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pour différentes valeurs de la biodiversité

Dans le document Quelle(s) valeur(s) pour la biodiversité ? (Page 153-173)

Jérôme DUPRAS

Département des sciences naturelles, Université du Québec en Outaouais

L’origine du concept de biodiversité

D’un point de vue sémantique, le terme « biodiversité » est un néologisme issu des mots biologie et diversité. Thomas Lovejoy fut le premier à utiliser l’expression « diversité biologique » (en même temps que celui de « biologie de la conservation ») en 1980 pour englober toute la diversité du vivant et l’intégrer dans le vocable de la communauté scientifique. En 1986, lors de la préparation du National Forum on Biological Diversity tenu par le National Research Council, Walter Rosen utilise pour la première fois le mot biodiversité. Le terme sera cité pour la première fois dans une publication scientifique deux années plus tard par E.O. Wilson qui intitule ainsi l’ouvrage résumant le forum (Wilson, 1988) et définissant le concept comme « … la totalité de toutes les variations de tout le vivant ». Les définitions et conceptions modernes du vivant peuvent varier grandement, citons par exemple la vision holistique de l’hypothèse « Gaïa » de Lovelock et Margulis (1974) ou celle simplificatrice de Richard Dawkins et de son « gène égoïste » (1976). La définition la plus citée demeure celle adoptée au sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992 dans la Convention sur la Diversité Biologique où, à l’article 2, on pose la diversité biologique comme étant : « la variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie : cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes. » (p. 173, CDB, 1992).

Le passage de la notion de diversité biologique à biodiversité n’a pas qu’une répercussion sémantique, elle est concomitante à une appropriation sociale de la nature. La biodiversité n’est plus qu’objet de questionnements scientifiques, mais avec son imbrication dans des enjeux tels les droits de l’homme, la propriété

intellectuelle, la souveraineté des états ou encore le génie génétique, les nouveaux acteurs redéfinissent les frontières des interactions entre l’Être humain et son environnement. La biodiversité est devenue un concept d’une grande complexité qui concerne toutes les sociétés et individus. Ce n’est donc pas sans raison qu’à l’heure actuelle plusieurs associent une frange sociale à la biodiversité et qui, dans le même cadre de la protection des espèces, paysages, écosystèmes, gènes ou niches écologiques, proposent la protection de la diversité culturelle.

Perceptions et représentations sociales de la biodiversité

Il est clair que la diversité du vivant produit elle-même (avec l’apport d’un substrat inorganique) les composantes nécessaires à la vie, elle est donc essentielle à toute vie, celle de l’Être humain incluse. Par contre, vivre n’est pas seulement survivre et si l’on veut saisir l’entière contribution de la diversité biologique à la vie humaine, il faut la passer à travers le prisme des conceptions et perceptions anthropiques. C’est à l’interface de la relation Être humain-nature que l’on sera à même de définir quelles sont les valeurs sociales, psychologiques ou économiques qui décrivent les croyances et les convictions des individus ou sociétés et qui sont générées par la biodiversité. Les perceptions et représentations de la biodiversité varient selon les échelles et les cultures. La nature ne sera pas conçue de la même façon par un individu ou une société, tout comme la différence sera marquée entre la représentation entre une espèce « ordinaire », une espèce emblématique, un écosystème, un paysage ou de la biosphère. Qui plus est, l’intensité et les types de valeurs accordées à la nature seront bien différents pour une popula-tion autochtone qui vit grâce à ce qu’un écosystème lui fournit, des écologistes soucieux du sort des baleines ou une entreprise forestière qui reluque une partie de la forêt boréale.

