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CHAPITRE I : Au cœur des nécessités économiques et impératifs diplomatiques, 1945-

1.1. La restauration de la légitimité française

1.1.2. Un « évolutionnisme social » dans les colonies

La Conférence de Brazzaville, tenue entre le 30 janvier et le 8 février 1944, est intervenue quelques mois suivant la première conférence réunissant les trois Grands (les États-Unis, l’URSS et la Grande-Bretagne), à Téhéran (28 novembre au 1er décembre 1943) où le débarquement de Normandie a été décidé. Elle avait donné lieu à de nombreux débats quant au lien qui devait

30 Raoul GIRARDET, op. cit., p. 187-188.

31 Walt W. ROSTOW, Les étapes de la croissance économique, Paris, Seuil, 1962.

32 Sur la question des investissements et de l’orientation de la production, il est possible de retracer certaines filiations

avec les écrits de Paul Leroy-Beaulieu. Un chapitre de son livre est d’ailleurs consacré au commerce colonial et son utilité pour la métropole. Paul LEROY-BEAULIEU, De la colonisation chez les peuples modernes, Paris, Guillaumin, 2e édition, 1882, pp. 542-565.

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dorénavant être établi entre la métropole et l’empire ainsi que sa nature. Dans un premier temps, il était requis des hommes politiques présents de tenter d’imaginer quelle serait la place des colonies dans la nouvelle constitution de la France d’après-guerre. En imbriquant les colonies dans les fondements de la République à venir, ces hommes s’assuraient que le gouvernement français puisse de conserver un contrôle étroit sur l’avenir des colonies françaises. Dans un second temps, cette constitution devait néanmoins être structurée de manière à prendre en considération les différences entre les territoires qui composaient l’empire, car tous n’avaient pas le même niveau de développement économique et d’expérience à l’exercice du pouvoir. L’Union française était issue de ces deux postulats et constituait le chef-lieu de la représentation politique de l’empire français. Elle rassemblait tous les territoires, quel que soit le niveau de développement.

Les conclusions de Brazzaville au sujet de l’autonomie des colonies s’apparentaient plutôt à un compromis entre les tendances fédéralistes et assimiliationnistes qui s’étaient manifestées à la Conférence de Brazzaville, donnant lieu à une formule hybride33. L’indépendance était hors de question, mais différents degrés d’autonomies étaient envisagés. Le statut des colonies était donc déterminé par les capacités des élites locales à administrer leurs propres affaires et du degré de développement des territoires non-autonomes. D’un point de vue normatif, l’acquisition de ces attributs dépendait du degré de connaissance et d’implantation du modèle de gouvernance français (sinon occidental) pour la gestion de la vie politique et économique. Par contre, ce savoir n’était uniquement mis en pratique et intégré dans les territoires où la métropole avait commencé à transmettre les connaissances relatives à son fonctionnement aux élites locales. Sans cet apprentissage des rouages de la politique et de l’administration française, les modes de gouvernance alignés à un autre modèle ne pouvaient pas spontanément le développer. Par conséquent, seules les colonies qui avaient profité d’un accompagnement vers la gestion des affaires locales avant la Seconde Guerre mondiale pouvaient prétendre avoir les caractéristiques requises pour obtenir un statut plus « évolué » au sein de l’Union française. Une évolution politique des colonies était reconnue comme un fait indéniable et naturel ; une évolution qui allait être faite en accord avec les principes démocratiques de la France. Cette marche vers la maturité politique était plutôt interprétée par les hommes politiques en place comme l’accession à une autonomie

33 Véronique DIMIER, « For a Republic “Diverse and Indivisible”? France’s Experience from the Colonial Past », Contemporary European History, 13, 1 (Février 2004), p. 48.

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suffisante pour que l’on envisage en métropole diverses formes de liens à établir entre les entités composant l’Union française, dont certaines ne pouvant fonctionner uniquement entre des territoires ayant une expérience du pouvoir. Ainsi, à Brazzaville, les hommes politiques présents avaient posé les balises du fonctionnement de l’Union français, mais ils l’avaient fait tout en sachant que le statut de ses composantes était susceptible d’être modifié. Une certaine latitude avait ainsi été laissée dans les textes à l’égard de cette notion.

