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L’humain dans la biodiversité

Dans le document Quelle(s) valeur(s) pour la biodiversité ? (Page 41-57)

Gilles BOEUF

Professeur à l’Université Pierre & Marie Curie, Sorbonne Universités, Président du Muséum national d’Histoire naturelle,

Professeur invité au Collège de France en 2013-2014

Faut-il donner (peut-on le faire ?) une valeur à la biodiversité ? C’est le sujet de ce beau Colloque que je vais introduire ici avec le point de vue d’un écologue qui peut en premier abord trouver l’interrogation saugrenue, puis qui, après discussion avec tous ses collègues d’horizons divers, sent bien qu’il ne peut demeurer isolé et qu’il a bien besoin d’eux pour beaucoup mieux faire considérer cette biodiversité et la faire en permanence prendre en compte.

Un corps humain c’est au moins 10 fois plus de bactéries, sur la peau et à l’inté-rieur du corps (beaucoup pour le « biote » intestinal), que de cellules humaines ! Un bébé humain à la naissance met environ deux ans à stabiliser sa propre flore intestinale, au début issue du tractus génital de sa maman au cours de l’accouche-ment. Un nouveau-né c’est environ les ¾ de sa masse qui correspond à de… l’eau, un cerveau humain, c’est plus de 80 % ! Toutes les cellules vivantes (les bactéries,

procarya, et les archées, plus petites et les cellules eucarya, celles qui possèdent un noyau) sont constituées d’eau et elles baignent chez les pluricellulaires dans un liquide interstitiel lui aussi composé d’eau. Les premiers procaryotes, des cyano-bactéries qui se sont développés dans l’océan ancestral vers 3,5 milliards d’années, baignaient alors dans l’eau de mer. Si la vie a pu se développer sur la Terre, c’est parce que l’eau y existe sous ses trois formes dont la liquide.

Ainsi, cet humain qui s’est lui-même (K von Linné, en 1758) dénommé « Homo sapiens » (homme « savant », alors que l’on a nommé des espèces ferox,

horribilis, atrox, terribilis, horridus, gulo…) et qui souvent se croit aujourd’hui si « supérieur » et aussi à part, sorti des réalités écologiques, est en fait, en grande partie constitué d’eau et de bactéries ! Alors comment imaginer une seconde pouvoir se passer de cette biodiversité, encore si florissante sur notre planète, mais en forte régression depuis quelques siècles ou décennies ? Il n’y a pas un humain

et une nature à côté, il y a un humain (7,2 milliards d’individus aujourd’hui !) profondément et indissociablement immergé dans cette nature. Nous devons absolument nous y faire !

Le mot « biodiversité » (en anglais, biodiversity), contraction de « diversité

biologique », a été créé en 1985. Ce terme est souvent assimilé à la diver-sité spécifique, c’est-à-dire l’ensemble des espèces vivantes, bactéries, protistes

( unicellulaires), fungi (« champignons »), végétaux et animaux d’un milieu.

Mais la biodiversité est bien plus que la seule diversité spécifique, incluant à la fois les espèces et leur abondance relative. Simplement, en pratique, l’espèce est commode d’utilisation, elle peut être assimilée à une sorte « d’unité de monnaie » identifiable et comptabilisable. Mais aujourd’hui la biodiversité est considérée bien différemment, elle ne peut en aucun cas être assimilée à de seuls inventaires ou catalogues d’espèces.

Qu’est-ce que la biodiversité ?

La biodiversité a été définie comme étant « toute l’information génétique comprise dans un individu, une espèce, une population, un écosystème » mais nous nous attachons actuellement à la caractériser comme étant l’ensemble de toutes les relations établies entre les êtres vivants, entre eux et avec leur environ-nement. C’est en fait la fraction vivante de la nature (Bœuf, 2008) !

La Vie a été capable de différencier depuis ses origines, il y a quelque 3,9 milliards d’années dans l’océan ancestral, une infinité de formes de vie qui se sont « associées », dans tous les sens du terme, pour construire les écosystèmes en relations étroites avec leur environnement. On peut imaginer aujourd’hui que sur ce laps de temps, le vivant a été capable d’élaborer, apparues puis dispa-rues pour la plupart, d’autres nous accompagnant encore aujourd’hui, large-ment plus d’un milliard d’espèces, avec leurs diversités de formes, de tailles, de couleurs, de mœurs, de spécificités, de traits d’histoire de vie, d’adaptations, de caractéristiques infinies… Si durant des milliards et centaines de millions d’années, tout a évolué sous la pression des facteurs abiotiques (température de l’eau et de l’air, leur composition, salinité de l’océan, lumière, longueur du jour, rythmicité des saisons,…) et biotiques du milieu (facteurs liés au vivant, la nour-riture par exemple, sa composition, sa disponibilité… compétition et relations entre espèces…), la disponibilité en oxygène étant autant abiotique que biotique,

depuis une époque récente, dénommée « anthropocène », la plus grande force

évolutive (Vitousek et al., 1997 ; Palumbi, 2001 ; Crutzen et Stoermer, 2002 ;