Si la biodiversité peut être décrite en termes d’espèces, de fonctions, d’éco-systèmes et d’autres unités biologiques, la compréhension populaire du terme

est floue (Christie et al., 2006 ; Jacobsen et al., 2008). Cette incompréhension

peut mener à des incongruités dans la réflexion populaire, par exemple, une espèce vulnérable peut être autant valorisée que l’ensemble de la biodiversité (qui comprend théoriquement l’espèce en question) ou une importance démesurée peut être accordée à des espèces charismatiques (Jakobsson et Dragun, 2001 ;

Christie et al., 2006 ; Kontoleon et al., 2007). Ces schèmes de pensée peuvent

s’expliquer notamment via le lien entre la nature et moult éléments construisant la culture populaire, le dualisme cartésien entre l’esprit et la matière ou l’influence post-Lumières d’une nature analysée séparément de l’Être humain (Taylor, 2005). Dans les prochains paragraphes, nous discuterons comment la mouvance environnementaliste, le système économique et les religions ont contribué à ce que la biodiversité soit perçue par les occidentaux à la fois comme une nature « utile » et une nature « sauvage », mais où la dichotomie Être humain-nature est

généralement sous-tendue. La section ultérieure mettra en opposition ces valeurs à celles des cultures autochtones représentées ici par les savoirs traditionnels.

Divers événements participent à la naissance du courant

environnementa-liste et à la création du « culte de la nature sauvage » (cult of the wilderness),

citons les écrits de Henry David Thoreau (Walden or life in the woods, 1854)

ou de Georges Perkins Marsh (Man and Nature, 1864), la création du parc de

Yellowstone (1872) ou la création du Sierra Club par John Muir, la première ONG de défense de la nature (1892). Ce courant évolue dans la première moitié

du XXe siècle, notamment par les écrits d’Aldo Leopold (A sand county almanac

en 1949), vers une nouvelle conception des espaces protégés et de la biologie de la conservation en incorporant une démarche scientifique qui étaye un argumen-taire essentiellement contemplatif. La table est mise pour l’émergence populaire du courant environnementaliste dans les années 1960 en réaction à l’exhaustif développement économique et à l’importante exploitation des ressources natu-relles qui caractérisent les années d’après-guerre.

Le mouvement environnementaliste construit et s’approprie trois discours, la nouvelle conceptualisation de la pollution et de l’environnement (avec la

paru-tion de Silent spring de Rachel Carson (1962) et les démarches anti-nucléaires

de Barry Commoner comme déclencheurs principaux), l’augmentation de la population face à la disponibilité de ressources naturelles et nourriture (débat

lancé avec la parution de The Population Bomb de Paul Ehrlich en 1968 et du

Rapport Meadows, The Limits to Growth, en 1972) et la question énergétique concomitante à la crise du pétrole. Les répercussions sociales et politiques à l’émergence de l’environnementalisme sont grandes, d’un côté les adhésions de membres des ONGs explosent et l’on déclare « une journée de la Terre », alors que de l’autre les gestes politiques pro-environnement se multiplient (interdiction

du DDT par L’EPA en 1972, signature du Wilderness Act en 1964, conférence de

Stockholm en 1972, etc.). Depuis les années 1970, le culte de la nature sauvage a été principalement représenté au niveau activiste par le mouvement d’« écologie

profonde » (deep ecology) d’Arne Naess qui adopte une attitude biocentriste. Au

niveau politique ce mouvement est, selon Martinez-Alier (2002), bien vivant à l’échelle nationale dans les pays occidentaux de par un pourcentage croissant d’aires protégées et de restauration d’habitats sauvages et à l’échelle internationale par l’influence conversationniste des capitales occidentales sur les pays sous-déve-loppés ou en voie de développement, notamment via des organisations comme l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), WWF ou

Nature Conservancy. Inglehart (1990, 1999) suggère que l’intérêt croissant de l’occident pour une nature sauvage s’explique en termes post-matérialistes, plus les besoins matériels sont comblés, plus l’intérêt pour la nature s’accroît. Cet énoncé est contesté par ceux qui croient que la demande accrue pour la nature est plutôt générée par une réaction à la dégradation de l’environnement (Martinez-Alier, 2002, Ropke, 2004). Il n’en demeure pas moins qu’à travers ces question-nements une chose est certaine, la croissance des réflexions et de l’espace média

accordé aux enjeux environnementaux (multiplication par 17 dans les médias québécois entre 2003 et 2007 (Journal Le Soleil, 2008)) influence les perceptions et la construction sociale de la biodiversité.

