un élément de réponse, lors du congrès de Chicago, en 1893, à une époque où une telle réflexion s’amorce :

« C’est ici que se pose la question de savoir si les Sociétés de sourds-muets devraient être incorporées dans les autres Sociétés analogues. Cette questions nous paraît fort difficile à résoudre. Dans l’affirmative, les associations de sourds-muets qui se fondraient dans les Sociétés d’entendants-parlants retireraient sans doute de plus grands bénéfices de leur alliance avec leurs puissantes sœurs, mais elles perdraient tout caractères et n’auraient bientôt plus de raisons d’exister » . 206

Par conséquent, le choix de s’organiser à part s’explique également par la volonté de permettre aux participants sourds d’avoir une accessibilité dans la Mutuelle, et donc de pouvoir faire leur demande d’assistance, sans être confrontés à des difficultés de communication ou de malentendus consécutifs à la langue française. C’est également une volonté d’exister face aux tentatives d’amenuiser la

s.n, Ministère du Travail et de la prévoyance sociale. Direction de la mutualité. Loi du 1er avril 1898 relative aux

205

sociétés de secours mutuels, Paris, Imprimerie Administrative, 1919, p 1.

Joseph CHAZAL, «Les Associations de Sourds-Muets en France », in GAILLARD, Congrès de Chicago, p 40.

capacité des Sourds à se gérer par eux-mêmes, en dépit des difficultés financières consécutives au paiement des retraites des mutualistes les plus anciens . Cela explique également pourquoi 207

certaines sociétés mutualistes de grande envergure telle la Mutuelle Lyonnaise, l’une des plus puissantes de l’époque, ait embauché un Sourd pour essayer d’attirer des candidats. En effet, Francisque Girandon diffuse l’information d’une permanence d’accueil pour les mutualistes sourds adhérents de la Mutuelle Lyonnaise, dans les colonnes de la Gazette des Sourds-Muets, en 1918 . 208

Cette information est intéressante puisque cela indique une réflexion sur l’accessibilité des Sourds aux services mutualistes qui semble s’amorcer, au sein du milieu mutualiste durant la guerre, avec un afflux de devenus-sourds. Cette réflexion incite par conséquent à apporter un nouveau regard sur le mouvement mutualiste sourd qui prend son ampleur après la constitution de l’Union des Sociétés

Mutualistes de Sourds-Muets, en 1902.

Après la fondation de la Fédération nationale de la Mutualité Française, le 28 septembre 1902, s’est constituée l’Union des sociétés mutualistes de Sourds-muets, dirigée par Stéphane Prosper, père d’un sourd. L’Union semble disposer de deux objectifs : fédérer les différentes mutualités et apporter leur voix au mouvement mutualiste français. L’adhésion de l’Union à la fédération nationale de la mutualité Française en 1905 répond ainsi à ce double objectif. Cependant, cette union de sociétés est loin de représenter la totalité des Sourds et des sociétés de Sourds. On voit dans cette liste de 1911 une faible nombre de membres, et c’est seulement, encore, au lendemain de la guerre que les mutualités prennent leur essor avec le développement des Amicales d’anciens élèves qui mettent en place, elles aussi, des mutuelles, comme celle de la Fraternelle d’Asnières.

L’une des plus grandes sociétés mutualistes, la Société d’Appui Fraternel qui représente la première société mutualiste qui se soit constituée, en 1880, n’est pas adhérente à l’Union pour des motifs de relations entre personnalités, Cochefer son fondateur n’ayant pas digéré la faillite de la Fédération

des Sociétés de sourds-muets à la fin des années 1900. Ainsi, une grande part des adhérents des

associations ne sont pas représentés au sein de l’Union, comme l’attestent ces données comparatives entre les associations mutualistes, et la présence des sourds dans les départements. Certes, ces données sont loin d’être fiables, mais elles ont le mérite de donner un aperçu de la répartition et de l’influence respectives des sociétés sourdes.

Jean-René PRESNEAU, Signes et Institution des sourds, XVIIIe-XIXe siècles, Paris, Champs Vallon, pp. 192-193

207

Francisque GIRANDON, « La Mutuelle Lyonnaise » Gazette des Sourds-Muets, Novembre 1918, p.5.