Barnosky et al., 2012 ; Ehrlich et Erhlich, 2013 ; Boeuf 2014) sur cette planète

apparaît comme étant la présence de l’humain, associé à son cortège d’activités (plantes et animaux domestiques par exemple).

On peut aujourd’hui scientifiquement (Lévêque et Mounolou, 2001 ; Bœuf, 2014) classer les différentes approches de la biodiversité dans (1) l’étude

des mécanismes biologiques fondamentaux permettant d’expliquer la diversité des espèces et leurs spécificités et nous obligeant à davantage « décortiquer » les méca-nismes de la spéciation et de l’évolution, (2) les approches prometteuses en matière d’écologie fonctionnelle et de bio-complexité, incluant l’étude des flux de matière et d’énergie et les grands cycles bio-géo-chimiques, (3) les travaux sur la nature

« utile » (les « services rendus » par les écosystèmes du Millennium Ecosystem

Assess-ment de 2005) pour l’humanité dans ses capacités à fournir des éléments

nutrition-nels, des vêtements, des substances à haute valeur ajoutée pour des médicaments, produits cosmétiques, des sondes moléculaires ou encore à offrir des modèles plus simples et originaux pour la recherche fondamentale et finalisée, afin de résoudre des questions agronomiques ou biomédicales et enfin (4) la mise en place de straté-gies de protection et de meilleure gestion pour préserver et maintenir un patrimoine naturel constituant un héritage naturellement attendu par/pour les générations futures. J Blondel redéfinit la biodiversité en 2007 selon trois grands sens : (1) un concept abstrait désignant la « variété de la Vie », (2) une hiérarchie d’entités objec-tives organisées en systèmes en perpétuelle évolution, animés d’une dynamique et assurant des fonctions et (3) une construction sociale, économique, juridique et politique dont les enjeux relèvent de cette interaction avec les sociétés humaines.

En fait, le terme « biodiversité » n’a échappé aux laboratoires d’écologie qu’en 1992, lors du second sommet de la Terre à Rio. Il est alors parti à la conquête du grand public, des médias et du monde politique. D’un point de vue opérationnel (Blondel, 2012), la biodiversité peut être considérée comme une priorité scientifique (comprendre sa genèse, ses fonctions et enrayer son érosion), un enjeu économique (ressources biologiques et génétiques à valoriser et partager), un enjeu éthique (droit à la vie ( ?) des espèces et interactions avec l’humanité) et un enjeu social (partage des valeurs et des avantages), tous ces termes apparaissant dans la Convention sur la Diversité Biologique (CDB), acceptée et ratifiée à Rio en 1992, par 193 pays aujourd’hui. Les termes de la CDB ont été repris en détail lors de la Conférence des Parties à Nagoya au Japon en 2010. Elle assure non seulement la protection des espèces, mais prend aussi en compte les écosystèmes, le patrimoine génétique et l’utilisation durable des ressources naturelles. Ce n’est pas un Traité au sens du Droit international, car la Convention n’a pas de caractère contraignant. Mais dès le départ, sciences de la nature et sciences de l’homme et de la société se sont donc retrouvées intimement liées, ce qui est indispensable pour analyser, comprendre, proposer, mieux gérer et avancer. La biodiversité fut encore à l’honneur lors du sommet mondial de Johannesburg sur le « développement durable » en septembre 2002, puis lors de la Conférence et de l’Appel de Paris en février 2007. L’année 2010 a été consacrée par les Nations Unies « Année internationale de la biodiversité », démarrée à la conférence de l’Unesco à Paris les 25 et 26 janvier et poursui-vie pour la France à Chamonix les 10-12 mai 2010, sous l’égide de Chantal Jouanno, alors secrétaire d’État à l’environnement, sous forme de conférence nationale « Quelle gouvernance pour réussir ensemble ? ». La biodiversité a par contre été oubliée à la Conférence de Rio en 2012. Elle a été rapidement

associée à cette notion de développement durable (traduction pas très heureuse

de l’anglais “sustainable development”), terme consacré par Madame Gro Harlem

Bruntland, à l’époque Premier ministre de Norvège et chargée par l’ONU de la World Commission for Environment and Development en 1987, et qui spécifie « un développement qui satisfait les besoins de la génération présente tout en préservant pour les générations futures la possibilité de satisfaire les leurs ». Nous sommes alors passés du terrain biologique au terrain politique !