Les marchés et le système économique influencent le comportement et la représentation de la biodiversité de plusieurs façons. Les principaux constituants de la théorie économique, la propriété privée des fruits de la production, la production de biens et services échangés sur des marchés, la recherche de profit, l’attribution de prix et de salaires constituent à ce chapitre les principaux éléments conditionneurs. La biodiversité intègre le système économique et y prend des formes variées. Elle peut constituer un intrant du système, un bien échangeable ou encore dynamiser les principes d’offre et de demande. En discutant de la soutenabilité du capitalisme et des ressources naturelles uniquement en termes purement économiques (capital, investissement, consommation, profit, salaire, coût ou encore attribution de prix), l’économie de l’environnement a participé à la construction d’une représentation monétarisée de la biodiversité (O’Connor, 1993). L’économie écologique s’est aussi avérée être génératrice de controverses quant à sa vision de la nature. L’attribution d’une valeur monétaire aux biens et services écologiques fournis par la nature présente aussi une vision souvent quali-fiée de réductrice et pouvant avoir un impact pernicieux sur la perception sociale de l’environnement (Grove-White, 1997 ; Pearce, 1998 ; Ludwig, 2000 ; Turner, 2003 ; Kremen, 2005). On peut illustrer la récente incorporation de l’environne-ment dans la logique des marchés en analysant le marketing ; la publicité verte a augmenté de 10 fois depuis 1990 et a triplé depuis 2006 (TerraChoice, 2009). On retrouve aussi une teinte économie à travers l’éducation relative à l’environ-nement. Par exemple, Scoullos (1995) avance que l’éducation relative à l’envi-ronnement est teintée des formes de développement économique. Les grands principes de cette forme d’éducation (UNESCO-UNEP, 1978 ; Hart, 1981 ; Tilsbury, 1995) réfèrent effectivement aux principes propres au développement durable ; les liens étroits entre économie, environnement et développement, les caractères sociaux de l’environnement, la prise en compte de perspectives locales et globales, etc.

Dans sa revue de la littérature sur la relation entre la religion et la nature, Vaillancourt (2001) montre que la presque totalité des religions ou spiritualités touche aux questions environnementales, tout en soulignant la cohérence variable entre enseignements, interprétations et pratiques corollairement à l’évolution des pensées et pratiques. La religion peut aussi bien posséder des affinités et ressem-blances avec la nature que nourrir des contradictions. Dans les deux cas, la pensée spirituelle participe à la culture des populations et influence les comportements. À titre d’exemple, certains ont tenté d’expliquer les origines de la crise actuelle par la pensée chrétienne. À titre d’exemple, Lynn White Jr. (1967) pose que cette religion est la plus anthropocentrique et a en quelque sorte « autorisé » l’exploi-tation de la nature sans considération pour elle. Cette vision est tempérée par de nombreux auteurs qui mettent en exergue certains caractères pro-nature dans

la littérature chrétienne (voir la spiritualité environnementale avec Saint Benoît, Saint François d’Assise ou Pierre Teilhard de Chardin comme figures embléma-tiques, tel que décrit par Beauchamp (1991)). En fait, depuis les théories de White et de ses contemporains, la réflexion sur la religion et la nature a été riche-ment nourrie par des penseurs d’horizons divers. Les trois pôles principaux de recherche sur le regard environnemental de la religion chrétienne s’axent autour de la spiritualité de la création (avec Dieu, les humains sont créateurs de l’uni-vers), l’intendance chrétienne (l’Être humain comme protecteur de la création) et l’éco-justice (les préoccupations éthiques de la religion chrétienne appliquées à l’environnement) (Vaillancourt et Cousineau, 1997). Un point tournant dans la relation entre environnementalisme et christianisme se produit en 1986 à Assise où des leaders religieux et du mouvement vert se rencontrent pour discuter de la contribution de la religion à la protection de l’environnement et créer le Réseau de la Conservation et de la Religion. En résumé, notons que l’évolution de la pensée ecclésiastique sur la biodiversité est en relative mutation en demeurant anthropocentriste et que ce discours se répercute sur la construction du système de valeurs des croyants.