Cette étude comparative entre les données de l’Union des Sociétés de Sourds-Muets, basé sur le registre des matricules de l’Union conservée actuellement dans les archives de l’Association des 209

Sourds de Reims et de Champagne-Ardenne, descendante d’une des sociétés adhérentes,

l’Association amicale des sourds-muets de Reims et de la Champagne, et d’un tableau récapitulatif du répertoire des sociétés de sourds-muets, publié dans la Revue française de l’éducation des

sourds-muets en 1911 avec celles de la Statistique Générale de la France de 1911 démontre un 210

fait intéressant et étonnant.

Tableau II-1 : Récapiculatif des membres des sociétés mutualistes, et sourds résidant dans les départements.

Sociétés mutualistes membres 


de l’Union des Sociétés de Sourds-Muets, en 1911

Membres départementSourds du Association Fraternelle des SM de la région normande et

Picarde (Seine-Inférieure) 256 352

Association amicale des SM de la Champagne (Marne) 461 178

Société des secours mutuels des SM des deux sexes du

Limousin (Haute-Vienne) 66 184

Association amicale des SM de la Seine, Seine et Oise, et

départements limitrophes (Seine) 109 1139

Union Philantrophique des SM des deux sexes de Lyon

(Rhône) 198 290

Société des secours mutuels mixte de Sourds-Muets de la

Haute-Garonne (1902) 47 204

Société des Sourds-Muets de la Bourgogne (Côte-d’Or) 73 150

Association amicale des Sourds-muets du Nord et du

Pas-de-Calais (Nord) 315 925

Association amicale des Sourds-muets des

Alpes-Maritimes 99 141

Société Chartraine de Secours mutuels des Sourds-muets

d’Eure-et-Loir et départements limitrophes 161 111

Association Bordelaise et Régionale de Secours mutuels

pour les Sourds-muets des deux sexes (Gironde) 31 217

Mutuelle Poitevine des Sourds-muets de Poitiers et de la

Région (Vienne) 64 122

Revanche du Velay (Haute-Loire) 24 129

s.n. Registre des matricules, manuscrit, 1905.

209

s.n., « Répertoire de l’Union nationale des sociétés de sourds-muets », Revue française de l’éducation des

210

En effet, le tableau (Tableau II-1) montre une grande différence entre le nombre de membres (colonne de gauche) et ceux présents dans le département (colonne de droite) qui englobe, rappelons-le, toutes les surdités connues. On voit que les membres ne constituent que la moitié, au mieux, des sourds du département, sauf ceux de Paris, où les membres de l’Association amicale ne constituent que 10% à peine sur les 1139 sourds (dont il serait nécessaire de soustraire la moitié qui est constituée des élèves de l’Institution des Sourds-Muets de Paris). Or, deux cas montrent une situation inversée : Chartres et Reims (Cellules colorées en jaune).

Ces deux associations déclarent disposer d'un nombre de membres qui surpasse la présence sourde du département. Cette différence de chiffre laisse indiquer une présence non uniquement départementale, mais également régionale. Dans le cas rémois, l’absence d'associations concurrentes dans le département de la Marne facilite son expansion depuis sa fondation en 1893. Mais cette association dispose de plus d’un foyer dont elle est propriétaire. Elle est surtout servie par la réputation grandissante d’Emile Mercier, fils du fondateur des champagnes Mercier, qui est l’un des militants Sourds les plus en vue de la période 1893-1920.

Personnalité nettement moins controversée que Henri Gaillard, Mercier apporte une importante contribution financière au développement de l’association de Reims, mais surtout, dans l’organisation de la vie de la communauté sourde de Reims qui devient, sous sa houlette, l’une des plus en vue de France. Ainsi, l’Association amicale des sourds-muets de Champagne dispose de membres résidant, selon le registre de 1905, outre dans la Marne, dans l’Aisne, les Ardennes, Paris, la Seine-et-Marne, la Somme, la Meuse, l’Yonne, et l’Aube, ce qui en fait une association mutualiste régionale, englobant 461 adhérents, le triple de la présence sourde du département.

Ces données éclairent le rayonnement régional, et non départemental, de la société rémoise et de sa popularité. On comprend mieux, dans cette optique les difficultés de la société parisienne, l’Association amicale des sourds-muets de la Seine à se développer, face à son voisin plus influent, alors qu’elle est plus ancienne. Celle de Chartres présente un cas de figure équivalent à celui de Reims, pour la simple raison qu’entre Paris et Tours, il n’existe aucune autre association présente. Ces deux associations, à Reims et à Chartres, présentent un rayonnement plus régional que départemental d’où un nombre de membres supérieur au nombre de sourds recensés. Le graphique, à la page suivante, apporte un aperçu du comparatif entre le nombre de membres des associations

locales par rapport au nombre d’habitants sourds recensés dans les départements du siège de l’association.