Les recommandations de cette conférence posaient un principe fondamental dans la conception de l’organisation politique des colonies, celui de l’attachement à l’unité de la République comme il était possible de le constater dans le document final : « Les fins et l’œuvre de civilisation accomplie par la France dans les colonies écartent toute idée d’autonomie, toute possibilité d’évolution hors du bloc français de l’Empire ; La constitution éventuelle, même lointaine, de self-governments dans les colonies est à écarter34. » Il apparaissait d’emblée très clair que les débats au sujet du degré d’autonomie à accorder aux territoires d’outre-mer, au sens large du terme, s’étaient soldés par le rejet complet du modèle d’émancipation coloniale à l’anglaise35. L’accession à l’indépendance était perçue par les hommes politiques présents comme un abandon des colonies à elles-mêmes, alors que le devoir de la France envers elles n’était pas accompli dans son intégralité. « Nous n’avons certes pas la prétention que notre tâche est achevée » affirmait Luc Durand-Reville, vice- président de la Commission de la France d’outre-mer au Conseil de la République, « nous admettons au contraire bien volontiers que les progrès qui demeurent à accomplir sont encore bien plus considérables que ceux que nous avons pu réaliser dans le passé, et c’est pourquoi nous affirmons que notre départ équivaudrait à l’anéantissement de l’œuvre déjà réalisée et aboutirait à replonger le pays dans l’état de barbarie et d’anarchie dont, au prix d’efforts persévérants et de lourds sacrifices, nous l’avons tiré36. » Il semblait alors manifeste que le mythe colonial occupait

une place encore importante dans la manière de concevoir l’empire. De plus, comme le soulignait l’historien Raoul Girardet, l’historicité de l’entreprise coloniale avait réussi à imprégner profondément le mythe colonial dans le sentiment nationaliste, alors que le fait de renoncer aux

34 ANOM, 61 COL, AS, vol. 904-1, Recommandations adoptées par la Conférence africaine française (Brazzaville, 30 janvier 8 février 1944), 8 février 1944.

35 Pour une comparaison globale des modèles de décolonisation, voir : Wolfgang REINHARD, Die Uneterwerfung der Welt : Globalgeschichte der europäischen Expansion, 1415-2015, Munich, C.H.Beck, 2016.

36 Luc DURAND-REVILLE, « Afrique équatoriale », dans Noël BERNARD, La France d’outre-mer : sa situation actuelle, Paris, Plon, 1953, pp. 107-108.

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colonies équivalait à « s'engager irrémédiablement sur les chemins de la déchéance, accepter pour une nation riche d'un immense passé une amputation décisive de sa puissance, un recul irréversible de son prestige et de son rang37 ».

La Commission de la France d’outre-mer (appelée la Commission Monnerville) a été chargée de l’élaboration des textes juridiques sur lesquels reposerait l’Union française. Elle siégeait entre les mois de mai et juillet 1945 et avait comme toile de fond les récentes émeutes en Afrique du Nord38. La commission n’avait donc pas pour objet d’être le théâtre d’un débat politique et elle se basait largement sur les résultats de la Conférence de Brazzaville pour orienter les discussions. Les membres de cette commission rejetaient en conséquence la thèse assimilationniste présentée par le ministère des Colonies et établissaient, selon eux, « les bases qui conciliant à la fin les exigences d’une bonne administration et de la sauvegarde de l’influence française [permettaient] une organisation rationnelle de l’Union39 ». Le contexte politique dans lequel l’empire était plongé

depuis la fin des combats en Europe ajoutait une urgence à arriver à une formule qui allait être en accord avec ce qui avait déjà obtenu un consensus auprès des hommes politiques français. D’un côté, on y faisait notamment la promotion d’une structure d’allure fédérale en raison de la nature hétéroclite des colonies à regrouper. Elle serait « établie nécessairement en fonction du régime des territoires les plus autonomes, l’organisation de l’Union française doit être largement décentralisée40 ». D’un autre côté, on nuançait l’attribution de prérogatives aux colonies en soulignant que l’« on ne doit pas pour autant oublier que la communauté française dans le monde groupe des territoires hétérogènes inégalement évolués, mais tous insusceptibles d’être mis sur pied d’égalité avec la métropole au point de vue de leur développement41 ». La métropole accordait

donc aux colonies une autonomie limitée sur ses affaires internes, en raison de cette inaptitude à s’administrer et de leur « retard » politique et économique et se réservait certaines prérogatives pour cette raison : « Cette Charte doit donc comporter au profit de la métropole la réserve de certaines prérogatives indispensables42 ».