Si le christianisme semble être une religion davantage anthropocentrée, à l’instar du judaïsme et de l’islam (Golliher, 1999), les philosophes de l’envi-ronnement proposent deux autres approches de l’éthique des interactions spiri-tuelles Être humain-Nature : le biocentrisme qui vise à établir une éthique et des principes moraux aux individus non-humains et l’écocentrisme où domine la logique d’interdépendance relationnelle des communautés biotique et abio-tique ( Golliher, 1999). Ils suggèrent que les religions et croyances orientales ( bouddhisme, hindouisme, bahaïsme, sihkisme, taoisme, jaïnisme) et l’écocen-trisme partagent des enseignements compatibles. Dans cette géométrie variable de la relation environnement et spiritualité, les religions et croyances autochtones et orientales sont souvent perçues comme celles montrant la plus grande intégra-tion de la nature (Golliher, 1999).

Les savoirs traditionnels

Pour illustrer la relation entre la nature et les peuples autochtones et comment la biodiversité y crée des valeurs, croyances et spiritualités, les prochains para-graphes donnent quelques exemples d’appropriations culturelles de la biodiver-sité. De prime abord, on pourra souligner qu’une grande différence entre les systèmes occidentaux et autochtones est que ces derniers intègrent habituelle-ment une dimension spirituelle et religieuse à la nature, vivante ou non. L’ani-misme que l’on retrouve dans beaucoup de sociétés autochtones impute vie et esprit à la nature, que ce soit des espèces vivantes, cours d’eau, forêts ou à plus large échelle, écosystèmes. C’est ce qui fait dire à Berkes (2008) que la principale différence entre les deux sciences écologiques est qu’elle revêt un caractère sacré

chez les autochtones. Toutefois, la démarcation entre sciences et connaissances traditionnelles et occidentales n’est pas toujours claire, les deux s’influençant mutuellement, les critères utilisés pour les discerner étant souvent flous et les structures de pouvoir qui les régissent, fondamentalement différentes (Agrawal, 1995). Les savoirs traditionnels, ou savoirs traditionnels écologiques lorsque l’on se réfère à une dynamique écosystémique, fournissent une bonne indication de l’imbrication de la biodiversité aux cultures autochtones. Bien qu’il y ait plusieurs définitions (les termes « savoir » et « traditionnel » peuvent être ambigüs), Berkes (2008) les décrit comme étant l’accumulation de connaissances et de croyances culturellement transmises de génération en génération et qui concerne les rela-tions entre les êtres vivants, dont l’Être humain, et leur environnement. Chez les autochtones, on conçoit habituellement les savoirs traditionnels non seulement comme un bagage de connaissances, mais comme un style de vie, axés à la fois sur les mots et l’action (McGregor, 2004).

L’émergence des savoirs traditionnels à l’extérieur des communautés et des cercles académiques se fait principalement au tournant des années 1990, mais on peut remonter au travail de Conklin en 1957 et d’autres de ses contemporains qui mesurèrent l’étendue et le potentiel des connaissances autochtones sur les plantes et animaux locaux. L’intérêt académique augmenta dans les décennies suivantes et aboutit au développement d’organisations internationales

intéres-sées aux questions des savoirs traditionnels, comme le Traditionnal Ecological

Knowledge Working Group de l’UICN ou le programme Man and the Biosphere de l’UNESCO (Posey, 1999). Ces activités menèrent à une augmentation des études sur les savoirs traditionnels, de la cueillette de données, des médias utilisés pour la transmission du savoir, etc. La popularité de ce discours se reflète dans les médias

populaires et culmine à un certain moment avec la couverture du magazine Time

intitulée “Lost tribes, lost knowledge” (Linden, 1991). À l’heure actuelle, les savoirs

traditionnels intègrent la science occidentale à plusieurs niveaux. Les prochains paragraphes illustrent comment ils participent à la création d’une information nouvelle, à la gestion des ressources naturelles, à la conservation de la biodiversité et à la médecine.

