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Chapitre 3 Cadre conceptuel

3.1.2 Modèles de supervision pédagogique

3.1.4.1 Différents types de communautés

Du latin communis, le mot communauté est formé de la racine cum, qui signifie ensemble et de la racine munus qui signifie charges partagées et mutuelles. La communauté se rapporte donc à tout ce qu’un groupe de personnes (cum) a en commun (munus). Chaque communauté possède des caractéristiques distinctives : « une identité propre et une intention [ainsi qu’] un sens ou un objectif qui lui donne une cohérence et qui fait émerger une cohésion, caractéristique essentielle pour assurer une stabilité relative » (Orellana, 2002, p. 58).

Le concept de communauté d’apprentissage découle de celui d’organisation apprenante popularisé en 1978 aux États-Unis (Argyris et Schön, 1978). L’organisation apprenante est un lieu d’apprentissage où les individus perfectionnent collectivement, de manière continue, leur capacité d’atteindre les résultats escomptés (Senge, 1990). Le savoir est un construit social, dans aucun cas réduit à un échafaudage de connaissances individuelles.

Le tableau suivant distingue les différents types de communautés, à savoir la communauté de pratique (CP), la communauté d’apprentissage (CA) et la communauté d’apprentissage professionnelle (CAP). Il cible leurs buts et leurs composantes principales. Au regard de ces définitions, nous observons une certaine complexité notionnelle. En effet, il apparaît parfois difficile d’attribuer une appellation déterminée à une communauté apprenante en évolution. Dans les faits, quel que soit le type de communauté, « chacun des membres possède une expertise unique qui est explicitée et valorisée » (Savoie-Zajc, 2016). Aussi, les membres de chacune des communautés aspirent, par différents moyens, à réajuster leurs pratiques professionnelles.

Tableau 7

Les différents types de communautés (adapté de Leclerc et Labelle, 2013, p. 5)

Types de

communautés Définitions Buts poursuivis Composantes principales

Communauté de pratique (CP) (Wenger, 1999) Groupe de personnes ayant en commun un domaine d’expertise ou une pratique professionnelle qui se rencontrent pour échanger, partager et apprendre les uns des autres, face à face ou virtuellement. Réduction de l’isolement pour surmonter les défis rencontrés et amélioration de la pratique. Consolider l’identité des membres.

• Engagement mutuel de ses membres ; • Buts communs ; • Répertoire de connaissances partagé. Communauté d’apprentissage (CA)a (Savoie-Zajc, 2013 ; Schussler, 2003)

Dispositif qui vise au développement de la pratique pédagogique, à l’acquisition d’un savoir individuel et collectif et à la quête de sens. Partage de savoirs, de pratiques et de soutien entre collègues et coformation. Satisfaction de besoins cognitifs, affectifs et idéologiques. Communauté d’apprentissage professionnelle (CAP)b (DuFour et Eaker, 2004 ; Hord et Sommers, 2008 ; Leclerc, 2012) Mode de fonctionnement dans les écoles qui mise sur la collaboration de tous les intervenants et qui encourage le

personnel à entreprendre collectivement des activités et des réflexions pour améliorer

continuellement leurs connaissances ainsi que leurs compétences en vue d’obtenir de meilleurs résultats scolaires chez les élèves. L’élève est au cœur de l’ensemble des discussions. Amélioration continue des résultats des élèves par le développement professionnel des intervenants et leurs actions.

• Décisions basées sur des

preuves (culture de

recherche) → développement d’une culture de données provenant des réalisations des élèves ;

• Vision claire et partagée quant à la réussite des élèves ;

• Rencontres formelles où la structure favorise l’engagement et la concertation ; • Culture de collaboration ; • Leadership partagé ; • Développement professionnel et apprentissage collectif ; • Enquête collaborative ; • Pratique réflexive.

a Les participants de ce projet ont été accompagnés au moyen d’une communauté d’apprentissage par une équipe

de recherche. Ce mode sera étayé dans le chapitre suivant portant sur la méthodologie de l’étude. Dans ce projet, la communauté d’apprentissage constitue une étape préparatoire vers l’instauration de dispositifs de supervision pédagogique dans les différents milieux; cette supervision pédagogique pourra notamment se faire par la CAP dans une optique de supervision collective.

b La communauté d’apprentissage professionnelle (CAP) est un modèle de supervision collective de l’équipe-

école, sous le leadership de la direction d’établissement. La direction est amenée à aider le groupe à cheminer dans sa recherche de solutions. Elle le soutient dans les collectes et les analyses des données.

