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Un cadre d’analyse économique anthropocentré :

Dans le document Quelle(s) valeur(s) pour la biodiversité ? (Page 89-93)

La valeur de la biodiversité en débat : l’évaluation monétaire des services

II.2.  Un cadre d’analyse économique anthropocentré :

services écosystémiques, capital naturel, valeur économique et raisonnement à la marge

Afin d’établir une telle valeur monétaire, les auteurs recourent aux concepts de services écosystémiques et de capital naturel, concepts assez récents à l’époque et qui se sont depuis fortement diffusés au sein de la littérature de la conservation de la biodiversité et des politiques publiques en faveur de l’environnement, en

particulier à la suite des travaux réalisés par le Millenium Ecostem Assessment au

début des années 2000 (Millenium Ecosystem Assessment 2003 ; Fisher et al. 2009 ;

Gómez-Baggethun et al. 2010).

Les services écosystémiques font référence aux processus naturels dont les êtres humains tirent parti, volontairement ou non, que ce soit de façon directe ou indirecte, localement ou à une échelle géographique plus large. Ils peuvent avoir une dimension matérielle, comme par exemple l’approvisionnement en nourriture ou en ressources énergétiques, ou immatérielle à l’instar de la fonction de régulation climatique assurée par les océans.

Les services écosystémiques sont, de par leur définition, un concept claire-ment anthropocentré. On les distingue généraleclaire-ment de la notion plus écocentrée de fonction écologique, qui désigne l’ensemble des processus biologiques

permet-tant le fonctionnement et le maintien des écosystèmes (Bouvron et al. 2010). Les

services écosystémiques présentent l’intérêt de mettre en avant, en les conceptua-lisant et les caractérisant, la multiplicité et la complexité des interactions entre l’homme et la Nature. Ils montrent ainsi à quel point et de quelles manières l’environnement contribue au bien être de l’homme. Ce faisant, ils tendraient à davantage démontrer la compatibilité des enjeux de protection de la Nature avec ceux de développement économique, que l’on oppose généralement.

Dans ce schéma, la Nature constituerait une source essentielle du bien-être humain (ce que le papier cherche précisément à montrer). Elle s’apparenterait, dans une perspective économique habituelle de type stock-flux, à un capital, qualifié de naturel pour le distinguer d’autres formes de capital (manufacturé, humain, social…) que l’homme utilise conjointement en vue de satisfaire ses

besoins. Du capital naturel, tant par sa qualité que sa taille, l’homme tirerait des flux de services écosystémiques au fil du temps. La métaphore économique du capital ajouterait également à l’importance de protéger la Nature, non pas dans une perspective préservationiste mais selon une optique conservationniste. À l’image d’une gestion en bon père de famille, elle véhicule implicitement l’idée qu’il importe de ne pas dilapider, en la laissant se dégrader, cette forme particulière de capital, ceci afin de s’assurer durablement de la disponibilité de ses fruits (la fourniture de services écosystémiques) et du bien-être humain qui en découle.

L’exercice d’évaluation proposé mérite également d’être précisé, en traitant la question « que s’agit-il de quantifier ? ».

Comme son titre l’indique, le papier vise à estimer la valeur économique de la globalité des écosystèmes, entendue comme l’expression monétaire de l’atta-chement des hommes aux services écologiques rendus par l’ensemble des milieux naturels de la planète. Il ne s’agit donc pas d’une valeur marchande ou d’un prix, mais d’une mesure de la contribution des écosystèmes planétaires au bien-être humain, selon une approche utilitariste très commune en économie.

Par ailleurs, les auteurs ne cherchent pas à inférer en dollars une valeur aux écosystèmes de la planète en tant que tels, dans leur globalité. Un tel dessein n’au-rait aucun sens en raison de leur fonction de support à toute activité humaine, et toute évaluation conduite dans ce sens aboutirait par conséquent à une valeur infinie. Il s’agit en revanche de mesurer l’incidence sur le bien-être humain qui résulterait d’une modification de l’état (et plus particulièrement une dégradation) de ces écosystèmes. Les auteurs inscrivent là encore leur démarche dans un cadre économique standard, marginaliste, considérant l’impact d’une dégradation « à la marge », c’est-à-dire légère, de l’état de l’environnement. Le scénario envi-sagé reste cependant flou dans ses contours : celui de modifications (en qualité comme en quantité) en termes de capital naturel et de services écosystémiques. Ces modifications incluent tout autant, selon les auteurs, des petites variations

à une large échelle géographique2 que des variations de grande importance mais

à une échelle géographique restreinte3.

II.3. La méthode

En guise de services écosystémiques, l’étude en considère 17 types différents (cf. tableau 1), couvrant des services de régulation (régulation climatique, recy-clage des nutriments, pollinisation…), des services d’approvisionnement (matières

2. À titre d’illustration, les auteurs mentionnent le cas d’un léger changement de la composition chimique de l’atmosphère.

3. Les auteurs font ici référence à des dégradations du type d’une forte modification de la composition de forêts locales.

premières, ressources génétiques…), de même que des services culturels (usages récréatifs…). Les auteurs précisent que leur étude ne prend en compte que des services écosystémiques renouvelables, de même qu’elle exclut de son champ d’analyse les ressources énergétiques ou en minerais de type non renouvelable, ainsi que l’atmosphère.

En guise de planète, l’étude considère 16 milieux (biomes) distincts, terrestres et marins (cf. tableau 1), chacun étant associé à une surface exprimée en millions d’hectares.

Afin de les aider dans leur calcul, les auteurs ont réalisé une revue de la litté-rature scientifique afin d’identifier l’ensemble des travaux contemporains (près d’une centaine) proposant d’évaluer monétairement des services écosystémiques. Ces études ont été classées en fonction de différents paramètres (pays du cas d’étude, année, méthode d’estimation…), et plus particulièrement en fonction des services écosystémiques et des biomes qu’elles considéraient.

Leur examen, recoupement, éventuelle correction et mise en commun permettent aux chercheurs de calculer (essentiellement sous forme de moyenne) des valeurs monétaires surfaciques annuelles (exprimées en dollars américains de l’année 1994) en fonction de chaque service écosystémique et de chaque biome. Multipliées par la surface de chaque biome sur la planète – selon la méthode des transferts de bénéfices (ou benefit transfer) développée par les économistes – ces valeurs surfaciques par service et par biome permettent aux auteurs d’aboutir à une quantification monétaire de l’ensemble de services écosystémiques fournis chaque année à l’échelle de la planète (cf. tableau 1).

T

ableau 1 – Détails des v

aleurs monétair

es sur

faciques et totales calculées par Costanza

et al. , 1997 (R econstitution pr opr e d ’après Costanza et al. , 1997)

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