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Chapitre 1 Contexte et problématique

1.2 Supervision pédagogique

1.2.4 Enjeux liés à la supervision pédagogique

1.2.4.1 Enjeux pratiques

Nous avons regroupé les principaux enjeux pratiques autour de six problématiques clés.

1. Manque de temps et exigences administratives lourdes

La priorité de la direction doit être l’apprentissage des élèves et la réussite de ces derniers, et non la gestion administrative de l’établissement (Kaser, Mundry, Stiules et Loucks-Horsley, 2013). Or, il semble que plusieurs membres de la direction n’arrivent pas à accorder le temps requis à cette priorité étant donné leurs autres exigences administratives (Bouchamma et Basque, 2012; Brassard et collab., 2004; Champoux-Lesage et collab., 2014; Veelen, Sleegers et Endedijk, 2017). Ce manque de temps est principalement marqué lorsqu’il est question de s'engager à long- terme dans l’instauration et le développement des structures d'apprentissage plus complexes et progressistes telles que la CAP (Hulsbos, Evers et Kessels, 2016). Parmi les tâches qui éclipsent la supervision pédagogique, les auteurs relèvent les activités liées à la logistique, au fonctionnement de l’école et à la collaboration avec les parents (Lapointe et collab., 2011). Cela étant, pour être opérante, la supervision pédagogique doit être une priorité de la direction d’établissement et de la direction générale de la commission scolaire (Lapointe et collab., 2011). À ce propos, tous les différents paliers du système éducatif doivent aligner et harmoniser leurs objectifs et leurs priorités pour encourager la mise en place de structures d’accompagnement (IsaBelle et Martineau-Vachon 2017). La direction superviseure doit enfin cibler ses priorités de supervision. Par exemple, en ce qui a trait à la supervision du personnel enseignant, la direction doit superviser, dans l’ordre : les enseignants à statut précaire, les enseignants en difficulté, le

nouveau personnel, les autres enseignants. Pour ce faire, elle doit concevoir un plan de supervision (comprenant des échéanciers) et s’engager à le respecter.

2. Perception de la supervision comme un moyen de contrôle et d’évaluation

Les directions hésitent à intervenir dans les domaines de gestion liés à la supervision des enseignants étant donné que « ce type d’intervention touche directement la sphère d’autonomie professionnelle » (Lapointe et collab., 2011, p. 207). Aussi, le fait de concevoir la supervision comme une forme d’évaluation chez les enseignants aurait pour conséquence de briser le lien de confiance entre le superviseur et le supervisé, ce qui entraîne une démobilisation des supervisés (Lapointe et Brassard, 2018; Zepeda, 2007). Un équilibre doit être atteint entre l’aide à apporter au supervisé et le contrôle à exercer par le superviseur. Enfin, des malentendus quant à la visée de la supervision peuvent même aller jusqu’au refus d’enseignants d’être supervisés (Lafortune, 2008).

3. Manque de différenciation

Le superviseur doit tenir compte des contributions culturelles, des expériences, des orientations et des styles d’un large éventail d’individus sous sa responsabilité (Gay, 2005; Witherspoon Arnold, 2016). Les auteurs notent toutefois un manque de différenciation des approches pédagogiques dans la supervision du personnel enseignant exercée par les directions (Benoliel et Schechter, 2017; Bouchamma, 2005; Mette et collab., 2015). En effet, les enseignants ne sont pas tous rendus au même niveau sur les plans personnels et professionnels et n’ont pas tous les mêmes besoins de développement. En conséquence, le superviseur doit planifier ses rencontres de supervision en tenant compte des niveaux de motivation, d’engagement et de compétence de chacun des supervisés (Dupuis, 2004). Aussi, afin de promouvoir le partage des connaissances et de pacifier les relations sociales, la direction arrive difficilement à prendre en considération les traits de personnalité des enseignants (ouverture à l’expérience, conscienciosité, extraversion, agréabilité et neuroticisme). Ces caractéristiques sont de première importance, car elles constituent des déterminants de la motivation des enseignants à interagir en CAP et à partager leurs connaissances (Benoliel et Schechter, 2017; Borgatti et Halgin, 2011).

4. Formation professionnelle limitée qui mine le pouvoir-agir

Les directions formées en supervision pédagogique sont davantage en mesure de s’assurer que tous les enseignants soient en mesure de répondre aux besoins des élèves (Kools et Stoll, 2016). Ce faisant, malgré les fortes pressions externes exercées sur les directions afin qu’elles assurent leur propre formation continue en accompagnement pédagogique (Hulsbos, Evers et Kessels, 2016), les écrits rendent compte du peu de formations professionnelles adressées à ces dernières qui portent sur le sujet. Certains auteurs estiment même que la majorité des membres de la direction d’établissement n’ont pas reçu la formation nécessaire en supervision pédagogique et que ces derniers manquent de ressources pour instaurer et maintenir des structures opérantes de professionnalisation (Cranston, 2009; Levine, 2005). Dans cet ordre d’idées, Bernatchez (2011) soutient que même si la formation continue est une condition essentielle au développement de ce savoir-agir, « les ressources consacrées à cette fin tendent à diminuer au fil des ans, minant ainsi le pouvoir-agir des directions d’établissement » (p. 170). Ce faisant, sans formation adéquate, « les directions peuvent éprouver des difficultés dans la tâche de supervision des enseignants, et en raison de cela, limiter leurs interventions dans le domaine » (Lapointe et Archambault, 2005, p. 51).