Les différents types de communautés se distinguent par leurs finalités respectives. En effet, la CP vise la réduction de l’isolement pour surmonter les défis rencontrés et l’amélioration de la pratique. Elle aspire à une consolidation de l’identité des membres (Bouchamma et Michaud, 2013; Wenger, 1999). La CA se distingue par ses objets d’apprentissage individuels et collectifs. En CA, les membres aspirent à un partage de savoirs et de pratiques, dans une visée de satisfaction de besoins cognitifs, affectifs et idéologiques. Enfin, la CAP aspire à l’amélioration continue des résultats des élèves par le développement professionnel des intervenants. Les décisions prises en CAP sont basées sur des données probantes sur la performance, la réussite et les attitudes des élèves.

Dans la partie suivante, nous conceptualisons la CAP comme modèle de supervision pédagogique collective.

3.1.4.1.1 CAP

Précisons que la CAP est d’abord et avant tout un véhicule d’accompagnement pédagogique de l’équipe-école sous le leadership de la direction d’établissement. Ainsi, la CAP devient aussi un véhicule de supervision pédagogique dans l’optique où la collecte des données, les analyses et les échanges dans les groupes débouchent vers le développement professionnel des enseignants, l’expérimentation et l’apport de réajustements afin d’améliorer les pratiques éducatives et la réussite des élèves. Ajoutons que la CAP ne doit pas conduire vers l’évaluation et le contrôle des enseignants. Le contenu des échanges en CAP ne doit pas être repris contre les enseignants (à d’autres fins que celles d’accompagnement et de développement professionnel) dans le cadre d’une démarche individuelle.

La CAP est définie comme un modèle de fonctionnement dans les établissements d’enseignement qui mise sur la collaboration de l’équipe-école et qui incite le personnel à entreprendre collectivement des activités et des réflexions dans la visée d’améliorer de façon continue les résultats scolaires des élèves (Roy et Hord, 2006). La CAP repose sur six fondements (DuFour et Eaker, 1998) :

1. La CAP nécessite un leadership partagé de la part de ses membres. Le leadership partagé se caractérise par des actions concertées entre la direction et le personnel accompagné, une interaction continue, un apprentissage collectif, des efforts individuels coordonnés à ceux collectifs et un partage des responsabilités quant aux résultats (Leclerc, 2012; Hord et Sommers, 2008; Spanneut, 2010). La direction doit favoriser une communication « du bas vers le haut ».

2. La CAP est fondée sur des visions et des valeurs communes. Cette unité repose sur le dialogue et un langage harmonisé.

3. La CAP est caractérisée par un apprentissage collectif. Elle doit permettre à des équipes interdépendantes de se soutenir entre elles afin de développer et de consolider des connaissances, des pratiques professionnelles et des habiletés. Ces objectifs atteints collectivement n’auraient pas pu l’être individuellement. Un équilibre doit cependant être atteint entre l’autonomie et la collaboration.

4. Un contexte (historique, professionnel, économique, politique, humain et physique) favorable, un climat de confiance et un accès facilité aux ressources (humaines, financières et matérielles) sont des éléments conjoncturels qui facilitent le développement de la CAP (DuFour et Eaker, 1998).

5. La CAP est fondée sur la communication d’expériences et de pratiques professionnelles. Les enseignants prennent conscience de leurs propres pratiques et conceptions de l’enseignement-apprentissage. Ils peuvent aussi en apprendre davantage sur d’autres pratiques nouvelles qui sont partagées par leurs pairs.

6. La CAP doit être orientée vers les résultats. Les discussions pédagogiques s’enrichissent grâce aux données d’observation; ces résultats analysés recentrent les échanges sur l’apprentissage des élèves. Dans ce contexte de gestion de l’apprentissage par des données, les enseignants prennent conscience de l’interdépendance qui doit être créée entre eux, surtout afin d’avoir des données complètes (Prud’homme et Leclerc, 2014). Enfin, en vue d’améliorer les résultats, les pédagogues évoluant en CAP sont continuellement à la recherche de nouvelles idées et de nouveaux procédés.

3.1.4.1.1.1 Pratiques des membres de la direction en CAP

La direction d’établissement assure le rôle de facilitateur dans le pilotage de la CAP. Différents chercheurs ont dressé des typologies de pratiques de la direction d’établissement dans une CAP. Nous retenons ici le cadre de DuFour et Eaker (2004, p. 209-225) qui expose cinq pratiques de la direction pour mener à bien la transformation de l’école en CAP. La direction doit :

1. diriger l’établissement par l’entremise d’une vision et de valeurs communes communiquées quotidiennement à l’équipe-école, plutôt qu’en dictant des règles et des procédures;

2. engager les enseignants à participer au processus de prise de décisions de l’école et leur donner le pouvoir d’agir, ce qui les encourage ainsi « à se considérer comme des leaders » (p. 225);

3. fournir aux membres l’information, la formation et l’encadrement dont ils ont besoin pour prendre des décisions avisées;

4. donner l’exemple d’un comportement conforme aux valeurs et à la vision de l’école; 5. créer des structures collaboratives axées sur l’enseignement et l’apprentissage.