37 Raoul GIRARDET, op. cit., p. 237.

38 Elle est dénommée dans les ANOM comme la « Commission Monnerville-Jeanneney-Laurentie ». 39 MAE, K-Afrique, Général, vol. 37, Note a.s. Constitution d’une Union française, 11 avril 1945. 40 Ibid.

41 Ibid. 42 Ibid.

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C’est au nom de la mission civilisatrice de la France et du devoir qu’elle avait à conduire ses territoires vers le progrès que les membres de la Commission en étaient arrivés à cette conclusion sur la nécessité d’une structure fédérale à statuts variés. La Constitution à naître devait jeter les nouvelles bases légales du lien organique entre la France métropolitaine et les territoires non- autonomes sous sa responsabilité. Cette constitution incarnait une manière de réformer le système colonial de manière drastique, en incorporant des modifications majeures relatives aux différents rouages du fonctionnement de l’empire. La redéfinition post-1945 du rapport entre le centre et sa périphérie écartait d’emblée l’accession à l’indépendance prochaine des colonies43. Malgré tout,

la Commission suscitait un débat dans la mesure où, comme le rapportait l’historien Bruce Marshall, l’assentiment des élites autochtones était difficile à obtenir. Les conclusions auxquelles arrivait la commission Monnerville étaient interprétées à travers une lecture diamétralement opposée de celle des rédacteurs qui en étaient à l’origine : « Even when they used familiar language

to state general principles, their underlying values were often in conflict. » Il poursuit son analyse

en affirmant que les élites autochtones et les membres du gouvernement n’avaient ni les mêmes référents conceptuels et ni les mêmes objectifs : « Humanitarian values were so widely asserted

but there was little agreement on social and economic implications that might derive from such values. There was even more disagreement about the meaning of organizational concepts such as autonomy or federalism which clearly meant different things to different groups both within the metropole and overseas44. » Pour certaines élites africaines locales, ces concepts d’autonomie et

de fédéralisme faisaient davantage référence à une voie directe vers l’indépendance des colonies. Cependant, pour les membres du gouvernement provisoire, les notions de progrès et d’autonomie évoquaient plutôt une consolidation du lien entre la métropole et ses colonies pour la création d’une nouvelle architecture institutionnelle ainsi qu’un renforcement du modèle économique métropolitain dans l’outre-mer, juxtaposé à une décentralisation des affaires civiles courantes45.

D’ailleurs, Delavignette, en tant qu’intellectuel et homme politique actif, corroborait cette interprétation historique, car il affirmait lui-même que dans ce contexte, les significations d’un

43 Alain RUSCIO, op. cit., p. 28.

44 Bruce MARSHALL, The French Colonial Myth and Constitution-Making in the Fourth Republic. New Haven, Yale University Press, 1973, p. 270.

45 ANOM, 61 COL, AS, vol. 904-1, Recommandations adoptées par la Conférence africaine française (Brazzaville, 30 janvier 8 février 1944), 8 février 1944. ; MAE, K-Afrique, Général, vol. 37, Note a.s. Constitution d’une Union française, 11 avril 1945.

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même terme pouvaient diverger d’un interlocuteur à l’autre lors qu’il écrivait que : « Intégration qui ne signifiait pas assimilation. Indépendance qui ne voulait pas dire sécession46. » La mésentente constitutionnelle provenait en partie de ces interprétations divergentes des mêmes concepts et du fait que la commission traitant de cette question n’eût pas pour objet de discuter du degré d’indépendance ou d’autonomie des différents territoires composant l’empire ou de leur évolution post-1945. Elle devait plutôt servir à recueillir l’avis d’experts métropolitains et d’autres en provenance d’outre-mer, au sujet de la forme qu’allait revêtir l’empire français et des besoins institutionnels correspondants. La notion d’empire en elle-même n’était pas remise en cause, bien au contraire. Dans une note, Georges Bidault, ministre aux Affaires étrangères, affirmait à Paul Giacobbi, commissaire aux colonies, que la participation de représentants de l’outre-mer à titre d’experts orienterait défavorablement les travaux de la commission : « Déjà, – et dès la première séance, – un (sic) certain membre indigène, s’érigeant en porte-paroles de ses concitoyens, a prétendu contester le principe même du projet gouvernemental et formulé des revendications tendant en fait à réclamer l’indépendance totale des colonies47. » La Commission Monnerville