Enfin, bien que nous connaissions certains aspects des programmes éducatifs formels adressés aux directions d'établissement sur l’accompagnement pédagogique (Hulsbos, Evers et Kessels, 2016), nous en savons toujours peu sur l'apprentissage occasionnel et non formel des directions sur le sujet. Ces contextes de formation semblent constituer des moyens efficaces pour développer la compétence des directions afin d’instaurer un accompagnement pédagogique structuré, notamment en CAP (IsaBelle, Meunier et Gélinas-Proulx, 2016).

5. Limites de la supervision individuelle : expertise non reconnue à la direction, enseignements non contextualisés, isolement des enseignants et manque de temps

Les modèles de supervision individuelle du personnel enseignant présentent d’importantes limites. Premièrement, les enseignants perçoivent leur direction non pas comme une experte de

la pédagogie et des disciplines enseignées, mais plutôt comme une référence en processus, en démarche et en techniques d’animation (Barrère, 2006; Bouchamma, Giguère et April, 2016). Dans ce contexte, les enseignants valorisent davantage l’accompagnement par leurs pairs pour trouver des moyens de parfaire leur pratique professionnelle et améliorer la réussite de leurs élèves (Marshall, 2005).

Il arrive aussi que les « microévaluations » en supervision individuelle portent sur des enseignements isolés souvent non représentatifs de la réalité de l’enseignant. Ainsi, ces observations renforcent l’idée d’un enseignement incomplet et non contextualisé (Marshall, 2005).

Les auteurs observent également un isolement plus marqué des enseignants supervisés individuellement (Marshall, 2005). Cela limite notamment la diffusion des expertises et la réflexion collective.

Enfin, la plupart des membres de la direction se disent trop occupés pour assurer une supervision individuelle ponctuelle pour chacun des enseignants (Bouchamma et Basque, 2012; Hulsbos, Evers et Kessels, 2016; Veelen, Sleegers et Endedijk, 2017).

6. Limites de la supervision collective

Plusieurs recherches ont révélé que le travail collaboratif n’était ni une caractéristique inhérente traditionnelle des pratiques enseignantes ni un attribut du fonctionnement des établissements d’enseignement (Dembélé et collab., 2013; Leclerc, 2012; Little, 1990; Tardif et Borgès, 2014). À toutes proportions gardées, les enseignants saisiraient même moins les occasions de travailler en collaboration avec leurs pairs que ce qui est fait dans d’autres professions (Fullan, Hill et Crévola, 2006). Comme justificatifs, Tardif et Borgès (2014) relèvent le temps de travail non extensible et le travail des enseignants sous tension entre celui pour les élèves et celui consacré aux autres acteurs scolaires. Ainsi, les écrits relèvent l’importance de dégager du temps dans les horaires des enseignants pour que la supervision collective ne soit pas perçue par ces derniers comme une surcharge de travail. Cette pratique encore peu instaurée stimule le développement des

CAP (De Neve et Devos, 2017; Sleegers, den Brok, Verbiest, Moolenaar et Daly, 2013; Owen, 2014).

En ce qui a trait aux limites de la supervision collective chez le superviseur, les recherches rendent compte de compétences limitées des membres de la direction pour l’analyse de données et pour l’instauration de techniques qui favorisent la collaboration (Prud’Homme et Leclerc, 2014). Les auteurs constatent aussi le manque de ressources humaines et financières (Cranston, 2009;Hulsbos, Evers et Kessels, 2016). En outre, l’accompagnement dans la durée pour assurer la pérennité d’une supervision pédagogique collective, notamment en CAP, et la durée de l’engagement entre les partenaires constituent des défis majeurs (DuFour et Eaker, 1998; Leclerc, 2012). Enfin, le nombre d’acteurs à mobiliser par les directions d’établissement et la diversité des contextes, des conceptions et des intérêts des membres s’ajoutent à cette liste (Veelen, Sleegers et Endedijk, 2017). Toutefois, cette diversité (d’expériences, de représentations, de savoirs, de motivation, de sentiments, de discours et de pratiques) est non seulement inévitable, mais aussi nécessaire afin d’instaurer un dialogue soutenu et une collaboration fructueuse (Gonçalves, Nogueira et da Silva, 2016). La section 2.3.3.1.2 identifie les limites de la CAP comme modèle de supervision collective.