Ces informations font aussi comprendre sous un jour nouveau le cas de l’association parisienne qui demeure très minoritaire par rapport au nombre de sourds parisiens. Ce caractère minoritaire explique en partie les choix associatifs opérés au cours des années 1890-1910 : création d’une mutuelle en 1897, départ de la Fédération des Sociétés en 1905, adhésion à l’Union la même année.

Association Fraternelle 
 (Rouen)

Association amicale 
 des SM (Reims)

Société des secours mutuels 
 des SM (Limognes)

Association amicale des SM 
 de la Seine (Paris)

Union Philantrophique 
 des SM (Lyon)

Société des secours 
 mutuels mixte (Toulouse)

Société des Sourds-Muets 
 de la Bourgogne (Dijon)

Association amicale des 
 Sourds-muets du Nord (Lille)

Association amicale 
 des Sourds-muets (Cannes)

Société Chartraine 
 de Secours mutuels (Chartres)

Association Bordelaise et 
 Régionale de Secours (Bordeaux)

Mutuelle Poitevine des 
 Sourds-muets de Poitiers Revanche du Velay 0 200 400 600 800 1000 1200 129 122 217 111 141 925 150 204 290 1 139 184 178 352 24 64 31 161 99 315 73 47 198 109 66 461 256

Membres des sociétés Sourds résidant dans le département

Graphique II-1 : Représentation des membres des associations, par rapport aux sourds présents dans le département. (Données 1911)

En effet, ces choix s’expliquent justement par la présence, dans la capitale d'associations concurrentes : Société d’Appui fraternel, Alliance Silencieuse, Foyer des sourds-muets, et Union

française des sourds-muets. Cette répartition de la population sourde de la capitale, couplée d’une

perte d’influence depuis la mort de Ferdinand Berthier, explique en partie la posture rigide des dirigeants de cette association après 1900. Mais c’est la concurrence direct de l’Appui qui les fait le plus souffrir. Cette société revendique, le 31 décembre 1898, 1365 cotisations pour l’antenne parisienne, et déclare disposer, la même année de 35 458,10 francs. Or, cette société est loin de répondre aux dispositions de la loi de 1898, puisque c’est une société exclusivement basée sur la cotisation des retraites et non de prévoyance.

En effet, la Société d’Appui fraternel est une société constituée en 1880, sur la base de la Mutualité impériale, institué par décret du 26 mars 1852, qui accorde uniquement la gestion des retraites. Le décret impérial est beaucoup plus restrictif, avec une limitation du nombre de membres à 500, ce qui explique le développement de cette société sur la base d'antennes locales permettant de ventiler le nombre total de membres en France entière, sur les bases régionales.

Sa popularité démontre un souci constant au sein de la communauté sourde pour les vieux Sourds, incapables de travailler et réduits à demander la charité ou une place dans des hospices. Ainsi, bien que luttant aussi contre les préjugés , elle est une société de retraites. Or, en 1915, elle se transforme finalement en société de secours mutuels, abandonnant le caractère exclusif de société de retraites. Cette transformation se fait en réponse à la fondation d’une nouvelle association locale, qui se base, elle non pas sur la localisation géographique, mais sur la provenance dite scolaire de ses membres. Ainsi, la Fraternelle est une association d’anciens élèves de l’Institut départemental d’Asnières, et sa mutualité, constituée en 1914, est ouverte aux anciens élèves et à leurs familles. Cette concurrence supplémentaire semble avoir incité la Société d’Appui fraternel à se muer en société de secours mutuels. Néanmoins, son influence reste importante, avec un sommet de 18 sections en 1911, et une présence en 1919 sur les villes de Bordeaux, Tours, Marseille, Luçon, Lyon Montargis, Angoulême, Chartres, Nancy, le Creusot.

Néanmoins, ces données n’expliquent pas pourquoi le mouvement associatif sourd, et surtout mutualiste dispose de si peu de membres par rapport au nombre de sourds connus dans leur

département, et même voisins au point que toutes ces sociétés peinent à dépasser les 1000 membres. Une discussion au cours d’un banquet annuel, à Tours, apporte une explication partielle :