devenait le théâtre de débats que les instigateurs de cette commission croyaient clos.

C’est donc à la suite de longues et tortueuses discussions que la Constitution a été approuvée par référendum en 1946. Elle introduisait l’Union française et ses principes organisationnels dans les relations entre la France métropolitaine, les départements d’outre-mer, les pays et territoires d’outre-mer, les États associés ainsi que les territoires sous tutelle48. Certains éléments étaient mis

en évidence, tels que l’abolition de l’indigénat, mais les principes d’équité et de la « mission traditionnelle » de la France « pour conduire les peuples dont elle a pris la charge à la liberté de s’administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires49 » laissaient entendre que les structures de l’Union française allaient n’avoir pratiquement aucun poids politique, uniquement une vocation d’orienter les décisions politiques prises en métropole sur la

46 Robert DELAVIGNETTE, L’Afrique Noire française et son destin, Paris, Gallimard, 1962, p. 82. 47 MAE, K-Afrique, Général, vol. 37, Dépêche, ministre des Affaires étrangères, 19 avril 1945.

48 Les protectorats ont cependant fait l’objet de débats supplémentaires en raison de leur caractère particulier. Sur cette

question, voir : MAE, K-Afrique, Général, vol. 37, Note a.s. Constitution d’une Union française, 11 avril 1945. ; MAE, K-Afr, Général, vol. 37, Note pour le Sous-Secrétaire d’État, 1er juin 1946. ; MAE, K-Afrique, Général, vol. 37, Dépêche a.s. Constitution de l’Union française, évalué à juillet-août 196.

49 Voir titre VIII, articles 60 à 82 : « Constitution de 1946, IVe République », Conseil Constitutionnel,

http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/la-constitution/les-constitutions-de-la-france/ constitution-de-1946-ive-republique.5109.html, consulté le 13 janvier 2017.

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gouvernance des colonies et des États associés50. La Constitution du 27 octobre 1946 énonçait, au titre VIII, que le président de la République assurait la présidence générale de l’Union française. Il présidait également le Haut Conseil qui avait pour fonction « d’assister le gouvernement dans la conduite générale de l’Union et l’Assemblée51 » et dont chacun des États associés avait la liberté de désigner une représentation. Le dernier organe de l’Union française était l’Assemblée qui était « française est composée, pour moitié, de membres représentant la France métropolitaine et par moitié, de membres représentant les départements et territoires d’outre-mer et les États associés52 ». La vaste majorité des pouvoirs décisionnels demeuraient ainsi entre les mains du

Président de la République et de l’Assemblée dans laquelle une surreprésentation des intérêts métropolitains était patente.

Cette distribution des pouvoirs allait également dans le même sens que les recommandations de Brazzaville, alors qu’elles instituaient « une assemblée fédérale qui devra[it] s’occuper d’affirmer et garantir l’unité politique infrangible du monde français et respecter la liberté locale des territoires d’outre-mer53 ». On y accordait une « liberté administrative et économique » pour les populations autochtones, inaptes à l’exercice du pouvoir et à la gestion des affaires politiques. Celles-ci allaient pouvoir faire l’expérience « par eux-mêmes de cette liberté et que leur responsabilité est (sic) peu à peu formée et élevée afin qu’ils se trouvent associés à la gestion de la chose publique dans leur pays54 ». C’est donc par l’expérience acquise dans l’Union française, en vertu de cette nouvelle Constitution, que les élites locales indigènes allaient être en mesure – comme des enfants appelés à maturer sous la protection d’une figure paternelle – d’éprouver les difficultés et les écueils de la gouvernance afin de se préparer ultérieurement à la pratique de ce pouvoir.