Estimation et érosion de la biodiversité

Si la vie a trouvé ses origines dans l’océan ancestral, il y a près de 4 milliards d’années, et que nous apprenons de mieux en mieux à connaître son évolution (Bœuf, 2011 ; Bœuf, 2014 ; de Wever et David, 2015), l’une des questions essen-tielles aujourd’hui est de parvenir à une estimation objective de la diversité spéci-fique et de la biodiversité. Ce n’est pas un défi simple car tout évolue très vite et la destruction massive des milieux entraîne en permanence la disparition d’un nombre inconnu d’espèces. Linné, le père de la systématique « binominale » (nom

latin en deux mots, le genre et l’espèce) dénombrait au milieu du XVIIIe siècle

envi-ron 12 000 espèces vivantes, végétales et animales. Aujourd’hui, en ce début du

XXIe siècle, nous en sommes à un peu plus de 2 millions, recensées, décrites,

dépo-sées dans les Mudépo-sées et accessibles à tous. Et nous savons bien que nous sommes très loin du compte ! On décrit actuellement entre 16 000 et 18 000 nouvelles (pour nos connaissances !) espèces par an (dont 10 % issues du milieu marin) : qui sait le nombre réel d’espèces présentes aujourd’hui ? Combien de temps nous faudra-t-il encore pour « tout » décrire, 800 à 1 000 ans ? En aurons-nous le temps ? Nous estimons que vivent aujourd’hui entre 1,5 et 2 % de toutes les espèces qui ont peuplé la planète depuis les toutes premières origines (de Wever et David, 2015).

Les groupes vivants sont très diversement connus, les grandes espèces ayant été décrites en premier (une courbe reliant année de description et taille de l’espèce est informative !) ainsi que les espèces de taxons « intéressants », pour diverses raisons (« jolies », « utiles », « proches de nous », domesticables, pestes agricoles, parasites, pathogènes, groupes ou espèces emblématiques…). C’est extrêmement variable mais il est clair que chez les animaux par exemple, si nous « touchons proba-blement au but » pour les mammifères (il reste encore des chauves-souris, petits rongeurs et insectivores à découvrir…), les oiseaux (même pas une nouvelle espèce par an), les serpents et les lézards, les crocodiliens, les tortues… il demeure un nombre considérable et très probablement insoupçonné d’espèces inconnues chez les nématodes, les mollusques, les arachnides, les crustacés, les insectes… Si pour les « plantes supérieures », dont les arbres, la situation n’est pas trop mauvaise que dire des champignons, micro algues (groupe par ailleurs extrêmement hétéro-gène), protistes, bactéries et virus ? Pour ces derniers, la vitesse d’évolution étant extrêmement rapide (plus de 2 millions de fois plus vite qu’un animal !), nous sommes d’ailleurs en droit de nous demander si les activités humaines ne sont

pas plutôt en train d’augmenter le nombre d’espèces ? Mais, que représente la notion d’espèce chez un virus, ou même chez une bactérie ? L’expédition « Tara Océans » ramène de son tour du monde, des centaines de milliers de séquences

d’ARN correspondant à de petits eucaryotes (levures, « micro algues », fungi…).

Comment peut-on estimer la richesse en espèces ? Ceci est-il indispensable si

l’on veut avoir des mesures fiables des taux d’extinction ? Mora etal. proposaient

