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Les TZR et les ZIL du Centre-Médoc : des enseignants remplaçants dans le territoire

SOCIALISATION PAR LE TERRITOIRE

Encadré 8. Les TZR et les ZIL du Centre-Médoc : des enseignants remplaçants dans le territoire

Le TZR est un titulaire d’une zone de remplacement. Cette fonction amène le professeur des écoles à effectuer simultanément dans une circonscription plusieurs remplacements au sein d’une même zone. Le TZR peut enseigner dans quatre écoles différentes et dans des niveaux différents pendant une année. Souvent, il remplace des décharges de direction ou comble des temps partiels. A la rentrée 2018, les 12 postes de TZR de la circonscription de Caudrian sont mis au mouvement et requièrent, notamment ceux dont les écoles sont situées dans la partie Centre-Est du Médoc, le minimum de points au barème. Peu demandés, les postes de TZR sont souvent attribués aux entrants dans la carrière. Par conséquent, dans une équipe, il est très rare qu’une TZR reste en poste plus d’une année. Sur ces enseignants, Sabine dit que :

« (…) ce sont les remplaçants des décharges de direction. Le lundi elle (l’enseignante qui la remplace) fait une classe avec un niveau, le mardi une autre école et un autre niveau, pareil pour le jeudi et le vendredi, elle a de la maternelle au CM, et le mercredi elle est ZIL, là au niveau de la préparation c’est très compliqué. Là je reconnais que quand on a des maternelles, des CP, des CM, avec des écoles différentes, il faut s’adapter aux écoles, aux équipes, aux horaires, moi j’ trouve que c’est vraiment dur, euh, pour le coup c’est souvent des T1 qui ne sont pas sur le secteur donc ça fait de la route en plus. Ils viennent de Bordeaux, la T1 qui bosse ici, elle s’est trouvé un logement ici pour éviter de faire la route tous les jours. Moi je sais que j’ai échappé à ça, j’ai été très privilégiée. »

Flore, originaire d’Angers et fille d’une éducatrice de jeunes enfants et d’un mécanicien, titularisée comme PE en 2015 à 24 ans, est affectée dès sa première année en tant que TZR dans la circonscription de Caudrian :

« On découvre tout. Gérer la classe, faire des choses adaptées aux élèves. On voudrait tout de suite qu’ils apprennent, il y a un fossé entre ce que j’imagine chez moi et ce qui se passe en classe. Je complète le mi-temps d’Isabelle qui a un mi-mi-temps thérapeutique (…) je fais deux mi-mi-temps : j’ai le jeudi où je prends des groupes d’élèves. D’un côté c’est pas évident d’avoir deux-mi-temps mais en même temps, je n’ai pas la pression, ça ne dépend pas que de moi, d’un côté, ce n’est pas que ma classe, si je fais une bourde, l’enseignante va pouvoir récupérer ça ».

Ces discours sont exemplaires de la spécificité du travail de TZR en termes organisationnels, surtout lorsque les enseignants débutent dans le métier. Leur position se rapproche de celle des ZIL, remplaçants travaillant dans les « zones d'intervention localisée » (ZIL), qui sont affectés sur des remplacements de courte durée (moins de quinze jours). Ils remplacent les enseignants placés en congé maladie ou ceux partis en formation. Néanmoins, ces postes sont plus recherchés que les postes de TZR, parfois demandés pour obtenir une prime et des points supplémentaires au barème ou pour éviter d’avoir un « poste classe ». A la rentrée 2018, seul un des neuf postes de ZIL de la circonscription de Caudrian est mis au mouvement.

Sources :

Site de l’académie de Bordeaux, http://www.ac-bordeaux.fr/cid79515/personnels-enseignants.html#Remplacement

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Sabine104, la directrice, a 40 ans et enseigne dans l’école depuis sept ans. Affectée ici dès sa première année en tant que professeure des écoles, elle occupe, au moment de l’entretien, en 2016, la fonction de direction depuis un an. A propos de sa volonté d’enseigner dans cette école, Sabine livre les éléments suivants :

« J’avais demandé cette école pasque j’habitais dans le secteur. J’avais demandé les écoles qui m’intéressaient et je connaissais celles que j’voulais éviter. Ça fait longtemps que j’habite dans le Médoc (…), c’était un souhait de rester dans le Médoc (…). Après l’IUFM j’avais demandé des écoles ici et pour le coup, j’ai été tout de suite titulaire ! ». Lorsque Sabine arrive dans l’école, la majorité des membres de l’équipe « vient de partir ». Après cette déstabilisation, Sabine inaugure une nouvelle phase de stabilité du collectif enseignant. Dans le cadre de son ancrage résidentiel dans le Médoc, Sabine demande à être affectée dans cette école sur la base de sa « bonne réputation ». Comme le montre le cas de cette enseignante, le fait de connaître le territoire, parce qu’on y habite ou parce qu’on y travaille depuis plusieurs années, peut favoriser la mise en œuvre de stratégies efficaces d’ajustement des choix professionnels aux aspirations, tant professionnelles qu’extra-professionnelles. Autrement dit, la démarche de Sabine est significative de la force de l’ancienneté dans le territoire comme résident et/ou enseignant pour se trouver en « bonne position » professionnelle :

Sabine : « L’équipe est assez stable, sauf l’année dernière on a eu deux départs donc deux arrivées cette année, sinon le maître de la maternelle est là depuis 7 ans comme moi ! La plupart d’entre nous habitent dans le Médoc, moi Martinas, Patricia Mouras, Aurélie Peylet, Guillaume à Breaune. Mais tout le monde n’est pas du Médoc. Sur les postes-là, ces personnes étaient déjà sur le secteur avant de venir à Beuyen ».