Les principes par lesquels l’Union française a été créée comme le socle de l’organisation de l’empire après la guerre rendaient implicite la reconnaissance de l’acquisition de responsabilités croissantes pour les chefs de territoires dans les affaires courantes. Ils laissaient entendre aussi l’incapacité des élites indigènes à effectuer des choix éclairés allant au-delà des intérêts locaux

50 Frederick COOPER, op. cit., pp. 57-58; 225-226.

51 « Constitution de 1946, IVe République », Conseil Constitutionnel, op.cit. 52 Ibid.

53 ANOM, 61 COL, AS, vol. 904-1, Recommandations adoptées par la Conférence africaine française (Brazzaville, 30 janvier 8 février 1944), 8 février 1944.

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immédiats, à moins d’acquérir une expérience suffisante de la gouvernance pour ce faire. La Charte de San Francisco, ratifiée par la France, encourageait d’ailleurs l’évolution politique des colonies et en ce sens, elle ne faisait pas l’unanimité entre les différents ministères. Une des grandes failles de cette Charte résidait dans l’intégration maladroite des territoires plus évolués, comme les protectorats et les départements nord-africains dans la grande catégorie des territoires non- autonomes. Leur désir légitime d’une reconnaissance de leur « personnalité » distincte n’avait aucune adéquation concrète dans la Charte. Le gouvernement français avait favorisé une interprétation assez large du chapitre XI, soit la « Déclaration relative aux territoires non autonomes »55. Cette déclaration était en fait une ligne directrice pour les États signataires envers

les colonies qu’ils possédaient. Le chapitre XI reconnaissait la « primauté des intérêts des habitants de ces territoires » et une « obligation de favoriser dans toute la mesure possible leur prospérité, dans le cadre du système de paix et de sécurité internationales établi par la présente Charte ». Axé sur le progrès social, économique et politique des territoires non autonomes, l’article 73 stipulait que les États qui assumaient la responsabilité de ces territoires se devaient d’aligner leur politique en vue de « développer leur capacité de s’administrer elles-mêmes, de tenir compte des aspirations politiques des populations et de les aider dans le développement progressif de leurs libres institutions politiques, dans la mesure appropriée aux conditions particulières de chaque territoire et de ses populations et à leurs degrés variables de développement56 ».

Les déclarations de principes du gouvernement français étaient abondantes et péremptoires, mais demeuraient assez imprécises57. On cherchait à garantir au gouvernement la liberté de gestion de l’évolution politique des colonies. Cette évolution demeurait corollaire à l’attribution de responsabilités politiques en fonction de leur capacité de gestion des affaires locales et leur degré de développement. La Charte en elle-même laissait un flou quant à la forme qu’allait prendre l’évolution des territoires non-autonomes, car elle ne fournissait aucun critère pour définir un territoire qui était mûr pour l’accession à l’indépendance et elle ne proposait aucune date butoir ou date cible pour la réalisation de cette indépendance. Autrement dit, les gouvernements signataires étaient libres de définir eux-mêmes leurs échéanciers ainsi que le degré d’autonomie attribué aux

55 Organisation des Nations unies (ONU), « Chapitre XI : Déclaration relative aux territoires non autonomes », La Charte des Nations Unies, http://www.un.org/fr/sections/un-charter/chapter-xi/index.html, consulté le 23 août 2016. 56 Ibid.

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territoires non autonomes, en fonction de leur stade de développement, de leur expérience dans l’exercice de la politique et de leurs compétences de gestion des affaires locales. Les membres du gouvernement français se sont appuyés sur l’imprécision de ces critères onusiens pour justifier leur politique coloniale et la manière dont elle cadrait effectivement dans la déclaration sur les territoires non autonomes, puisque selon eux la notion d’autonomie en elle-même n’entrait pas en adéquation avec l’indépendance des colonies. Considérant l’indécision du gouvernement français d’après-guerre à fixer une orientation précise pour l’évolution politique des colonies, une série de variantes de l’autonomie était envisagée, avant de parvenir dans les faits à une indépendance totale, tel qu’il est prévu dans la Charte. Dans cette perspective, la notion de territoires autonomes –