8-10 millions d’espèces en 2011 pour l’ensemble de la planète, ce qui me paraît bien sous-estimé. L’idéal serait de compter une par une les espèces pour chaque biotope reconnu, mais c’est bien entendu irréalisable dans la grande majorité des

cas. Cela a été tenté pour certains milieux (un m3 d’eau de mer, un m3 de terre

agricole, d’humus de forêt tempérée…) et déjà les résultats sont surprenants avec une diversité insoupçonnée, surtout pour les bactéries, « micro algues », protistes divers… Alors imaginez ceci pour la forêt amazonienne ou la mer Méditerranée ! Et surtout, comment passe-t-on d’une liste d’espèces, bien insuffisante, à une esti-mation de la biodiversité ? Ce n’est pas simple, Lévêque et Mounolou (2001) évoquent aussi la densité relative de chaque espèce, la position taxinomique, le statut trophique, la taille des individus, ou des approches plus génétiques et écolo-giques comme le nombre d’allèles sur un même locus, leur fréquence relative, ou encore le degré d’hétérozygotie qui allie le nombre d’allèles et leur fréquence relative (Purvis et Hector, 2000 ; Hector, 2011). On peut aussi identifier des biotopes dans des écosystèmes et des paysages et avoir une approche plus générale, mais pouvant être intéressante pour une estimation globale. Devictor revient sur le sujet au début 2015 et précise bien les difficultés pour rendre mesurable la notion de diversité. Tout est beaucoup question de mesures d’interactions. En fait tout doit être tenté et c’est surtout à la confrontation des résultats et à leur cohérence que nous pour-rons juger de la pertinence des approches très diverses. Je rappellerai encore que biodiversité et richesse en espèces ne sont pas synonymes, la première dépendant bien sûr de la seconde, mais incluant en plus diversités génétique, phylogéné-tique, morphologique, physiologique, biochimique, endocrine, éthologique, écolo-gique… et toutes les associations possibles. Aujourd’hui on s’intéresse beaucoup

(Chiarucci et al., 2011) à la β diversité (des taxons plus élevés que les espèces), à la

phylogénie, aux échelles de répartition, à l’abondance des espèces, et surtout à leur fonctionnalité. La notion d’espèce « clé de voûte » a pris beaucoup d’importance

(Lavorel et al., 2015), toutes les espèces n’ayant pas la même « valeur »

fonction-nelle dans les écosystèmes. Comment se traduit une perte de fonction (-s) d’un écosystème en terme de perte de « services rendus » pour l’humain ? Il faut aller vite, tout se dégrade et malgré tous les efforts actuels, la tâche demeure immense.

L’UICN fait état, en 2013, de 865 espèces disparues sur les continents et de 18 dans les océans sur les cinq derniers siècles : il est beaucoup plus difficile d’affirmer une extinction dans l’océan ! Il est clair que ces chiffres sont fortement biaisés par la faiblesse de nos connaissances sur beaucoup de groupes et la qualité des données engrangées. D’autres travaux estiment les taux de disparition (selon les groupes) entre 50 et 600 fois plus rapides que les taux d’extinctions « naturels attendus », en fait calculés par les paléontologues sur les derniers 600 millions d’années. À ce rythme,

et si nous ne changeons rien, la moitié de toutes les espèces de la Terre auront

disparu avant la fin du XXIe siècle. L’UICN estime que 3 600 espèces de végétaux

supérieurs et 3 500 espèces de vertébrés (25 % de mammifères) sont menacées dans le monde aujourd’hui. Les activités anthropiques n’ont jamais été aussi désastreuses et destructrices sur la biodiversité. D’où la question posée alors en mars 2011 par

Barnosky et ses collaborateurs dans la revue Nature « … la sixième grande crise

d’extinction a-t-elle déjà démarrée ? », et cette fois-ci causée par l’humain et son

cortège d’activités, et en très peu de temps (Butchart et al., 2010). À ce sujet, les

travaux récents de McCauley et al., et de Steffen et al., publiés en début 2015, sont

bien informateurs mais il faut bien préciser les vraies extinctions, moins évidentes sur le court terme humain actuel (quelques dizaines d’années), des effondrements des populations en nombre d’individus (rapport du WWF en septembre 2014) en accélération inquiétante aujourd’hui sur les 50 dernières années (forêt tropicale, stocks halieutiques, pratiques agricoles intensives…). À terme, ces fortes dimi-nutions des stocks pourraient bien amener à de réelles extinctions d’espèces. Si l’océan, à part quelques espèces particulièrement ciblées comme les anchois, requins et baleines, semble avoir moins été affecté que les continents, il fait aujourd’hui

l’objet de graves surexploitations (McCauley et al., 2015).

Figure 1 : interrelations démographie, progrès technologiques de l’humanité. Tiré de Nekola et al., 2013, dans Trends in Ecology and Evolution, 28 (3).