Dans ce type d’écoles où les enseignants partagent un ancrage résidentiel dans le Médoc – il arrive qu’ils en soient originaires – et une ancienneté donnée dans la carrière (ils sont majoritairement en « milieu de carrière » et ont souvent travaillé dans une autre école auparavant), un travail collectif pour la stabilité, pièce maîtresse, selon eux, du « bon travail », est à l’œuvre. Ce travail consiste notamment en l’entretien d’un sentiment d’appartenance à un collectif passant par des expressions individuelles de solidarité et de volonté de mise en commun des ressources et des compétences pédagogiques, matérielles et « humaines ».

104 Sabine, fille de marin-pêcheur employé chez un armateur et d’une mère au foyer, mère de deux enfants, vit avec un technicien en Sécurité Incendie originaire du Médoc. Elle a passé une partie de son adolescence dans le Médoc.

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Sabine : « On travaille beaucoup en équipe, ma collègue a les moyens-grands et elle n’a pas d’ATSEM l’après-midi, l’année dernière elle en avait 28, on a mis en place du décloisonnement. On a fait le choix d’avoir des maternelles moins chargées. L’enseignant de petite section va dans les autres classes l’après-midi pendant le temps de sieste et euh…. L’enseignante des Moyenne Section (MS) et Grande Section (GS) a ses élèves sur un niveau l’après-midi. Toutes ces petites choses ça aide vraiment hein. Ça facilite, pour ça, il faut être partant pour le faire, mais ça facilite vraiment les choses. Et ben les parents sont ravis. Et puis ça m’évite de faire que des maths et du français, on fait beaucoup de manip’. Les enfants sont toujours très motivés, ça aide ».

Une bonne entente tant sur le plan pédagogique qu’interpersonnel estimée entre les enseignants apparaît favoriser la construction collective des projets pédagogiques. S’il est possible aux équipes d’œuvrer à la stabilité, à l’entretien des volontés individuelles à se maintenir dans le collectif, ce travail n’est pas sans limites. En effet, ces stabilisations peuvent être à tout moment rompues par une décision ou une obligation de départ. Comme le montre la situation de l’école François Mauriac à Sigalos, ces limites sont liées aux aléas de la vie des enseignants – santé, emploi des conjoints, projets immobiliers – mais aussi au système des affectations, avec les possibilités de mobilité qu’il offre.

Frédéric, né en 1983, est enseignant dans l’école élémentaire composée de deux classes, située à Sigalos, un village de moins de 600 habitants105. Affecté un an après avoir été titularisé en tant que professeur des écoles, il y enseigne pendant sept ans avec les deux mêmes collègues. Installé sur le territoire du Médoc avec sa conjointe, également professeure des écoles, Frédéric n’a pas l’intention de quitter le Médoc. Cependant, lorsque Gilles106, le directeur de l’école s’apprête à partir à la retraite, Frédéric nous fait part de ses intentions de partir également : « Si Gilles part, je partirai aussi ! » affirme-t-il, tout en soulignant l’instant d’après que l’autre collègue encore en poste aspire également à partir. Le directeur, également coordinateur du REP, n’est en charge de sa classe qu’une journée par semaine. Cependant, les deux autres professeurs des écoles disent se sentir bien dans l’école.

« On sait jamais, comme l’école est petite, on n’est que trois, si quelqu’un qui ne gère pas bien prend la place de Gilles, il faudra passer un an avec, je me dis que quand il s’en va, c’est l’occasion pour moi d’aller découvrir autre chose ! ».

105 Frédéric est originaire de Poitiers, fils d’une institutrice et d’un père employé dans une agence d’assurance. Père de trois enfants, il est marié à une professeure des écoles.

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Ici la possibilité que les choses se passent moins bien qu’en présence de Gilles impulse deux autres départs. Cette absence à venir non seulement affaiblit le collectif mais elle menace aussi sa survie. Les départs de collègues, et en l’occurrence, de directeurs (voir encadré 9 ci-dessous « La fonction de directeur d’école »), peuvent donc accélérer les démarches de mobilité, infléchir les manières d’envisager l’inscription dans les territoires. Plus généralement, la recomposition du personnel amorcée à l’école de Sigalos est significative des possibles basculements de la stabilité à l’instabilité des collectifs pédagogiques.

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