Une information nouvelle pour la science occidentale émerge des connais-sances traditionnelles sur la biodiversité, notamment au niveau de l’identification des espèces et des variétés, des comportements, des cycles de vie, des interac-tions entre les espèces ou entre le vivant et le non vivant et des dynamiques écosystémiques (Alcorn, 1993). Ces informations peuvent être précieuses pour, par exemple, l’agriculture, la restauration d’habitats, l’évaluation de l’intégrité d’écosystèmes ou encore les évaluations d’impacts sociaux et environnementaux de projets de développement. Dans ce dernier cas, dans les années 1970, on a commencé à reconnaître la crédibilité des communautés locales comme inter-prètes qualifiés de la nature, notamment par les consultations publiques tenues par le juge Bernier de 1974 à 1977 dans le Nord canadien pour les projets

d’oléoducs dans la vallée du fleuve Mackenzie et de barrages hydro-électriques de la baie James (Roué et Nakashima, 2002). Les informations que peuvent fournir les autochtones sont importantes à plusieurs niveaux, au niveau des impacts sur le nombre et le type d’espèces, leurs besoins élémentaires, leur comportement ou sur les traditions et visions des communautés elles-mêmes (Roué et Nakashima, 2002). Les savoirs traditionnels sont également de plus en plus utilisés dans la gestion des ressources naturelles. La vision de l’utilisation de la ressource chez les autochtones s’oppose à l’idée moderne et occidentale que la nature peut être contrôlée par l’humain. En ce sens, cette vision complémentaire entre savoirs traditionnels et connaissances scientifiques prend de l’importance et se reflète

dans la construction de modèles et de systèmes de gestion. Berkes et al. (2008)

soutiennent que l’utilisation expérimentale de savoirs traditionnels écologiques pour la gestion de ressources peut mener à des changements de politiques et favoriser la gestion adaptative. Cette gestion adaptative repose en grande partie sur la résilience des écosystèmes et des boucles de rétroaction. De nombreux exemples décrivent ces interactions, citons Menzies (2006) qui décrit dix cas d’intégration des savoirs traditionnels à la gestion d’écosystèmes forestiers et marins en Amérique du Nord.

Dans les projets de conservation de la biodiversité et d’aires protégées, les connaissances traditionnelles et la valorisation patrimoniale ont également une importance marquée. Ils peuvent prendre différents visages qui vont de la conception des espaces protégés à leur mise en place et à leur gestion (Ostrom, 1990 ; Menzies, 2006 ; Berkes, 2008). L’éthique guidant la protection de l’envi-ronnement dans les aires protégées est différente de chez les occidentaux : ils utilisent des caractères sociaux, tel le système des tabous, plutôt que légaux pour atteindre leurs objectifs (Berkes, 2008). À titre d’exemple, les forêts ou boisés

sacrés (sacred groves) nous montrent l’importance qu’ils ont pour la cohésion

sociale et la protection de la biodiversité à l’échelle mondiale. Ces espaces sont connus pour tirer leur origine des sociétés de chasseurs-cueilleurs possédant des croyances animistes (Berkes, 2008). Les communautés qui dédient ces parties de forêts aux ancêtres ou aux dieux établissent des normes et des règles sociales quant à son utilisation, généralement, on n’y autorise pas la chasse et la coupe d’arbres, mais on peut y prélever des plantes médicinales ou à carac-tère sacré (Berkes, 2008). Ces espaces sont des lieux de culte, générateurs de croyances qui participent à la transmission d’un savoir et de traditions, tout en fournissant des biens naturels chers aux communautés. La diversité biologique retrouvée dans ces espaces est grande, grâce à une protection et un entretien qui durent depuis plusieurs générations. Aujourd’hui, plusieurs traditions autoch-tones sont confrontées aux cultures occidentales dominantes. En reconnaissant les cultures et le caractère sacré qui sont rattachés à ces espaces forestiers, on cherche à la fois à revaloriser les traditions locales auprès des jeunes générations et à conserver de la biodiversité (Berkes, 2008). Contrairement à la pensée conservationniste occidentale qui est relativement récente, les préoccupations

de protection de la nature des autochtones sont complexes et très anciennes (Alcorn, 1993). Cette notion de conservation et d’utilisation durable de la biodiversité basée sur les traditions, connaissances ou pratiques des commu-nautés locales est clairement décrite dans l’article 8.j de la Convention sur la Diversité Biologique (1992).

Dans beaucoup de sociétés non occidentales, l’utilisation de la biodiversité pour la santé reflète une appréciation culturelle et spirituelle plus large que

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