À partir de la révolution industrielle et des progrès agronomiques et médicaux associés, l’humain va commencer à se croire de plus en plus capable de s’affranchir de la nature. Il va penser surtout à se l’assujettir et à la « dominer », en fait à se l’approprier pour lui-même, et s’est donc autorisé à éliminer et à détruire systé-matiquement tout ce qui le concurrençait ou le gênait dans ses activités et son développement. Cette mentalité dangereuse, amplifiée par un sentiment d’avoir « été créé » légitimement pour cela, a amené à la situation très préoccupante actuelle. C’est alors que science écologique et écologisme politique évolueront parallèlement, depuis le début des années 70.

En fait l’érosion de la biodiversité pour des raisons humaines, « non natu-relles » – méfions-nous quand même de ce terme, il ne faudrait pas qu’à ce prix, l’on sorte l’homme de la nature, il en fait partie intégrante –, disons plutôt « humaines et non humaines » a explosé avec deux grandeurs, la démographie humaine et le cortège des activités anthropiques associées, tout ceci relié aux progrès technologiques (figure 1). Au moment des balbutiements de l’agriculture, il y a quelques 10-12 000 ans, la Terre comptait environ 5 millions d’humains et toute la biomasse des humains et de leurs mammifères domestiques ne dépassait pas 1 % du total de la masse de tous les mammifères (5 000 espèces connues) alors qu’aujourd’hui elle dépasse 90 % ! En 1750, la population totale est esti-mée à moins de 800 millions d’habitants, 3 milliards en 1960, 7 en 2012, 9 en 2040 : il est clair que l’évolution de la courbe de la population humaine pour les époques récentes est édifiante.

Les causes majeures de l’effondrement actuel de la biodiversité sont au nombre de quatre (Lévêque et Monoulou, 2001 ; Bœuf, 2014), la première en expliquant à elle-seule les 2/3, la destruction et la pollution des habitats. Les autres sont la surexploitation des ressources naturelles, les ressources vivantes « étant naturelle-ment “renouvelables”, mais l’humain interdisant alors leur “renouvelabilité”, les seuils d’exploitation “harmonieuse” étant largement dépassés, la dissémination anarchique d’espèces partout sur la planète (la “roulette écologique”), devenant pour certaines des “invasives” » (Lefeuvre, 2013) et enfin le changement

clima-tique (Barbault, 2006 ; Walther et al., 2009 ; CSPNB, 2007-2012 ; Bœuf, 2014),

dans lequel l’humain a bien sa part.

Alors, que faire ?

En fait, ce développement durable, si annoncé et discuté, l’est-il pour long-temps ? Et pourquoi protéger la diversité biologique ? Le fonctionnement optimal des écosystèmes nécessite-t-il cette diversité spécifique actuelle ? La question est d’importance. Éthiquement (et bien souvent aussi économiquement !) chaque espèce est unique et irremplaçable : alors pourquoi accepterions-nous benoîte-ment de perdre notre capital et de laisser disparaître la moitié des espèces vivantes sur un à trois siècles ? Certains précisent que les écosystèmes « tourneront » aussi

bien avec beaucoup moins d’espèces mais alors, lesquelles sont « importantes » et comment les choisir ? Et saurons-nous faire cela ? Par exemple, de nombreux travaux démontrent que le paysage agricole peut aussi représenter un important réservoir de biodiversité pour peu que l’on respecte un minimum d’exigences biologiques et écologiques des milieux. Il faut donc arrêter ces monocultures intensives productivistes, exigeantes en engrais et pesticides et cesser le gaspillage insensé actuel (Hainzelin, 2013). La biodiversité augmente la productivité et préserve les écosystèmes à long terme : une diminution de la diversité végétale entraîne une réduction de la productivité (Hector, 2011). Une grande biodiver-sité aide à réduire la variabilité temporelle des écosystèmes en environnements

fluctuants (Loreau et al., 2001 ; Hainzelin, 2013). De toute façon, il nous faut

améliorer la finesse de nos analyses des populations et des habitats pour compléter nos connaissances sur l’évolution des milieux et mieux apprécier les extinctions réelles. Il est fort probable que la solution viendra d’un rapprochement harmo-nieux entre économie et écologie (Barbault (2006 ; Barbault et Weber, 2012 ;

Bateman et al., 2013), une réelle et durable réconciliation. Quel est le coût

économique de la pollution, de la destruction des milieux, de leur remise en état (quand cela est encore possible), de l’éradication de stocks vivants (normalement renouvelables, mais trop sollicités, bien au-delà de leurs capacités de régénéra-tion), de la dissémination anarchique des espèces ? La nature a t-elle un prix ?

Dans le document Quelle(s) valeur(s) pour la biodiversité ? (Page 41-57)